Axel Serto est chauffeur de bus dans le Pays des Merveilles Imaginaires.
Il assure la liaison sur la ligne Est/Ouest Capibara reliant les extrémités est et ouest de la cité du palais à bord de son autobus Tango, un antique véhicule qu’il entretient avec soin depuis qu’il a émigré au Pays des Merveilles, 15 années plus tôt.
Axel Serto est un grand latino à moustache. Simple, un peu rêveur, avenant avec ses passagers, il les transporte d’un bout à l’autre de la ville au son du tango qui anime son bus. Une petite scène est montée au milieu du bus, et le tout venant peut voir un couple danser au son de la musique lorsqu’il roule dans les rues tantôt cahoteuses, tantôt richement pavée, de la cité du palais.
Les archétypes de vieilles personnes apprécient particulièrement l‘ambiance feutrée de son trajet, qui file à travers les quartiers commerçants de l’est, traverse le marché des portes du palais, pour ensuite emprunter les quartiers chics aux maison luxueuses. La musique, calme et douce, et le spectacle des danseurs est particulièrement plaisant pour ces être fragiles et peu adeptes des sports extrêmes, au contraire de la ligne nord sud où la plupart des bus font résonner dans leurs cabines des airs de rock et de trance, surement pour éveiller les mines fatiguées des hommes d’affaires et des jeunes archétypes d’étudiants qui se rendent respectivement dans le quartiers des finances et dans celui des universités.
Ce jour là, Axel fini sa tournée et dirigea son autobus aux garages de la frontière est, juste avant les bas-fonds de la ville, qui encerclent celle-ci. Sa journée de travail était terminée et il sortit de son poste de pilotage pour rejoindre le collègue qui allaient prendre sa place sur la ligne pour assurer le service. Le temps de quelques minutes pour passer le relais, les deux archétypes purent discuter de leur quotidien.
Hijo, son remplaçant, finissait de diner avant d’entamer la tournée du soir, qui durerait jusqu’au petit matin. Ils étaient tout deux absolument identiques sur tous les points d’apparence : une bedaine proéminente, une chemise blanche sale où le bouton situé au niveau du ventre luttait pour sa survie, et moustache fournie sous une chevelure épaisse et mal coiffée.
Les deux conducteurs échangèrent une poignée de main et Axel s’attabla à coté de son collègue en sortant son repas, une sauce aux haricots rouges accompagné de riz citronné. Hijo, son remplaçant, but une grande gorgée de bière avant de s’adresser à son homologue.
_ Yé fais service de noui. y tou, tou fais service de noui bis ?
_ Si. Tou as trouvé des contrats pour moi ? répondit Axel, intéressé.
_ y’a oune bonhomme qui veut transporter des marchandises yousqu’à la forêt de los champignon.
_ Dondé esta ?
_ Place dou marché ; étal des sapes.
Axel s’esclaffa. Il voyait parfaitement de qui il s’agissait et quel type de marchandise il allait devoir transporter.
_ Ahhh si ! Yé connais. C’est bon, yé prends.
Hijo sorti un téléphone à clapet usé et composa un numéro. La ligne décrocha et il échangea quelques mots avec un interlocuteur avant de raccrocher. D’un frappement de main énergique, il invita Axel à se préparer. De toute façon, lui même allait prendre son service dans quelques minutes.
_ Prépare ton autobous, El muchacho t’attend dans quatrocento minoutes.
La perspective de pouvoir accomplir ce type de mission plut à Axel, qui fini son repas en vitesse et se hâta pour rejoindre son véhicule dont le moteur encore chaud démarra comme si il sortait du concessionnaire. Axel enfila une paire de lunette ronde réfléchissantes comme des miroirs de poche, un chapeau de paille et une chemise à fleur rouge pour remplacer celle qui lui servait au travail.
En à peine 10 minutes, l’autobus était sorti du dépôt, et pendant 25 minutes, Axel traversa la ville à une vitesse soutenue. Il venait d’enclencher un tango un peu plus rapide et ses danseurs, toujours occupé sur la piste de danse, faisaient virevolter leurs corps dans des gestes gracieux, afin de s’échauffer avant la vrai prestation de cette nuit. AU passage, il salua plusieurs collègues chauffeurs qu’il croisait d’un large geste de la main.
Axel et son bus débouchèrent à bonne allure dans les extrémité de la place des portes du palais. En cette heure avancée, les commerçant qui animaient le marché finissaient de débarrasser leurs étals et se hâtaient vers leurs habitations respectives, chargés de charrettes remplis des objets qu’ils n’avaient pas vendu durant la journée. L’ambiance de fin de journée était douce et agréable. Le soleil finissait de se cacher derrière les montagnes et la lune prenait sa place comme réceptacle pour les boules d’inspirations ; Le moment de transition parfait pour passer du statut de simple conducteur de bus à celui d’assistant contrebandier.
Il distingua, proche des portes, un petit attroupement de musiciens à longues tresses rasta, avec au centre d’eux, un homme richement vêtu d’un costume chamarré. Il était là. mais qui étaient ses petits babos qui l’entouraient ? Aucune idée. Il dirigea son véhicule vers le groupe et s’arrêta à leur niveau, tandis que l’homme coloré le suivait du regard avec un grand sourire. Axel sorti la tête par la fenêtre et s’adressa à lui d’une voix forte.
_ Sapelier ! C’est toi qui a demandé un service de transport ?
Le Sapelier fou lui répondit positivement en élargissant encore son sourire rieur.
petite note à l’attention du lecteur éberlué :
Croyez vous vraiment que le Chapelier Fou du pays des Merveilles ait réellement pu garder la forme que lui a originellement donné Lewis Caroll ? Non vraiment, il a tant de fois changer de forme qu’aujourd’hui, il est totalement différent de l’original. Ce Chapelier, que nous nommons Sapelier, en est donc son descendant.
Pourquoi ? Parce qu’à l’heure actuelle, il n’existe plus qu’une infime quantité de chapeliers dans le monde, alors que ceux-ci pullulaient du temps de l’auteur original. Si autrefois, il était aussi important de se coiffer d’un chapeau que de porter un pantalon aujourd’hui, ce n’est plus le cas de nos jours et les tête couvertes ne sont plus la norme. Lorsqu’il a été créé, le Chapelier Fou représentait toutes les conventions sociales, et les bonnes manières (qu’Alice ne respecte d’ailleurs pas vraiment lors du thé). Il a peu à peu été supplanter à la fois par l’émergence du prêt à porter et par le monopole grandissant de la casquette, icône de tête du XXème siècle sur tous les autres chapeaux.
Mais alors quelle figure peut bien avoir remplacer celle d’un amateur du bon gout et des bonnes manières, portant son art à un paroxysme excessif ? Celle d’un sapeur congolais. Et celui ci va vous le démontrer dans la suite de cette nouvelles et dans de prochaines aventures.
Le Sapelier Fou fit tourner entre ses mains sa canne en bois finement ouvragé en se dirigeant vers le véhicule d’Axel. D’un pas dansant. Le conducteur descendit pour s’approcher de l’étrange mais jovial personnage qui l’accueillit en levant les bras au ciel dans un cri de satisfaction enjoué.
_ Acouel ! Vous ici ! Les salutations de la part du prince de la sape et de toute sa clique de jeunes prétendant au style impeccable et implacable du Sapelieeeeeer Fouuu !
L’archétype, d’un peau tout à fait noir et d’une prestance élégante, portait une paire de lunette charmante qui embellissait son sourire communicatif. Il était vêtu d’un costume trois pièces bleu marine, d’un pantalon à pince et d’un nez papillon couleur lilla.
Un haut chapeau haut de forme ornait sa tête rappelait qu’il choisissait ses sapes avec une attention extrême. À sa boutonnière, un bouquet de fleur, venait apporter un peu de vert et sa montre d’argent venait compléter un pendule qu’il avait rentré dans sa poche et dont la chainette platine pendait avec une négligence tout à fait calculée. Axel aperçu derrière lui un groupe de jeunes hippies en saroual qui se faisaient passer des accessoires lillas, tant et si bien qu’on aurait penser qu’ils étaient ses étudiants. Le Sapelier Fou remarqua que son interlocuteur reluquait avec un air perplexe les jeunes gens et apporta son explication.
_ Ce sont les danseurs du Clair de Lune. Ils doivent eux aussi atteindre la forêt des champignons, et m’ont demandé si nous pouvions voyager ensemble dans votre…
Il tourna sa tête vers l’autobus et en scruta les contours. Il tapota la carrosserie de sa canne et s’enquit du bruit de la tôle. Il huma la chaleur du moteur avec satisfaction, tandis que son large sourire continuait d’éclairer son visage.
_ … Dans votre magnifique bolide de luxe ! AHH POUR SUR JE LE RECONNAIS LÀ ! Douze cylindres en V à injection. Du bel ouvrage ! Ingénieurie allemande. Civile bien sur. À la pointe de la civilisation et des techniques de maitrise du cylindrage.
Il se tourna vers Axel, curieux.
_ Quel carburant utilisez vous en ce moment ?
_ Dou tango pour la ville, dou merengue dés que nous aurons dépassé les bas-fonds et rejoint la route principale.
Le Sapelier joignit ses deux poings sous son menton et minauda de plaisir à la réponse d’Axel. Du Merengué, quel plaisir !
_ On transporte quoi ce soir ? reprit Axel, qui avait besoin de connaitre un peu mieux sa mission.
Les yeux du Sapelier s’allumèrent et il lui prit la main pour l’amener à une malle, dont les jeunes gens s’écartèrent, encore trop occupés par leurs échanges de babioles. L’exubérant personnage ouvrit le coffre pour en dévoiler le contenu et le commenter.
_ Myrrhe des rois mages, mana de différents mondes de fantasy, des sapes finement ouvragées par les elfes de la nuit du vieux continent, moustiques enfermé dans le fossile, et une gourde d’eau de la mare du lion.
Axel saisit la gourde transparente, et à travers le verre, il observa une figure de lion l’observer d’un air sévère tandis que dans sa tête résonnait une phrase : “n’oublie pas qui tu es”. Il reposa la fiole, admiratif devant la capacité du contrebandier à aller chercher des produits toujours plus excentriques dans les contrées imaginaires les plus éloignées. Il est clair que le Sapelier avait depuis longtemps terminé sa tasse de thé et était allé à la découverte du monde. Quant à savoir si il avait les autorisations pour importer ces biens au sein Pays des Merveilles Imaginaire, il était aussi stupide de poser cette question que de chercher la différence ou le point commun entre un corbeau et un bureau. L’importation de produits issue des autres Contrées Imaginaires était soumis à un contrôle stricte de la part des douanes du pays mais le Sapelier s’était illustré auprès des autorités pour outrepasser toutes cette paperasse. Pour lui, seul le style comptait, et si il se trouvait ailleurs, il courait le récupérer.
_ Et vous me payez combien pour ce trajet ?
_ Peanuts ! Une caisse précisément. répondit le Sapelier à la question de son futur conducteur.
_ Ça marche, en voiture ! répliqua Axel en topant dans sa main.
Il héla le petit groupe pour qu’ils rejoignent l’autobus et rangea la malle du Sapelier derrière son poste de pilotage. Tous s’installèrent et le latino démarra son véhicule. Le tango se mit à sonner dans l’habitacle et il se tourna vers la troupe pour annoncer que le voyage se ferait en deux parties pour ne pas attirer l’attention des autorités. Jusqu’à ce qu’ils sortent de la ville, il devraient se contenter de danser en couple bien sagement, puis, une fois les bas-fonds traversés, il lâcherait les fauves pour rejoindre rapidement le village du Clair de Lune, où ils termineraient leur voyage. Le Sapelier, assis sur la banquette avant, s’installa confortablement et se mis à briquer son pendule.
_ Nous portons. 20h30. Précisions. Le temps s’est de l’argent et j’ai beaucoup de temps. Autant que les étoiles dans le ciel qui se reflètent sur ce pendule : Fabrication artisanale par les nains sous la montagne. Cliquetis quantique. Seul à pouvoir supporter la charge du charisme de mon costume trois pièces. Élégant, coloré, raffiné dans les raffineries de style des ateliers d’Hermés, le dieu grec.
Axel, amusé, démarra le véhicule tandis que les danseurs se lançaient dans une chorégraphie langoureuse. Le bus entama sa course à une allure prudente, afin de ne pas attirer l’attention. La place du marché des Portes était adjacente au Palais de la Dame de Coeur, et les gardes royaux avaient l’habitude de contrôler tout le monde pour assurer l’ordre. Le Sapelier Fou pouvait d’ailleurs se targuer pour son culot absolu de venir vendre ses marchandises de contrebande au nez et à la barbe de la Dame et du Roi de Coeur. Mais par un mystérieux calcul, les cartes qui gardaient le palais le laissaient faire son commerce, et se contentaient de vérifier que celui ci ne vende pas d’armes ou d’objets dangereux. Quant à savoir si le vendeur à haut de forme appréciait cette attention, il avouait publiquement les détester et être victime, chez lui de leurs razzias incessantes dans ses stocks. Un genre de bakchiche en nature qui déplaisait fortement au Sapelier et à sa bande d’amateurs de thés.
Le véhicule roulant aux douces mélodies langoureuses prit la direction du nord ouest pour atteindre les limites de la ville, sans encombre. Au détour d’un carrefour du quartier commerçant, un quatre de Coeur sembla les remarquer. Il stoppa le conducteur d’un ton impérieux tandis que le Sapelier s’enfonçait dans son siège pour éviter d’attirer son attention ; peine perdu, car la carte remarqua son créancier et l’harangua après avoir salué aimablement le conducteur.
_ Hé Sapelier ! Te cache pas, tu me dois une chemise neuve.
_ En quelle honneur ? maugréa le commerçant qui était soudainement passé d’une attitude désinvolte à une aigreur non dissimulée. Le fait de se faire ainsi griller dans sa course venait de mettre à mal son égo et semblait bousculer son honneur de trafiquant.
_ Je sais pas. Le fait que je te laisse passer peut être, péon.
Le Sapelier fit résonner un tchip bruyant tandis que le Quatre de Coeur autorisait le passage d’un geste de la main dédaigneux. Il remercia d’un clin d’oeil Axel, confus par la situation. Ce dernier redémarra et continua sa route en jetant des coups d’oeil à son client, qui semblait se détendre à mesure qu’ils distanciaient la carte et ses sarcasmes.
_ Juste une amende…. jeta le Sapelier Fou pour faire redescendre la pression. Je lui en donnerait une tout droit issue des champs de canne à sucre, ça lui fera les pieds.
Axel continua sa route à petite allure sous la douce mélopée du tango et les danseurs du clair de lune restaient silencieux et calme. Une ambiance morose s’était installée dans le bus suite à cet arrêt inattendu. Mais les bas-fonds approchaient, ce qui signifiait qu’il s’approchait de la première zone de non droit où aucune carte ne viendrait les interpeller.
Au milieu de la nuit, les rues devinrent plus sombres à mesure que les habitations étaient de plus en plus délabrées. Sur la route, ils croisèrent une troupe d’enfant affairés à dépiauter quelques rats, des pères de famille alcooliques qui cuvaient sur le seuil de leurs bicoques, et de grands hommes pales à la recherche de bâtons de la mort ou de clients. Typiquement le genre d’endroit où un archétype pouvait se faire dépouiller en quelques minutes par des gamins voleurs ou de teigneuses masses de muscles décérébrées. Heureusement que les bas-fonds, qui entouraient la ville n’était qu’une mince bande de quelques pâtés de maisons, si nous pouvions appeler les taudis infects qui la composaient comme cela.
Enfin, l’autobus passa la frontière de la ville et s’engouffra sur la grande route qui permettait de rejoindre les villes secondaires et villages du Pays des Merveilles Imaginaire. Le sourire du Sapelier Fou lui était revenu à partir du moment où la petite compagnie avait atteint les taudis de la ville, où personne ne l’attaquait et où régulièrement, il faisait commerce avec les habitants.
Désormais, il était temps de s’enjailler. L’autobus Tango était sympathique pour les petits vieux, mais les jeunes gens qu’il transportait et lui même étaient de robustes archétype amateur de saveurs plus épicées. Il était tant de se transformer en autobus Merengue.
Le Sapelier toisa Axel avec impatience, réclamant de passer à la vitesse supérieur. Axel ralentit , se tourna vers la compagnie et annonça d’une voix forte.
_ Oh amigos ! On est sorti de la ville, maintenant on va accélérer, n’attachez pas vos ceintoures et ne restez pas sour vos sièges. Il va y avoir des zones de tourboulence et je veux ‘ou voir sauter dans como cabras.
Tout le monde exulta à l’idée de changer de carburant et un vivat résonna dans le bus. Axel claqua des doigts à l’adresse de ses danseurs. La piste de danse fut recouverte d’un jet de fumée acre pendant que les deux trublions sautèrent dans les allées et distribuèrent des baffes pour réveiller les malheureux babos qui s’étaient endormis, tout en saisissant deux trompettes au métal éclatant. La fumée se dissipant, laissa apparaitre un piano droit qui s’était téléporté là par magie avec un pianiste habillé d’un panama blanc et d’une chemise à fleur rouge, en tout point semblable à celle d’Axel. Alors que personne n’avait remarqué la présence de rideaux au niveau des compartiments à bagages au dessus des sièges, ceux-ci s’écartèrent pour laisser apparaitre une compagnie de percussionnistes tassé dans leurs petits espaces et affublée du même accoutrement que le reste des musiciens. Tous armés de bongos, triangles et aux joyeusetés musicales, ils hurlèrent à l’attention du public après que les trompettistes aient sonnés trois notes tonitruantes de leur instruments.
_ BAILA MERENGUE !
Ils vociférèrent en choeur un air fêtard deux fois de suite, variant les voix sur la deuxième partie. Trois nouveaux coups de trompettes sonnèrent. Et l’ambiance se déchira sous les percussions, les notes rapide du piano, et un contrebassiste révéla sa présence sur un des sièges, juste à coté de deux hippies ravis.
L’accélération du véhicule fut franche et tout le monde se cloua dans son siège. Une fois le rythme de croisière adopté, le Sapelier Fou se leva d’un bond et accompagna la musique de ses pas de danse sophistiquée comme celle d’un roi de la pop et du rock. Axel accompagna la troupe de musiciens en chantant d’une voix forte et assurée. Les hippies jetèrent leurs affaires en l’air dans un joyeux bordel et sautèrent de leurs sièges pour rejoindre la danse dans des déhanchements bien prononcés de leurs bassins. La température monta nettement au sein de l’habitacle durant le voyage.
Bien qu’ils ne parlent pas espagnol, les danseurs du Clair de Lune et le Sapelier fou comprirent parfaitement que les chants racontaient les histoires d’amours fougueux, de révoltes justes, et de bières fraiches savourées dans des communautés soudées. Le compteur de vitesse du bus était passé du simple au triple, et le véhicule filait à vive allure sur la route, sous les mains expertes d’Axel, qui conduisait à travers les routes, les petits chemins de terre, les vastes étendues d’herbes hautes et à travers des cours d’eau. Alors que le voyage à dos de monture-Oiseau se faisait en une demi journée, il ne fallut pas plus d’une heure pour rejoindre le village du Clair de Lune, situé à l’orée de la forêt des champignons, où résidait le Sapelier.
Tandis que les jeunes gens descendaient par la porte principale un à un, ravi de leur voyage et comblé par les effluves musicales qui résonnaient encore dans le bus, Axel et le Sapelier sortirent la malle et se félicitèrent d’être arrivé à bon port sans avoir été arrêtés par les autorités ou avoir renversé qui que ce soit. Le contrebandier complimenta Axel.
_ Ahhh ça ! Le voyage était de qualité supééérieur ! Costume impeccable. Nickel, aucune tache sur ma réputation car pantalon intact. Tes apôtres sont plus forts qu’une légion, chauffeur de bus et chauffeur de salle. TU as obtenu le respect de la Sape Universelle. Je crois qu’on va bientôt coper à nouveau.
Axel, satisfait de sa course et de la bonhommie du groupe, acquiesça à la proposition du contrebandier. Il n’avait pas beaucoup de clients ces derniers temps en service de nuit bis et celui-ci paraissait particulièrement agréable et bon payeur.
_ Volontier amigo ! Hésites pas à demander le fameux Axel Serto si tou a besoin d’un autre service. Je roule jusqu’à Louisport si tou a besoin.
_ Hééé, pas plus loin ? Tu ne veux pas faire un peu de transport de griffes avec moi ? Allez à Neverland, sur la Planète des Singes, dans les contrées imaginaires que tu n’as pas encore visité ? Et puis, tu pourrais vestonner au passage.
La perspective était alléchante pour le conducteur de bus. Cela nécessiterait qu’il prenne ses dispositions, mais pourquoi pas. Pour l’heure, il s’agissait de récupérer son du : peanuts.
_ On va déjà s’occuper de cette course si tou veux bien. Mais soit sour que je vais y réfléchir.
_ Tu veux tes peanuts, mon garçon !
Axel opina du chef et le Sapelier siffla en direction du village. Un homme chétif sortit en trombe d’une auberge. Vêtu de haillons rapiécés et pieds nu, il se précipita vers le Sapelier, posa devant lui une caisse, avant de s’enfuir pour se cacher derrière un tonneau. Le sapelier frappa de la pointe de sa canne sur le couvercle, qui s’ouvrit pour en révéler le contenu : Une collection de barre de chocolat sur laquelle était inscrit la marque “Peanuts”. Axel en saisit une, ouvrit l’emballage de papier plastifié et renifla le chocolat. Il croqua dedans pour vérifier sa qualité et constata que le Sapelier venait de le payer rubis sur l’ongle. Axel lui serra la main avec enthousiasme.
Peut être qu’une nouvelle aventure professionnelle s’ouvrait à lui.