Je reprends doucement conscience en réalisant que je ne suis pas au chaud dans ma tanière avec ma meute. Je ne sais plus où je suis, je n’ai aucun repère. Je sais seulement que j’ai froid. Le froid est partout, il m’envahi. Il traverse ma fourrure, pourtant épaisse. Je suis aveugle, dans un cocon plus sombre que la nuit. Je me sens piégée sous une masse bien trop lourde. Je ne me souviens pas tout de suite de ce qui m’écrase. Ce poids m’étouffe. Le silence m’entoure, m’oppresse. Je me sens seule, perdue. J’essaie de me débattre, je dois trouver une prise, quelque chose. Un moyen de m’extirper de ce poids glacial.
D’un coup, je me souviens. L’avalanche. Elle a été terrible, je n’ai pas pu courir assez vite pour lui échapper. Me voilà donc ensevelie sous la neige. Je dois utiliser mes griffes pour me hisser. Alors j’appuie de toutes mes forces sur la glace, la neige, les blocs. Je remue la neige avec mon museau pour me frayer un chemin. J’ai de la chance, si je peux bouger ainsi c’est que je suis proche de la surface. Alors je continue, je griffe, j’arrache la glace, de plus en plus fort, de plus en plus vite.
Enfin j’aperçois une teinte bleutée à travers la paroi enneigée. Je donne un coup de patte qui suffit à la faire bouger, puis tomber. La lumière se glisse plus facilement jusqu’à moi, elle m’encourage à la rejoindre. J’avance péniblement en dérapant, je m’accroche et je pousse sur mes pattes en me tortillant.
Enfin ma tête atteint la surface ! Je respire, cela me fait du bien malgré l’air froid. Je m’extirpe de ma carapace de neige pour de bon, me voilà libre. Libre mais gelée et trempée jusqu’aux os. J’ai tellement froid ! Il faut que je me sèche pour me réchauffer. J’observe les alentours en espérant voir une silhouette familière. Mais je ne vois personne, aucune fourrure grise ou brune à l’horizon. Je suis entourée d’un désert blanc chaotique. L’avalanche a recouvert cette partie de la forêt d’un manteau blanc. Peut être qu’ils lui ont échappé et que quelqu’un est déjà à ma recherche. L'avalanche doit être récente, sinon je ne serai déjà plus de ce monde. Alors je garde espoir, et j’appelle :
- Il y a quelqu’un ? Mia ?
Seul le vent sifflant à mes oreilles me répond. J’insiste quand même :
- Père, mère ? Est-ce que vous m’entendez ?
S’il vous plait, j’ai besoin de vous.
Je hurlai en priant pour entendre une réponse :
- Je suis là, je suis sortie, je suis vivante !
Et s’ils étaient tous sous l’épaisse couche de neige ? S’ils n’avaient pas pu s’échapper et étaient enfouis encore plus profondément que je ne l’étais ? J’étais la seule à la traine quand la coulée est arrivée, mais je devrais les chercher quand même ! Je me réchaufferais plus tard, retrouver les miens est ma priorité.
Point de vue original que celui d'un animal. Je suis curieuse de savoir où cette histoire nous mène.