Le 29 février.
Le jour qui n’existait pas.
Ce jour qui n’aurait jamais dû exister.
Loran ne l’avait jamais connu.
Natif martien, il n’en avait jamais eu besoin.
Peu de temps après le début de l’Insurrection Martienne, la Confédération Martienne avait renversé toutes ces conventions géocentrées.
Un premier calendrier arècentré, nommé en l’honneur du dieu grec Arès, avait été adopté.
Le concept d’heure avait été abandonné, pour laisser place à la « division arèsienne » (DA) d’une durée de 211 minutes. Chaque jour était ainsi divisé en 7 DA, ce qui permettait d’identifier plus facilement les différentes phases de la journée que ces stupides heures.
Plus besoin de correction du calendrier, avec un jour apparaissant une fois tous les quatre ans.
Les Terriens semblaient incapables de se passer de leur Histoire pour s’adapter.
Les Martiens n’avaient pas ces limites.
Les technologies Martiennes étaient sans pareil sur l’ensemble du système solaire.
L’ouverture sexuelle était à la place qu’elle aurait dû occuper depuis bien longtemps sur Terre, celle d’une évidence.
L’art Martien, né de l’expression inégalée d’une volonté de survie était associé aux courants artistiques les plus prolifiques de l’histoire humaine.
Même les profils politiques des cités Martiennes avaient su tirer parti des erreurs de leur mère abrutie. Chaque Martien, à ses 17 ans, était libre de choisir la cité dans laquelle il vivrait.
Les luttes idéologiques inutiles n’avaient plus lieu. Les débats étaient devenus constructifs.
Bien entendu, tout n’était pas parfait.
C’était tout à fait impossible, pensa Loran.
Rien ne serait jamais parfait.
Mais le système Martien était probablement ce qui s’en approchait le plus.
Loran serra les commandes de son chasseur.
Le discours qu’il entendait dans ses oreillettes lui arrachait bien des pensées.
L’orateur choisi était diablement efficace.
Tous les pilotes de la flotte savaient pourquoi ils entendaient cela.
Chacun connaissait ces réflexions millénaires sur le moral d’un soldat avant la bataille.
La façon dont collectivement, ils pouvaient renverser l’histoire s’ils étaient bien menés.
Et ils s’en foutaient.
Plus rien n’importait désormais.
Ces pilotes ne voulaient pas marquer l’histoire.
Ils voulaient la renverser.
L’annihiler.
Rendre à la Terre ce qu’ils avaient reçu.
Pour la toute dernière fois.
Le Haut Commandement de la flotte d’Arès avait choisi ce jour symbolique pour prendre sa revanche.
Huit ans plus tôt, en ce jour impardonnable, la Terre avait commis l’impensable.
L’Insurrection gagnait du terrain.
La Lune était tombée depuis un mois.
Les stations spatiales s’apprêtaient à céder face aux bombardements incessants.
La victoire était à portée de main,
Et la liberté à saisir.
Mais la Terre ne perd jamais.
L’Humanité est toujours gagnante, disaient-ils.
Un objet issu de la Ceinture Principale d’astéroïdes avait été repéré par les Observatoires Martiens.
Sa trajectoire aurait dû le rendre inoffensif.
Mais une bombe Terrienne changea la donne.
Et l’astéroïde détruit Mars.
« Mars, la Rouge » était tombée.
Des milliards de vies éradiquées.
Les « secours » dépêchés sur place avaient achevé les rares survivants du désastre.
Les médias terrestres le présentèrent comme la plus grande victoire de l’Union Humaine.
Les Martiens le voyaient comme le jour où l’Humanité sombra dans la folie.
Refusant de ne fêter cette « grande victoire » qu’une fois tous les quatre ans, les gouvernements de l’Union Humaine décrétèrent que celle-ci pourrait être célébrée tous les jours de chaque année.
Seules les flottes militaires arèsiennes, éparpillées dans tout le système solaire, avaient survécu au massacre.
Loran était l’un d’entre eux.
Comme beaucoup d’autres Martiens, il avait fait le serment de se venger.
Aujourd’hui était venu le grand jour.
Les flottes arèsiennes auraient pu se disperser, se reconstruire ailleurs, se rebâtir, pour enfin prendre faire payer le sang de Mars dans quelques générations.
Lors de la grande réunion des derniers Martiens, il en fut décidé autrement.
Ceux qui avaient fait couler le sang de Mars ne seraient plus là pour voir la Terre tomber aux mains des Martiens.
Il fallait agir le plus tôt possible.
Se tuant à la tâche, les scientifiques de la flotte parvinrent après plusieurs années à assembler quelques bombes à gravitons.
Seule, le dispositif était assez inutile : facile à repérer, long à se déclencher, il était totalement inadapté pour s’attaquer aux flottes Terriennes.
De plus, la bombe ne pouvait être utilisée contre une planète entière, comme la Terre, tant elle était massive. Des missiles à longue portée l’aurait détruite très facilement.
Le génie du commandement militaire fut d’en construire six, aussi puissantes que possibles, de les rendre aussi résistantes que possibles, puis de les activer aussi proche que possible du Soleil.
L’étoile, soumise à une nouvelle masse importante, passerait dans une nouvelle phase de fusion, ce qui l’entraînerait éventuellement en supernova.
La Terre n’y survivrait pas.
La flotte arèsienne non plus.
Les Martiens, dans leur folie, aurait enfin leur revanche.
Ce 29 février serait leur jour.
Ce jour qui n’existerait plus.
Ce n’est pas que ce jour qui n’existera plus, manifestement. Tu as trouvé une manière très originale de traiter le thème. La guerre, qu’elle soit livrée sur terre ou dans l’espace, ce n’est pas mon truc, mais tu arrives à raconter cette histoire dans un style simple et épuré, sans nous asperger d’hémoglobine. On ne voit qu’un grand feu d’artifice et ça suffit pour comprendre. Entre l’humanité et la martiennité – si je peux le dire ainsi –, il n’y en a pas une pour rattraper l’autre...
Coquilles et remarques :
— Peu de temps après le début de l’Insurrection Martienne, la Confédération Martienne avait renversé [majuscules abusives : l’insurrection martienne / la Confédération martienne]
— Un premier calendrier arècentré, / la « division arèsienne » [arécentré / arésienne ; selon la règle de dérivation, les accents graves se transforment en accents aigus]
— Les technologies Martiennes / L’art Martien / des cités Martiennes / le système Martien [martien, martiennes ; ce sont des adjectifs, les majuscules sont donc abusives]
— sur l’ensemble du système solaire [du Système solaire]
— ils pouvaient renverser l’histoire s’ils étaient bien menés / Ces pilotes ne voulaient pas marquer l’histoire. [La majuscule n’est pas obligatoire à Histoire, mais ici, elle permet de lever une ambiguïté.]
— Le Haut Commandement de la flotte d’Arès [le haut commandement (sans majuscules)]
— L’Insurrection gagnait du terrain. [L’insurrection (sans majuscule)]
— Un objet issu de la Ceinture Principale d’astéroïdes avait été repéré par les Observatoires Martiens. [Encore des majuscules abusives : la Ceinture principale / les observatoires martiens]
— Mais une bombe Terrienne changea la donne [terrienne ; pas de majuscule aux adjectifs]
— Et l’astéroïde détruit Mars [détruisit]
— la plus grande victoire de l’Union Humaine / les gouvernements de l’Union Humaine [l’Union humaine ; pas de majuscule aux adjectifs]
— Seules les flottes militaires arèsiennes, éparpillées dans tout le système solaire, avaient survécu au massacre / Les flottes arèsiennes auraient pu se disperser [arésiennes (les deux fois) / Système solaire]
— se reconstruire ailleurs, se rebâtir, pour enfin prendre faire payer le sang de Mars [« prendre » est en trop]
— Se tuant à la tâche, les scientifiques de la flotte parvinrent après plusieurs années à assembler quelques bombes à gravitons. [Il faudrait mettre « après plusieurs années » entre deux virgules]
— Seule, le dispositif était assez inutile : facile à repérer, long à se déclencher, il était totalement inadapté pour s’attaquer aux flottes Terriennes. [Seul / terriennes]
— Des missiles à longue portée l’aurait détruite très facilement [l’auraient détruite]
— aussi puissantes que possibles, de les rendre aussi résistantes que possibles, puis de les activer aussi proche que possible du Soleil [que possible (les deux fois) / aussi près que possible]
— La flotte arèsienne non plus [arésienne]
— Les Martiens, dans leur folie, aurait enfin leur revanche [auraient]
En revanche, tu m'as fait réaliser que je ne connaissais pas les conventions relatives aux majuscules abusives, notamment dans les adjectifs relatifs aux nations ou peuples. Je vais me renseigner pour éviter de refaire ces fautes !
Bravo à toi pour ta participation !
Je n'ai pas encore eu le temps de me plonger dans les autres histoires du concours, mais je commencerai par la tienne, je suis curieux de lire ton histoire !
C'est clair et concis. Bravo !
Le rythme très court des phrases m'a, au début, un peu déstabilisée, mais je trouve finalement que ça donne un effet d'urgence intéressant !
Ce n'est pas le genre de Nouvelle que j'ai l'habitude de lire mais j'ai aimé ! (la nouveauté c'est la vie !)
Ohlala, je n'aurais jamais pu écrire un truc pareil. Tu m'as embarquée dans cette guerre interplanétaire. C'est très bien vu! Mais j'espère que ce n'est pas vrai...
Merci beaucoup pour ton commentaire !
J'aime beaucoup l'angle d'approche futuriste ! Cela change de ce que j'ai pu lire jusqu'à maintenant, excellente idée !
Le rythme monte progressivement, jusqu'à l'explication finale, c'est très bien mené.
Avec les contraintes du concours, je n'ai pas vraiment pu travailler sur le texte en détail, mais je me rattraperai sur d'autres histoires !
Joli rythme dans cette nouvelle aux couleurs militaires. On rentre totalement dans l'esprit décidé de ton perso qui se lance dans ce combat
Merci pour ce joli texte !