Le baiser de Solenne

Par vefree
Notes de l’auteur : Point de vue non développé de Léo, mon personnage masculiin dans Les Pérégrinations d'une cuisinière.
Je vous souhaite une bonne lecture
 

 

La portière du taxi sur le quai venait de claquer sur son sourire espiègle et j’avais encore la chaleur de ses lèvres sur les miennes. 

 

J’étais figé là, sur le pont du Syracuse et je ne comprenais pas. Le baiser qu’elle venait de me donner avait fichu mes plus belles certitudes par terre. J’étais là, sur un yacht de luxe, mon lieu de travail, ma cuisine, ma brigade, mes collègues... Elle s’est trouvée à bord pendant trois jours et elle a tout brisé. D’un seul baiser. Et je n’ai rien maîtrisé. 

 

Une main se posa sur mon épaule, cela me fit comme un électrochoc.

«Tombeur, va ! se moqua Philippe, le chef de cabine. Et dire que tu ne pouvais pas la saquer, au départ...»

 

Je devais redresser la situation. Et vite. Après le départ des clients, j’ai respiré un grand coup, redressé les épaules, effacé de mon visage cet horrible douceur qui ne me va pas au teint et j’ai rejoint mes fourneaux, déterminé à ne pas me laisser déstabiliser par une inconnue aussi troublante soit-elle. Je me suis noyé dans l’activité. Plus exigeant qu’à l’accoutumée, mes collègues n’arrivaient pas à suivre le rythme. Même le capitaine Villeneuve s’étonnait du zèle que je mettais dans ma cuisine.

 

Expliquer ce qui arrivait ? Sûrement pas ! Et ma fierté alors ? Moi qui passait pour un bourreau des cœurs, il n’était pas question de s’abaisser à avouer qu’un seul baiser d’une femme, de celle-là en particulier, avait pu me bouleverser jusqu’au tréfonds. Je suis pragmatique, moi. J’ai les pieds sur terre. Et rien ne saurait me faire dévier de ma route. Non. Rien !

 

Sauf elle. Je l’avoue, maintenant. J’avais planifié ma carrière. Je savais qu’après les cuisines du Syracuse je serai appelé à servir les grands de ce monde. Je visais l’Elysée. Quoi ?! J’avais rencontré le premier ministre auparavant, lors de sa venue à bord. Il me promettait un avenir faste si j’acceptai de me consacrer entièrement à son assiette et de me présenter au président. Une telle perspective, ça s’envisage avec sérieux.

 

Seulement voilà, Solenne et son baiser... Etrangement, l’Elysée avait soudain perdu de ses dorures. Le clinquant d’un avenir prometteur avait pâli. Du moins, c’était du jamais vu ni connu pour moi. Et pourtant, les sentiments que j’éprouvais m’étaient étrangement familiers, revenus d’outre-tombe. Je ne sais pas pourquoi. C’était très profond.

 

Il s’est passé plusieurs jours... plusieurs semaines, en fait, avant que... Oui, il fallait que je la retrouve. Je ne pouvais plus vivre ainsi. La cuisine sur un navire de luxe, c’était bien un temps. L’Elysée ? Bah... on ne peut pas faire confiance aux politiques, n’est-ce pas. Il ne m’a jamais rappelé. 

 

Alors, je l’ai cherchée, cette ménagère folklorique qui envahissait ma tête, qui m’avait définitivement rendu marteau au point que j’étais prêt à abandonner une fin de carrière en apothéose. Je devais retourner sur le plancher des vaches, sillonner les routes, suivre sa piste. Mais, comme fin limier, moi, on repassera. Cela m’a pris des mois. Des mois où j’ai rongé ma fierté à solliciter mes potes pour qu’ils m’aident. Je passai par-dessus leurs railleries en me promettant de leur en coller une si, une fois avoir trouvé les bras de Solenne, je les croisai à nouveau. Mais je l’ai trouvée, oui. Je l’ai trouvée. Et je l’aime.

 

 

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Jamreo
Posté le 13/09/2012
Ooh, mais avec tout ça, ça fait tellement longtemps que je suis plus revenue lire les Pérégrinations. Faudra réparer ça :)
Mine de rien, le gros ours bougon n'est pas si insensible qu'il n'y paraît. Bourreau des coeurs ... ben pas si sûr, cher Léo. Je me rappelle que j'aimais vraiment bien ce personnage, justement à cause de ce côté grognon et autoritaire auquel il tentait désespérément de s'accrocher, alors que Solenne mettait la pagaille dans sa tête (et dans sa cuisine). Là dans ton drabble, je découvre un autre pan de ses réflexions, ça fait drôle (mais pas dans un sens négatif, hein). Il apparaît plus ... allez, plus doux, et beaucoup moins sûr de lui :P
vefree
Posté le 13/09/2012
Mais qui a dit que c'était un gros ours bougon qui campe sur ses positions ? ah oui, c'est moi, c'est vrai. Non en fait, c'est faux. Il a un coeur, ce vilain grognon. C'est une cuirasse pour se protéger, hein. Il aime pas quand on s'approche de trop près. Et c'est Solenne qui l'a fait fondre. Et complètement déstabilisé aussi. Le pauvre... ça c'est sûr. J'avais envie de raconter un petit bout de comment il est à l'intérieur. Voilà.
Si ça t'a donné envie de retourner à l'histoire principale, c'est tant mieux. Je ne vais pas m'en plaindre au contraire. 
Merci d'avoir pris le temps de me laisser un commentaire, ma belle.
Biz Vef' 
Slyth
Posté le 13/09/2012
N'ayant jamais lu "Les pérégrinations d'une cuisinière", j'avoue avoir ressenti une infime seconde d'inquiétude en me demandant si je serais capable de suivre. Mais ce doute a très vite été balayé. Bon, je me doute qu'on perçoit des choses différentes en ayant lu ton texte et en connaissant ton personnage mais c'était aussi tout à fait accessible aux "non-initiés".
C'était un petit texte vraiment charmant et sympathique en tout cas. Voir cet homme bouleversé à ce point par un "simple" baiser et mettre ses ambitions entre parenthèse pour retrouver celle qui l'a complètement chamboulé... Ouais, ça fait un peu rêver je l'avoue !  =P
En tout cas, je trouve qu'on suit bien le déroulement de son raisonnement qui le pousse finalement à tout tenter pour retrouver cette Solenne. J'imagine que ça n'a pas du être simple de condenser tout ça pour rester dans la limite des 500 mots mais on arrive vraiment à bien comprendre par quelles étapes passe Léo. 
Merci pour cet agréable moment !  =)
vefree
Posté le 13/09/2012
Oui, Slyth, j'ai tenté de faire quelque chose d'accessible aux "non-initiés" et de leur faire connaître mon personnage dans une de ces facettes. Il semble que tu n'as pas été dépaysée.
Je suis contente que tu aies apprécié ta lecture. Raconté comme ça, j'imagine que ça doit faire rêver, c'est vrai... un homme qui lâche tout pour un simple baiser. Mais il n'y a pas que ça bien sûr. Tellement de choses se sont passées pour qu'il décide ainsi d'abandonner sa carrière toute tracée. 
Non, ça n'a pas été simple du tout de condenser. D'ailleurs, j'estime ça un tantinet léger, quand même. J'ai pas pu dire tout ce que je voulais. Tant pis.
Merci d'avoir pris le temps de me commenter, Slyth. Ça me fait très plaisir.
Biz Vef' 
Nascana
Posté le 23/09/2012
J'aime bien le fait que tu nous montre l'action par le regard de ton personnage masculin. On voit vraiment que la rencontre l'a marqué. 
C'était bien écrit et efficace.
Nascana 
 
 
vefree
Posté le 23/09/2012
Merci, Nasca, c'est gentil de passer me laisser un commentaire. La rencontre l'a marqué, c'est le moins qu'on puisse dire. Lol !!!
Biz Vef'