Le cadeau de Noël

Le mois de Décembre, c’est mon moment de l’année préféré !…

J’adore cette époque de l’année, parce que c’est encore plus de jeux et de sourires pour moi. Ma copine, Ella, chez qui je vis depuis longtemps… Je ne sais pas vraiment depuis quand exactement, mais je sais juste que ça fais très longtemps… Je disais donc, que ma copine Ella adore elle aussi les fêtes de Noël. En plus, les fêtes de Noël, c’est comme mon nom, Noël !

On est trois à être chez Ella. Il y a donc moi, Noël, le chien. Gavroche, capichef, le chat noir. Et bien sûr Ella, puisque c’est chez elle ! Avec cette fête de fin d’année, elle décore l’appartement et met même de la fausse neige sur le balcon pour que je puisse me rouler dedans ! Parce que bon, on habite dans une ville ou il n’y a pas de neige du tout. J’en ai vu en vrai qu’une seule fois et j’ai adoré ça ! C’est froid, ça fond dans la bouche et ça fait flop flop ! Tout ce qui est amusant, en somme.

Mais bizarrement, cette année, ce n’est pas comme les autres années… En fait, c’est depuis bien avant Décembre que tout a changé. C’était… En Mars, je crois… Je ne suis plus sûr…

- Capichef ?
- Hmm…

Oh, Capichef dort… Je sais qu’il n’aime pas être réveillé, mais… J’ai besoin de savoir si c’était bien à cette période… Ma mémoire n’est pas aussi fiable que la sienne. J’ai tendance à me disperser… Oh ! Un oiseau vient de passer devant la fenêtre ! Euh… Mince, je me suis encore disperser. Bon, il faut réveiller Gavroche, je vais y aller doucement en lui frottant le cou avec ma truffe.

- Mhh… Quoi Noël ? Tu as encore perdu ta balle ?
- Non ! Pas cette fois ! Je…
- Alors quoi ? Je dormais.
- Oui pardon… Promis je t’embête plus après. Euh… Tu m’as dit que c’était quand que tout avait changé dehors ?
- En Mars, Noël… En Mars… Aller, laisse-moi tranquille maintenant.

Donc voilà, j’ai enfin ma réponse !
Donc… Ou j’en étais encore ?
Ah oui ! C’est en Mars que tout a changé. Ella qui d’habitude s’absente toute la journée a fini par rester à la maison. Sauf qu’elle n’était pas aussi joyeuse que d’habitude. Quand elle reste là, elle s’enferme dans sa chambre, à faire sa tête sérieuse, sans vouloir un seul instant me faire une caresse ou jouer avec moi… Après, ce n’est pas différent d’avant, vu qu’elle revient dans le salon aux heures ou elle rentrait normalement. Je trouve ça juste dommage qu’on ne puisse pas jouer avec elle, moi et Gavroche alors qu’elle est là, avec nous. Mais c’est pas grave, j’en profite bien plus le soir.

Autre changement, les sorties quotidiennes. Ma copine m’emmenait bien moins dehors pour faire mes besoins et courir. En fait, elle m’emmenait juste pour faire le tour du quartier seulement. Souvent le week-end, elle et moi, on allait sur les quais pour courir ensemble, c’était chouette. Ou alors on allait se balader en forêt. Mais depuis… Plus rien. C’est triste, mais je me suis habitué. Ce n’est pas grave si on ne joue plus en extérieur ensemble, car elle est quand même avec moi une fois rentré à la maison, à prendre soin de moi.

**

C’est l’heure de sortir dehors ! C’est l’heure de sortir dehors ! Je suis vraiment content, j’en ai la queue qui frétille, j’adore quand ma queue va aussi vite ! Même si Ella me gronde si je passe près d’une table et que ma queue renverse un verre… Je vais donc vers ma super copine qui remue la laisse près de la porte. Je m’assois à côté, comme d’habitude, en essayant de me calmer un peu… Même si mon corps trépigne tout seul. Elle veut que je sois calme sinon elle ne peut pas me tenir en laisse à ce qu’elle dit. Mais, je comprends pas vraiment pourquoi Ella n’arrive pas à me tenir… Je suis qu’un petit labrador de trente-cinq kilos après tout…

Finalement, elle m’attache enfin la laisse et victoire, on sort dehors ! Enfin dans la rue, ma queue recommence à faire la pale d’hélicoptère. Alors on commence à marcher, enfin, moi je trottine plus qu’autre chose, il faut dire. Pour passer par le petit square devant l’appartement. Je n’aime pas trop cet endroit, car il y a trop d’enfants et du coup, ils veulent toujours me caresser. On le traverse pour passer les rails du tramway et je vois la finalité de notre parcours se rapprocher de plus en plus. La place Ferdinand Buisson ! Je connais le nom parce qu’Ella l’a déjà dit quand elle était au téléphone. C’est vraiment un super endroit pour aller courir. Elle est grande et plate, du coup, je vois tout ce qu’il se passe.

Sauf qu’en remontant la rue pour arriver vers celle-ci, je remarque que la rue est bien plus vivante que d’habitude. Oh ! Mais c’est l’heure de la sortie des écoles ! Il y a quelques grandes personnes qui attendent des enfants. Certains rentrent avec eux, main dans la main. En fait, il n’y a que des femmes, leurs mamans. Mais c’est assez étrange… D’habitude, dans les rues, les gens ont des masques sur le visage. C’est à cause du changement de Mars… Mais là… Aucun masque sur les femmes. Pourquoi ? Je me le demande car ma Ella en porte bien un, de masque. C’est les enfants qui font que les dames n’en porte pas ? Aucune idée… Je ne connais pas bien les humains, il faudra que j’en parle à Gavroche en rentrant. Il n’aime pas que je l’appelle comme ça, normalement, je dois l’appeler Capichef, mais je l’appelle par son prénom que quand je ne lui parle pas. Sinon, il se met en colère et me griffe…

Voilà, on est arrivé sur la place. Oh la la ! Mais il y a pleins d’enfants… D’un côté, j’ai envie d’aller jouer avec eux, mais de l’autre, je n’ai pas envie qu’ils me caressent ou me tire la queue… Un jour, il y en a même un qui m’a arraché les poils… Ella m’amène près d’un banc, elle s’assoit et me détache. Je suis un chien gentil, j’ai le droit de courir librement, si je me tiens toujours bien, d’ailleurs. Moi aussi, je m’assois, pour regarder un peu. Même si je suis très excité de sortir, j’aime bien regarder tout autour, pour ne pas foncer dans quelqu’un sans faire attention…

Aujourd’hui, il y a beaucoup de monde, c’est vrai. Il y a bien sûr les enfants qui jouent ensemble. Certaines mamans discutent ensemble, sans le masque, et très proche les unes des autres. Alors que un peu plus loin, près des bancs, je vois deux autres dames qui sont des mamans aussi, parce qu’elles ont des cartables d’enfants avec elles. Elles sont chacune sur un banc, peut-être à plus d’un mètre chacune et avec le masque. Je penche la tête sur le côté, ahuri. C’est vraiment bizarre que ses mamans là portent le masque et s’éloignent alors que les autres ne le font pas… Et puis il y a deux personnes qui tournent autour de la boite avec des livres dedans. Une l’a remplit alors que l’autre regarde et elles se parlent. Avec le masque. Je comprends encore moins… Finalement, je me lance pour aller courir et faire mes besoins. Ella fini par me rejoindre pour récolter mon petit trésor. Je ne sais pas trop ce qu’elle fait avec après… Peut-être qu’elle les garde ? Ce serait vraiment gentil de sa part !

**

Après une longue heure à me dépenser, la place fini par se vider. Il y a bien quelques promeneurs, comme nous, et eux aussi portent le masque cette fois, pas comme les mamans de tout à l’heure. Tout ça me rassure, car je commence vraiment à me poser des questions. On reprend la route vers la maison, et en passant devant le petit square, il y a encore quelques enfants qui jouent. Avec les parents pas loin. Eux, sont assit sur les bancs en béton, et portent le masque en discutant entre eux. Enfin au chaud, je me secoue pour retirer l’humidité, ce qui fait glousser Ella qui s’en prend plein les vêtements. Je suis fatigué, je vais aller faire une sieste, tout ça m’a bien fatigué.

C’est après un bon roupillon que mes questions me revinrent en tête. Il fallait que je parle à Gavroche, c’est vrai ! Je fonce le voir, mais m’arrête d’un coup. Il fallait que je me calme aussi avec lui, sinon, il n’allait jamais me répondre. Je m’avance doucement vers le fauteuil ou il est allongé. Allongeant à terre aussi, pour le regarder.

- Capichef ?
- Ouii ?
- Euh… En fait, j’ai remarqué des choses et ça me fait me poser des questions…
- D’accord… Je vois, raconte-moi donc.

Après lui avoir raconté tout ce que j’avais vu, il se releva, se léchant une patte, pour sauter à terre et aller près de la fenêtre.

- Je t’ai dit pourquoi tout avait changé en Mars ?
- Euh… Je crois… Mais…
- Mais tu ne t’en rappel plus, c’est ça ?
- Moui…
- D’accord… En fait, tout ça, c’est à cause d’une maladie. Une maladie très grave et pour que personne ne l’attrape, c’est pour ça qu’Ella, comme d’autres humains, reste chez eux. Pour ne pas l’attraper.
- Et les masques, c’est pour ça aussi ?
- Oui, voilà. Tu as tout compris.
- Mais… Pourquoi les gens ne portent pas de masques alors ?!
- Ils se disent que ça ne les touchent pas, ou qu’ils ne risquent rien à certains endroits.
- Mais… Elle est grave comment la maladie ?
- Tu te souviens quand Ella a beaucoup pleurée ?
- Oui… J’étais très triste de la voir comme ça et de ne pouvoir rien faire.
- Sa mère a eu la maladie. C’était très grave et elle s’est beaucoup inquiétée.

Sans un mot, je ne pus retenir un couinement de tristesse. Je me souvenais de ces moments. Les longues journées ou Ella était au téléphone et ou elle fondait en larmes sans pouvoir s’arrêter. Fidèle à moi-même, j’avais été présent tout le temps pour elle. À me frotter contre elle pour la consoler. À dormir avec elle la nuit, pour l’empêcher de faire des cauchemars.

C’est avec ses images en tête que je me mets à gamberger… Tout ça est vraiment bizarre… Je ne comprends plus rien… S’il y a une maladie grave, pourquoi les gens et surtout les mamans d’enfants ne portent pas de masque pour se protéger ?

- Je sais à quoi tu penses, Noël. Le masque, c’est apparemment pour protéger les autres. Pas se protéger eux-même.
- Ils ne veulent pas le mettre pour être vraiment sûr ?… Et les enfants ?
- Les enfants ne le portent pas car ça ne peut pas toucher les plus jeunes, mais les jeunes adultes, si…
- Donc… Les mamans pensent qu’elles ne risquent rien ? Et si la maladie finit par toucher les enfants ?…
- Ah bah ça… Les humains sont étranges…

Hum… Tout ça me perturbe beaucoup. Je finis par aller m’allonger plus loin, près du canapé pour réclamer une grattouille. Et si… Et si ça pouvait toucher les animaux ? Pourquoi nous on n’a pas le droit à ses masques ? Tout ça m’angoisse terriblement.

**
Je ne me sens pas bien depuis quelques jours… Tout ça me tourne dans la tête et me fait peur. Je n’ai pas envie d’attraper ça… Je n’ai pas envie de rendre triste Ella !… Et surtout je ne veux pas que ma super copine soit malade non plus… Je ne sais pas quoi faire, à part faire comme ce que m’a expliqué Capichef… Rester à la maison et ne plus sortir… Pour faire mes trésors, je vais sur le balcon, c’est très simple comme façon de penser. Sauf qu’au bout d’un moment, Ella m’interpelle.

- Noël ! Pourquoi tu as fait sur le balcon ? Tu aurais dû me demander à sortir ! Aller, viens, on sort !

Non… Je n’ai pas envie de sortir… Je gémis et couine, recroquevillé dans mon coin pour lui faire comprendre. Inquiète, elle vint vers moi pour me caresser entre les oreilles. D’habitude, j’adore, mais là… Non, ça ne me fait rien.

- Eh bien, mon beau ? Qu’est-ce qui ne va pas ?

Elle regarde vers mon écuelle, et oui, c’est vrai que je n’ai pas très faim en ce moment… À cause de tout ça, je mange pas beaucoup et je dors mal… Alors, elle vient avec la laisse pour me la mettre et me forcer à sortir dehors. Me disant qu’il ne m’arrivera rien si je sors… Mais si, justement ! J’arrête pas de couiner, et elle me tire toujours. Bon, aller, je vais faire un effort, de toute façon tant que ce n’est pas l’heure de la sortie des écoles…

Mais dehors, rien ne va plus. Dès que je vois quelqu’un sans le masque, je ne peux pas m’empêcher de trembler et de couiner. J’ai vraiment peur, surtout qu’en faisant attention… Il y a beaucoup plus de personne qui ne porte pas le masque, même s’il y a personne dans la rue… Il faut se protéger, non ? On ne sait jamais. Je baisse la tête et détourne le regard. Sur la place, il y a un groupe de plusieurs femmes, je ne pense pas que ce soit des mamans, car elles ont le masque. Deux autres femmes arrivent… Oh ? Pourquoi elles enlèvent le masque pour se faire la bise ? La promenade n’a pas était trop longue, j’insiste pour rentrer…

Après tout ça, Ella est vraiment gentille avec moi. Elle me dit que j’ai le droit de faire mes petits trésors sur le balcon, elle ne me sort plus. Bien évidemment, elle essaye, mais si je n’ai pas envie, elle ne me sort pas. Je l’adore.

**

C’est Noël ! C’est ma fête ! Je m’appelle Noël ! Je suis trop content, j’ai la queue qui frétille ! Ne pas sortir me fait du bien, j’ai moins peur et je mange comme avant. Mais aujourd’hui, je suis vraiment heureux. Je vais avoir un cadeau, comme Gavroche ! L’année dernière, Ella nous a fait faire des pulls à notre taille. C’était trop bien. Bon, d’accord, Capichef n’a pas du tout aimé, il a fait ses petits trésors dessus, un jour…

Oh ! Oh ! C’est l’heure ! C’est l’heure ! Ella se met près du sapin ! Je frétille ! Venant près d’elle, pour simplement m’asseoir, alors qu’elle ouvre un petit cadeau devant moi. Qu’est-ce que ça va être ?! Un os ? C’est un os ? Dis-moi que c’est un os !

- J’ai vu que tu angoissais de sortir… C’est les masques qui te font peur, mon Noël d’amour ? Alors du coup… J’ai fait faire des masques à votre taille !

Oh… Mais… C’est… C’est super !… Je suis vraiment content ! Je vais pouvoir ressortir ! Même si Ella a tort… J’ai pas peur des masques mais des gens sans… Mais c’est pareil ! Je vais pouvoir ressortir sans crainte !