Le Cercle brisé de la Liberté

Notes de l’auteur : Et voilà un chapitre riche en rebondissements et en révélations...
Je vous souhaite une agréable lecture et pour ceux qui m'avaient dit que les phrases de mes dialogues étaient longues, j'ai essayé de les raccourcir.

8 Flamerule 1369 Année du Gantelet

 

Parvraidral frémissait d’aise sur le canapé situé dans son arrière boutique, tandis que Cylwène Alzuhrelan et Kariya lavaient son dos sali par la plus jeune fille du gouverneur de Suldolphor.

Cependant, il s’inquiétait de la perspective de devoir à nouveau affronter le fameux Aberik tout en remplissant son devoir…auprès de qui, d’ailleurs ? Gellana n’était plus là pour en témoigner.

Il ne dédaignait pas son plaisir d’être massé délicatement puis s’endormit alors profondément.

Les deux femmes se regardèrent pendant un long moment, une gêne mutuelle persistant entre elles, puis esquissèrent chacune un faible sourire.

 

 

-Je vous dois des explications, Kariya.

Vous comprendrez que le Cercle brisé de la Liberté dont je fais partie  représente un réseau secret de libération d’esclaves agissant dans l’ombre  et on  ne savait pas si on   pouvait vous faire confiance ou non.

Votre amie Gellana nous a parfois aidés mais elle n’était pas membre de notre communauté pour autant.

Néanmoins, Jilliengard le magicien protecteur de notre réseau était son confident, elle n’avait  confiance qu’en lui mais je sais qu’elle ne lui racontait pas tout.

Ces papiers que vous cherchez vous et Parvraidral sont très dangereux et je ne saurais trop vous conseiller d’être solidaires l’un de l’autre…

 

 

-Je vous remercie de vos aimables conseils mais vous auriez pu au moins en parler à votre époux plus tôt, il ne vous aurait pas trahie, même si en ce qui me concerne, ma confiance en lui s’avère plutôt limitée.

Sachez que  je veux mettre la main sur l’assassin d’une amie qui fut très proche et croyez-moi, il risque de le regretter.

Peu m’importe les dangers que je dois courir, je suis prête à aller au bout de la vérité pour venger Gellana.

Parvraidral veut aussi connaître le fin mot de cette affaire, bien que ce soit pour des raisons qu’il ne m’a pas révélées.

 

 

-Je n’ai pas toujours connu Parvraidral mais je sais qu’il souhaitait protéger Gellana de loin, sans que cela se sache, préférant se livrer à sa façade d’activité de marchand de parfums.

En attendant que mon galant époux se réveille, prenons du bon temps pendant que nous le pouvons encore.

Le milieu de la nuit sera plus propice pour nous rendre au sein du quartier général du Cercle brisé de la Liberté.

Tant que vous serez à l’intérieur du quartier général, vous serez en sécurité totale, quand vous en partirez, vous devrez craindre pour votre vie, ou votre non vie… lâcha Cylwène d’un ton acide.

 

Elles discutèrent de manière animée, Cylwène Alzuhrelan narrant à Kariya son enfance heureuse au sein de sa famille à Almraiven, puis sa vie d’aventures dans le nord est du Calimshan.

 

Elle semblait encore fort affectée par sa blessure causée par l’humanoïde qui l’avait agressée tantôt.

Malgré sa froideur émotionnelle acquise du fait de sa nature vampirique, Kariya ne put s’empêcher d’éprouver de l’envie pour la jeune femme, ayant été elle-même séparée relativement tôt de sa famille et ne pouvant retourner la voir en raison de sa condition de mort vivante.

 

Au beau milieu de la nuit, quand les bonnes gens de Suldolphor se retournent dans leur sommeil…

 

Parvraidral se tenait debout à peu près remis de ses aventures sur le parquet soigneusement ciré du salon attenant à sa chambre à l’étage de sa boutique de vente de parfums, avec Kariya qui brûlait d’envie de rencontrer enfin ce très cher Jilliengard.

Quant à Cylwène Alzuhrelan, elle se situait debout au centre de la pièce en train de psalmodier des paroles sifflantes ressemblant parfois à une douce brise parfois à une violente bourrasque et elle finit par passer sa main droite au dessus d’une coupe remplie d’un liquide bleu céruléen tenue par sa main gauche.

Un cercle  brilla au milieu du salon puis il disparut pour laisser place à un escalier de pierre brute en colimaçon pénétrant dans le sol  éclairé d’une faible lueur jaune.

 

-Voici une des entrées permettant d’accéder à notre Quartier Général.

Seules les personnes habilitées à juger la nature profonde des individus peuvent les utiliser.

Aussi, je passerais devant vous afin que nos protections magiques ne vous infligent de dégâts en vous identifiant comme des intrus.

 

Cylwène Alzuhrelan descendit dans l’escalier qui émit une lueur vive mais brève, et elle fit ensuite un signe de la main à Kariya et Parvraidral pour leur indiquer que la voie était libre.

Au bout de longues minutes, ils se retrouvèrent tous les trois devant une porte en marbre sur laquelle était sculptée une statue représentant une femme au visage altier avec un regard  solennel qui affirmait bien qu’elle était la gardienne du passage et qu’elle ne serait pas si dupe.

 

-Bonjour , voici deux amis qui souhaitent consulter notre gardien.

Ils ne violeront en rien notre sanctuaire, je me porte garante de leur conduite.

J’espère que vous saurez honorer ma sincérité en nous accordant le droit de passage.

 

 

-Sois la bienvenue, ma fille dit une voix impérieuse.

Je lis ton honnêteté et je désire que tes amis comme tu les appelles comprennent l’honneur qui leur est accordé en étant autorisés à venir ici.

Toutefois, je m’étonne qu’un membre de notre réseau accepte de se porter garante d’une mort vivante répondit-elle en adressant à Kariya un regard pénétrant.

 

 

-Je vous sais gré de la confiance que vous m’octroyez.

Ma compagne a le cœur profondément troublé et seule une visite à notre gardien pourra l’apaiser.

Je vous serais éternellement reconnaissante d’avoir accédé à notre requête claironna Cylwène Alzuhrelan en s’inclinant et joignant les mains en signe de respect.

 

Soudain, la sculpture et le porte de marbre disparurent pour laisser place à une vaste salle circulaire de pierre brute beige bien éclairé alors que rien ne semblait indiquer une source de lumière quelconque.

De larges fauteuils étaient installés çà et là pour le confort des visiteurs.

 

-Vous pouvez vous installer ici en attendant que j’aille chercher Jilliengard  car vous n’avez pas acquis suffisamment la confiance du Cercle Brisé de la Liberté pour pouvoir circuler tranquillement dans cet endroit  lâcha Cylwène d’un ton ferme.

Cette dernière partit dans un couloir adjacent, Parvraidral s’était assis dans un siège moelleux profitant du caractère chaleureux de la pièce.

 

Au fur et à mesure du temps qui passait, Kariya et Parvraidral se demandèrent si Cylwène Alzuhrelan ne les avait pas oubliés.

Cette dernière finit par revenir accompagnée d’un homme de petite taille à l’air affable.

 

 

-Bienvenue dans notre sanctuaire.

Cylwène Alzuhrelan m’a parlé de votre requête à propos de cette malheureuse Gellana Malaergost.

La pauvre a eu une vie bien troublée et ce n’est qu’en devenant un témoin fortuit d’une de nos opérations de libération d’esclaves qu’elle s’est liée avec moi.

Elle ne m’en a pas dit beaucoup plus sur elle malheureusement.

Gellana aspirait plus que tout à dissimuler les papiers que vous cherchez tant.

J’espère que vous  y trouverez des réponses à vos questions.

 

-Nous te remercions Jilliengard et nous ne te dérangerons plus longtemps.

 

Ils installèrent une grande caisse pleine de courriers sur une table de bois brun et tirèrent la première lettre.

  

A l’attention de Selmyra Riliandos, courtisane de Thazalhar

 

Ma très chère amie, je croyais ne plus avoir de conscience jusqu’à ce que nos chers dirigeants, enfin semble t-il, m’ordonnent de te tuer.

Je hais mon appartenance à cette famille d’empoisonneurs professionnels qui m’oblige à faire l’odieux travail de débarrasser nos supérieurs des personnes qu’ils jugent importune comme toi.

Je trahis la tradition de neutralité politique de la famille Malaergost en te confiant mon désarroi mais je refuse de continuer à me taire.

Tu aurais dû savoir en acceptant d’espionner et plus si affinités la Zulkir de l’Abjuration sur ordre du Zulkir de Conjuration que tu te condamnais à lui fournir des informations plus consistantes que ce que tu lui as apparemment fourni concernant nos enclaves commerciales et que tu ne devais pas faillir au point de te confier sur ton rôle auprès de la Zulkir de l’Abjuration.

Par ailleurs, j’ai l’impression que le Zulkir de la Conjuration  n’est pas le seul à t’avoir donné des ordres.

Deux personnes que je crois avoir reconnue à ma boutique de Tyraturos semblent utiliser la haine du Zulkir de Conjuration pour nos enclaves et vis-à-vis de la politique commerciale actuelle du Thay[19] afin de nuire au Conseil des Zulkirs et tu sais ce que cela signifierait si quelqu’un  essayait de monter les Zulkirs les uns contre les autres, eux qui se détestent déjà bien assez…

Je ne peux malheureusement pas encore prouver mes impressions et le Conseil des Zulkirs de Thay ne m’écoutera pas sans preuves.

Je ne peux par ailleurs décemment pas accuser ce cher Zulkir de la Conjuration tout haut sans redouter sa colère et sans savoir ce qui se trame derrière.

Sois sur tes gardes et brûle cette lettre dès que tu la recevras.

Ta confidente Gellana Malaergost, empoisonneuse de Tyraturos

 

 

 

Cela prit du temps pour que Kariya digère ces informations concernant son amie défunte.

Il était en effet difficile de percevoir la délicate grande prêtresse de Sharess comme une ancienne empoisonneuse, visiblement de noble ascendance thayenne.

Quant à Parvraidral, il ne semblait pas étonné le moins du monde, comme s’il était déjà au courant.

Il affichait un air blasé, ce qui agaça Kariya mais elle garda contenance et entreprit de saisir la seconde lettre.

 

A l’attention de Gellana Malaergost, empoisonneuse de Tyraturos

 

Je te trouve bien téméraire, ma chère disciple, d’oser affronter la colère de nos dirigeants en refusant de remplir la tâche qui t’es confiée, bien que je n’en connaisse pas les détails et souhaite rester dans l’ignorance car je tiens à la vie.

J’accepte d’accéder à ta demande de te dissimuler dans notre temple de Bézantur[20] mais pour un court laps de temps, je ne veux pas mettre en péril ma communauté toute entière pour une seule personne, le comprends-tu ?

Je te souhaite du courage, ma fille, le mieux est que tu sois discrète pendant un temps, voire, pour le restant de tes jours, étant donné ton inquiétante situation.

Haldran, haut prêtre du temple de Sharess de Bézantur

 

Gellana savait à quoi elle s’était exposée en n’accomplissant pas sa besogne d’exécutrice des basses œuvres.

Cette lettre permettait de deviner comment elle avait pu devenir prêtresse de Sharess alors que rien ne l’y prédestinait au départ mais elle ne délivrait pas plus d’informations.

 

A l’attention de Breluthkos, maître espion au service des enclaves thayannes

 

Me voilà bien contrainte d’appliquer à la lettre les consignes de votre réseau de contre espionnage, bien que j’aurais voulu fuir loin de toutes ces âneries politiques.

Vous semblez pleinement satisfait de me voir à la merci de nos bienveillants et tendres zulkirs mais je ne suis pas naïve.

A la moindre erreur, je sais que vous m’éliminerez.

Je suis néanmoins consciencieuse, le traître de l’enclave de Calimport a été supprimé avant qu’il puisse jeter le discrédit sur les sorciers rouges de Thay.

Ce traître ne se contentait pas de vouloir détruire vos précieuses enclaves, il fait partie d’un complot plus vaste destiné à détruire le système politique du Thay mais il semble que je parle dans le vide.

Je dois vous rappeler qu’il est plus facile, étant basée à Suldolphor, de surveiller une pauvre enclave thayanne du Calimshan que de m’occuper de l’enclave d’Arrabar, où un autre individu insaisissable semble jouer les trouble fête et vous narguer.

Il aurait été plus judicieux d’y aller vous-même puisque vous êtes visiblement si compétent…

Je dois également vous narrer un désagrément : ma chambre fait l’objet de fouilles régulières et vous ne faites rien pour y mettre un terme.

Dois-je en conclure que mon travail ne justifie pas une protection particulière et que vous souhaitez sacrifier sur votre échiquier une pièce trop faible pour vos petits jeux avertis ?

En l’attente de futurs renseignements, je vous souhaite une agréable lecture.

Hazirina, grande prêtresse du temple de Sharess à Suldolphor

 

Elle n’avait apparemment pas eu le temps d’envoyer cette lettre à son supérieur, un envoi qui lui aurait peut être sauvé la vie…

 

 

A l’attention de Breluthkos, maître espion des enclaves thayannes

 

Je me réjouis de vous annoncer que je crois avoir cerné quel est le traître qui s’évertue à nuire aux sorciers rouges à Arrabar, la piste n’est pas sûre mais elle constitue la première avancée concrète de ma besogne.

En me forçant à passer d’empoisonneuse à contre espionne, vous m’avez tous livré à une vie dangereuse mais je sens que je vais finir par trouver cela excitant, sans doute pour tromper mon inquiétude autant que mon monde.

Un intermédiaire doit bientôt me contacter, j’espère que votre vigilance sera de mise car je suis épiée depuis un moment : serais je donc un appât afin de démasquer notre vil ennemi ?

Votre dévouée Hazirina, grande prêtresse du temple de Sharess à Suldolphor

 

Aberik pourrait vouloir se rendre dans le Chondath pour éviter au fameux traître de se faire prendre ou peut être était il lui-même le traître.

Si jamais cet assassin ne les attendait pas à la sortie de ce quartier général, il faudrait éventuellement aller à Arrabar pour mettre la main dessus.

Trois carnets accompagnaient les lettres, dans lesquels étaient inscrits les noms des sorciers rouges de chaque enclave surveillée par Gellana.

Parvraidral  se racla la gorge et se décida enfin à reconnaître ce qu’il savait.

 

 

-Chères mesdames, il est temps que certains masques tombent car je suis mêlé à cette affaire de bien plus près que vous ne le croyez.

J’étais il y a quelques années au service de la famille Riliandos en tant que mercenaire.

J’ai protégé Selmyra Riliandos, qui m’attirait mais hélas, son statut de courtisane l’empêchait de se commettre avec quelqu’un de ma condition, bien que les genasis de feu soient respectés en Thay.

Un beau jour, je me suis rendu compte qu’elle avait noué des liens affectifs avec la Zulkir de l’Abjuration Lallara Mediocros et je me suis inquiété pour elle, fréquenter un personnage de si grand pouvoir n’étant pas anodin.

Les autres membres de la famille Riliandos m’ont conseillé de me mêler de mes affaires et se sont passés de mes services.

Une nuit, étant allé me divertir à la Taverne du marid noyé à Eltabbar[21], une personne dont je ne parviens pas à me rappeler distinctement le visage, m’a enjoint de protéger Gellana Malaergost, que je serais bientôt chargé par la famille Riliandos de vendre leurs parfums au Calimshan, ce qui m’assurerait une couverture.

Je n’en ai jamais su plus et Gellana elle-même m’a conseillé de me contenter de la protéger et que mon ignorance m’empêcherait de connaître le même sort que Selmyra.

 

-C’est curieux, mais je ne te vois pas obtempérer si promptement à un parfait inconnu rencontré dans une taverne, tu es bien trop désinvolte pour cela ricana Kariya.

 

 

-Je crains qu’il ne vous faille le croire, ma chère intervint Cylwène Alzuhrelan.

Parvraidral a visiblement fait l’objet d’une puissante magie pour le convaincre de protéger votre amie et  il est venu dans cette contrée effectuer sa mission.

Si vous le souhaitez tous les deux, notre communauté possède un sanctuaire de guérison pour les malheureux à Arrabar, ce sera plus facile si vous avez une base pour opérer au sein de la ville.

N’êtes vous pas d’accord,Jilliengard ?

 

Ce dernier était resté étrangement silencieux et s’était rembruni en entendant parler d’Arrabar.

A présent, il semblait circonspect.

 

-J’admets difficilement faire confiance à une mort vivante mais votre bonne volonté m’a convaincu dit-il à l’intention de Kariya.

Je veux bien vous accorder le droit d’asile dans notre sanctuaire d’Arrabar au nom du Cercle Brisé de la Liberté à la seule condition que Cylwène vous accompagne.

Ma chère murmura t-il à l’intention de celle-ci, j’aimerais que nous discutions en privé, notre communauté du Chondath aurait bien besoin de vous, semble t-il…

 

Dans une autre salle du Cercle Brisé de la Liberté, dans laquelle se situait une fontaine de marbre blanc, dont l’eau avait pour propriété de guérir ceux souffrant physiquement.

 

 

-Je sais que vous ne donnez pas votre confiance à la légère, Cylwène, mais faites vous réellement confiance à cette Kariya ?

 

 

-Jilliengard, cette jeune femme cherche à tout prix la vérité concernant son amie  et veut faire justice, bien qu’elle ait tendance à utiliser des moyens radicaux, sans aucun doute…

Mais notre devoir n’est-il pas avant tout d’aider les autres ?

 

 

-Pourvu que vous ayez raison, Cylwène…

Je dois cependant vous avertir d’un danger : les membres de notre sanctuaire à Arrabar m’ont  raconté qu’une étrange épidémie se répandait en ville, suffisamment pour effrayer les notables et la source de ce mal n’a pour l’instant pas été identifiée.

Avec vos compétences et celles de vos compagnons actuels, pourriez-vous faire la lumière sur cette sinistre affaire ?

 

 

-je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour aider nos compagnons d’Arrabar, je devrais pouvoir convaincre habilement mon mari et Kariya.

De toute façon, tout nous indique d’aller à Arrabar, même si je crains l’intervention des ennemis de cette Gellana à l’extérieure de notre sanctuaire de Suldolphor.

Qu’Azouth nous vienne en aide, mon bon Jilliengard.

 

Cylwène Alzuhrelan, Kariya et Parvraidral sortirent du temple en remontant l’escalier qu’ils avaient emprunté et se mirent d’accord pour un rendez-vous dans le Quartier des Marchands.

 

Avant même qu’ils aient eu le temps de s’éloigner de la sortie du sanctuaire, située dans un quartier modeste de Suldolphor, ils virent Aberik sauter d’un toit voisin pour se planter devant eux.

 

 

-Il serait préférable que vous me donniez ces papiers sans discussion, mes chéris.

Inutile de faire tant de vagues magiques pour de vulgaires informations susurra t-il d’un ton mielleux.

 

 

-Je ne crois pas que ces informations soient si vulgaires que cela, étant donné la noblesse des personnes concernées, qui seraient sans doute très intéressées de savoir que tu tentes peut être de les détruire… se rengorgea Parvraidral, faisant le coq pour éviter de montrer sa peur.

 

-Personnes si nobles qu’elles se réfugient derrière des simulacres ou des leurres dans ton genre dès qu’un obstacle se présente.

Gellana combattait pour la mainmise de ce conseil d’archimages sur les ignorants, moi, je suis un vrai combattant de la liberté ! clama Aberik avec emphase.

 

 

-Ah oui ? Et votre renversement de l’ordre établi aboutira sur quoi si vous réussissez ? La mise en place de votre propre pouvoir, pardi !

Et où se trouve votre petite Rahina chérie ? Elle aussi combat prétendument pour la liberté peut être ?

Cracha Kariya, moqueuse.

 

Elle n’eut pas le temps de continuer son petit discours qu’Aberik incanta et le sol se mit à trembler.

Des gangues de terre surgirent et tentèrent de les agresser mais Parvraidral  utilisa sa magie naturelle du feu et les transforma en boules de magma pour les faire se retourner contre leur adversaire, qui, gravement brûlé, eut à peine la force d’invoquer un portail pour prendre la fuite.

 

 

-Je ne savais pas que ta magie pouvait être si puissante mais en tout cas, nous aurons un peu de répit.

J’aurais vraiment voulu pouvoir le tuer…

Il risque probablement de se réfugier à Arr…, ah, j’ai encore oublié le nom de cette ville… tenta de se remémorer Kariya.

 

 

-A Arrabar ! C’est la capitale du Chondath, situé à l’est du Calimshan et sur la rive opposée de la mer nous séparant du pays du Thay.

Je crains cependant… s’il est vraiment au service d’un de ces Zulkirs…Encore que…

Le Zulkir de la Conjuration nommé Nevron le déteste et Aberik  est censé être mort en l’affrontant en duel…

Tu es sûre que tu veux le retrouver pour le tuer ? dit Parvraidral en tentant de se faire tout petit.

 

 

-Oui, je suis sûre de vouloir l’arrêter ! De toute façon, on n’a plus le choix, maintenant qu’on a mis les mains sur ces papiers, on est dans la même situation que la pauvre Gellana.

Autant affronter ce qui nous attend !

 

 

-Mouais…tu ne connais pas les Zulkirs de Thay et si des gens se croient assez malins et forts  pour les renverser, je ne donne pas cher de notre peau…

Je me suis toujours dis que je pouvais prendre le large vers une île lointaine, si possible à l’opposé du Calimshan tenta de plaider Parvraidral dansant d’un pied sur l’autre.

 

 

-Tu es vraiment un couard ! De toute façon, on est coincé tous les deux et toi encore plus que moi puisque tu as été à l’origine mandaté pour « protéger » Gellana ! l’accusa Kariya.

Puisque nous sommes mouillés jusqu’au coup dans cette histoire, ou plutôt enterrés dit elle en frottant son bras couvert de terre suite au sort lancé par Aberik, jetons nous dans le danger et…

 

Elle n’eut pas le temps de terminer sa phrase que Cylwène l’interrompit, elle qui jusque là s’était tenue en retrait.

 

-Nous ne sommes pas obligés de nous jeter dans le danger pour autant même si notre situation demeure fâcheuse.

Vous pourriez venir vous cacher dans notre sanctuaire à Arrabar, le temps que nous trouvions une solution… tenta t-elle conciliante.

 

Ils finirent par décider qu’ils se rejoindraient tous au fameux sanctuaire des amis de Cylwène à Arrabar, Kariya ayant des choses à faire plus personnelles.

 

Sur les toits, une ombre les observait discrètement et se réjouit, sa protégée  avait bien travaillé et il serait intéressant de voir si son opiniâtreté parviendrait à détruire leur ennemi le plus virulent et le plus visible, les autres, finiraient par se montrer et seraient réduits à néant.

 

 

Le lendemain matin, alors que l’aurore peinait à pointer le bout de son nez sous un ciel brumeux, nos trois compères se tenaient devant la devanture de la boutique d’Androsyne, marchande amnienne[22] de son état.

La porte était légèrement entre ouverte, même si aucun bruit ne parvenait de l’intérieur.

Las d’attendre qu’Androsyne se décide à attirer ses clients, ils se permirent d’entrer et un calme anormal  les accueillit.

A cette heure de la journée, cette marchande aurait du commencer à aménager sa boutique de colifichets et balayer les détritus se trouvant devant chez elle, que des soudards noctambules avaient laissé là sans scrupule.

On voyait en revanche des bibelots plein de poussière sur les étagères et nulle présence d’objets magiques à vendre, d’où l’étonnement des trois visiteurs qui pensaient y trouver des pièces sujettes à des sortilèges d’abjuration ou de divination.

Rien, à l’intérieur de cette boutique, n’évoquait un quelconque commerce de ce type.

La porte située derrière le comptoir paraissait avoir été forcée et le couloir obscur qui le prolongeait n’avait rien d’engageant, en comparaison de la lumière du jour qui pénétrait par le biais de la vitrine.

-Bon, il faut se bouger, on ne va pas attendre les bras croisés que cette amnienne  vienne à nous, peut-être est elle en train de cuver son dernier elverquist[23]s’exclama Parvraidral.

-Je ne crois pas qu’elle soit saoule, mon époux bien aimé.

En raison de l’état de cette porte, je suis convaincue qu’il y a eu une effraction ici.

Venez, Kariya, vite, je pressens que quelque chose va nous échapper sinon…

 

Ils se précipitèrent tous les trois dans le couloir qui les conduisit vers une petite chambre attenante à une cuisine, où se trouvait Androsyne, le corps couvert de tâches violacés et peinant à respirer.

-Ne laissez pas cet abjurateur s’emparer du talisman d’Orfus, ah seule Gellana connaissait son identité…

Je me suis laissée bernée comme la pauvre idiote que je suis !

J’ai cru servir Thay en écoutant ses doucereuses paroles et à cause de moi, ce vil…

Elle n’eut pas le temps de terminer sa phrase qu’elle était déjà morte.

La chopine de bière indiquait qu’il y avait eu un empoisonnement, mais de l’empoisonneur, nulle trace.

Ils eurent beau fouiller partout, aucun indice sur ce fameux talisman d’Orfus.

Ils en étaient pour leurs frais et seule leur restait la perspective de se rendre dans le Chondath

 

 

[19] Le Thay est un pays esclavagiste situé à l’extrême est des Royaumes Oubliés et il est gouverné par un conseil de mages appelés Zulkirs pour ceux qui se situent en haut de la hiérarchie.

Les Zulkirs sont les dirigeants de huit écoles de magie, la conjuration (invocation de créatures magiques et portails), l’abjuration (magie de protection et de bannissement des maléfices et autres), la nécromancie, la divination, l’illusion, les enchantements (charmes de coercition), la transmutation et l’évocation (création d’énergie magique à partir de rien comme les boules de feu).

Le Thay a des  velléités impérialistes (comprendre, envahir ses voisins) mais s’est finalement lancé dans le commerce d’objets magiques par le biais d’enclaves commerciales.

 

[20] Bézantur est une ville qui se situe au sud du pays du Thay et c’est une ville portuaire assez mal famée.

Tyraturos est une ville située en plein centre de Thay et Thazalhar est une ville située au sud est de Thay.

 

[21] Eltabbar est la capitale du Thay.

 

[22] Amn est une république de marchands située au nord ouest du Calimshan.

[23] L’elverquist est un alcool elfique très prisé.

 

 

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Edouard PArle
Posté le 25/10/2021
Coucou !
Pas toujours facile à lire entre tous les noms de personnages, villes et vocabulaire. Il faudrait peut-être intégrer un glossaire au début de l'histoire. Ca m'aiderait bien personnellement ^^
Sinon je trouve que le titre du chapitre est très joli. On voit que tu prends soin de tes titres (=
Une petite remarque :
"Cette dernière partit" -> partie
Bien à toi !
Grisélidis80
Posté le 01/11/2021
Je vais réfléchir à ton idée de glossaire.
J'ai utilisé beaucoup de noms de villes dans ce chapitre mais rassures toi , les protagonistes n'iront pas dans chacune des villes que j'ai citées.
je te remercie pour le titre, j'essaie d'y faire très attention même si c'est pas toujours facile de trouver un bon titre de chapitre.je te souhaite une bonne journée et de bonnes lectures.
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