Il y a longtemps, bien avant la naissance des mères de nos mères, tous les êtres qui habitaient la terre vivaient sous un ciel obscur. En ce temps là, ni le jour ni la nuit n’avaient paru et chaque peuple vivait au pied d’un volcan qui lui prodiguait chaleur et lumière. Les plantes ne poussaient pas au-delà de ces montagnes incandescentes, et la plupart des terres formaient un immense désert glacé. Au pied de l’un de ces cracheurs de feux se trouvait le village de la jeune Azela. C’était une enfant curieuse et hardie, qui adorait aider son père à la forge. Elle virevoltait sans peur entre les fourneaux brûlants, secondant le vieil homme avec tant d’efficacité que les pièces qu’elle l’aidait à créer étaient les plus belles et les plus résistantes de la région. Mais si Azela appréciait aider son père, ce qu’elle aimait par dessus tout était se lancer dans l’ascension du volcan qui surplombait son village. Chaque fois que le feu de la forge perdait en vigueur, elle attrapait un pot de terre cuite et lançait :
- Père, je m’en vais chercher du feu liquide. Les flammes de la forge ne brillent plus assez haut et assez fort pour que nous puissions créer des outils solides.
Et chaque fois son père lui répondait :
- Va mon enfant, mais prend garde à ne pas t’approcher du cratère, les vapeurs pourraient te faire tourner la tête et les flammes t’avaler. Contente toi de la lave qui s’échappe des pentes.
Puis il l’observait s’en aller, une lueur de fierté dans les yeux.
La jeune fille grimpait rapidement les pentes rocailleuses jusqu’à atteindre les premières sources. Là, malgré la chaleur qui brûlait son visage, elle se penchait sur la rivière de lave qui surgissait de la pierres noires et, retenant sa respiration, y remplissait son pot. Bien des fois elle regarda avec envie le chemin qui montait au cratère, mais chaque fois les mots de son père résonnaient dans son esprit et elle rentrait à la forge sans aller plus loin.
Un jour, l’émissaire d’une reine qui habitait un lointain volcan à la lave bleue arriva au village. Elle avait entendu parler des créations du forgeron et de sa fille et souhaitait qu’ils créent pour elle l’épée la plus solide, la plus tranchante et la plus belle qui eut jamais existé. Aussitôt, Azela partit pour le volcan, afin de trouver la lave nécessaire à forger une épée si exceptionnelle. La voyant s’éloigner, son père lui dit :
- Va mon enfant, mais prend garde à ne pas t’approcher du cratère, les vapeurs pourraient te faire tourner la tête et les flammes t’avaler. Contente toi de la lave qui s’échappe des pentes.
Mais Azela était partie avec tant d’empressement que le vent égara ces mots. Lorsqu’elle arriva aux premières sources de lave, elle s’arrêta au bord d’un ruisseau brûlant. Mais alors qu’elle s’apprêtait à remplir son pot elle se dit :
- Cette reine désire l’épée la plus solide que l’on ai vue, jamais nous ne pourrons réaliser une telle lame avec cette lave. Je m’en vais trouver une lave plus brûlante dans les hauteurs.
Et elle continua à monter, avançant entre les rochers incandescents. Lorsque la chaleur devint si intense qu’elle lui brûlait les pieds, elle s’assit auprès d’un ruisseau de lave et se demanda si il conviendrait. À nouveau elle songea à l’épée et pensa :
- Cette reine désire l’épée la plus tranchante que l’on ai vue, jamais nous ne pourrons réaliser un tel tranchant avec cette lave. Je m’en vais trouver une lave plus brûlante dans les hauteurs.
Elle reprit son ascension, progressant parmi les jets de gaz. Lorsque sa tête commença à tourner, elle s’immobilisa et observa une source de lave, se demandant si elle serait assez chaude. Mais encore une fois elle pensa à l’épée :
- Cette reine désire l’épée la plus belle que l’on ai vue, jamais nous ne pourront réaliser un tel ouvrage avec cette lave. Je m’en vais trouver une lave plus chaude dans les hauteurs.
Et les pentes qu’elles franchissais devinrent si abruptes qu’elle du bientôt les escalader. Sa persévérance fut telle qu’elle finit par arriver au sommet du volcan. Alors, l’esprit troublé par les gaz et les pieds rougis par les braises, elle admira l’immense cratère. Son pot de terre cuite à la main, elle se pencha au dessus du gouffre, émerveillée par la puissance et les remous du magma. Malheureusement, elle avait respiré tant de fumées qu’elle perdit l’équilibre et chuta.
Alors qu’elle tombait, elle perçut au fond du précipice une chaleur et une puissance incroyable.
- Cette lave aurait été parfaite, eut-elle seulement le temps de penser.
Puis les flammes l’avalèrent.
Son père attendit longtemps le retour d’Azela, mais elle ne revint jamais .
Terrassé par la tristesse il ne forgea pas l’épée, mais ses larmes apportèrent au monde une merveille bien plus grande. En effet, au fond du cratère, à une profondeur qu’aucun humain n’avait jamais atteinte, là où on ne pouvait plus différencier le haut du bas et où les racines de tous les volcans se rejoignaient, se trouvait un être à la puissance infinie. C’était un être de braises et de flammes, un être de chaleur et de lumière. Au fond du cratère reposait le Soleil.
À la chute d’Azela, il s’éveilla, et lorsqu’il entendit les lamentations de son père il sortit du volcan et survola le village, emplit de curiosité. À l’époque où le Soleil s’était endormi aucun être ne parcourait la terre et il se pensait seul à jamais. La découverte des humains et des bêtes fut donc pour lui une surprise merveilleuse. S’approchant de la forge, il vit le père et l'interpella avec tendresse:.
- Salut à toi petit être, dis-moi, pourquoi ces larmes ?
Le forgeron leva vers lui un regard défait. Ses yeux étaient si emplis de ténèbres qu’il ne perçut pas la puissante lumière qui illuminait le ciel. Il ouvrit la bouche et, d’une voix fatiguée, lui conta son malheur. Le Soleil fut ému et lui répondit :
- Forgeron, je ne puis te rendre la fille que tu as perdu, mais ton histoire m’a touché et je résiderai maintenant parmi vous. Ainsi vous n’aurez plus besoin de gravir les pentes des volcans pour vous procurer de la chaleur et plus jamais les volcans n’avaleront d’enfants.
Les premier temps qui suivirent furent synonyme d’allégresse pour tous les êtres de la Terre. Les herbes se lancèrent à la conquête du désert et les arbres s’élevèrent vers le ciel. Les lézards sortirent du sol où ils se terraient afin de chauffer leur sang, les oiseaux s’envolèrent pour explorer les cieux et les peuples se lancèrent dans l’exploration de leur monde. Le Soleil quand à lui était transporté de joie. Il survolait le monde et chaque fois qu’il croisait quelqu’un, il se posait à ses côtés et l’assaillait de questions. Son amour était si grand qu’il n’arrivait jamais vraiment à se séparer des personnes qu’il rencontrait, et chaque fois qu’il repartait, il laissait un petit bout de son être auprès de sa rencontre pour continuer à lui tenir compagnie. Il voulait tout voir, tout entendre, tout ressentir, tout partager de la vie de ces nouveaux amis, tant et si bien que la Terre entière fut bientôt recouverte d’une myriade de petites sphères incandescentes. Certaines personnes, toutefois, commencèrent à se plaindre de la présence du Soleil. Certes il apportait la lumière, mais comment trouver le sommeil alors qu’il éclairait chaque maison? Même la chaleur qui avait était accueillie avec tant de joie devenait toujours plus étouffante, et les plantes qui au début s’étaient vêtues d’un vert profond s’asséchaient désormais à vue d’œil. Mais le Soleil lui, ne comprit pas ces plaintes.
- Pourquoi voudriez-vous que je m’éloigne? Ne sommes nous pas amis ? Observez comme je vous apporte lumière et chaleur alors que vous viviez dans le froid et les ténèbres. Je vous abreuve de mon amour, cela ne peut être mauvais !
Face à cette réaction, les villageois décidèrent de partir chercher le forgeron. Lorsqu’ils arrivèrent à la forge, ils le trouvèrent sur le pas de la porte. Ses traits avaient changés. Son visage était fatigué, ses paupières gonflées et des cernes mauves ornaient ses yeux. La foule s’arrêta près de lui et la doyenne du village s’avança.
- Mon ami, les arbres flétrissent, les lacs s’assèchent et les récoltes meurent. Notre temps est compté si nous n’agissons pas. Il nous faut éloigner le Soleil, son amour nous étouffe.
- Allons là ! Que dis-tu doyenne ? Tu voudrais chasser cet être bienfaisant ? Ce que tu dis est faux ! Il ne nous amène aucun malheur !
Mais alors qu’il parlait, des larmes s’échappèrent de ses yeux éblouis et coulèrent le long de ses joues.
- Forgeron nous voyons les larmes qui fuient ton corps à cause de la lumière, tu sais que le Soleil ne peut toujours être à nos côtés. Nous lui avons demandé de s’éloigner, de nous laisser du temps pour nous retrouver avec nous même, mais il ne l’entend pas. Je t’en prie, porte lui ce message car toi seul lui fera entendre raison.
- Mes amis ne voyez vous donc pas que ça n’est qu’une question de temps ? Bientôt nos corps et les animaux s’habitueront à sa présence et nous profiteront pleinement de l’amour qu’il nous porte.
Au moment même où il prononçait ces mots, un voile sombre couvrit le regard du forgeron. Le Soleil brillait pour lui plus fort que pour nul autre et le forgeron s’abreuvait volontiers de sa lumière pour oublier son deuil, tant et si bien que les rayons avaient fini par abîmer sa vue. Les villageois rebroussèrent chemin, désespérés, laissant seul les deux amis. Après un long silence, le vieil homme finit par soupirer:
- Peut être ont-t-ils raison. Je perçois déjà moins ta lumière, ma vue diminue. Pour la retrouver il me faut peut être me reposer de ta présence.
- Mais non ! Si tu vois moins c’est que j’ai du oublier de t’éclairer ! Regarde !
Et il se mit à briller plus fort.
- Non mon ami, plus tu brilles, moins je vois, et ta volonté n’y changera rien. Te rencontrer fut un grand bonheur et j’espère que nous nous reverrons, mais il est temps que nous nous séparions.
À ces mots l’être solaire, emplit de tristesse et de colère, s’éleva dans le ciel. Il appela à lui toutes les parties de son être qu’il avait disséminées sur la Terre et dans un cri, disparu dans le cratère qui l’avait vu apparaître. Il s’enfonça si profondément sous la terre que sa chaleur n’alimenta plus aucun volcan. Les sources de lave se tarirent et bientôt le monde fut plongé dans une obscurité totale. Entourés de ténèbres, les villageois revinrent chez le forgeron pour lui demander ce qu’il c’était passé. Lorsqu’il leur raconta, des voix s’élevèrent contre lui.
- Nous t’avions demandé de l’éloigner, pas qu’il disparaisse ! Encore moins en emportant la chaleur des volcans avec lui !
Mais alors que le grondement de la foule augmentait, la doyenne s’interposa.
- Cet homme, tout comme nous, n’a fait que demander au Soleil un peu d’espace, il n’est en rien responsable de sa réaction. Le responsable est le Soleil, c’est donc à lui qu’il faut nous adresser.
Et elle marcha droit sur le volcan, droit sur le cratère, suivie par l’ensemble du village. Arrivés à son sommet, ils se mirent à appeler le Soleil, lui demandant de revenir. Mais rien ne bougeait dans les ténèbres. Alors ils appelèrent, encore et encore, et finalement une lueur apparue au fond du cratère. C’était l’être solaire qui remontait vers eux. Il leur parut plus petit et plus pâle que dans leurs souvenirs, et immédiatement ils s’inquiétèrent. La doyenne se fit la voix de tous et lança :
- Que t’es-t- il arrivé Soleil ? Tu sembles plus faible qu’avant.
- C’est que je ne suis pas entier. Des heures durant, j’ai entendu vos supplications, partagé entre mon amour à votre égard et ma tristesse. Ne sachant comment choisir, j’ai fini par me déchirer. Mon ressentiment est resté au fond de la terre tandis que mon amour a répondu à votre appel. Maintenant je suis là. Que voulez-vous ?
- Nous sommes venus te demander de revenir, tu t’es enfoui si profondément que les volcans se sont taris. Et puis… tu nous manques.
- Mes rayons vous manquent ? Mais alors pourquoi avoir voulu que je m’éloigne ? Si vous m’aimez pourquoi ne pas m’avoir gardé à vos cotés ?
- Ce n’est pas parce que nous voulons être seuls que nous t’aimons moins. Ça n’est pas parce que nous sommes sans toi que nous ne t’aimons pas. Chaque être a besoin de trouver un équilibre dans la distance qu’il prend avec les autres, et quelque soit notre amour, il nous est impossible de fusionner. Si tu veux vivre en harmonie avec nous, il te faut écouter nos besoins et les respecter, tout comme nous écouterons et respecterons les tiens. Ici, dans ce village, ta compagnie nous emplie de joie, mais nous avons besoin de plus de distance avec toi pour supporter ta chaleur, et de moment sans toi afin de reposer nos yeux et nos corps.
Le Soleil resta silencieux un temps, puis sa voix profonde résonna :
- J’ai besoin de passer du temps avec d’autres êtres, de les découvrir et de leur transmettre mon affection. J’ai passé une éternité seul, et je n’en peux plus de la solitude. Mais maintenant que je suis déchiré, il est vrai que j’aurai aussi besoin de temps où je retrouverai mon entièreté, là-bas, sous la terre.
Alors que le Soleil et les villageois discutaient, des habitants des autres villages les rejoignirent, leurs convois formant de longues files qui escaladaient le volcan depuis l’horizon. Autour de ces files, sur terre ou dans les airs, avançaient des animaux de toutes les formes et de tous les âges. Les serpents rampaient, les lynx trottinaient et les oiseaux marins se faisaient la voix de tous les habitants de l’Océan qui ne pouvaient être présents. On pouvait même apercevoir quelques pélicans transportant dans leur sacs de petits poissons pour leur permettre de participer. Un par un, tous les représentants des villages et des espèces qui s’étaient rassemblés exprimèrent leurs ressentis, leurs besoins et leurs demandes, puis, tous ensembles, ils cherchèrent une solution. Il y eut de nombreux désaccords, maintes propositions furent faîtes et maintes propositions furent rejetées. Finalement un consensus fut trouvé et le Soleil s’envola au dessus des nuages, formant une grande sphère de feu.
Chaque jour, il parcourt l’immense ciel, saluant les êtres sur son passage et leur prodiguant chaleur et lumière. Chaque nuit, il rentre dans le cratère pour retrouver son autre moitié. Là, il lui conte ses aventures et ses découvertes. Parfois cette autre moitié hésite à revenir parmi nous, et remonte un peu vers la surface, éveillant quelques volcans malgré elle, mais elle replonge toujours vers les profondeurs, effrayée qu’on la rejette à nouveau. À la fin des temps, peut être, le Soleil retrouvera-t-il son unité.
Ainsi notre monde trouva son équilibre et ainsi furent créés le jour et la nuit.
Wow j'adore, ton petit conte est juste superbe !
Le message est... C'est juste wow. J'en perds les mots...
Quitte à me répéter je dirais superbe, j'aime beaucoup ton style ^^
Rendez-vous au prochain, alors ;-)
J’aime beaucoup cette réinterprèterions d’icar au début !
Est ce que tu t’es inspiré de contes existants pour l’histoire du soleil ensuite ?
Merci beaucoup pour cette super lecture j’ai passé un super moment et j’ai même versé une petite larme au milieu ♥️
C'est drôle parce que j'ai pas du tout pensé à Icar en l'écrivant mais maintenant que tu le dis je me rends compte que ça se rapproche du peu que je connais de ce mythe ! Je vais aller le lire pour voir à quel point ça se rapproche haha.
Pas consciemment en tout cas ! Je suis parti de l'idée que je voulais développer sur les relations et la communication, j'ai trouvé une métaphore qui me semblait bien et après j'ai développé en m'inspirant de la forme des contes.
Ah ah je pense qu’il n’y a aucun problème à composer avec ces inspirations (même inconsciente ou à posteriori ha ha ). Ça donne de chouettes reinterpretations, relectures et histoires !
Tu as une très jolie plume pleine de poésie avec des mots juste s. C'était vraiment une lecture agréable. Un très joli premier texte qui nous donne envie d'en savoir plus sur tes autres récits et tes prochaines écritures.
J'ai repéré quelques petites coquilles ^^ :
"Cette reine désir l’épée la plus solide que l’on ai vu" : "désirE" et je me demande si "vu" ne prend pas un "E" à la fin, car "l'épée la plus solide" est le COD du verbe et qu'il est placé avant... A vérifier ^^
"il ne l’entends pas" : "entends" ne prend pas de "S"
"Ses yeux étaient si emplit" : si "emplit" est utilisé comme adjectif, il ne prend pas de "T" à la fin
"j’ai finit par me déchirer." : "finit" ne prend pas de "T"
"quelques pélican transportant" : un petit "S" à la fin de "pélican" ^^
Les coquilles, les fautes, j'ai l'impression qu'on n'en vient jamais à bout malgré tous nos efforts ! Ces fautes ne gèrent en rien la lecture ! C'est juste pour te donner un coup de main à la relecture =) Si ça t'embête, je ne le ferai plus, bien sûr ^^
A très vite !
Merci beaucoup pour toutes tes remarques, ça aide à améliorer le texte ! (et ça m'embête pas du tout :p )
Côté lecture je le trouve assez aéré. On pourrait presque voir/écouter un conteur nous le (ra)conter !
Pour le texte en lui même voici ce que je te suggère :
"Les plantes ne poussaient au-delà de ces montagnes incandescentes" peut être rajouter qu' ? pour marquer que la végétation se faisait rare ?
Et bien c'est prévu en réalité ! Normalement en septembre il y aura une version audio de ce conte qui devrait sortir, avec des animations visuelles et un accompagnement musical :)
Merci pour ta remarque ! Ce que je voulais dire c'est qu'il n'y a pas de plantes quand on s'éloigne des volcans, mais du coup ta remarque me montre que c'était pas clair. Je vais voir comment je modifie ça pour que ça soit mieux !