Will Nevik se réveilla en sursaut. Son corps était luisant de transpiration, et il luttait contre une nausée aussi violente que soudaine. Une migraine insoutenable lui vrillait les tempes, et sa gorge était comprimée par un étau qui rendait sa respiration difficile. Il se dégagea de sa couchette trempée de sueur et alluma la lumière. Il ne se rappelait pas avoir été aussi mal de sa vie. Il se précipita hors de sa chambre pour rejoindre le box des toilettes, mais avant même de les atteindre, il vomit dans le couloir. A genoux, haletant, il sentait son estomac se tordre et s'agiter de spasmes violents en versant sur le sol un liquide noir et opaque sentant la cendre. Incapable de contrôler sa nausée, persuadé d'être en train de mourir, il se décida à appeler à l'aide, mais il se rendit compte en levant les yeux que deux autres corps inanimés étaient allongés à l'autre bout du couloir. Il entendit un voisin vomir dans une cabine voisine. Cloué au sol, Will activa son holo-montre et se connecta au système de communication général du vaisseau interstellaire. Il espéra que l'équipage de garde entendrait son message. Entre deux vomissements, il parvint à parler d'une voix haletante et saccadée :
—Ici le capitaine Nevik… Tout l'équipage du couloir F et moi-même… sommes victimes d'un malaise général, nous sommes tous à terre… Aidez-nous, envoyez l'équipe médicale !
—Message bien reçu, capitaine. Les équipes médicales viennent de partir au couloir L, qui nous a aussi appelé à l'instant pour le même motif. Je déclenche l'alerte générale. On vous envoie qui on peut. Courage.
La sonnerie de l'alerte retentit dans le couloir, qu’il voyait comme à travers une brume violacée dansant devant ses yeux. Sa conscience vacillait, prise d’assaut par les vertiges. Les râles et les cris de détresse de ses voisins de couloir lui parvenaient, étouffés, au ralenti. Au bout de quelques interminables minutes, un groupe fit irruption, équipé de combinaisons de protection biochimiques. Le capitaine se sentit soulevé et délicatement posé sur un brancard, et quelqu'un replia autour de lui une enveloppe de plastigraphène transparent pour l'isoler. Il sentit un courant frais chargé d'oxygène envahir l'enveloppe et la gonfler. Il était dans une bulle protectrice. Tandis qu'il sentait le brancard-bulle se déplacer, une odeur vint lui chatouiller le nez : à l'oxygène avait été ajouté quelques médicaments. Probablement des anti-vomitifs et des antalgiques. Rapidement, il se trouva bercé par une douce euphorie. La douleur ayant disparu, le stress s'étant dissipé, la fatigue lui tomba dessus. Ses paupières chargées de plomb se fermèrent malgré lui et il sombra dans un sommeil sans rêves.
Quand il se réveilla, il reconnut le plafond du box hospitalier du vaisseau. La bulle protectrice l’enserrait toujours, mais cette fois dans un lit médicalisé. Il sentait encore en lui la caresse des antalgiques et n’éprouvait plus aucun malaise. Il se redressa et constata que le box était saturé de patients, des brancards ayant même été ajoutés pour faire face à l'affluence de malades. Les médecins, les infirmiers, et des personnels supplémentaires réquisitionnés pour l'occasion couraient dans tous les sens. Il aperçut le médecin-chef Sarah Djubia penchée sur un nanoscope. Quand il l'appela assez fort pour couvrir le brouhaha externe, elle décolla ses yeux de son appareil et se tourna vers lui, puis s’approcha :
—Comment allez-vous, Capitaine ?
—Mieux. J'ai bien cru que j'allais y passer. Qu'est-ce qui m'est arrivé? Que se passe-t-il ici ?
—L’équipage du vaisseau est victime d'une épidémie atypique. Nous sommes encore en pleine étude, mais nous avons déjà fait quelques découvertes. Malheureusement, nous déplorons des pertes.
Will Nevik frissonna :
—Des… morts ?
—Oui, vingt et une personnes.
—C'est catastrophique ! Vous connaissez la cause de la maladie ?
—Pas encore, mais les seules victimes pour l'instant sont des membres d’équipage des couloirs F et L. Donc nous pensons...
—Vous pensez que nous avons été infectés durant notre dernière mission, coupa le Capitaine.
Sarah Djubia soupira, fixant son patient d’un regard désolé, puis confirma :
—Exactement. Vous étiez le responsable de l’expédition, en compagnie des équipes F et L uniquement. Vous avez exploré un secteur encore inconnu du terminateur de Proxima b. Le commandant est persuadé que vous avez été infectés par quelque chose. D'ailleurs, sans vouloir vous mettre la pression, il m'a donné l'ordre de le prévenir quand vous reprendriez connaissance.
—Il a déjà eu mon rapport.
—Il veut que vous le complétiez, au regard de cette épidémie et des maigres connaissances que nous avons collectées à son sujet.
—Parlez-moi d'abord de vos découvertes avant de contacter le commandant, s’il vous plait.
Le docteur Djubia dévisagea Will pendant quelques secondes à travers le plastigraphène puis baissa la tête. Sous sa chevelure blonde ramenée en chignon derrière sa nuque, ses yeux verts se ternirent, ses traits fins se crispèrent puis elle expliqua :
—Les symptômes sont presque les mêmes que ceux d'une violente réaction allergique. Les personnes qui n'ont pas survécu ont succombé à un choc anaphylactique, sa plus grave complication, qui se traduit par un gonflement de la gorge menant à l'asphyxie, ou par un arrêt cardiaque.
—Je ne suis pas médecin, mais il me semble que nous arrivons bien à traiter ça de nos jours.
—C'est exact. Mais malgré nos efforts nous avons été impuissants. La réaction et les symptômes étaient trop violents. En outre, une allergie implique un allergène, c'est à dire une molécule étrangère qui fait réagir le corps. Hors toutes nos analyses ne montrent rien de tel. Pas de virus, pas de bactérie, pas d'allergènes connus.
—Connus ?
—Oui. Notre seule explication pour l’instant, c’est une contamination par une molécule extraterrestre, probablement issue de Proxima b.
Will se redressa sur son lit. Yeux froncés, dents serrées, il lâcha :
—C'est impossible ! Nous étions tous équipés de combinaisons spatiales hermétiques !
—Ne vous énervez pas capitaine. Nous le savons. Nous essayons aussi de percer ce mystère.
—Est-ce que moi et les autres survivants sommes encore infectés ?
—Impossible à dire. Mais vous êtes stabilisés, à grand renfort de perfusions et de traitements, et de repos. D'ailleurs tous les autres dorment encore, vous êtes le premier à vous réveiller. Vous avez dormi presque une journée entière. J'appelle le Commandant ?
—Quand est-ce que je sortirais de la bulle ?
Le docteur Djubia hésita un instant puis allait lui répondre, quand un autre médecin l'appela en urgence depuis l'autre bout de la pièce. Elle lança un regard contrit à Will puis détala. Le Capitaine n'était pas dupe, il allait rester dans cette prison un bon bout de temps. Il entendit néanmoins Sarah donner des ordres à un auxiliaire pour faire appeler le Commandant. Comme l'attente allait durer, il en profita pour se remémorer tous les détails du voyage interstellaire et de sa dernière mission d’exploration pour tenter d’identifier un lien avec l’épidémie.
Proxima b était l'exoplanète la plus proche de la Terre. Elle gravitait autour d'une étoile de type naine rouge, nommée Proxima Centauri, située à 4,22 années-lumière du système solaire. Explorer Proxima b avait toujours été un vieux fantasme de l’humanité, mais la distance était telle qu'il avait fallu attendre un progrès technologique considérable pour le réaliser : L’invention du moteur inertique. Il consistait à immobiliser un vaisseau dans l’espace de façon absolue. C’est-à-dire en supprimant tout déplacement même inertiel acquis par le mouvement des planètes, des astres et même des galaxies. Donc, en figeant un vaisseau sur la trame même de l’espace-temps, il pouvait tranquillement « attendre » que les autres étoiles et planètes viennent à lui à la vitesse de la lumière. Évidemment, pour atteindre un objectif dans ces conditions et en toute sécurité, il fallait faire des calculs dantesques.
Will, fort d'une grande expérience en navigation spatiale et en exploration planétaire, avait été un des premiers à être recruté quand les calculs avaient été réalisés pour atteindre Proxima b, avec le vaisseau inertique Le Centaure. Le "voyage" avait duré quatre ans et six mois. Son objectif était simple : Se mettre en orbite autour de Proxima b, et envoyer des sondes et des navettes d'exploration tout le long de son terminateur. Cet "anneau" de terre, situé entre l'hémisphère constamment exposé à l'étoile et l'autre à son opposé, était supportable et susceptible d'accueillir la vie, contrairement aux deux autres zones qui, à cause du verrouillage gravitationnel de Proxima b autour de son étoile, étaient en permanence gelée pour l'une, brûlante pour l'autre. Il y avait donc une bande habitable de près de 48000 km de long à explorer.
La dernière sortie de Will sur Proxima b avait été sa quatorzième, forte des équipes F et L, soit trente et une personnes en plus de lui, dans le but d’étudier la « brèche de Nemo », un profond canyon de plusieurs dizaines de kilomètres de long, parcouru par un fleuve d'eau liquide à 80°C. La navette s'était posée à l'ombre d'une petite formation rocheuse, à une extrémité du canyon. Le capitaine et ses hommes en étaient descendu, équipés de combinaisons spatiales, et avaient observé le ciel inondé de la lueur rougeâtre de Proxima du Centaure. L’étoile éternellement posée sur l’horizon, pour un observateur du terminateur, avait donné à l'atmosphère une teinte crépusculaire et apocalyptique. Plus haut, l'étoile double Alpha Centauri A et B avait diffusé plus discrètement sa lumière, mais l'ensemble avait donné l'impression aux explorateurs d'être éclairés par trois soleils distincts. Will se souvint que Merko, l'exobiologiste, s’était alors approché de lui, et il laissa la scène se dérouler dans son esprit.
Quarante-huit heures auparavant.
—Je ne m'habituerais jamais à cette gravité. Je me sens lourd, gros et fatigué comme si je pesais 120 kilos !
Amusé, Will répondit :
—C'est probablement ce que tu pèses ici, Merko, même si ta masse n'a pas changé. Heureusement, nous n'aurons pas à marcher beaucoup, le canyon semble assez praticable pour les quads.
—Tant mieux !
—Alors tu penses trouver ici ce que tu cherches ?
Merko pointa le canyon du doigt et répondit, enjoué :
—Oui, la brèche me semble être l'endroit idéal pour espérer trouver des traces de vie antérieure, voire des fossiles d'agrégats pseudo-bactériens. Peut-être même de la vie ! Je pense que les parois rocheuses et les strates vont nous réserver des surprises.
—Je l'espère aussi. Nous sommes nombreux à désespérer de ne jamais trouver aucune trace de vie sur aucune des planètes que nous explorons.
—C'est sûr. Je me sens inutile au possible depuis des années. Mais je crois que ça va changer. La composition de l'atmosphère de ce canyon me porte à croire qu'il s'y passe quelque chose.
—Alors allons-y.
Will se tourna vers l'ensemble de son groupe :
—Équipes F et L, vérifiez vos combinaisons, testez vos radios, et faites l'inventaire de votre matériel. Nous partons pour plusieurs heures de route. Vérifiez aussi la batterie de vos quads. Quand ce sera fait, chaque binôme prendra un véhicule. J'occuperais la tête du convoi avec le professeur Merko Skimi.
Cela faisait déjà trois heures qu'ils étaient partis. La rive gauche du fleuve était assez praticable pour les quads tout-terrains, équipés de solides amortisseurs et conçus pour la gravité plus élevée. A plusieurs reprises, la compagnie avait fait une halte pour explorer des anfractuosités rocheuses, des failles ou des grottes. A chaque fois, des prélèvements minéraux avaient été effectués, et les caméras de combinaison cartographiaient automatiquement les lieux. Merko, à l'arrière du quad du capitaine, analysait les chiffres et les symboles de son holopad, sur lequel il stockait les informations chimiques des prélèvements. Il leva les yeux et observa l'étoile quelques instants.
—Je ne supporte pas l'immobilité de Proxima du Centaure. Comment espérer se repérer dans le temps avec un soleil qui ne change jamais de place ?
—Tu n'arrêtes jamais de te plaindre, non ? blagua Will.
—C'est vrai. La Terre me manque. Ma famille me manque. Communiquer avec eux me manque.
—J'admets que des ondes radios qui mettent plus de huit ans à faire l'aller-retour entre nous et la Terre, ça n'aide pas.
—La vie me manque aussi. Je parle d'animaux, de végétaux. Notre vaisseau est un cercueil de métal stérile, et cette planète n'est pas plus hospitalière. Je suis fatigué de ne voir que des humains.
—Dis-donc, tu ne couverais pas une petite déprime ?
—Si peu...
—Attends, regarde. Nous approchons d'un lac.
Le fleuve se séparait en une série de cascades et de rapides, qui dévalaient une pente chaotique. Les eaux convergeaient toutes vers un grand lac gris violacé, reflétant les trois étoiles du système Alpha Centauri, malgré les vapeurs assez denses. De part et d’autre, les parois du canyon ressemblaient à une ville troglodyte, les falaises étant percées de failles, de trous et de grottes par dizaines.
—On va avoir du boulot, mon ami, souffla Will.
Merko ne cacha pas sa joie :
—La couleur du lac est d'une beauté époustouflante ! Il doit être d'une haute teneur en iode. Sa température est plus chaude. Je pense avoir des chances de trouver ce que je cherche ici.
Chaque grotte, chaque trou, chaque faille, était assignée à un binôme. Le professeur Merko Skimi eut le privilège de décider ce qu'il allait explorer avec Will. Son choix se porta sur deux galeries adjacentes, dont les entrées monumentales étaient surplombées d'un paravent rocheux massif. De petites rivières aux reflets violets s'en échappaient avant de nourrir les rapides extérieures. Ils s'engagèrent dans la première grotte avec prudence, car la pente était raide, et le sol humide et glissant. La lumière de leurs lampes ioniques se réverbérait sur les ruisselets suintant des parois, offrant aux explorateurs une symphonie de scintillements. Bientôt, la roche lisse et tendre fit place à des structures plus torturées, ponctuées de stalactites, de stalagmites et de piliers de pierre. Des grappes de cristaux violets perçaient toutes les surfaces. L'angle de la pente s'accentua, et les deux hommes durent redoubler de prudence et d'efforts pour ne pas tomber.
—Cette grotte est fantastique, Will. Je sens que nous allons trouver quelque chose.
—Tant que nous n'y trouvons pas la mort, ça me va. J'aimerais rebrousser chemin, ça devient de plus en plus impraticable. Nous ne sommes pas équipés pour faire de la spéléologie.
—Non ! Il faut absolument continuer.
—Écoute, ça fait quinze minutes qu'on crapahute là-dedans. Les autres binômes m'ont tous envoyé le signal de retour. Il nous reste encore beaucoup de grottes à visiter autour du lac. On n'a qu'à noter celle-là comme étant digne d’intérêt. On reviendra mieux équipés pour approfondir l'exploration.
—C'est maintenant que ça se joue, Will. Pas dans un mois, ni même demain. Aujourd'hui.
—C'est trop dangereux. Je refuse de courir plus de risques. On part.
—Pars si tu veux. Je continue.
Le capitaine regarda, impuissant, l'exobiologiste continuer sa progression. Ce petit homme prétentieux l'avait énervé. Il avait bien envie de le laisser poursuivre seul sa folle entreprise et de retourner au quad. Après tout, il n'écoutait rien, c'était de la pure insubordination. Personne ne tiendrait Will pour responsable s'il rentrait sans lui, ou s'il lui arrivait malheur. Il était sur le point de partir mais il se ravisa. Le Centaure ne comptait qu'un seul professeur d'exobiologie, et la Terre était à plus de quatre années-lumière d'ici. La mission ne pouvait pas se permettre de le perdre. Il se remit en marche et essaya de rattraper Merko, mais ce dernier glissa sur la roche et se mit à dévaler une pente descendante en hurlant dans son émetteur. Will se précipita, mais il était trop tard. Il se pencha au-dessus de la descente et vit que les traces de la glissade menaient à un trou dans le sol.
—Merko, ça va ? Tu m'entends ?
Son récepteur grésilla quelques secondes avant de faire entendre la voix haletante du malheureux.
—Ça va, je crois.
—Tu n'as rien de cassé ? Ta combinaison est intacte ?
—Je suis debout, je ne sens pas de fuite d'oxygène. Je n'ai mal nulle part, je suis juste un peu sonné. Je suis tombé au fond d'un trou.
—C'est profond ?
—Oui, quatre ou cinq mètres. Je n'arrive pas à grimper, les parois sont trop lisses.
—Je vais appeler à l'aide.
Le capitaine bascula sa radio sur la fréquence générale.
—A toutes les unités, ici le capitaine Nevik. Le professeur Skimi est tombé dans un trou profond de cinq mètres. Je suis au-dessus. Je vais rester là avec lui. Je charge les deux binômes les plus agiles de récupérer un grappin et de nous rejoindre. Faites attention où vous mettrez les pieds, le sol est glissant et peu praticable.
—Reçu, capitaine. On vous localise et on arrive.
Merko était dans l'obscurité, sa lampe ionique s’étant brisée. Il activa son faible éclairage de combinaison, et resta sans voix devant le spectacle. Le trou où il était tombé formait un boyau tordu débouchant sur une cave immense. Il fit quelques pas, et se rendit compte qu'il pataugeait dans de l'eau. L'endroit était inondé et des volutes brumeuses flottaient doucement dans l’atmosphère. Les parois étaient recouvertes de petits cristaux noirs translucides.
—Tout va bien, Merko ?
—Oui, ne t'inquiète pas.
—Tu vois quelque chose ?
Il allait lui répondre pour lui dire la vérité, mais se ravisa.
—Rien du tout. C'est un trou, et il fait très sombre.
—L'aide va bientôt arriver, courage. Vérifie tes équipements et ta combinaison, dis-moi s'il y a un problème.
Le professeur fit un rapide examen. Sa combinaison était encore hermétique. Sa réserve d'oxygène était convenable, ainsi que sa pression. En revanche, certains équipements étaient abîmés.
—Ma caméra est cassée, ainsi que mon spectroscope. Le reste est bon.
—Tant mieux. Tu vas devoir attendre quelques dizaines de minutes, ça va aller ?
—Oui oui, je vais en profiter pour m'allonger et me reposer.
—OK.
Il ne se reposa pas. Il s'approcha des cristaux noirs. Sa lumière de combinaison semblait en pénétrer les surfaces et rebondir à l’intérieur. Le professeur avait l'illusion que la vie y pulsait. Comme pour confirmer ses pensées, il vit les parois des cristaux frétiller, comme de la limaille de fer agitée par un champ magnétique. Fasciné, Merko approcha sa main gantée et toucha les formes géométriques. Il eut subitement l'envie irrépressible d'en arracher quelques-unes de la roche. Elles se détachèrent avec une facilité déconcertante. Il observa sa poignée de pierres noires attentivement et les approcha de sa lumière : Le frétillement s'intensifia. Les surfaces géométriques devenaient iridescentes, des microstructures y dansaient, devenaient des fractales éphémères. Il resta hypnotisé un bon moment avant d’entendre de nouveau le capitaine :
—Merko, l'équipe est là, on t'envoie le grappin.
—Ok !
Sans réfléchir, il ouvrit le boîtier à demi ouvert de sa caméra de combinaison cassée, et y engouffra sa trouvaille. Il referma l'appareil aussi bien qu'il le put, et se dirigea vers l'entrée du boyau où le grappin venait d'être lancé.
L'incident de Merko avait prématurément mit fin à la mission d'exploration. Dans le sas du Centaure, la navette et les 32 explorateurs furent décontaminés et analysés. Chacun était en train de reconditionner et de ranger son matériel et sa combinaison, quand Will s’approcha de Merko :
—Merko, je suis content qu'il ne te soit rien arrivé, mais à l'avenir, obéis à mes ordres, sinon le commandant ne permettra plus que tu sortes. Tu as risqué ta vie.
—Oui, Will. Je suis désolé, ça ne se reproduira plus.
—Bien. Je vais parler aux hommes puis j'irais faire mon rapport. Je te charge d'emmener ta combinaison au service technique pour y faire réparer tes accessoires.
Le professeur attendit que le capitaine se soit éloigné. L’équipe était à l'autre bout du sas, en train de s'occuper du matériel. Il s'assura que personne ne le regardait, puis ouvrit le boîtier de sa caméra. La forte lumière de la salle vint frapper les cristaux qui y étaient dissimulés, et leurs surfaces géométriques s’irisèrent plus que jamais. Des fragments de limaille dansèrent et s’élevèrent, des fractales mobiles et hypnotiques s'élancèrent sur quelques centimètres, et avant même que Merko ait pu refermer le boîtier, de minuscules faisceaux de particules en jaillirent. Merko fut pris d'une crise d'éternuements colossale. L'équipage le regardait, inquiet, et Will faisait déjà demi-tour. L’exobiologiste se hâta de fourrer les cristaux dans sa poche avant que le capitaine arrive, les yeux froncés :
—Tu es malade ?
—Non, non, quelque chose m'a chatouillé le nez.
—Met un masque et va voir le médecin, on ne peut pas se permettre de répandre des germes. D'ailleurs, vu que tu as éternué partout, je vais devoir de nouveau décontaminer le sas. Allez, va. Je vais m'occuper de ta combinaison.
Box hospitalier du vaisseau, quarante-huit heures après.
Will sortit de sa rêverie quand le Commandant tapota doucement la bulle pour se signaler. Cet homme grand et massif, aux yeux bleus perçants, à la peau crevassée, et aux rares cheveux noirs clairsemés sur un crâne toujours luisant de sueur, fronça les sourcils :
—Comment vous sentez-vous, Capitaine ?
—Plutôt bien. J'ai hâte de sortir.
—Si vous souhaitez quitter le box, il va falloir m'aider à y voir plus clair. Pour l'instant, vous représentez un danger potentiel, comme les neuf autres survivants. Mais surtout, il va falloir m'expliquer en quoi vous avez merdé, pour causer la mort de presque deux tiers de votre équipe en une nuit.
Will allait protester, mais se ravisa. Oui, il était en partie responsable, ça ne faisait pas de doute. Quelque chose avait échappé à son contrôle.
—J'y ai réfléchi, mon Commandant. Ma seule hypothèse est liée à l'incident dont a été victime Merko Skimi dans la brèche de Nemo. Au retour dans le sas, il a été victime d'une série d'éternuements.
—Ce dernier élément n'est pas dans votre rapport.
—Effectivement, je suis désolé, comme cela s’est produit en fin de mission je l’ai omis. Mais je lui ai donné l'ordre de se faire examiner par un médecin.
Le Commandant réfléchit, puis appela le médecin-chef. Sarah les rejoignit et ils firent le point : personne n'avait traité, ni même vu, le professeur Skimi dans l'unité médicale depuis la mission. Le commandant interrogea l'ensemble du vaisseau via son holo-montre : L'exobiologiste était absent et n'avait été aperçu nulle part.
La partie du couloir des scientifiques qui donnait sur la chambre du professeur Skimi fut isolée. Des bâches de plastigraphène couvraient les murs, le sol et les issues. Équipés de combinaisons de protection, deux auxiliaires abaissèrent la poignée de la porte hermétique et poussèrent. Le corps de l'exobiologiste était assis, les bras et la tête affalés sur son bureau. Il ne semblait plus respirer. Sa chambre était plongée dans une pénombre seulement chassée par la lueur diffuse d'une lampe de chevet réglée au minimum. Des dizaines de bocaux et de fragments de roches ornaient des étagères. Devant le professeur inanimé, un terrarium hermétique était complètement noir et opaque. Un des auxiliaires activa la lumière principale de la chambre, et aussitôt le contenu du terrarium se mit à bouger. Le matériau noir qui recouvrait les parois internes dansait sur la surface, décrivant des arabesques et des motifs géométriques à une vitesse impressionnante. La lumière vive de la pièce semblait faire briller la matière de l'intérieur, tandis qu'elle décrivait des fractales et des cercles concentriques. Les deux sauveteurs récupérèrent le corps du professeur, le posèrent sur un brancard, et l'isolèrent dans le plastigraphène. Après être passés à travers le sas provisoire de décontamination, ils amenèrent le corps dans le secteur des hospitalisations.
Le professeur était encore en vie, mais mourant. Will voyait l'équipe médicale s'acharner pour le sauver. Le Capitaine avait été informé des circonstances de la découverte du corps et du contenu de la chambre. Le terrarium avait aussi été saisi et emmené, avec la plus extrême prudence et le maximum de sécurité, dans le laboratoire du Centaure.
La matière exotique avait été analysée et étudiée. Refroidie à l'azote liquide, la substance noire s'avéra être un alliage cristallin de macromolécules organiques. Le tout n'était pas agencé en cellules, comme l'était le vivant sur Terre. Pas d'ADN ni d'ARN non plus. Pourtant, les cristaux croissaient et se multipliaient en présence de lumière dans le spectre du visible et de l’ultraviolet, ce qui expliquait pourquoi la planète n'en était pas colonisée, car Proxima du Centaure en irradiait très peu. Le plus incroyable était que cette étrange matière semblait, à partir de l'énergie lumineuse, fusionner de nouveaux éléments, ce qui normalement était réservé aux étoiles et aux centrales à fusion nucléaire. Les scientifiques en conclurent que le cristal avait la propriété de capter et de manipuler d'incroyables quantités d'énergie. Mais le plus inquiétant fut révélé en le mettant en présence de formes de vie...
Les macromolécules du cristal pouvaient pénétrer les cellules du vivant. Elles migraient ensuite vers les mitochondries, ces petits organites cellulaires qui produisent l'énergie des cellules, et s'y fixaient. Saturées de molécules, les mitochondries devenaient noires. En présence de lumière du spectre visible, les cellules ainsi infectées devenaient capables de prouesses physico-chimiques totalement inédites, leur permettant même d'influer sur leur environnement chimique immédiat, à distance.
Will savait qu'il était encore infecté. Il le sentait dans son corps. Plus tard, des prélèvements cellulaires sur chaque malade avaient révélé des mitochondries en transition, en partie noires, et en passe de le devenir entièrement. De nouvelles crises violentes apparurent chez les patients, et des onze survivants, sept succombèrent malgré les soins d'urgence. Il ne restait désormais plus que quatre membres de la mission d'exploration encore en vie : Will Nevik, Merko Skimi, Lamia Tardis et Jorun Spell. Ils furent hospitalisés dans une chambre à part, dans le noir complet. Les cadavres des autres membres furent incinérés et bombardés de rayons X. L'état de Merko était le plus grave : La maladie était à un stade plus avancé, ses cellules présentaient des mitochondries entièrement noires et des processus chimiques inédits étaient à l’œuvre. Le malheureux était maintenu en vie par perfusion et ventilation artificielle, en proie à un coma tenace.
Le Commandant, entre-temps, avait donné l'ordre d'annuler la mission d'exploration de Proxima b et de lancer la procédure de retour sur Terre. Le risque avait été évalué comme trop grand pour continuer, et l’équipage amputé de vingt-huit de ses membres subissait une énorme baisse de moral et de motivation. L'European Space Agency étant injoignable, à moins d'attendre que la réponse ne mette plus de 8 ans à parvenir au Centaure, il était impossible d'avoir ses instructions.
Quelques jours passèrent. Jorun Spell succomba à son tour. Will et Lamia s'étaient stabilisés. Merko était encore plongé dans un coma intermittent. Les équipes médicales qui se relayaient dans la chambre noire avaient l'interdiction absolue d'y introduire la moindre lumière. Pour faire leur travail, ils s'équipaient de lunettes numériques de vision nocturne.
Ainsi équipée, le médecin-chef Sarah Djubia qui était ce jour-là de garde, s'approcha de l'exobiologiste pour changer la perfusion et contrôler le respirateur. Merko se réveilla subitement et s'agita. Il tenta de hurler malgré la sonde d'intubation insérée dans sa gorge. Avant même que Sarah n'ait pu intervenir, le professeur se saisit de la sonde des deux mains et l'arracha, déchiquetant au passage une partie de son visage sur laquelle la sonde était suturée. Avec autant de férocité, il tira sur les cathéters insérés dans ses veines et entreprit de déchirer la bulle protectrice. Paniquée, Sarah quitta la chambre et appela des renforts via son holo-montre. Ensanglanté, désorienté, nu comme un ver, Merko jaillit de la pièce, les yeux fous. Le couloir, plongé dans la pénombre, laissait entrevoir une issue éclairée. Il s'y précipita. Haletant, il arrêta sa course sous les éclairages ioniques d'un couloir, et leva la tête. Les yeux fermés, il s'abreuva de lumière, en pleine extase, serrant les poings et hurlant de bonheur. Il sentait ses veines saillantes pulser de vie, sa peau reprendre de la vigueur. Il examina son corps : Sa circulation sanguine périphérique était visible, dessinant des stries et des canaux noircis sous un épiderme qui semblait avoir gagné en transparence. Il resta ainsi sous l 'éclairage quelques longues minutes, incapable de s'en détacher, soumis à une véritable addiction. Des bruits lui parvinrent depuis un couloir voisin. Une dizaine d'hommes précéda le Commandant du Centaure, tous équipés de combinaisons et portant des armes. Prudemment, ils s'approchèrent du professeur qui tressaillit, les paumes des mains tendues vers les renforts :
—Ho, doucement ! Que se passe-t-il ? Qu'est-ce qu'il m'arrive ?
—Bonjour, professeur Skimi. Vous avez été longtemps sans connaissance, au bord de la mort. Je suis heureux que vous soyez encore en vie et que vous alliez mieux.
—Alors pourquoi venez-vous en force, et armés ?
—Vous faites l'objet d'une procédure d'isolement, comme deux autres membres de notre équipage. Il est primordial que vous réintégriez votre chambre, pour le bien et la sécurité de l’équipage du Centaure.
—Pourquoi suis-je isolé ?
—Vous connaissez la réponse, professeur, puisque c'est vous qui avez introduit l'agent pathogène dans le vaisseau.
—C'est donc ça... Alors ne me prenez pas pour un imbécile. Il aurait mieux valu pour moi que je meure, puisque ce qui m'attend n'est guère réjouissant. La cour martiale ? La prison ? La radiation ?
—Vous allez effectivement devoir répondre de vos actes, puisque l'agent pathogène a déjà tué vingt-neuf personnes.
Merko ouvrit de grands yeux. Sa bouche largement ouverte tremblait, retenant une phrase qui refusait de jaillir. Du blanc terni de ses yeux gris perlaient des larmes. Il déglutit et se ressaisit :
—Je suis désolé. Ça a été plus fort que moi. Ces cristaux m'ont appelé. J'étais comme guidé.
—Vous comprenez, j'espère, que votre excuse ne peut pas nous satisfaire.
—Où sont-ils maintenant ?
—En lieu sûr, au laboratoire. Professeur, vous devez regagner votre chambre, immédiatement, sinon nous devrons vous y conduire par la force, malgré nous. Nous ne pensons qu'au bien-être et à la sécurité des personnes.
L'exobiologiste hocha la tête. Il fit quelques pas en direction du couloir toujours plongé dans l'ombre. Mais avant même que le Commandant et ses hommes aient pu esquisser un mouvement pour l'accompagner, Merko fit volte-face, le faciès crispé. Le commandant sentit son cœur faire un bond :
—Qu…Qu'y a-t-il, professeur ?
—Je n'arrive pas à retourner dans l'obscurité. Ça me brûle atrocement la peau. Mon corps réclame de la lumière. Allumez le couloir.
—Impossible. L'agent pathogène qui vous infecte se nourrit de lumière. Si vous restez ici plus longtemps, vous pourriez déclencher une nouvelle crise, probablement la dernière.
—Je me sens très bien. Vraiment bien. Mieux que je ne l'aie jamais été.
—Il n'y a pas d'alternative. Pour la dernière fois, regagnez votre chambre.
L'infecté ne bougea pas. Il observa le groupe d'hommes. Retourner dans l'ombre n'était pas envisageable. C'était pire que tout. Quitter la lumière, c'était quitter l'extase, le paradis.
Il fit deux pas vers l'équipage.
—Tirez !
Les hommes armés de pistolets à seringues hypodermiques firent feu. Les projectiles remplis de sédatifs fusèrent vers leur cible, puis s'en écartèrent, comme déviés par une onde de choc, avant de se planter dans les murs. Sidérés, les membres du groupe reculèrent. Merko avait les bras qui couvraient sa tête dans une tentative désespérée de se protéger des projectiles. Mais quand il se rendit compte que rien ne l'avait touché, il ouvrit les yeux, et observa quelques secondes les impacts dans les parois. Alors il explosa de rire.
—Tirez encore ! hurla le Commandant, la voix cette fois striée de panique.
Avant même que les hommes aient levé leur arme, l'infecté serra les poings. Une formidable onde de choc balaya le couloir, propulsant les tireurs sur les parois, soulevant les corps, leur faisant impacter le sol comme le plafond. Des gémissements de douleur se mêlèrent aux cris de terreur. Certains hommes ne bougeaient plus, leurs membres ou leur têtes formant des angles impossibles avec leurs troncs. Merko avança parmi eux, se souciant des blessés comme d'une guigne. Une main lui agrippa la jambe.
—Professeur Merko Skimi… arrêtez… je vous en supplie.
Le Commandant, à travers le masque de sa combinaison, levait vers lui des yeux implorants. Étalé sur le sol, presque paralysé de douleur, il resserra ses doigts sur la cheville, fut pris d’une quinte de toux projetant du sang sur la visière, puis souffla :
—Vous n'êtes plus vous-même… Vous tuez sans remord… Qu'êtes-vous donc devenu ?
—Vous êtes responsable de ça ! Vous m'avez forcé la main !
—Nous n'allions vous faire… aucun mal.
—Vous ne savez pas ce que c'est de subir l'obscurité !
—Aidez-nous, pitié...
L'exobiologiste se dégagea et continua sa marche dans le couloir, activant au passage toutes les lampes qui ne l'étaient pas encore.
Sarah Djubia observait la scène depuis le poste de commandement, en compagnie d'autres officiers. L'holo-écran transmettait en direct les images des caméras de surveillance du Centaure. Sortant de leur torpeur provoquée par l'incroyable sauvagerie de l'incident auquel ils avaient indirectement assisté, ils se regardèrent, les yeux exorbités. Un des lieutenants s’empressa d’activer l'alerte générale. Sarah continua de scruter l'écran.
—Il se dirige vers le laboratoire, regardez !
Le lieutenant, via le système de communication général, ordonna à l’équipage de s'armer, de s’équiper de lunettes de vision nocturne, et de se tenir prêt à agir dès l’approche du professeur Skimi. L'alimentation de l'éclairage devait être coupée au plus vite dans tous les secteurs. Les issues qui conduisaient au laboratoire devaient être verrouillées. Sarah pensa à Will et à Lamia, encore isolés dans la chambre noire. Une idée complètement folle germa dans son esprit.
L'une après l'autre, les portes qui faisaient obstacle à Merko explosèrent dans des gerbes d'étincelles et de métal.
Sarah, haletante, atteignit le couloir menant à la chambre de soins de Will et Lamia.
L'exobiologiste soudainement plongé dans le noir sentait le câblage électrique des parois. Un bref effort mental lui permit de réactiver l'éclairage sur son chemin. Le laboratoire n'était plus très loin.
Will et Lamia étaient seulement endormis. Équipée d’une combinaison, Sarah les réveilla, les sortit de leurs bulles protectrices et les guida à l'extérieur de la pièce. Avant d'atteindre la lumière, elle leur exposa la situation.
Le meurtrier pulvérisa l'ultime porte menant au laboratoire. Dans un coin de la salle, il aperçut plusieurs vivariums d’un noir opaque. Seule la lumière du couloir perçait l’obscurité totale qui y régnait.
Lamia et Will écoutèrent attentivement le docteur Djubia, puis acquiescèrent. Elle les accompagna jusqu'au couloir éclairé. La lumière les abreuva. Sur leur peau, les sombres rainures caractéristiques se dévoilèrent.
Merko illumina l'ensemble du laboratoire en activant toutes les lampes, puis brisa les vivariums un par un. Les cristaux volèrent dans tous les sens. Un ballet de faisceaux sombres dessina dans l'air une interminable série d'arabesques. Des tâches noires naissaient et grossissaient autour des spots du plafond.
La plupart de l'équipage avait pris refuge dans la salle de contrôle du vaisseau et suivait les mouvements de Skimi et de ses poursuivants sur le grand holo-écran. Ils s’équipèrent de combinaisons et d’armes.
Merko jubilait. Ils avaient voulu l'enfermer, l'emprisonner. Ils ne comprenaient pas ce qu'il vivait. Il allait leur donner la possibilité de comprendre, à tous. Il se sentait le précurseur d'une nouvelle génération de femmes et d'hommes. Voire le précurseur d'une nouvelle espèce. Il voulait apporter sur Terre la solution à tous les problèmes de l’humanité.
Lamia et Will fermaient les yeux. Un incroyable pouvoir résonnait dans toutes les fibres de leurs êtres. Ils savaient que Merko avait perdu la raison. Depuis le début, il était instable, émotionnellement, et probablement psychiquement. Il devait être arrêté...
A l'European Space Agency, l’excitation était à son comble. Le Centaure venait d'apparaître à proximité de la Terre, après plus de neuf années de silence radio. Le directeur, euphorique, s'approcha de l'émetteur pour établir le premier contact.
—ESA à Centaure ! Vous ne pouvez pas savoir à quel point nous sommes heureux de vous revoir ! Commandant, vous me recevez ?
—Bonjour, monsieur le directeur, je vous reçois très bien.
—Qui est à l’appareil ? Je ne reconnais pas la voix du commandant. Pouvez-vous activer la transmission vidéo ?
L'interlocuteur déclina son identité et fit son rapport. Le Centaure fut autorisé à pénétrer l'atmosphère terrestre et à se poser sur le spatioport de l'ESA.
Après la décontamination et la quarantaine d’usage, l’équipage fut autorisé à sortir à l’air libre.
Le soleil brillait de mille feux.
FIN