Dans l’espace, personne ne peut respirer. La raison est simple. Il n’y a pas d’oxygène ou tout autre gaz nécessaire à un système respiratoire. Sauf si vous êtes un Glophorme. Ces êtres, ni animaux, ni végétaux, peuvent nager dans l’espace sans se soucier de prendre une bouffée d’air. Ils se déplacent d’astéroïdes en satellites sans se soucier de rien. Ils vivent en se nourrissant de poussière d’étoiles et de débris, non comestibles, envoyés dans l’espace par les différentes espèces se disant intelligentes.
En observant le ciel, le Glophorme est souvent confondu avec une étoile filante. Faut-il encore connaître son existence pour imaginer que devant cette traînée de lumière, un Glophorme nage parmi les étoiles. Dans ses jeunes années, il se déplace à la vitesse d’un éclair. Peu à peu, ses déplacements ralentissent. Il n’est pas rare d’observer un membre de cette espèce à l’aube de sa vie. Son système de reproduction reste un mystère. Il a été avancé qu’elle serait provoquée lors des migrations vers les trous noirs, mais cela reste une hypothèse.
Le premier Glophorme observé s’effectua depuis la station spatiale internationale par un scientifique jouant du saxophone. Les vibrations ont, semble-t-il, attiré la chose. Au début timide, l’animal ou la forme extraterrestre restait collé à la paroi de l’ISS. Aucun détecteur n’avait signalé cette anomalie aux spationautes. Seul un satellite renvoya sur Terre une image floue qui n’alerta personne. Les notes de l’instrument de musique aidèrent à rentrer en contact avec cette entité. Un matin terrien où toute communication était impossible à cause d’une tempête solaire, la créature fut remarquée par le scientifique. Le Glophorme avait-il compris cette défaillance ? Nous ne le saurons jamais.
La rencontre fut brève et magique. Notre scientifique nous expliqua que la créature paraissait danser. Devant le cercle d’observation, le Glophorme effectuait des mouvements gracieux, en rythme avec les notes de musique. Cette découverte se laissa observer durant quatre jours et trois nuits. La créature disparut des radars jusqu’au passage de la comète Atlas. Un satellite d’une compagnie privée prit des clichés du Glophorme se nourrissant de la traînée de poussière de matière.
Il nous fallut une centaine d’années pour revoir un Glophorme. Avant la mise en sommeil d’Hubble après 450 ans de bons et loyaux services, le télescope spatial capta des images de formes incroyables semblant danser autour de la mort d’une étoile. Après une analyse poussée avec le télescope Hubble 2.04.2510, l’hypothèse d’une danse amoureuse fut avancée. Deux types de Glophorme apparaissent sur les images. Les scientifiques ont avancé l’hypothèse d’une parade amoureuse. En effet, on voit bien des Glophormes s’emboîter en une masse, puis se dissocier en multitude de petites formes de vie, dansant à leur tour avant de quitter les alentours du trou noir. Elles disparaissent sans laisser de trace, ni de possibilité de les identifier à leur prochaine apparition.
La dernière observation de Glophorme date d’une dizaine d’années. L’ISS vivait ses dernières heures quand le descendant du scientifique saxophoniste décida de réaliser la même partition que son aïeul à travers l’œil de la station. Au début, il ne s’attendait pas à vivre la même émotion. Il joua une première fois, puis une seconde, mais rien. La veille de l’abandon de l’ISS, il décida de jouer quelques notes pour la postérité.
Le saxophone dans une main, il observa la Terre. Il pensa aux changements de cette dernière. La montée des eaux avait englouti une bonne partie des continents. Les zones sèches jaunissaient des terres autrefois vertes et foisonnantes de vie. Les pôles laissaient entrevoir de la verdure sur les bords jadis blancs de neige. La population mondiale avait diminué de 70 % après l’explosion du Laboratoire Européen de Recherche Anti-poison qui dissimulait dans ses entrailles une étude sur la fusion des virus les plus mortels de l’Univers. Les naissances n’avaient pas augmenté. Des incubateurs avaient été mis au point pour pallier le manque de fécondité. Beaucoup disaient que vivre sur l’ISS était préférable à survivre sur Terre. Cette remarque avait conduit à sa fermeture à cause des polémiques grandissantes sur le confort de vie à bord de la Station spatiale.
Au moment où le descendant du spationaute porta le bec de son saxophone à sa bouche, le soleil rasa les bords de la planète Terre. Un spectacle magique s’offrit à ses yeux tristes et résignés. Il repensa à la soif de conquête animant ses ancêtres, à ce besoin de comprendre, de savoir et de maîtriser. Qu’est-ce qui avait poussé les Hommes à s’oublier ? Les premières notes de musique retentirent dans la station. Leur dynamisme sonna comme un requiem. Les cœurs n’étaient pas à la fête et pourtant l’émerveillement s’empara de tous les spationautes lorsqu’une masse apparut devant l’œil de l’ISS. Un Glophorme dansait au rythme des notes avant de s’accrocher à la station spatiale. Il observa une dernière fois ces êtres étranges, admiratifs devant cette forme de vie extraterrestre, avant de disparaître à jamais dans l’immensité de l’espace, aujourd’hui, interdit aux Hommes.