« Le jour qui n’existait pas, encore «
-Bissextile, tu dis ? Tu veux dire c’est du sexe utile à deux ?
-Non à 29…
-Quoi à 29, pourquoi 29, et pourquoi pas 30 où 32 par exemple ? Tu veux parler de parties fines, de jambes en l’air, une partouze quoi ? Et pourquoi un chiffre si précis, il y a une raison, parce que je te fais remarquer qu’avec un chiffre impair, ce n’est pas toujours sympa pour celui qui reste tout seul, non ? Et pourquoi utile, c’est quoi du sexe utile ?
-Non je te parle du 29 février, et c’est utile parce que ça rééquilibre le temps qui passe, pour être raccord avec le soleil, car une année c’est 365.25 jours, alors t’imagines le souk avec des quarts de journée, donc tous les quatre ans on rattrape les quarts manquants pour en faire une journée qui n’existe pas !
-Oui mais là tu me donnes tes raisons scientifiques, pour expliquer ta théorie solaire, mais moi je te demande quel rapport avec le sexe ? Et bis en plus c’est deux non et pas 29 ?
-C’ est que c’est le seul jour de l’année où tu as le droit de faire l’amour pour te reproduire et donc une seule fois en quatre ans , ce qui ma foi ne fait pas beaucoup et à ce tarif-là peut vite tomber dans les gouffres de l’oubli et du désintérêt, ce qui m’amène à venir te le rappeler et te réveiller au cas où !
-Encore faudrait-il que je puisse le faire avec une demoiselle que je ne connais pas encore et vu l’heure avancée de la journée, j’ai bien peur d’avoir perdu mon tour encore pour 4 ans ?
-Ne désespère pas, de nombreuses partenaires sont comme toi, à la recherche du plaisir perdu et errent par monts et par vaux en quête de l’homme reproducteur, alors sors de chez toi et courre la ville et la campagne, va bramer sous les fenêtres du désir qui crie son désespoir de perdre trop de temps, à fur et à mesure que le temps file.
-Il y a 4 ans j’étais encore trop jeune pour comprendre et l’éveil de mes sens dormait encore sous la couette de l’enfance, tranquille, innocent et insouciant, donc je n’avais pas pu en profiter. Mais quelle loi ignoble et scandaleuse quand même, malgré les raisons que je peux comprendre, c’est beaucoup de frustration et c’est une grande atteinte à la liberté de chacun de disposer de son corps comme il l’entend !
-Je sais, mais vu le nombre de personnes vivant sur terre, il fallait prendre des mesures drastiques et très impopulaires, pour ne pas l’augmenter de manière exponentielle qui aurait entraîné notre perte à tous. Alors profites en bien, et va, va prendre du plaisir et te reproduire, tu dois trouver une femme en état de procréer et de donner des enfants. Comme tu le sais, le plaisir seul est interdit et si celle que tu auras engrossée ne donne pas satisfaction fin novembre, elle sera tout simplement éliminée. Et tant pis si elle est féconde, de toute manière il ne faut pas inverser le processus qui pourrait mettre en péril l’équilibre actuel de la population.
-Et moi qu’est-ce que je risque, s’il n’y a pas d’enfant j’en suis aussi peut-être le responsable ?
-Au bout de 8 ans si tu n’es pas encore père tu seras également écarté, tu bénéficies du doute masculin qui permet à l’homme d’avoir une deuxième chance à l’inverse de la femme.
-Mais c’est intolérable d’injustice ! Comment veux-tu que la femme enfante dans ces conditions, elle ne sera pas disponible dans son corps avec cette épée de Damoclès sur la tête ? Tu parles d’un 29 février !
-D’où l’intérêt d’en profiter aujourd’hui et arrêter de te poser des questions philosophiques, le temps nous ai compté, moi j’y vais de ce pas, car même en tant que cadre du Parti, je ne bénéficie pas d’avantages particuliers sur le plan sexuel, donc j’y vais de ce pas, prendre du plaisir en repeuplant la terre !
Il se lève et se retourne vers moi : « Tu ne devrais pas perdre de… »Il n’eut pas le temps de finir sa phrase, la balle du calibre 9 millimètres lui remplit le cerveau dans un bruit épouvantable, dans une odeur de poudre minérale et chaude.
Je ne mis pas beaucoup de temps pour rassembler quelques affaires, et en particulier tout l’arsenal de feu mis de côté depuis des semaines en toute discrétion. Je sortis de la maison, le jour commençait à tomber, tant mieux, ce serait plus facile pour rejoindre les autres. Autour de moi dans les immeubles, les jardins publics, les voitures, les gens baisaient, et leurs cris, leurs halètements étaient une musique qui me portait.
Il était temps d’en finir avec le 29. Le temps de la révolution du 30 février allait bientôt se lever.
Lautiti 29 février2020
En tenant compte du fait qu’un rapport sexuel a, je crois, seulement 25 % de chances de donner lieu à une grossesse, et cela sans tenir compte du cycle menstruel de la femme, je doute de l’efficacité de la méthode imposée. Je ne pense pas qu’il y ait de statistiques sur le nombre de chances qu’ont les femmes d’être en période d’ovulation un 29 février.
Cette loi qui semble encourager les gens à procréer tout en rendant la chose quasiment impossible me rappelle les prescriptions de l’Ancien Testament concernant les périodes d’abstinence après les menstruations, qui font qu’il n’y a pratiquement aucune chance que la femme ait le droit d’avoir des rapports sexuels pendant la période d’ovulation. Ça laisse songeur…
En lisant ta nouvelle, j’ai d’abord cru à une sorte de délire entre amis avant de comprendre qu’il s’agissait d’une loi. Mais même avec l’allusion au Parti, j’étais loin de m’attendre à la chute. Tu as créé une sorte d’ovni très chouette.
Coquilles et remarques :
— Oui mais là tu me donnes tes raisons scientifiques, pour expliquer ta théorie solaire, mais moi je te demande quel rapport avec le sexe ? Et bis en plus c’est deux non et pas 29 ?
[Je mettrais « bis » en italique ou entre guillemets. / Je propose : « Oui, mais là tu me donnes tes raisons scientifiques pour expliquer ta théorie solaire, mais moi je te demande : quel rapport avec le sexe ? Et bis en plus, c’est deux, non, et pas 29 ? »]
— C’ est que c’est le seul jour de l’année où tu as le droit de faire l’amour pour te reproduire et donc une seule fois en quatre ans , ce qui ma foi ne fait pas beaucoup et à ce tarif-là peut vite tomber dans les gouffres de l’oubli et du désintérêt, ce qui m’amène à venir te le rappeler et te réveiller au cas où !
[Il y a un espace indésirable entre « en quatre ans » et la virgule. / Je propose : « C’est que c’est le seul jour de l’année où tu as le droit de faire l’amour pour te reproduire, donc une seule fois en quatre ans, ce qui ma foi ne fait pas beaucoup, et à ce tarif-là peut vite tomber dans les gouffres de l’oubli et du désintérêt, (...) »]
— Il faudrait écrire les chiffres en toutes lettres dans toute la nouvelle : quatre ans, huit ans.
— alors sors de chez toi et courre la ville et la campagne / à fur et à mesure que le temps file
[cours ; « courre » ne se voit guère que dans la locution « chasse à courre » / au fur et à mesure]
— Je sais, mais vu le nombre de personnes vivant sur terre, il fallait prendre des mesures drastiques et très impopulaires, pour ne pas l’augmenter de manière exponentielle qui aurait entraîné notre perte à tous. Alors profites en bien, et va [d’une manière (...) qui / profites-en]
— Et moi qu’est-ce que je risque, s’il n’y a pas d’enfant j’en suis aussi peut-être le responsable ?
[Je propose : Et moi, qu’est-ce que je risque ? S’il n’y a pas d’enfant j’en suis aussi peut-être le responsable. »]
— Comment veux-tu que la femme enfante dans ces conditions, elle ne sera pas disponible dans son corps avec cette épée de Damoclès sur la tête ?
[Je propose : « Comment veux-tu que la femme enfante dans ces conditions ? Elle ne sera pas disponible dans son corps avec cette épée de Damoclès sur la tête. »]
— D’où l’intérêt d’en profiter aujourd’hui et arrêter de te poser des questions philosophiques, le temps nous ai compté, moi j’y vais de ce pas, car même en tant que cadre du Parti, je ne bénéficie pas d’avantages particuliers sur le plan sexuel, donc j’y vais de ce pas, prendre du plaisir en repeuplant la terre !
[Il y a deux fois « j’y vais de ce pas » / le temps nous est compté / Je propose : « D’où l’intérêt d’en profiter aujourd’hui et arrêter de te poser des questions philosophiques : le temps nous est compté. Moi j’y vais de ce pas, car même en tant que cadre du Parti, je ne bénéficie pas d’avantages particuliers sur le plan sexuel. Donc en avant pour prendre du plaisir en repeuplant la terre ! »]
— Il se lève et se retourne vers moi : « Tu ne devrais pas perdre de… »Il n’eut pas le temps de finir sa phrase, la balle du calibre 9 millimètres lui remplit le cerveau dans un bruit épouvantable
[Il se leva et se retourna / Il manque l’espace avant « Il n’eut pas le temps » / La balle ne remplit pas un cerveau. Elle le transperce, elle y pénètre ou elle s’y fiche (si elle ne ressort pas).]
L'idée d'une nouvelle en dialogues est vraiment intéressante pour plonger le lecteur dans l'ambiance :) Chapeau!
Et bien le moins que l'on puisse dire, c'est que tu m'auras bien eu avec ta nouvelle ! J'étais pliée au début, et je n'avais pas du tout vu venir la chute.
Excellent, et Viva la revolución !
Lautiti
Lautiti
Non mais... Copuler 1 fois tous les 4 ans. XD
Ah bah ça doit être un joyeux bazar ce jour là !
Et tu m'as fait rire avec cette phrase, vas bramer sous les fenêtres lol
J'ai beaucoup aimé ce début plutôt drôle et cette fin dark !