Le jugement du silence

Notes de l’auteur : Le jugement du silence est une prose poétique, issue d'un passage d'une nouvelle fantastique en cours d'écriture, qui explore la puissance paradoxale du silence comme forme de langage. Plus qu'une simple absence de mot, ce dernier devient une forme de communication révélatrice de ce que l'apparence ne peut exprimer...

Elle était là, étendue sur mon bureau, cachant son essence dans le silence qu’elle cultivait… Je la regardais longuement, rougissant de honte à l’idée qu’elle se dévoilât, redoutant que son contact ne me ramène à la vie. Elle était une lumière obscure née du vide, une flamme vacillante dans le blizzard de mon existence.

Fille battue par son père, elle cherchait la vie dans la colère qui m’habitait. Et je la contemplais, reposant là, seule, se consumant de l’intérieur, espérant de moi un regard salvateur. Elle agissait ainsi, contre sa propre nature, cherchant à éveiller la mienne… Sa timidité devenant une arme, un poignard silencieux qui perforait mon cœur. Les cicatrices de son corps, témoins muets de la maltraitance qu’elle avait subie, déchiraient son âme. Objet de désir pour les autres, elle offrait son corps sans jamais se nourrir de plaisir. Et je la voyais cacher ces imperfections avec pudeur, comme si elles étaient en elle des souillures qu’elle ne voulait pas me montrer… Elle semblait protéger mon intimité, comme un nourrisson qu'elle aurait perdu, cherchant en moi l’amour qu’elle n’avait pas pu lui donner...

Pourtant, à cet instant-ci, son cœur battait dans le mien. Elle devint à la fois la gardienne de ma vie et de ma mort, et moi, je demeurais volontairement victime de son envoûtement. Coupable de ses actions, je me livrais à mon propre tribunal intérieur, répondant pour elle devant le juge impitoyable de mon âme, m'inclinant devant les bouleversements qu’elle provoquait en moi.

C’était le prix de sa présence, le tribut de son amour : cette clause tacite qui stipulait que désormais, j’étais la propriété de sa vie…

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