Ma vie ? Mon petit frère, fumer des cigarettes en cachette, sécher ce collège pourri que mon père me paie avec l’argent qu’il gagne en magouillant de la drogue avec un flic véreux de la brigade des stups. Mais un jour, tout bascule. Ça devait arriver. Ils sont chez moi et saccagent tout.
Ne pas leur montrer que j’habite là, c’est une question de survie. La porte en face… S’ils me voient, ils me tueront, moi aussi. Toute cette violence, tout ce sang… et le corps de mon père, allongé dedans.
Mon petit frère… Il faut que je sauve ma vie, pour lui. Je tape à la porte, au bout du couloir. Je devais lui ramener son lait.
— Ouvrez-moi, s’il vous plaît… Ouvrez-moi cette porte…
La lumière m’inonde ! La porte s’ouvre, j’entre sans même me retourner. Je ne peux plus rien faire d’autre que des gestes primaires : respirer, ranger le lait dans le frigo, allumer la télé pour ne plus y penser.
Les larmes coulent sur mon visage.
Mon petit frère… Ils l’ont tué.
C’était moi, sa vraie mère.
Il m’a ouvert sa porte. Son nom, c’est Léon. Et je n’ai plus que lui.
Sur la table, une valise.
— Léon, tu fais quoi comme métier ?
Ni femme, ni enfant.
— Apprends-moi à nettoyer.
Que je me débarrasse de ces fumiers qui ont tué mon petit frère.
Il refuse, évidemment.
Je vais lui prouver que j’en suis capable. Je veux lui ressembler. Apprendre à m’anesthésier de tous ces sentiments qui m’assaillent.
— Tu ne sais pas lire ? Je vais t’apprendre.
Et toi, tu vas m’apprendre un métier.
— Si tu ne m’aides pas, je serai morte d’ici ce soir.
Pour mieux le convaincre, je suis prête à tout. J’attrape cette arme et vide le chargeur par la fenêtre.
— Tu m’as comprise, Léon ? Si tu ne le fais pas, je ferai n’importe quoi.
Je veux que tu m’aides à devenir comme toi.
Tout va commencer.
Mes vêtements ne seront jamais plus clairs que le sol.
Ni femme, ni enfant.
L’homme en jogging jaune et orange, je ne le quitte pas des yeux. J’observe ses mouvements, jusqu’à sentir le prochain. Je bloque ma respiration. Je touche.
Le client est au sol, touché par mon ogive en cire.
De mon côté, je t’apprends à écrire et à lire.
Ta plante verte… S’en occuper, c’est tellement important. Pour elle, comme pour toi. Dans son pot, elle n’a pas de racines.
Je sens qu’à présent, tu t’inquiètes pour moi.
— Léon… Je t’aime.
Je le sens, c’est tout chaud dans mon ventre.
Je n’ai jamais ressenti ça.
Avant de faire quoi que ce soit, je vais terminer ce qu’il me reste à faire.
Tuer ces pourris.
Mais je suis encore trop inexpérimentée. Ils m’ont capturée. Ils m’interrogent.
Léon, viens me sauver…
Comme sorti de nulle part, tu surgis dans la pièce.
Rien ni personne ne peut t’arrêter.
Tu m’as encore une fois sauvée.
— S’il te plaît, aide-moi à me venger…
Comme tous les jours, je vais à l’épicerie.
Mais ce jour-là, je le sens, quelque chose ne va pas.
Ils sont toute une armée.
Ils vont te tuer.
Tout va si vite.
Comment allons-nous nous en sortir, Léon ?
Un trou dans la gaine d’aération.
Tu me dis d’y rentrer.
Mais je ne veux pas te laisser.
Tu ne me laisses évidemment pas le choix.
— Tu vas t’en sortir, parce que tu m’aimes.
— Parce que je t’ai appris à avoir des racines.
Je me laisse glisser et file chez le vieux Tony. Tu dois me rejoindre dans une heure.
Puis… une énorme explosion.
— LÉON !!!
Léon est mort.
Tu t’es sacrifié pour le supprimer.
À moi de faire ma part du travail.
Pour toi.
Tu le mérites bien.
Je fais ça pour toi.
Retourner au collège.
Ne pas être comme toi.
Cultiver mes racines.
La principale du collège Spencer me reçoit.
Je commence par lui mentir pour qu’elle me reprenne.
Mais elle ne me croit pas.
Je dois tout lui dire.
C’est ma dernière chance.
Je lui explique tout.
Mes parents tués.
Mon petit frère assassiné.
Et toi, Léon…
Un mec génial.
Mais aujourd’hui, tu t’es fait tuer.
Si elle ne m’aide pas, je serai morte d’ici ce soir.
Léon…
Elle va m’aider.
Et la plante verte, je vais la planter.
Pour qu’elle aussi ait des racines.
Comme nous.
Je crois qu’on sera bien ici, Léon.
Je t’aime…