Le soleil est haut dans le ciel. Le parquet du bureau brille, il reflète la lumière du jour sous de petits pieds. Les yeux à demi-fermés, un garçon parcourt le sol du regard. Il étudie les dessins du soleil filtrant dans la pénombre à travers l'œil de bœuf au-dessus de sa petite tête chevelue. Un rayon caresse la pointe brune de sa chaussure. Il bouge du pied, la lumière glisse et tombe au sol. Soucieux, le garçon cligne des yeux et sort la tête de ses bras. Il tend un peu plus la jambe pour retrouver la tâche d'or puis il sourit, comme rassuré.
Depuis combien de temps attend-il, déjà ?
Des bruits de course retentissent finalement dans le couloir. Ses épaules se relèvent, il cesse de loucher. Il tourne la tête en direction de la porte qui s'ouvre à la volée. Une silhouette apparaît dans l'embrasure.
Pam, pam.
C'est le bruit de ses pas quand elle court vers lui. La jeune fille n'a pourtant pas pour habitude de courir, songe-t-il, c'est qu'elle doit être pressée.
Clanque, clanque.
C'est le bruit que fait le pistolet accroché à sa ceinture. On dirait un jouet, remarque-t-il. Même si ce n’est plus de son âge, les jouets.
L'enfant cligne des yeux. C'est la première fois qu'il la voit porter une arme, une vraie arme. Alors c’est ça, la fin du monde ?
Elle s'arrête au milieu de la pièce, ne voulant pas plus s'approcher. Ses lèvres s'entrouvrent et un son en sort, la jeune fille y met autant de puissance que si elle devait crier derrière d'épais murs en béton. Sa voix se répercute dans les oreilles du garçon, le désespoir qui y perce lui noue la gorge. Obéissant, l'enfant se lève puis se met à marcher, même si ses petites jambes tremblent assez pour le faire boiter. Sa vision vacille, elle s'embrume. Des larmes ? Il ne comprend pas. Il a mal au cœur, il sait que quelque chose cloche. Il ne peut donc s'empêcher de lancer un regard coupable dans son dos, à cette fille, debout devant l'unique fenêtre de la pièce. Elle cache la lumière, son ombre se dessine sur le parquet. L'enfant ne parvient qu’à distinguer sa silhouette dans le contre-jour.
Elle a sorti son pistolet.
Le coup de feu le prend par surprise, il n'a pas le temps de fermer les yeux. Le tir déchire ses tympans, le ciel lui tombe sur la tête.
Comme s'il était à des kilomètres de là, comme si le coup de feu l'avait poussé, il voit son corps retomber. Son corps retourner à la terre, comme ceux des milliers d'êtres humains qui meurent depuis quelques jours. Et quand éclos des larmes salées dans ses yeux, des larmes qui se mettent à couler, ce sont les dernières larmes sur les joues d'un garçon qui ne pleurera plus jamais.
Je viens découvrir ton histoire et ce prologue est particulièrement bien écrit. La vision du petit garçon permet de mettre un peu de recul avec la violence de la scène et en même temps on en saisit les enjeux dramatiques. C'est très imagé, percutant, on rentre très vite dedans et ça donne envie d'en savoir plus sur ce qui va suivre.
Je m'attaque à la suite !
Court et déroutant, ce prologue, effectivement. Mais très percutant, aussi ! Tu as un style incisif, fait de phrases courtes qui se concentrent sur l'essentiel. On est de fait parfaitement immergé ; les images défilent, très nettes. J'aime beaucoup, cependant, la distance qu'on garde, en partageant le regard du personnage. L'ambiance est d'autant plus glaçante, et la fin saisissante.
Pour un prologue, il nous met bien en haleine ; j'ai hâte de découvrir la suite !