Je me suis toujours demandé à quoi elle songe lorsqu’elle emmêle sa mèche rouge autour de ses doigts. Je me suis toujours demandé comment l’angoisse peut être forte au point d’en oublier son prénom et ses valeurs.
Elle a les yeux bleus, ils sont un peu tristes, mais ça se voit qu’elle vit. Elle vit réellement. Elle fait des grèves féministes, elle suit des cours de sociologie, elle n’abandonne pas. Elle n’abandonnera jamais vraiment.
Pourtant, je sais qu’elle se demandera toujours ce qu’il restera d’elle, à force d’avoir été humiliée et trop regardée. Elle se demandera toujours ce qu’il restera d’elle lorsque les images du soleil couchant sur Avenue du Léman ne suffiront plus. Certes, elle danse, mais elle sait aussi vomir en secret les immondices de son monde.
Lorsqu’on a rendez-vous, elle est souvent en avance. Elle m’attend sur une petite terrasse qu’elle a choisie. Elle a déjà commandé un café, sans sucre avec trop de crème, et parfois un croissant. Elle ne le mangera pas tout de suite, elle préférera parler sans jamais réellement me regarder. Ses paroles me sembleront futiles, alors j’observerai ses clavicules bouger et tenterai d’entendre ses boucles d’oreilles teinter. Il fera très vite nuit et les bougies illumineront son sourire lorsqu’elle se permettra de rire. Parfois, elle sort son portable, elle me montre des photos d’hommes qui l’ont oubliée trop vite ou trop lentement. Elle se moque un peu d’eux, moi aussi.
Parfois aussi, tard le soir, on boit du vin jusqu’à s’enivrer. Puis, comme une évidence, on fait l’amour avec des gestes simples. C’est dans ces moments que je réalise qu’elle m’oubliera vite. Elle a toujours su oublier les personnes qui l’aimaient réellement. À ses yeux, je n’existe pas, il n’y a alors, pour elle, aucune raison de rester.
Je sais qu’elle saura disparaitre de manière discrète, les verres s’espaceront et les hivers sembleront plus longs. Bientôt d’elle, il me restera juste un prénom et sa saveur inconnue si j’osais le prononcer. Autant inconnue que je le suis lorsque ses mains se posent sur mon corps.
ces nuits-là je ne suis déjà que souvenir je m’effrite devant tes yeux
et toi tu prends plaisir à faire jouir
de tout petits morceaux de moi
à faire jouir les
tout
petits morceaux de ton souvenir
Trop trop beau poème, j'aime tellement. C'est trop un plaisir de retrouver ta plume. Elle est épurée, impactante, sensible, avec ce quelque chose de contemplateur et nostalgique qui à moi me fait penser à Coulon hihi ^^
J'aime bien aussi le changement de forme finale :)
Hâte de découvrir tes prochains écrits !
Au plaisir de te lire !