Le train est parti. Un oiseau passe, tache dans l’azur. Quelqu’un attend. Son dos d’abord voûté se détend. Il porte une pèlerine sombre aux reflets écarlates.
Il tourne brusquement la tête à droite. Son chapeau tombe. Il le ramasse.
Il retombe,
tombe, tombe : le béton s’est ramolli et avale avec des succions le chapeau et les chevilles de la silhouette qui hausse les épaules.
Moi, mes pieds sont encore là, dans leurs bottines noires. Il y a un fil rouge autour de mon mollet. Mes yeux zigzaguent pour tenter d’apercevoir le bout,
le bout qui entoure le poignet de la silhouette. Je cligne des yeux. Elle me fait face.
Ses chevilles sont encore emprisonnées par les portes du sol. Ses sourcils froncés assombrissent l’étincelle de ses yeux. Sa lèvre est relevée comme un sourire à demi.
Elle me montre du doigt, mon cœur se creuse sous cet index accusateur. Ma cheville est tirée par le fil rouge. Elle montre au-dessus de ma tête. J’y pose la main, son chapeau est là. Un chapeau melon, neuf, avec une étoile de béton au sommet. Je lui tends. Elle le prend. Elle le met sur sa tête.
Je sens son haleine floconneuse qui fait rougir mes pommettes. L’étoile sur son chapeau a fondu et goutte, une à une, sur mon genou écorché. Ça brûle mais je ne quitte pas ce regard plus brûlant encore.
Elle me scrute. Les flèches de ses iris dansent avec ses pupilles. Les reflets imperceptibles de ses émotions – ou sont-ce les miennes ? – gouttent aussi comme des larmes d’arcs-en-ciel. Je lui souris avec tendresse et cette espèce de crainte fichée dans le ventre ; elle ne bouge pas sa mâchoire.
Je la repousse alors avec la pulpe de mes doigts. Elle tombe. Mais je la retiens avec le tricot de mon cœur.
Un coup de vent la secoue.
Elle se relève. Elle boutonne sa pèlerine. Elle part.
Elle est une ombre dans la brume puis elle est brouillard.
Le fil à mes pieds est brûlé, et fume encore.
« Au revoir »
Mais elle est encore là, car l’oiseau vole au-dessus du train.
Ça me parle de rencontre mais aussi du manque de communication, ça parle des autres mais aussi de l'indifférence.
Comme si la personne se débattait dans un monde qu'elle subit sans jamais pouvoir l'atteindre vraiment.
Tu sais ce que ça m'a rappelé?
Un jour j'ai fait un vrai rêve éveillé. J'avais les yeux ouverts, je voyais ma chambre autour de moi, mais je dormais.
Et je rêvais, et toute l'imagination se superposait à la réalité d'une manière si réaliste pour le coup que c'en était troublant.
Tu vois, c'est ça que ça m'évoque, j'étais dans un monde, j'observais celui-ci mais je n'avais aucune prise dessus.
En tout cas, les images sont fortes et tu as encore réussi à mettre un oiseau (quand ce n'est pas une plume).
Une question: "Les reflets imperceptibles de ses émotions – ou est-ce les miennes ?", est-ce qu'on ne dirait pas "ou sont-ce les miennes?", même si c'est moche.
Mis à part cette anecdote, encore merci. J'ai écrit ce texte en écriture automatique - puis je l'ai retouché. Mon inconscient a-t-il parlé ?
J'aime beaucoup l'interprétation que tu en fais, ça me parle, ce monde où l'on a aucune prise.
(et oui, toujours des oiseaux...)
Encore merci pour passer sur mes humbles écrits :)
E.
Effectivement, ce doit être "sont-ce", et c'est très moche
Ce qui n'est pas forcément signe de bonne santé mentale...! Je sors du cadre du texte...