— Salut ! Je sais que ça peut paraître bizarre la façon avec laquelle je viens te parler, soudainement, mais je me dis de plus en plus que tous les jours, je passe sans doute à côté de personnes totalement incroyables sans le savoir. Chaque jour, je pourrais faire des rencontres qui changeraient radicalement ma vie ou celle des autres. Et maintenant que je le réalise, je me décide enfin à parler aux gens… À briser cette glace fine et pourtant très résistante qui nous sépare tous.
— …
— C’est quand même un truc de dingue, cette glace : transparente mais réfléchissante, elle est à la fois protectrice et délétère, puisqu’elle nous sépare d’à peu près tout, sauf nous, et conserve toujours à proximité le brouillard de nos préjugés. Certaines personnes en viennent même à délirer ! Et puis, je ne peux pas savoir si c’est un effet de la tournure que prend la société que l’on mène – à défaut d’une vie –, ou si ça a toujours été le cas, mais de ce que j’ai vécu jusqu’à présent, rares sont les échanges verbaux qui n’ont d’autre intérêt que de se découvrir soi-même. Rares sont les échanges tout court, en fait. On ne raconte pas, on se la raconte. Les questions qu’on pose sont fermées à double tour : chacun n’attend de l’autre qu’un acquiescement… Pas vrai ? … Haha, c’était une question piège – pas vraiment une question, en fait.
— …
— Après, si je te dérange, il n’y a aucun souci : je te laisse tranquille ! Dans ce cas-là j’espère au moins que ce que je viens de te dire fera son chemin dans tes pensées. Autrement, je serais heureux d’entamer une discussion avec toi, te connaître au moins un minimum. Et puis tu as évidemment le droit de me poser des questions toi aussi : ça ne va pas que dans un sens, haha !
— … Euh, excuse-moi, tu fais du théâtre ?
— Hein ? Euh non, pas du tout. Pourquoi ?
— Oh pardon ! Je croyais que tu répétais tes répliques tout haut. C’est à moi que tu parlais ? J’ai rien entendu, j’avais mes écouteurs.