Son téléphone sonna à cinq heures. Elle se précipita dessus et décrocha. Sa voix était tremblante, mais pleine d'espoir.
- Alors ?
C'est une voix d'homme qui lui répondit.
- Votre père est à ses côtés. Blanche... de là où est votre mère veillera sur vous...
Blanche avait lâché le téléphone qui était tombé à terre.
Je la vis s'effondrer, tel un arbre foudroyé par l'éclair.
Dans un grand cri qui réveilla tout l'immeuble.
Un cri de rage.
Un cri d'incompréhension.
Un cri de douleur comme je n'avais encore jamais entendu.
Blanche était dévastée.
Je m'approchai et voulu la prendre dans mes bras.
Je la forçais à rester contre moi, alors que ses poings me labouraient la poitrine et qu'entre ses sanglots elle ne cessait de demander pourquoi.
J'avais peur pour elle.
Comment consoler l'inconsolable ?
Inconsolable Blanche.
Tu versas sur mon polo un torrent de larmes.
Son cri avait alerté les voisins qui sonnèrent à la porte, plus curieux qu'inquiets, me sembla-t-il.
Maman alla ouvrir.
Douce maman.
Elle les rassura et referma la porte.
Le chagrin de Blanche n'était pas un spectacle.
C'était une tragédie.
Un coeur arraché.
********†*********†**********†
Ma mère et moi l'avons accompagnée à la messe d'enterrement. Blanche n'a plus pleuré.
Elle ne mangeait plus. Ne dormait plus. Elle avait veillé sa mère durant une semaine.
Sous sa mantille noire, il n'y avait qu'un regard vide.
Effrayante Blanche.
A la sortie, elle croisa un groupe.
Mes yeux fixés sur Blanche ne firent guère attention à eux.
Mais les pupilles de mon amie se rallumèrent.
Un regard de haine.
Elle voulut se jeter sur eux.
J'avais de la peine à la retenir.
- Traîtres ! Judas ! Vous l'avez tuée ! Assassins !
Le groupe ne répondit rien. Seul le jeune homme se retourna.
Il ressemblait à Blanche.
Sauf qu'il avait les yeux bleus.
Et ils étaient froids.
- Voyons Blanche...
Elle voulut faire un bond pour se jeter sur lui.
Je faillis lâcher prise.
- Traître ! Tu l'as tuée ! Et tu oses revenir ! Va-t-en !
Mais il s'approcha.
Et je ne pus retenir la main de Blanche.
Elle le griffa au visage.
Rageuse Blanche.
Douloureuse Blanche.
Que t'a-t-il donc fait ?
Seul l'intervention de l'abbé Benoît qui présidait la cérémonie réussit à éloigner l'intrus.
Il se planta devant le groupe. Entre lui et le cercueil.
Il leva les bras tel un prophète au temps de Moïse et leur ordonna :
- Laissez-les en paix. Partez.
Ils voulurent protester mais il ne leur permit pas.
Blanche les regarda partir, la tête haute.
La cérémonie continua.
Sa mère fut enterrée dans le cimetière de l'église.
Et nous nous séparâmes.
Elle ne fit rien pour me retenir.
Mais ses yeux m'imploraient de rester.
Je la laissais ainsi, près de l'abbé et de son père qui avait pris vingt ans d'un coup.
Seule ma mère comprit que je ne laissait pas qu'une amie.
Une partie de moi restait au près d'elle.
Mais je ne m'en rendis compte qu'après.
Quand revenu chez les miens, je passais des heures à jouer du Chopin sur le piano en regardant sa photo.
Et personne n'en sut jamais rien.
Sauf maman.
Oh Blanche...
Quel lourd secret se cachait derrière tes accusations ?
Blanche semble hors du temps tandis que les personnages autour d'elle s'ancrent dans le présent. Vous créez très bien l'atmosphère mystérieuse !
Merci pour vos retours !
Blanche a de la haine en elle, et c'est intéressant de la voir ressortir, ça donne du relief au personnage !
Quelques remarques :
° La métaphore des tours du onze septembre est un peu étrange en contexte. Si je calcule correctement, il n'était pas né en 2001... et il est français. Disons que ce n'est pas forcément ce qui traverse l'esprit d'un adolescent en premier. Mais pourquoi pas.
° La réaction des voisins n'est pas réaliste. En vivant en appartement, on sait que nos murs sont plus ou moins fins, et on accepte les aléas. Certains sont certes plus chiants que d'autre, très pointilleux, à donner des coups de balai au plafond pour faire taire... Mais un cri de souffrance, ça se reconnaît. Et donc : soit les voisins l'ignorent (ça ne nous regarde pas), soit ils viennent s'enquérir de la sécurité, de l'état de la personne. Personne ne dit à quelqu'un qui vient de perdre sa mère "Oh, reprend-toi, tu n'as pas perdu un membre". Du coup, le côté caricatural m'a sorti'e de l'histoire.
° La réaction de l'abbé est un peu surprenante compte tenu du fait que c'est Blanche qui a attaqué le groupe qui était calme. Cela veut dire qu'il est au courant de ce qui se passe dans la famille de Blanche, dans ce cas. Ce qui n'est pas surprenant, les abbés étant des confidents et des médiateurs.
En dehors de ça, je veux bien sûr, toujours, en savoir plus. Je trouve Eric pas très fin sur ce coup par contre, il aurait dû rester auprès d'elle !
Le rythme et la forme unique de l'écriture font toujours partie de ce que j'affectionne dans cette histoire !
A bientôt
Red