Le tisseur de pensées

Pourquoi j'ai accepté ce job ?

Il fallait être dingue pour y aller. Ou être vraiment au bout du rouleau question fric.

Je suis probablement dans les deux cas.

Pourtant, l'annonce paraissait sympa au premier abord : « Recherche bêta-testeur pour nouvelle génération de système d'immersion en réalité virtuelle ». Le texte était seulement accompagné d'un numéro de téléphone. Au bout du fil, un vieux à l'accent tranchant m'a annoncé une paye mirobolante, et m'a donné une date, une heure et une adresse. Ce n'est que lorsque j'ai consulté le web pour trouver l'itinéraire que j'ai commencé à gamberger : la boîte était fourrée en plein milieu d'entrepôts douteux dans un quartier pourri. Aucun titre d'entreprise, aucune référence, pas de prénom ni nom de famille, que dalle.

 

Toujours est-il que, maintenant, c’est trop tard. Je suis là, suspendu comme un ver au milieu du néant. Mes pieds sont bien ancrés sur le sol, mais le sol n'existe pas. Il est blanc, comme l'horizon, comme le ciel. Mes jambes sont nues et parfaitement épilées, mes cicatrices ont disparu, mon galbe s’est affiné, des jambes de gonzesse quoi. J'ose explorer le reste : mon avatar corporel est complètement à poil, et mieux équipé que moi niveau muscle et même niveau matos d’entrejambe. Ce qui me fait le plus halluciner, c'est cette véritable impression de ressentir mon corps. Pas comme ces dernières consoles de réalité virtuelle où c’est graphiquement bluffant, mais zero niveau sensations. Là, je « me sens » vraiment, au sens littéral. Je tâte mes doigts, mes paluches, mon visage, mes cheveux, et tout paraît réel. Je ne sais pas par quel tour de force ce vieux taré a réussi ce coup-là, en tout cas c'est révolutionnaire. Mais je regrette. Je regrette parce que le vieux m'avait bien prévenu que son invention était en test et qu'il risquait d'y avoir des bugs et des effets secondaires. Et déjà, quand il a démarré sa machine, je crois bien que j'ai gueulé de douleur. Une migraine de folie, aussi forte que brutale, comme si soixante éléphants essayaient de jouer des claquettes sur mon crâne en même temps. Mes gueules de bois chroniques, à côté, c’est peanuts. J'ai supplié le vieux d'arrêter, il en a rien eu à foutre. J'entendais sa voix, comme venant d'un poste radio, me dire de patienter, que ça allait passer. Alors oui, le mal de tronche a diminué, mais il est toujours là, comme un pied-de-biche chauffé à blanc et planté dans mon front.

 

―Vous m'entendez, monsieur Nevik ?

―Oui, m'sieur, je vous entends.

 

La voix du savant semble crachée du ciel incolore, puissante et vibrante d’écho. Par contre, la voix de mon avatar ne ressemble pas du tout à la mienne, ça me fout un peu les jetons.

 

―Essayez de faire quelques mouvements. Marchez un peu.

 

Je teste. Je marche dans le néant. Ça me donne vite la gerbe. Il faut dire qu'avoir réellement l'impression d'avancer, sans qu'aucun paysage ne défile, il y a de quoi remuer les tripes.

 

―Doc, ce serait mieux si je pouvais marcher dans un endroit visible, non ?

―Vous avez déjà oublié mes consignes ? Tout ce qui est matériel apparaîtra selon vos désirs. C'est à vous de vous faire votre propre décor, pas à moi !

―Ah, oui, bon OK, mais il suffit que j'y pense ?

 

J’imagine ma plage favorite de la côte landaise, et elle commence à apparaître devant mes yeux de merlan frit. Sous mes pieds, un sable jaune et fin surgit du néant, comme des milliers de petits champignons dorés qui crèvent instantanément le sol. Là où je pense voir une vague briser la plage et l'écume se répandre en une mousse délicate, tout se dessine bel et bien, comme si ma conscience peignait sur une toile en trois dimensions au rythme des mouvements de mes yeux. En levant la tête, un ciel d'un bleu azur uniforme se construit dans le vide, seulement percé par la clarté d'un majestueux soleil, puis sur les côtés, l'immense plage landaise de mes souvenirs se déroule à l'infini. Bordel, c’est bluffant…

 

―Alors, monsieur Nevik, vous êtes satisfait ? susurre le vieux.

―Carrément, Doc !

―Bien. Je vous suggère maintenant se tester vos sensations, pourquoi ne pas aller vous baigner ?

―Mais je suis à poil, je peux d’abord avoir des fringues ?

―Ne soyez pas ridicule, il n'y a personne pour vous regarder, votre avatar ne représente même pas votre véritable corps ! De plus, vous pouvez imaginer à loisir avoir des vêtements.

 

Je baisse la tête et pense à un short de bain. Il apparaît. Il ressemble à mon éternel short blanc usé jusqu’à la trogne. Essayons de le customiser un petit peu. Un peu de couleur par-ci, un gros dessin tribal par-là. C'est parfait !

Mais que se serait-il passé si j'avais imaginé être en string ?

Mais non ! Je suis en string !

Et mon sexe, il ne faut pas qu'il disparaisse !

Il a disparu !

Non, pitié, ramenez-le-moi !

 

―Calmez-vous, monsieur Nevik, le programme matérialise vos désirs mais peut aussi matérialiser vos peurs si vous ne les contrôlez pas. Fermez les yeux, respirez, et reprenez confiance.

 

J'écoute les conseils du vieux et tente de me calmer, en fermant les yeux et en respirant longuement. Je repense au short et à mes attributs virils, puis rouvre les paupières et constate avec soulagement que tout est revenu à la normale. Le programme matérialise mes peurs, c'est hyper rassurant. Moi qui pète des scores dans les névroses de ce bas-monde, je n'ai pas intérêt à penser au vertige, à des putains d’araignées géantes ou à des anacondas. Brr surtout les araignées, quelle saloperie ! Avec leurs grosses pattes et…

Non !

Elle est là...

Une araignée monstrueuse, de deux mètres de haut, de grandes pattes fines et velues. Elle ne m'a pas vu, elle me tourne le dos, exhibant un énorme dard pointu saillant de son abdomen, duquel suinte un liquide jaune dégueulasse. Un atroce bruit de gargouillis et de crissements me vrille les oreilles. Mon cœur s'emballe, explose, mon ventre se tort, ma respiration devient haletante et suffocante. Je recule, me retourne et cavale le plus vite possible. Le néant en face de moi s'efface pour laisser place à une jungle d'où jaillissent des centaines d'araignées semblables se précipitant vers moi. Perchées sur leurs huit affreuses fines pattes, me fixant de leurs centaines d'yeux globuleux, elles composent un concert de cris stridents qui me fait perdre les pédales. Je hurle à la mort, prend la tangente et balance vers les cieux, d’une voix hystérique :

 

―Espèce de dingue ! Arrêtez ça ! Je vais crever !

―Calmez-vous ! Elles ne sont que le produit de votre pensée ! Imaginez qu'elles disparaissent !

―Je ne peux pas, je n'y arrive pas ! Faites-moi sortir de là !

―Impossible !

 

Je supplie le vieux fou d'éteindre sa foutue machine tout en courant, mais où que j'aille, où que je regarde, les monstres mutants sont partout et finissent par me choper. Leurs pattes poilues me saisissent le corps, et dans un hurlement d'agonie, je me sens déchiqueté par les mandibules et transpercé par des dizaines de dards. La douleur insoutenable me fait perdre connaissance.

 

 

 

Je rouvre des yeux vacillants sur le plafond du sombre entrepôt dans lequel le savant fait ses expériences de taré. Je sens autour de mon crâne l'espèce de couronne qui sert, comme on me l'a expliqué, à transposer ma conscience dans le monde virtuel. Je me redresse douloureusement de la table d'examen sur laquelle je suis allongé et aperçoit le vieux fou, assis, en train de pianoter sur son ordinateur. Je retire fissa l'objet maudit qui entoure ma tête et le balance au pied de l'homme.

 

―Tiens ! Vous êtes réveillé, monsieur Nevik ! susurre le vieux sans même se retourner.

―C’est quoi votre problème ! Pourquoi vous n’avez pas stoppé l'expérience quand je vous l'ai demandé ?

―Parce que ça m'est impossible. Voyez-vous, si j'avais retiré l'interface neuro-numérique de votre tête alors que vous étiez en plein monde virtuel, j'aurais provoqué des lésions irrémédiables dans votre cerveau. Je n'avais pas d'autre choix que de vous laisser vous débrouiller par vous-même.

―Dans ce cas, comment on fait pour stopper l'expérience sans risque de lésions cérébrales ?

―Eh bien, pour être franc, je n'ai pas encore trouvé de solution adéquate.

―Pardon ?

―Oui, ma machine est encore en test. Bien que le programme immersif soit très au point, il me manque encore un moyen efficace de ramener le sujet dans le réel.

―Vous déconnez ! Vous voulez-dire que pour le moment, la seule solution pour revenir est de se faire buter dans le monde virtuel ?

 

Le vieux, toujours de dos, lève la tête de son ordi et se retourne lentement. Son regard mi- désolé mi- amusé se plante dans le mien avant que ses lèvres crachent :

 

―Pas vraiment. La seule solution pour stopper l'expérience est de mourir, réellement, définitivement.

 

Le cinglé me fixe maintenant de ses yeux exorbités, puis se lève de sa chaise et avance vers moi, à tout petits pas, les bras dans le dos. Sa blouse blanche semble flotter dans un vent absent. Une terrible angoisse me saisit :

 

―Mais je ne suis pas mort !

―Effectivement, vous n'êtes pas mort, monsieur Nevik.

―Alors qu’est-ce que vous bavez, comme conneries ?

―Réfléchissez, imbécile...

 

Tandis que le savant avance vers moi, il fait surgir ses bras de derrière son dos. Les membres auparavant humains sont devenus des pattes d'araignée gesticulantes. Je tombe à la renverse de la table d'examen en gueulant comme un cochon qu’on égorge, je me redresse avec peine, et détale vers la sortie la plus proche, en osant des coups d’œil horrifiés vers l'ignoble créature qui gagne du terrain. Ses yeux se multiplient et forment des amas de globes oculaires arachnéens, et des mandibules impatientes et dégoulinantes sortent fébrilement de sa bouche. Je sprinte de plus belle en hurlant et aperçois la double porte de fer au fond de l'entrepôt. La sortie ! Mais tandis que je m'en approche, elle semble s'éloigner de plus en plus, comme si les murs s'étiraient à l'infini dans la direction opposée. Un autre coup d’œil en arrière : le savant n'est plus que l'ombre de lui-même. Il s'est intégralement transformé en araignée géante, et seuls les débris déchirés de sa blouse blanche collés à son monstrueux corps témoignent encore de son ancienne appartenance au genre humain. Des sons aigus et crissant jaillissent de sa bouche, tentant de former un langage encore intelligible :

 

―Monsssieur Nevvvik, vous êêêtes condamné. Vous n'avez plus nulle parrrt où aller. Vous êêêtes piégé dans votre pirrre cauchemarrr ! Ne sssentez-vous pas que vous changez vous-mêêême ?

 

Je baisse les yeux sur mon corps transpire subitement à grosses gouttes : d'innombrables soies fines et noires poussent sur mes mains et à travers mes vêtements. Mes bras et mes jambes semblent se tordre, mes doigts s'allongent. Envahi par l’angoisse, je hurle à la mort :

 

―Nooon ! Pitié ! Maman !

 

Quand je lève les yeux, le monstrueux savant a disparu et ma mère se tient là, au milieu de l'entrepôt, un regard d’extrême compassion posé sur moi :

 

―William, qu'est-ce que tu fais ici ?

―Maman, c'est bien toi ?

―Mon petit Will, qu'est-ce que tu es devenu ? Regarde-toi. Tu es une épave, tu n'es vraiment arrivé à rien, tu as raté ta vie.

―Maman, tire-moi de là, je t'en prie !

―Déjà, à l'école, tu étais un éternel cancre. Ton père aurait honte de toi s'il était encore en vie.

 

J’entends une voix d'outre-tombe m'appeler dans mon dos, et en me retournant, je manque péter un câble : je vois ce qu'il reste de mon père, debout dans un costume moisi et dévoré par le temps et l’humidité, me fixer de ses orbites vides d’où jaillissent des asticots, à travers un visage décharné, où les pommettes osseuses et la putréfaction des lèvres laissent entrevoir un rictus cadavérique. Il tend lentement les bras et s'avance vers moi en boitant sur des jambes aux os et tendons apparents. Ma gorge me brûle à force de hurler, tandis que je décampe dans la direction opposée. Mais mes pieds sont comme pris dans un carcan de béton et chaque pas en avant est un effort considérable. L'entrepôt autour de moi s'obscurcit, des volutes de fumées noires s'échappent des fenêtres et des voix diaboliques résonnent dans toutes les directions. Le sol se fissure en de multiples endroits, laissant jaillir des flammes apocalyptiques. Des créatures difformes et gémissantes en surgissent et se hissent dans l'entrepôt, puis se dirigent vers moi. Quelle que soit la direction vers laquelle je tente de m'échapper, elles me bloquent le passage, et je me retrouve bientôt encerclé de sombres humanoïdes. Ma tête explose de terreur. Une faille se creuse sous mes pieds et grandit, s'élargit, laissant entrevoir le fond abyssal et rougeoyant d'un autre monde, duquel s'échappe des sons inhumains et bestiaux. Je n’ai plus de voix, ni même la force de crier encore, la catatonie me saisit. Les monstres m'atteignent et me poussent dans l'abîme. Je suis aussitôt dévoré par les flammes en tombant dans l'infini de l'enfer, et mes derniers cris ne parviennent plus à sortir de ma gorge carbonisée.

 

 

 

Je me réveille en sursaut.

 

―Excusez-moi, monsieur, vous étiez en train de ronfler très fort, on ne s'entendait plus parler.

 

La femme qui vient de me secouer doucement l'épaule remet son casque et retourne à sa conversation en Visio sur l'écran de son ordinateur. Je regarde alentour et découvre avec stupéfaction que je suis dans mon cybercafé préféré. J’ai dû m’endormir sur le clavier de mon poste. Je me secoue la tronche et reprends mes esprits. Quel cauchemar pourri. Il va falloir que j'aille voir un psy, on ne rêve pas de ce genre de choses quand on est sain d'esprit. Je ferme les yeux et essaie de calmer les battements encore frénétiques de mon cœur, puis détaille la salle, histoire de dissiper mon malaise persistant.

La salle est bondée. Ce doit être le milieu de la journée puisque quelques personnes mangent un sandwich en pianotant sur leurs claviers. L'air embaume le mauvais steak et la transpiration. Les ventilos couverts de poussière ne parviennent pas à rafraîchir l'air ni à disperser la puanteur des geeks et de leur malbouffe. Je prends une grande inspiration dégoutée et retourne à mon écran. Il montre un site de petites annonces que j'ai l'habitude de fouiller dans ma quête désespérée de trouver un job. Un texte en gras dans un encart attire mon attention :

 

« Recherche bêta-testeur pour nouvelle génération de système d'immersion en réalité virtuelle. »

 

Ma poitrine décroche, mon estomac chute dans mon bide…

C'est pas possible…

Ah non, je crois avoir pigé.

Est-ce que j'ai fait ce putain de cauchemar en lisant l'annonce et en m'endormant devant l'ordinateur ? Si c’est pas ça, c’est que je deviens vraiment dingue… Je décide d'éteindre le terminal et de quitter le cybercafé, prendre l’air me fera du bien. Tandis que je me dirige vers la sortie, une voix familière retentit derrière moi :

 

―Monsieur Nevik, vous ne pouvez pas partir comme ça !

 

Je me fige. L'angoisse recommence à me submerger. Ça ne finira donc jamais. Avant que je ne puisse me retourner, une main ferme m’agrippe l'épaule et m'invite à faire volte-face.

 

―Monsieur Nevik, vous ne pouvez pas partir sans payer, vous m'avez déjà fait le coup la semaine dernière. Mon patron va finir par me tuer ! Eh bien … est-ce que ça va ?

―Oui... Oui, ça va, merci. Tenez. Gardez la monnaie.

 

Quel idiot je fais. Je deviens parano. Je reprends des couleurs et quitte l'établissement pour déboucher dans la rue familière qui sent bon le réel et les échappements de diesel. Il fait sacrément chaud, les trottoirs sont gavés de passants qui cavalent en regardant à peine devant eux. Je prends la direction de ma petite piaule, non loin d'ici, et prend un plaisir non dissimulé à traîner, goûtant avec ferveur chaque instant, ressentant avec délice chaque moment, et tous les sons, toutes les odeurs, toutes les images qui avant me laissaient un arrière-goût de routine et de bitume, sont aujourd'hui autant de shoot de vie pure. La rue défile et bientôt j'arrive au carrefour menant à la rue de mon immeuble. Ce n'est que lorsque j'atteins le coin de la rue qu’une forte bourrasque de vent manque me faire mordre la poussière. Une véritable et brutale tempête, sous un ciel bleu et sans nuages. Des citadins sont en train de fuir à toutes jambes à contresens, terrifiés. Je brave le vent pour jeter un œil dans la rue perpendiculaire, et suis à deux doigts de défaillir : l'horizon s'écroule. Au bout de la route, le bitume se disloque et chute dans le néant. Les murs des immeubles se lézardent puis échappent dans le vide des blocs de béton. Les voitures garées semblent aspirées par une force surnaturelle avant de flotter puis disparaître dans un brouillard blanc et étincelant. Paralysé de terreur, incapable même de respirer, je regarde le chaos s'approcher de moi à une vitesse folle. Même lorsque le trottoir sous mes pieds se fend et coule dans le flot de vide, je regarde, catatonique, mes baskets flotter dans un ciel d'un blanc uniforme, taché des innombrables débris de ce qui fût ma ville. Mes membres aussi se font bouffer par le néant, puis mon bide, ma poitrine, et enfin, comme si un torrent d'eau blanche s’engouffrait dans ma bouche ouverte, mon dernier cri d'agonie se noie dans l'éternité.

 

 

 

Je me réveille en gueulant et en m’agitant comme un forcené. Mes pieds et mes poignets sont entravés au brancard sur lequel je repose. Mes hurlements résonnent dans une petite chambre blanche, sale, piquetée de graffitis, et dont la seule porte est blindée et équipée d'une petite lucarne de verre. Je tente de me libérer en tirant comme un bœuf sur les bracelets qui me retiennent, mais rien n'y fait. Une forte odeur me pique les yeux, et je constate, honteux, que mon entrejambe est trempé de pisse. Je hurle à l'aide, et il s'écoule dix bonnes minutes avant qu'un visage daigne venir se pointer à la lucarne.

Le visage est familier.

C'est celui du vieux savant fou.

Il entre, accompagné de quelques hommes en blouse blanche. Je gueule aussitôt :

 

―Doc ! Sortez-moi de là, s'il vous plaît !

―Impossible, monsieur Nevik. Vous êtes encore en pleine crise. Vous multipliez les hallucinations et votre délire devient incontrôlable. Vous êtes dangereux pour vous-même et pour les autres.

―Mais je ne suis pas dingue ! C'est vous qui m'avez envoyé dans votre machine diabolique avec votre programme virtuel de cinglé !

―Il n'y a jamais eu de machine ou de programme, monsieur Nevik. Tant que vous n'en prendrez pas conscience, vous ne sortirez pas de là. Nous nous efforçons de trouver le traitement adéquat, je vous assure que nous faisons notre possible pour vous aider, mais ça risque de prendre encore un peu de temps.

―Vous mentez ! Vous mentez !

 

Tandis que je me débats, le savant se penche vers les hommes qui l'accompagnent et leur glisse quelques mots à l'oreille. L'un d'eux sort une seringue et les autres s’approchent de moi. Le vieux se penche tout doucement vers ma tête, et à travers son haleine chargée de tabac, il me murmure tout bas :

 

―Vous n'êtes pas le premier à avoir répondu à l'annonce, mon ami. Et vous ne serez pas le dernier.

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