L'écrivain

L’écrivain. Une espèce à part. Un embranchement particulier du règne animal, créateur de rêves autant que magicien des lettres. Même si j’appartiens à cette catégorie et que je me targue de ne pas être trop mauvaise dans mon art, je n’aurais pas l’audace de me prétendre une auteure de talent. Mais au final à quoi les reconnait-on ? Je ne saurais le dire, pourtant j’ai ma petite idée sur le sujet.

L’écrivain n’est pas un aligneur de mots. L’écrivain n’est pas une machine à noircir de caractères sibyllins des pages entières. Non c’est un artiste. Un orfèvre. Un créateur. Un poète. Un magicien. Sous sa plume prennent vie des cathédrales, des forêts, des monts et autre merveille. De ses mots naissent des personnages. De ses rêves apparaissent des mondes. De ses caprices se tissent des histoires. De la plus épique à la plus ubuesque en passant par la plus insignifiante, l’auteur modèle avec des mots ce que le peintre dessine avec ses couleurs. Et comme lui, il a un souci du détail qui le pousse à se remettre constamment en question, à choisir soigneusement chacun de ses mots les uns après les autres, phrase après phrase, jour après jour. Mais alors comment atteindre la quintessence de son histoire ? Comment savoir quand son récit est parfait ?

C’est impossible, mais c’est bien là tout l’intérêt car écrire ce n’est pas tant rédiger un roman que donner de sa personne, se dévoiler intimement au travers du prisme des mots. Raison pour laquelle la perfection se résume à une simple intuition.

Alors comment sentez-vous quand la magie opère ? Un jour. Ce jour singulier où au détour d’un songe germe une petite ville et deux enfants. Réminiscence de vos personnages. Et soudain éclot une capitale gigantesque perdue dans une lande désertique, une intrigue se noue sous vos yeux de simple observateur nocturne. Elle se déroule et vous la vivez comme un film en 3D sur votre télévision. Puis les contours s’estompent. La réalité vous happe. Le réveil sonne le glas de ce nouveau monde que vous quittez aussi violemment qu’à regrets. A la seconde où votre cerveau reprend le contrôle de votre inconscient vous bondissez de votre lit et tel Archimède criant Eurêka dans sa baignoire, vous criez : « Enfin je te tiens ! ». Ce qui m’amène à la question suivante : l’écrivain invente-t-il des histoires, ou les histoires se brodent-elles au fil de la construction de la personnalité de son auteur ?

Peu importe, ce matin-là, vous comprenez de façon implacable que la magie est née. Ne reste plus qu’à la retranscrire avec des mots. Tout le monde ne peut prétendre être écrivain. Pourtant chacun possède ce potentiel en lui. Cette petite graine de folie qu’il ne tient qu’à notre imaginaire de développer et à nos rêves de faire germer. Là où le quidam abandonnera ses rêves au bord de son chemin de vie, l’écrivain les couvera, les élèvera et les nourrira d’amour, jusqu’à tant que ses rêves volent de leurs propres ailes de papier aux confins de l’imaginaire du quidam, où il sèmera les graines d’un nouveau rêve. Et qui sait peut-être qu’un jour Quidam se réveillera Ecrivain. De talent ? Est-ce vraiment là l’important ?