LES COOKIES D’ANNE SOPHIE
J’ai 35 ans au moment des faits. Même si mon boulot d’assistante réalisatrice et mon hyper sociabilité occupent la totalité de mon agenda, cette vie remplie au millimètre me rend plutôt heureuse. Elle me permet surtout de ne pas trop penser ô combien ma chère et tendre famille n’est vraiment pas un modèle d’amour et de soutien. Vous allez vite comprendre pourquoi.
Je suis en plein tournage; une série un peu barrée pour Arte, tournée sur les plages du Nord Pas de Calais. A mille lieux des caraïbes mexicaines où je m’étais installée ces dernières années, mais le retour au source n’était pas des plus déplaisant.
Il y a quelques jours,des journalistes France 3 région sont venus sur le plateau,tourner des images pour le journal télévisé.
Je ne sais pas si j’ai tapé dans l’œil du journaliste ou si cela est dû à mes compétences professionnelles évidentes, mais sans fausse modestie, dans ce reportage, je crève l’écran!
Me voir passer à la télé m’a titillée un peu l’égo,je dois bien l’avouer, et dans un élan de fierté...
Allez zou! Je fonce sur le site France 3, je clique sur le replay du journal télévisé, je copie/colle l’URL et écris un message simple et efficace:" Ta fifille sur France3!"
Vidéo envoyée à papa, puis maman. (...)la rêverie commence à me gagner...
Mon enfant intérieur et moi-même se laissent à penser que mes chers parents seront un brin fiers de mon succès,en bons fans du petit écran qu’ils sont...
Le timing était parfait: mon père qui vivait au fin fond de l’Alsace venait de s’inscrire sur Facebook et nous tentions bon an mal an de créer une certaine complicité père/fille, qui n’avait jusqu’alors, jamais vraiment existée. Pour cause, il s’était séparé de ma mère juste après ma naissance et elle avait dû retourner à Metz s’installer chez mes gands-parents pour l’aider à gérer"la bête".
Je dois dire que les moments passés avec lui se comptaient sur les doigts d’une main.
Si je me concentre, je pense à...
-Quelques week-end dans la ferme de pépé et mémé; en témoignent ces photos de moi cul nus courant après Patate, le labrador de la maison.
-Des sorties au parc à jeter du pain aux canards.
-Une visite à l’oncle Jean Pierre, moniteur de ski à l’ESF, qui me mettait des châtaignes à l’arrière des chaussures pour que je sois moins raide sur mes skis.
- Ma première cuite à la sangria en Espagne; là je dois avouer qu’il a gagné des points.
-Compétition de vitesse déloyale sur les pistes de luge d’été d’Amnéville les thermes: Vu le gabarit du bonhomme,je vous laisse deviner qui du poids plume ou du poids lourd arrivait le premier en bas..
De manière globale, on n’est pas très proches dans la famille. Un petit passage obligé pour la dinde aux marrons annuelle, un week-end aux beaux jours et crac, l’affaire est dans le sac.
Pour reprendre Alizée, une chanteuse à texte célèbre au début des années 2000,"C’est pas ma faute à moi,"si ma famille me déclenche des réactions épidermiques et anxiogènes au bout de 24 heures de présence intensive.
Chaque famille a ses complexités, j’en conviens. Chez nous c’est simple, c’est l’omerta. On fait comme si tout allait bien et on garde les petits secrets familiaux bien enfouis comme il faut. Moi j’ai une fâcheuse tendance à remuer le fer dans la plaie, alors c’est sûr qu’on pêche un peu niveau compatibilité.
Mais je m’égare. Je jette un coup d’œil rapide sur mon téléphone pour un petit point info "trafic"!
Message envoyé samedi 2 septembre à 10h15.
Vu à 10h17 chez maman et 11h24 chez papa.
J’étais tellement impatiente de lire leurs réactions.
C’est fou comme le simple fait d’envoyer cette vidéo a fait écho à de vieilles blessures en moi et à mon besoin d’exister. Inconsciemment, j’attendais de mes parents la reconnaissance et l’attention que je n’avais jamais eu. Beaucoup trop d’attente pour une si courte vidéo !
Et en parlant d’attente, la mienne fut longue... Interminable même!
Tandis que je tentais de passer un week-end "relajado" comme on dit à Mexico, le temps s’écoulait, sans aucune nouvelle de mes deux géniteurs...
J’étais à l’affût de la moindre petite vibration de mon téléphone... Mais pas de textos à l’horizon. Ça me rendait dingue, c’est comme attendre un texto d’un mec qui te "ghost" sauf que là ... C’est tes parents...
Dimanche soir. Toujours aucune nouvelle. Tic-Tac-Tic-Tac-Tic-Tac-Tic-Tac...
Je craque et envoie tout d’abord un message à ma mère, simple mais efficace:
MESSAGE AMANDINE: Alors?? T’as regardé?!
Pour mon père, je puise mon inspiration dans les vestiges de mon bac littéraire et tente une approche dans la lignée des grandes tragédies grecques:
MESSAGE AMANDINE : Ravie de voir que cela ne te fait ni chaud ni froid.Je crois qu’inconsciemment la petite fille au fond de moi attendait que son papa chéri soit fier d elle ... Mais c est apparemment raté.
Réactions immédiates de l’un et de l’autre: l’Alsace et la Lorraine se réveillent en fanfare.
MESSAGE PAPA : Pas du tout mais c’est dommage on ne te voit pas beaucoup sur le reportage, t’es même pas interviewée.Ça a l’air barré quand même ce projet. Tu travailles toujours sur des trucs bizarres toi! Bon courage pour la fin du tournage.
Bon...La tentative de rapprochement père/fille ne sera décidément pas pour tout de suite.
"Vale"! Passons à la "madre".
Là,je dois dire qu’on atteint un niveau supérieur: l’indifférence n’était vraiment pas la pire des réactions...
Je constate tout d’abord une tendance commune avec les observations paternelles.
MESSAGE MAMAN: Oui oui j’ai vu mais on ne te voit pas beaucoup ! C’est toi avec le foulard c’est ça ?
Comme s’il pouvait y avoir un doute sur mon identité avec le simple fait d’avoir un bandeau dans les cheveux.
Et là, sans transition, le meilleur pour la fin... Tu penses que du haut de tes trente cinq ans, ça y est, tu es enfin adulte, tu ne peux pas imaginer que ta mère qui est techniquement censée être plus mature que toi, réussisse en quelques phrases, à démolir le peu d’estime de toi que tu avais.
MESSAGE MAMAN: Attends je t’envoie une vidéo! Tu vas voir c ’est super!
Je clique et découvre une vidéo provenant d’une chaine de cuisine avec ... Anne Sophie Lacourt , une copine d’enfance qui, après avoir fait carrière dans la mode s’est reconvertie dans la pâtisserie en ouvrant un salon de thé bobo dans le 10 ème arrondissement de Paris.
TEXTO MAMAN : Tu as vu c’est Anne Sophie! C’est super, elle donne la recette de ses cookies!
Je ne comptais plus les moments fous que je vivais grâce à mon boulot: du western canadien en pleine tempête de neige, logée dans un hôtel paumé digne de Shining, au tournage dans le village d’Emir Kusturica, à boire de la rakija avec le No Smoking Orchestra,en passant par le mythique désert des Bardenas où des coulées de boue nous obligèrent à déclencher le plan Orsec. Je ne suis pas du genre prétentieuse, mais avouez quand même que ça vend un peu du rêve non ?
Mais le couperet était tombé: le froid Sibérien et le désert de Lost in la Mancha ne valaient rien à côté des cookies d’Anne Sophie...
Il faudrait donc m’inscrire à un CAP pâtisserie pour avoir accès à la reconnaissance et à l’attention tant attendue de ma mère? Serait-ce donc ça le secret ?
Si j’avais su "ça" plus tôt, j’aurais évité de dépenser autant de fric et d’énergie en thérapie depuis ces 5 dernières années.
Je cumulais quand même 2 ans de thérapie transgénérationnelle, une constellation familiale au Mexique, des séances d’hypnose, un stage de Reiki et deux cérémonies d’ayahuasca avec une purge plus que fatale, alors que 5 mois de cours du soir et 2 mois de stage en entreprise auraient suffi à régler tout cela d’une traite,avec un CAP pâtisserie.(...)
L’absurdité de la situation me déclenchait un rire nerveux, dissipant peu à peu cette colère disproportionnée.
Malgré mon optimisme inébranlable, je savais inconsciemment que ma mère était une cause perdue. Il faudrait désormais faire preuve d’abnégation.
Mais là, "Cherry on the cake",pendant que j’étais entrain de perdre mon temps sur facebook...
NATHALIE LENARD A ACTUALISÉ SON STATUT.
Ma mère donc..
Un sourire se dessine sur mon visage: je me dis que la bougresse n’est finalement pas si affreuse, qu’elle va tout de même faire un petit peu de promo pour sa saltimbanque de fille. L’espoir renaît.
Je clique sur la notification et découvre... Je vous le donne en mille... Le lien vers la recette des cookies d’Anne Sophie!
Rien d’autre, "zobi", "walou"! Même pas une petite allusion sur mon passage à la télé! Je bosse quand même sur une série Arte avec un réalisateur français super connu qu’on ne présente plus bordel à (...)!
Il fallait prendre une grande respiration et identifier les émotions ressenties; conseil préconnisé dans mes exercices de sophrologie.
C’était un savant mélange entre injustice et jalousie puérile que je n’arrivais malheureusement pas encore à contrôler..
Je me ruais sur Petit Bambou et enchainait trois épisodes de méditations "s’offrir du positif", histoire de me remettre les idées à plat.
Le bilan était on ne peut plus clair: j’allais devoir économiser sec car vous l’aurez compris, ma thérapie était loin d’être finie...
Épilogue:
Cette histoire ne vous a pas plu?
vous n’aurez pas tout perdu:
En exclusivité pour vous consoler
Le saint Graal ô convoité,
Qui nous vient tout droit d’une bobo de Paris...
La recette des cookies d’Anne-Sophie.
*Recette des cookies maison pour 4 personnes:
100 g à 150 g de pépites de chocolat
1 œuf
150 g de farine
85 g de sucre en poudre
85 g de beurre
1/2 sachet de levure chimique
1 sachet de sucre vahiné
Détailler le chocolat en pépites et préchauffer le four à 180°C (thermostat 6).
Dans un saladier, mettre 75 g de beurre, le sucre, l’oeuf entier, la vanille et mélanger le tout.
Ajouter petit à petit la farine mélangée à la levure, le sel et le chocolat.
Beurrer une plaque allant au four et former les cookies sur la plaque en utilisant 2 cuillères à soupe pour faire des petits tas espacés les uns des autres; ils grandiront à la cuisson.
Enfourner pour 10 minutes de cuisson.
Et voici de bons cookies maison, bien mieux qu’un reportage à la con!
Une jolie pirouette de fin bien dans l esprit du recit drama culinaire!!
Je conseillerais à ce personnage de prendre le cookie par la pâte, et d'aller régler ses problèmes familiaux.
- des journalistes France 3 région sont venus sur le plateau,tourner des images pour le journal télévisé. --> la présence de la virgule n'est pas justifiée.
- Me voir passer à la télé m’a titillée // nous tentions bon an mal an de créer une certaine complicité père/fille, qui n’avait jusqu’alors, jamais vraiment existée. --> titillé / existé (pas d'accord du participe passé après avoir)
- s’installer chez mes gands-parents -- grands
- en témoignent ces photos de moi cul nus --> nu (vous n'avez qu'un seul cul...)
- ta mère qui est techniquement censée être plus mature que toi, réussisse en quelques phrases, à démolir le peu d’estime de toi que tu avais. --> souci avec les virgules : ta mère, qui est techniquement censée être plus mature que toi, réussisse en quelques phrases à démolir le peu d’estime de toi que tu avais. (Perso, je n'aime pas du tout ce mot de mature qui renvoie en théorie à "l'ensemble des mats d'un bateau"... Je préfère "mûre", mais faites comme vous voulez, je sais que je suis rigide sur certains points :-) ).
Et enfin, attention à l'espace avant et après certaines virgules...