-Maudits oiseaux et maudits pouvoirs ! siffla un jeune homme agacé par son incapacité à mener à bien nombre de ses projets.
Les bras tendus à l’horizontale, une mélodie sur les lèvres, ce dernier tentait d’attirer à lui les oiseaux des environs.
Se présenter comme le fils d’un roi revenu d’entre les morts et d’une mère demi-déesse aux ailes couleur flamand-rose dotée d’immenses pouvoirs ne suffisait visiblement pas pour se prétendre lui aussi, un homme-oiseau.
Pour le moment, les quelques rares arbres du plateau lui permettaient de dissimuler sa honte de plus en plus intense à son public aviaire. Il le savait, une place perpétuelle à l’ombre de ses parents l’attendait si rien ne se passait en arrière de ses omoplates. Pourtant, avec des ailes de cette envergure, bien loin de ressembler à de simples bourgeons ensanglantés, il devait, en toute logique pouvoir voler. Les signes sautaient aux yeux, le duvet enfantin disparaissait, au profit de véritables plumes, certaines blanches et d’autres d’un flamboyant rose pâle teinté de rouge.
Une vaste prairie couverte de milliers de coquelicots ainsi que d’oliviers et de vignes redevenus sauvages composait le terrain d’exercice du prince malheureux.
Une troupe de passereaux masqués par les hautes herbes se moquaient de lui et de ses prétendues capacités à se mouvoir dans les airs, tous particulièrement attentifs à ses ridicules tentatives. À quoi bon parler aux oiseaux pour recevoir en retour des insultes ?
Tous savaient voler sans avoir reçu le moindre apprentissage, alors que pour lui, rien ne fonctionnait, si ce n’est du côté de ses articulations qui commençaient sérieusement à en souffrir. Au bord de la falaise, face à la mer, les bras tendus vers l’avant, le prince crachait sa frustration.
Son cœur accéléra la cadence de ses battements, soumis à l’influence soudaine et idiote d’une folle pensée.
Il avait eu beau essayer toutes les techniques et les combinaisons possibles pour apprendre à voler, alors pourquoi ne pas se mettre en danger extrême en sautant de la falaise ?
Selon lui, son problème devait trouver ses racines dans son extrême volonté à tout vouloir contrôler.
Malgré tout, se présenta rapidement à sa psyché un problème de taille, et si la mort lui refusait le droit de revenir sain et sauf ?
Alors, suivant cette option tragique, il ne deviendrait jamais roi et il laisserait ses parents éplorés.
– Mes proches, tristes de me voir partir, vraiment ?
À la grande surprise du jeune Prince, plusieurs branches craquèrent derrière lui.
– Qu’est-ce que tu fabriques ici ?!
L’ombre qui l’observait tapie derrière un imposant rocher se redressa vivement. Elle poussa un petit cri de douleur en se raclant les genoux contre la pierre.
– Tu es venu pour te moquer ?! Un ami ? Vous me dégoûtez tous !
– C’est complètement faux ! Vatrute ! Tout le monde te cherche au palais ! Tes parents s’inquiètent ! Tu es parti depuis plusieurs jours !
Vatrute ignora la remarque du nouveau venu quant à sa perte de notion du temps pour se focaliser sur un tout autre point qui le tourmentait depuis plusieurs jours.
– Sensible, un éternel adolescent, un émotif... Une liste déjà trop longue… Voilà donc la réputation qui me touche par chez nous !
– Romantique, oui. Moi, je ne vois pas ça comme une mauvaise chose. Tu es une belle âme voyons !
Vatrute se détourna de son ami, fermant les bras à toute tentative constructive d’un potentiel bon échange.
– Je voudrais juste rester un peu seul à présent, est-ce que ça serait possible pour toi ?
Comment avancer alors que l’on vient en permanence entraver mes progrès ? Tu ressembles à un joli lapin, mon cher Droude ! Un faux gentil beaucoup trop dangereux. J’ai essayé encore et encore de prendre mon envol. Rien ne se passe, juste des ailes aussi idiotes qu’inutiles.
– Allons, tu comprends le langage de nos amis oiseaux ?! C’est une chouette victoire, non ?
– C’est comme écouter des tout petits enfants en train de parler. Ça hurle et ça piaille sans cesse ! Rien de vraiment intéressant à exploiter. Ce qui m’importe, c’est le vol et rien de plus. J’envie et je déteste ma mère qui se donne si souvent en spectacle avec ces maudites acrobaties aériennes. Tout ça pour épater mon père et sa cour !
– Vatrute… Jaloux ? Non… Pas possible !
– Tout le monde attend avec impatience le moindre de mes gestes ! Je bouge un doigt et tout le monde me regarde !
– Arrête un peu… Tu te mens surtout à toi-même en permanence. Ce qui t’empêche de voler ne vient pas de là !
– Je préférais quand tu m’insultais ! Retourne donc dans la cité-État de mon père, nul besoin de toi à mes côtés, je pense m’en sortir tout seul !
-Vraiment ? Et tes parents… J’averti que je t’ai trouvé ?
-Bon sang ! Laisse-moi maintenant ! Fais bien comme tu veux, je m’en moque !
Droude se détourna, complètement dépité, en proie à une soudaine et violente apathie, sans dire un mot de plus, le cœur gonflé par le chagrin et la peine.
De son côté, Vatrute sans un regard pour son ami s’éloigna rapidement vers le bord de la falaise chargée de la fragrance des embruns.
– Qu’est-ce qu’il va encore s’imaginer celui-là ?! On dirait plus une petite paysanne qu’un fils de grand seigneur !
Le jeune prince grognon observait à présent la mer en contrebas, à ses pieds se trouvait de quoi égayer sa morosité. Il se baissa, installa dans le creux de sa main gauche de nombreuses pierres, puis le défouloir commença. Les projectiles s’élevaient l’un après l’autre au-dessus des vagues agitées, chaque tir permettant d’ajuster au mieux sa visée.
Alors qu’il préparait un nouveau lancer, Vatrute sentit brusquement son pied droit le trahir et se dérober sous lui.
Son cœur remonta haut dans son torse, et de ses lèvres s’échappa un long cri de terreur. Le sol ne se trouvait qu’à quelques dizaines de mètres plus bas. Il allait mourir, écrasé sur les rochers, son sang se diluant avec l’écume des vagues.
Dans son esprit à quelques centimètres de l’impact se forma tout d’un coup l’image de Droude. Le temps se ralentissait, dilaté par le souvenir de son dernier échange, et avec lui, cédèrent les digues de ses entraves mentales.
On le jalousait pour son statut, certes, c’était vrai, toutefois, son blocage venait en grande partie des sentiments ardents qu’il éprouvait pour lui, jusqu’ici de manière inconsciente. Aveuglé par la colère, il n’avait pas vu les signaux envoyés par son propre corps. Désormais aux portes de la mort, tout prenait pleinement sens. Ainsi, de la bonne maitrise de ses émotions dépendait également l’irruption de ses pouvoirs.
Sans vraiment comprendre de quelle manière, ni même pourquoi, ses ailes malhabiles, qui jusqu’ici se refusaient à lui, se déployèrent soudainement avec une force incroyable.
Il plana ensuite plusieurs longues secondes au-dessus de l’eau avant de remonter à toute vitesse, fou d’excitation au plus près de ses amis oiseaux cachés dans les arbres.
Il devait réparer au plus vite ses erreurs, voler ne constituait pas l’objet de sa quête, mais son révélateur.
Il rattrapa rapidement Droude, celui-ci, complètement abattu, les joues couvertes de larmes brulantes, rentrait tout doucement parmi les siens.
Vatrute passa au plus près de lui avant de se réceptionner lourdement à ses côtés.
– Un atterrissage à revoir… chuchota le malheureux garçon aussi amer que soulagé face à cette apparition inattendue.
– Je ne sais pas vraiment comment m’excuser, mais il se trouve une chose que je désire te demander... Je voudrais poser mes lèvres sur les tiennes… Qu’est-ce que tu en penses ?
Droude essuya ses larmes, puis il hocha la tête timidement, aussi gêné que ravi.
Autour d’eux, le pépiement des oiseaux éclata en une folle clameur joyeuse. Plusieurs secondes passèrent et ce qui sonnait jusqu’ici comme de simples sifflements se muèrent en une chose bien plus étrange. Au milieu des chants perçaient désormais des phrases entières, cette fois, clairs au possible.
– C’n’est pas trop tôt ! Le prince vient enfin de se réveiller ! L’illumination vient de lui tomber dessus ! Le prince aime les hommes ! Approchez pour l’applaudir !
Alors qu’il embrassait Droude, un large sourire illumina le visage de Vatrute, amusé d’entendre les idioties aviaires.
Ses émotions ainsi acceptées, l’esprit purgé de toute colère, il lui restait à murir et affronter avec sagesse le regard de la cité-État.
A cette pensée, ses ailes tendues de part et d’autres de ses épaules se replièrent brusquement à l’arrière de son dos, trahissant le trouble et le long chemin qu’il lui restait encore à parcourir pour s’accepter pleinement.
Le personnage de Vatrute est particulièrement bien développé. Sa frustration, sa colère et finalement sa révélation sont décrites de manière très convaincante. Le symbolisme des ailes qui se déploient au moment où il accepte ses émotions est puissant et représente magnifiquement son cheminement personnel.
Le dialogue entre Vatrute et Droude est touchant, et la manière dont leur relation évolue est traitée avec sensibilité. L'inclusion des oiseaux qui observent et commentent l'action ajoute une touche d'humour et d'étrangeté à l'histoire.
Cependant, il y a quelques endroits où la narration pourrait être plus fluide, avec une transition plus douce entre les pensées et les actions des personnages. De plus, il y a quelques coquilles grammaticales mineures qui pourraient être corrigées pour améliorer la lisibilité.
Dans l'ensemble, c'est une histoire engageante qui explore des thèmes universels tels que l'acceptation de soi et la découverte de son identité. Continue d'écrire et d'explorer ces sujets, car tu le fais avec talent.