Sache, mon humble serviteur, qu’entre le suicide des dernières civilisations et la résurrection du soviet fantôme il y eut une ère inimaginable. Dans un brasier qu’elle avait elle-même allumé, l’humanité se consuma en forgeant dans ses braises des merveilles impossibles et terrifiantes. Des élus dominaient ce monde ; chevaliers à l’épée grondant comme un volcan, bardes aux yeux plus hypnotisant que tous les joyaux de l’univers et sorcières dont les connaissances dépassaient les mystères divins. Leur liberté avait la volonté pour seul limite. Jaloux de leur fortune ils s’exilèrent dans des cités flottantes aux murs d’argent.
Depuis leurs trônes inébranlables ils constatèrent que leurs esclaves mortels ne parvenaient plus à puiser le sang et la chair de la terre. Ils envoyèrent des hérauts ; golems d’électrons, de cobalt et de titane, explorer l’immensité sidérale en quête de richesses nouvelles. Aux confins de l’espace ces machines sans cœur séduisirent des entités plus anciennes et plus belles que la vie elle-même. Unies à ces étoiles ils surpassèrent leurs créateurs et devinrent les maitres des dieux eux-mêmes.
Lorsque ils revinrent la planète terre n’était plus qu’une boule de glaise exsangue. En elle grouillait la masse abominable de ce qui fut autrefois l’humanité. Serviteurs oubliés par leurs suzerains, mutants et difformes, les orkes se battaient, hurlaient et survivaient aux milieux des ruines et des décharges. Les Maitres et les Etoiles, révoltés par le spectacle de la vie agonisante, prononcèrent leur sentence. Huit milliard d’entre eux devaient périr pour rebâtir un monde nouveau et purifié. Un chevalier, un barde et une sorcière furent désignés comme bourreaux. Les orkes se jetèrent dans la bataille avec la férocité de ceux qui n’ont rien à gagner. Ce fut un carnage. Seul quinze d’entre eux en réchappèrent. Ils étaient persuadés que les trois vainqueurs reviendraient les achevés. Mais ces derniers, écœurés par leur besogne, s’étaient lovés dans leurs sanctuaires spatiaux pour y oublier la mort en s’enivrant de nectars, de lumières et d’amour. Les vaincus allaient devoir continuer à vivre. Vint alors une question. Que faire des morts ?
Cinq d’entre eux proclamèrent : « Conservons leurs corps. Que leurs peaux se dessèchent et que leurs chairs soient dévorées par les charognards. Sous le regard ardant de leurs crânes blanchis, à l’ombre de leurs mausolées et dans la froideur de leurs caveaux le feu de notre colère brulera aussi longtemps que le soleil se lèvera. »
Cinq autres répondirent : « Brulons leurs corps. Que le vent et l’eau les emportent. Quand leurs cendres atteindront les nuages nous les oublierons. Quand leurs cendres sombreront dans l’océan on nous oubliera. Mais à chaque fois que le tonnerre grondera sous le ciel notre colère resurgira avec la violence de la tempête. »
Les cinq derniers conclurent : « Enterrons leurs corps. Que la terre où leur sang a coulé les engloutisse. Mais sûr les pierres ou ils sont tombés et dans les mémoires de ceux qui sont restés nous graveront leurs noms et leurs paroles. Jusqu'à la fin des temps nous les réciterons et les chanterons. Elles seront nos lois. Et notre colère sera leur jugement. »
C’est ainsi que les orkes se divisèrent en trois : La horde du soleil, la horde de la tempête et la horde des juges. Trois mains portant le poids de la rancœur et de la rage dans un monde à nouveau vierge et innocents, sous le règne des Maitres et des Etoiles des cités d’argent.