Les passants-oiseaux

Parfois, dans la rue, je m'assois. Je m'assois et vois de longs messieurs tout gris. Encostardisés de la tête aux pieds, ils ont des allures de cintres qui se seraient mis à marcher. 

Il a des jours où je rencontre des dames élégantes dans leurs robes à pois. Elles se promènent et ont des chapeaux à rubans, parfois. Leurs bouches d'un rouge cerise me rappellent ces bonbons que l'on mangeait, petits. 

Je croise des adolescents, aussi. Cigarette au bec et parfum d'insouciance sur leurs sillages. Regards tristes mais lèvres qui sourient. D'un sourire sans âge. 

Il a aussi ces bambins minuscules qui courent sans s'arrêter, la morve au nez. J'entends leurs cris et leurs rires résonner comme du cristal morcelé. Puis parfois, l'un d'eux trébuche et je me précipite pour souffler sur un méchant bobo. 

Des fois, dans la rue, c'est tout joyeux. D'autres fois, non. Il y passe encore des gens à l'étroit entre deux soupirs. Ils ont des poches de douleur, grises sous leurs yeux bleu saphir. Ils laissent les marmots fuir. 

Un matin, j'ai vu un drôle de type. Il était tout de blanc vêtu avec de grosses bottes de poissonnier. Il tricotait une belle écharpe neige qui lui battait entre les jambes au fur et à mesure qu'il avançait. 

L'autre jour, c'était une vieillarde. Ridée et rabougrie sous son nuage de cheveux blancs, elle levait des yeux célestes et émerveillés. Comme ceux d'une enfant. 

Hier, une femme immense perchée sur des hauts talons aux aiguilles aiguisées. Droite comme un I, cheveux tirés aux quatre épingles. Elle avait tout de même un petit sourire mais ce sourire-là, mieux vaut ne pas le recevoir tant il fait peur. Mielleux et creux, il m'écoeure. 

Je laisse passer les cyclistes, souvent. Eux justement, ne craignent pas le vent. Leurs tignasses y virevoltent, leurs sourires y grelottent. De vraies machines à s'adoucir la journée. 

Puis quelques fois, il a des fous. Des fous marmonnant tout seuls, des fous qui rient sans qu'on sache pourquoi, des fous qui font des blagues aux autres passants, des fous qui filent en regardant les gens droit dans les yeux. Peut-être que j'en fais partie, moi, de ce genre de fous... 

Je me glisse dans la foule, crayon derrière l'oreille et le pas bondissant. Bondissant, léger, voletant. Je suis comme un oisillon, un oisillon dans un vaste nid qui n'est pas le sien. Fragile, vulnérable. 

C'est le nid de la vie. 

 

Pluma & Fy.

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