Dédicace :
À tous ceux qui tendent la main,
À ceux qui voient au-delà de la poussière et de l’oubli,
À ceux qui nourrissent des âmes affamées de chaleur et d’espoir,
À ceux qui éclairent l’ombre de leur compassion.
Ce roman est pour vous, amis des animaux de rue,
Gardiens silencieux d’une tendresse partagée.
Que chaque pas que vous faites pour eux continue de briller,
Même dans les coins les plus sombres.
Comme une étoile filante, mon esprit traverse des souvenirs épars, brillant un instant avant de disparaître dans l’obscurité. Des éclats de rires, des fragments de voix, des visages flous s’entrelacent dans une danse chaotique. Je ne sais plus vraiment où commence le rêve et où finit la réalité. Peut-être n'y a-t-il jamais eu de frontière.
Le monde autour de moi s’efface lentement, comme une toile sur laquelle les couleurs s’estompent sous la pluie. Et pourtant, une sensation persistante me retient. Un éclat de lumière au loin, si vif qu’il refuse de se dissiper. Quelque chose, ou quelqu’un, m’appelle à travers cette brume éthérée, une promesse silencieuse que je ne peux ignorer.
Ce moment suspendu entre deux dimensions me donne l’impression d’être à la fois perdue et sur le point de me retrouver.
Une étoile filante, oui, mais peut-être que cette fois, elle ne s’éteindra pas.
Éline,
Je m’appelle Éline, et je ne suis pas certaine de savoir où je me trouve. Mon nom, seul repère tangible, résonne comme une ancre dans cet univers mouvant. Éline. Je le répète doucement, comme pour me convaincre de son authenticité.
Éline. Je regarde le ciel du soir, et il semble à la fois familier et étranger. Les étoiles y brillent, mais elles ne sont pas disposées comme dans mes souvenirs. Elles forment des constellations inconnues, des figures énigmatiques qui semblent raconter des histoires que je ne comprends pas. La lune, ou ce qui y ressemble, est plus grande, plus proche, d’un bleu argenté qui baigne tout le paysage d’une lumière irréelle.
Autour de moi, le monde est silencieux, mais ce n’est pas un silence vide. Il est habité, plein de murmures presque inaudibles, comme si l’air lui-même portait les vestiges d’anciennes conversations. Une brise légère glisse sur ma peau, douce mais légèrement froide, et emporte avec elle une odeur indéfinissable, un mélange de terre humide et de quelque chose de métallique.
Je marche, mes pieds nus foulant un sol étrange. Chaque pas émet une lueur éphémère, comme si je réveillais des fragments de lumière cachés dans la matière. Sous cette lumière lunaire, le paysage se dévoile peu à peu : des collines ondulantes, des arbres aux feuilles phosphorescentes, et au loin, des structures qui semblent vivantes, s’élançant vers le ciel comme des piliers de lumière.
Je m’arrête. Quelque chose dans l’air change. Ce n’est pas un bruit, mais une vibration, une présence. Je me retourne brusquement, mais il n’y a rien. Pourtant, je le sens : je ne suis pas seule. Mon souffle s’accélère, et une pensée me traverse, aussi évidente qu’incompréhensible : ce lieu me connaît.
Je chuchote à nouveau, comme pour briser l’étrange tension :
— Éline.
Le vent s’arrête. Tout semble suspendu. Puis, quelque part dans l’obscurité, une voix, basse et lointaine, murmure :
— Éline… tu es enfin là.
Un frisson glacé me parcourt, mais je ne peux détourner les yeux de l’endroit d’où vient la voix.
J’entends, soudain, un bruit, comme une alarme qui s’est déclenchée. Mon souffle se suspend, et pendant un instant, je ne sais plus si ce bruit vient d’ici ou d’ailleurs. La lumière autour de moi vacille, comme si le paysage lui-même hésitait à se maintenir.
Je ferme les yeux, espérant que ce son cesse, que je puisse rester ici, dans cet endroit indéfinissable où tout semble possible. Mais il persiste, implacable, devenant de plus en plus fort. Il me tire, comme une corde invisible, vers une autre réalité.
Quand j’ouvre les yeux à nouveau, le ciel du soir, les collines lumineuses, les murmures étranges… tout a disparu. À leur place, une pièce sombre, banale, et ce réveil qui hurle sur ma table de chevet.
Je suis étendue dans mon lit, les draps emmêlés, le corps en sueur. Mon cœur bat encore la chamade, comme si j’avais couru des kilomètres. Je tends la main pour arrêter le réveil, et le silence s’installe enfin. Pourtant, quelque chose ne va pas.
Ce rêve, ou ce que c’était, n’a rien d’ordinaire. Les sensations, les sons, les images… tout était trop réel. Je murmure mon nom, presque malgré moi :
— Éline.
Une nouvelle journée commence, mais tout semble différent. La lumière du matin, pourtant douce, m’agresse. Chaque son, du bruissement des feuilles dehors au tic-tac de l’horloge, semble amplifié, comme si le monde voulait me rappeler que je suis revenue à la réalité.
Je m’assieds sur le bord du lit, les pieds au sol, mais cette sensation m’étonne presque. Le sol est froid, ordinaire, loin de la matière vivante et chaude que j’ai foulée dans ce rêve – si c’en était bien un.
J’essaie de chasser ces pensées en me concentrant sur des gestes simples : ouvrir les rideaux, faire mon lit, me diriger vers la cuisine pour préparer un café. Mais tout paraît si mécanique, comme si je jouais un rôle sans vraiment être là.
Alors que le café coule, je me surprends à murmurer à nouveau mon nom :
— Éline.
Rien. Pas d’écho, pas de réponse. Juste le bruit de la cafetière et le grésillement de l’eau chaude. Mais une étrange impression persiste, comme si quelque chose me manquait.
En regardant par la fenêtre, je remarque un détail que je n’ai jamais vu auparavant : une ombre, à peine visible, qui glisse au coin de ma vision. Je cligne des yeux, mais elle a déjà disparu. Peut-être est-ce juste mon esprit encore engourdi par le sommeil.
Et pourtant, une idée s’installe en moi, discrète mais tenace : ce rêve, cet endroit, ce murmure… tout cela n’était pas qu’un produit de mon imagination. C’était autre chose, un message, une porte entrouverte.
Je décide que cette journée ne sera pas comme les autres. Je me prépare à sortir pour le travail, mais avec un étrange sentiment de décalage. Chaque geste, de la préparation de mon café à l’enfilage de mes chaussures, semble teinté d’une étrange conscience, comme si tout cela appartenait à un autre monde, une autre vie.
Je choisis une tenue sobre, comme d’habitude, mais je prends plus de temps que nécessaire pour me coiffer, comme si ce rituel anodin pouvait m’ancrer dans la réalité. En me regardant dans le miroir, je murmure à nouveau mon nom :
— Éline.
Le reflet me renvoie une image banale, mais quelque chose dans mes yeux est différente. Une lueur, une curiosité que je ne m’explique pas, comme si je guettais un changement qui ne vient pas.
Une fois prête, je prends mon sac et sors. L’air matinal est frais, et la ville s’éveille lentement. Les trottoirs sont encore humides de la rosée, et le murmure de la circulation commence à gonfler. Rien d’extraordinaire en apparence, mais je sens que je suis plus attentive à chaque détail : la couleur des façades, le mouvement des passants, le bruit des pas sur le pavé.
Dans le métro, l’agitation habituelle m’atteint moins que d’ordinaire. Les conversations, les annonces, tout semble distant, comme un fond sonore. Je m’assieds près de la fenêtre et laisse mon esprit vagabonder.
Je repense au rêve, à cette voix qui a murmuré mon nom. Tout était si réel. Une question me hante : et si ce n’était pas un simple rêve ? Et si ce lieu, cet univers étrange, existait quelque part ?
Arrivée au bureau, je m’installe à mon poste, mais la sensation persiste. Les dossiers sur mon bureau, les conversations avec les collègues… tout semble irréel, comme si cette journée était une pièce de théâtre dans laquelle je joue un rôle que je ne comprends plus.
Entre deux tâches, je me surprends à dessiner sur un coin de papier : des arches translucides, des lueurs mouvantes, des paysages inconnus. Je griffonne presque compulsivement, comme si mon inconscient cherchait à me ramener là-bas, à retrouver ce qui m’échappe.
La voix d’une patiente m’arrache à mes pensées. Elle est devant moi, son regard interrogateur planté dans le mien.
— Vous allez bien ? Je vous ai appelée plusieurs fois, dit-elle, légèrement inquiète.
Je sursaute légèrement, embarrassée. Je ne l’avais même pas remarquée s’approcher. Je remets de l’ordre dans mes idées et lui adresse un sourire professionnel.
— Oui, pardon, je suis distraite ce matin. Que puis-je faire pour vous ?
Elle me tend un document, un dossier que je devais probablement examiner. Mais tandis qu’elle parle, expliquant ses questions ou ses inquiétudes, je peine à me concentrer. Les mots se bousculent dans ma tête, mêlés à des images du rêve – ce ciel étrange, cette voix qui prononçait mon nom.
Je hoche la tête, prenant quelques notes mécaniques, mais la sensation de décalage persiste. Quand elle termine, je lui adresse quelques phrases rassurantes, des mots que je pourrais dire les yeux fermés, mais une part de moi est ailleurs.
Lorsqu’elle quitte mon bureau, je reste immobile un instant, les yeux fixant un point invisible. Je prends une grande inspiration, comme pour reprendre pied dans la réalité.
Après une longue journée de travail, je rentre enfin chez moi, épuisée. Le trajet en métro est flou, une succession de stations et de visages que je ne remarque même pas. Mon esprit est ailleurs, englué dans une confusion que je n’arrive pas à dissiper.
Autour de moi, tout vacille, des ombres dansant sur un fond sans horizon. Pourtant, au milieu de ce chaos, une certitude étrange me traverse : ce n’est pas un hasard si je suis ici. Quelque chose m’a menée jusqu’à cet instant précis, comme si chaque décision, chaque souffle, m’avait poussée vers ce point de bascule.
J’aperçois à nouveau cette lumière au loin, brillante et invitante. Elle semble m’appeler par mon prénom, d’une voix douce et familière. Une chaleur enveloppe mon cœur, me donnant l’impression que je suis attendue. Alors, je fais un pas en avant.
Là où la compassion devient le pont,
Je me souviens du premier ami qui a changé ma vie : un chat errant aux yeux émeraude, que j’ai nommé Mimi. Il n’avait rien demandé, mais il s’est imposé dans mon existence avec une douceur désarmante. Depuis ce jour, je me suis promise de ne jamais détourner le regard face à un être vivant en quête d’attention.
Les animaux, dans leur simplicité, m’ont appris des leçons que les humains semblent souvent oublier : la patience, l’instinct, et cette capacité innée à vivre dans l’instant présent. C’est peut-être cela, ma vocation cachée, celle d’être une sorte de passeuse entre leur monde et le nôtre, là où la compassion devient le pont.
Je ne suis pas vétérinaire, mais ma relation avec les animaux dépasse les simples gestes du quotidien. Ils m’apportent une sérénité que je ne trouve nulle part ailleurs, comme s’ils comprenaient les recoins les plus silencieux de mon âme. Leur présence est un langage, un échange sans mots, mais empli de vérité.
J’ai pris l’habitude de m’occuper des chats et chiens de rue comme s’ils étaient des membres à part entière de ma famille. Cela a commencé sans que je m’en rende compte, avec un bol de lait déposé sur le perron pour un chat famélique qui rôdait autour de chez moi. Puis il y a eu ce vieux chien au pelage hirsute, abandonné, qui m’attendait chaque soir à la sortie de mon travail.
Petit à petit, ils sont devenus une part essentielle de ma vie. Je connais leurs regards, leurs habitudes, leurs peurs. Je leur donne des noms, même s’ils n’appartiennent à personne, ou peut-être à tout le monde. Ils m’offrent une sorte de gratitude silencieuse, cette confiance naturelle qui naît quand on ne demande rien en retour.
Parfois, je m’arrête pour les observer. Ils sont libres et vulnérables à la fois, marqués par la rudesse de la rue, mais toujours capables de se relever. Je crois que c’est cela qui m’émeut le plus chez eux : cette force tranquille, cette résilience, ce besoin d’aimer malgré tout. Et moi, dans ce rôle d’ange discret, je fais ce que je peux pour leur offrir un peu de chaleur, un peu de dignité.
J’ai 49 ans, et parfois, j’ai l’impression d’en avoir vécu cent. Chaque ride sur mon visage raconte une histoire, chaque cicatrice sur mon cœur murmure un souvenir. Ce n’est pas une vie de regrets, mais une vie pleine, où les joies et les chagrins ont tissé une toile complexe, parfois belle, parfois déchirée.
À 49 ans, je n’ai ni maison luxueuse, ni carrière prestigieuse. Mais j’ai quelque chose que beaucoup cherchent sans jamais trouver : un sens. Il est là, dans chaque regard confiant que m’adresse un chien perdu, dans chaque ronronnement apaisé d’un chat affamé que j’ai nourri.
Je sais que certains me trouvent étrange. Une femme presque quinquagénaire, sans enfants ni compagnon, qui passe ses soirées à errer dans les rues avec un sac de croquettes et une couverture sous le bras. Mais leur jugement ne m’atteint plus. Ces animaux, ces âmes invisibles pour tant de gens, m’ont offert une forme d’amour que je n’ai jamais trouvé ailleurs.
Peut-être que je ne cherche plus rien pour moi-même. Tout ce que je veux, c’est leur offrir ce que je peux : un moment de répit, une preuve qu’ils comptent. Parce que, dans leur silence, ils me rappellent une vérité que j’ai longtemps ignorée : on ne sauve jamais autant les autres que lorsqu’on s’autorise à être sauvé par eux.
Je déverrouille la porte de mon appartement. Mon chat m’attend, assis sagement près de la porte, les yeux fixés sur moi, comme s’il savait exactement quand je rentrerais. Ses grands yeux brillent dans l’obscurité, et il émet un léger miaulement en me voyant.
Je souris, un peu soulagée. Ce simple geste me ramène à la réalité, un ancrage familier dans ce monde étrange. Je laisse tomber mon sac, et avant même que je n’aie eu le temps de me déchausser, il se frotte contre mes jambes, demandant déjà des caresses.
Je me penche pour le caresser, et l’instant semble suspendu, comme une pause bienvenue après cette journée lourde. La chaleur de son pelage sous mes doigts me rassure, me rappelle que certaines choses restent constantes, malgré tout. Il ronronne doucement, un bruit apaisant, et je ferme les yeux un instant, me laissant bercer par la simplicité du moment.
Et si tout faisait partie d’un même puzzle ?
J’allume la télévision, et l’écran s’illumine dans le calme de mon salon. Ce soir, il y a une émission que je ne veux surtout pas manquer. Ils vont parler de la dernière découverte sur la communication télépathique, un sujet qui m’intéresse depuis un moment. Je n’arrive pas à me détacher de l’idée qu’il pourrait y avoir des liens entre le monde des rêves et ce que les scientifiques commencent à dévoiler.
Je m’installe confortablement sur le canapé, mon chat se faufile à côté de moi, se couchant en boule. L’animateur apparaît à l’écran, et l’atmosphère de l’émission est immédiatement captivante : des graphiques dynamiques, des experts en neurosciences, et des témoignages de personnes affirmant avoir expérimenté des formes de communication non verbale, voire télépathique.
Les chercheurs expliquent comment les signaux cérébraux peuvent désormais être captés et interprétés grâce à des technologies avancées. Ils parlent d’une nouvelle ère où les pensées pourraient se transmettre sans mots, sans gestes. Tout cela me fascine et m’obsède, surtout après ce que j’ai vécu récemment. Les théories sont intéressantes, mais j’ai cette impression tenace que l’on touche à quelque chose de bien plus vaste et complexe.
Les images de l’émission défilent, des experts se succèdent à la parole, mais mon esprit est ailleurs, toujours avec cette étrange sensation d’être déjà connectée à ce phénomène, comme si j’avais un pied dans ce monde scientifique, et un autre dans un univers plus mystérieux. Et si tout faisait partie d’un même puzzle ?
Je m’apprête à me coucher, le corps fatigué mais l’esprit toujours agité par cette journée. Avant de fermer les yeux, je prends l’habitude de jeter un coup d’œil à mes messages. Les notifications défilent sur l’écran, des échanges de la journée, des messages de collègues, des amis. Puis, je tombe sur un message de Sylvie, une nourrisseuse de chats de rue que je connais et qui habite près de mon lieu de travail.
Elle m’a souvent envoyé des nouvelles des félins qu’elle aide, des photos de petits chats maltraités qu’elle a soignés ou des adoptions qu’elle a facilitées. Mais ce message-là attire particulièrement mon attention.
« Éline, il y a quelque chose que tu dois savoir… »
Un frisson parcourt ma colonne vertébrale. Je n’ai jamais vu Sylvie aussi directe. Je me sens soudainement nerveuse, la curiosité prenant le pas sur la fatigue. Je lis les mots de Sylvie, mes yeux rivés sur l’écran de mon téléphone, un frisson m’envahissant à chaque phrase :
« Je ne sais pas si tu as déjà vu un chat roux, près de l’immeuble. Il vient manger près de la fontaine chaque jour. J’ai remarqué qu’il te suit. C’est un chat très particulier. Il semble… comme connecté à toi. Comme s’il te connaît. Je sais que ça peut paraître fou, mais je le sens. Il t’attend chaque jour aux mêmes endroits. Il t’observe. Tu devrais le voir. »
Je reste là, les yeux figés sur les mots, une sensation d’étrangeté m’envahissant. Un chat roux. Je fronce les sourcils. Je n’ai pas vu de chat roux près de la fontaine, du moins, pas consciemment. Et l’idée qu’il me suive… me connaisse… Cela semble absurde, et pourtant, quelque chose en moi frissonne, une intuition que je ne peux expliquer.
Puis, un souvenir m’envahit. Est-ce celui que j’ai vu, ce soir-là, en rentrant chez moi ? Celui qui m’a observée dans l’ombre, avec une telle intensité ? Est-ce ce même chat qui semble m’attendre au coin de la rue ?
Je n’ai pas le temps de me perdre dans mes pensées plus longtemps. Sylvie n’est pas une personne qui fabule facilement. Elle connaît les animaux et leurs comportements, et si elle ressent cette connexion particulière, il doit y avoir une raison.
Un mélange de curiosité et de perplexité m’envahit. Ce chat, ou ce qu’il représente, semble lié à quelque chose que je n’arrive pas à comprendre encore. Pourquoi moi ? Pourquoi maintenant ?
Je ferme les yeux, un dernier souffle d’incertitude dans l’air. Peut-être que demain, il sera temps d’aller voir ce chat, de confronter ce mystère qui me poursuit. Mais pour l’instant, je me tourne sous mes couvertures, le téléphone encore dans les mains, et je laisse mes pensées m’emporter dans un sommeil agité.
Les fils invisibles de la routine,
Au réveil, j’avais l’impression d’avoir pensé toute la nuit au message de Sylvie. Mes pensées tourbillonnent autour de ces mots, cette idée étrange que ce chat roux, qui semble me suivre et m’observer, soit connecté à moi d’une manière que je ne comprends pas encore.
Les contours du rêve de la veille se mélangent aux images de ce chat, et j’ai du mal à discerner ce qui relève de la réalité et ce qui appartient à l’invisible. Je me redresse dans mon lit, les yeux encore lourds de sommeil, et mon esprit se fixe à nouveau sur la question : pourquoi ce chat ? Pourquoi Sylvie a-t-elle remarqué cela ? Est-ce qu’elle ressent quelque chose que je ne vois pas encore ?
Je m’étire lentement, mais une partie de moi reste piégée dans ce dédale de pensées. Peut-être est-ce la fatigue, ou peut-être que ce chat est un indice. Un message, peut-être. J’ignore encore de quoi, mais l’idée de le retrouver me hante déjà, comme une réponse que je dois absolument découvrir.
Je me force à me lever, à poser un pied devant l’autre, mais chaque geste me semble automne, comme si une part de moi était déjà ailleurs, à la recherche de ce chat, de ce lien étrange qui semble m’attendre.
Aujourd’hui, c’est mon anniversaire, mais ce n’est pas la fête qui occupe mon esprit. Une étrange sérénité m’envahit malgré le tumulte intérieur. La journée commence comme les autres, mais il y a quelque chose dans l’air, une sensation différente, comme si ce jour était marqué par un tournant que je ne peux encore cerner.
Je jette un regard furtif à l’heure sur mon téléphone, et une notification apparaît : des messages de félicitations, des vœux chaleureux. Je souris brièvement, touchée, mais une part de moi reste distraite, préoccupée par le message de Sylvie.
J’ai l’impression que cet anniversaire cache plus qu’une simple célébration du temps qui passe. Peut-être que ce jour est un point de départ pour quelque chose de plus grand.
Les anniversaires, pour moi, ont toujours été une occasion de réflexion plutôt que de célébration bruyante. C’est un moment où je prends un pas de recul, où je me pose des questions sur le chemin parcouru, sur ce que je suis devenue, sur ce que je souhaite devenir. C’est plus une introspection qu’une fête.
Je repense souvent aux années passées, aux choix que j’ai faits, aux personnes croisées, aux expériences qui m’ont façonnée. Et chaque anniversaire devient comme une sorte de bilan personnel, un temps pour comprendre ce qui m’a motivée, ce qui m’a fait grandir, ce qui m’a fait douter aussi.
Ce n’est pas que je n’aime pas les gestes d’affection ou les marques de tendresse, mais les grandes célébrations ne m’attirent pas autant. J’aime la simplicité des moments partagés avec ceux qui comptent pour moi, sans l’agitation qui accompagne souvent ces journées. Les anniversaires sont comme des repères, des moments où je m’interroge sur ma place dans le monde et sur les mystères qui m’entourent.
Aujourd’hui, c’est peut-être encore plus vrai, car cette année semble marquer un tournant, un changement imperceptible mais profond. Les anniversaires, pour moi, restent des fenêtres ouvertes sur l’avenir, avec toutes ses promesses et ses incertitudes.
Ce soir, je vais célébrer mon anniversaire avec mon chat, dans l’intimité de mon appartement. Il n’y aura pas de fête bruyante, pas de gâteau ni de décorations. Mais il y aura la chaleur tranquille de ma maison et la présence silencieuse de mon fidèle compagnon.
Je prépare quelque chose de simple, peut-être un repas que j’aime particulièrement, sans chichi, juste le plaisir de savourer un moment à deux. Mon chat se frotte déjà contre mes jambes, m’observant avec ses yeux pleins de curiosité, comme s’il savait que ce soir est différent.
Je lui souris en caressant sa tête, et il ronronne doucement, réconfortant ma solitude de manière douce et apaisante. Le monde extérieur peut attendre. Ce soir, je m’accorde un peu de temps pour me retrouver, pour apprécier les petites choses, celles qui ne demandent rien de plus que d’être vécues.
Le calme de l’instant, l’amour inconditionnel d’un animal, et une sensation de sérénité douce, voilà ce que je souhaite pour ce jour spécial.
Pour l’instant, je me prépare à ma journée de travail. Une journée ordinaire, ou du moins, c’est ce que j’essaie de me convaincre. Le café coule doucement dans la machine, l’arôme qui se répand dans la cuisine m’apaise un peu, une sorte de rituel qui m’aide à poser les bases de la journée.
Je m’habille, choisissant des vêtements simples, pratiques, mais qui me mettent tout de même à l’aise. Chaque geste est automatique, comme si mon corps savait déjà ce qu’il avait à faire, comme s’il me préparait mentalement à la routine à venir.
Avec un câlin à Oscar, je me sens prête à affronter la journée. Il ronronne contre moi, ses pattes s’agrippant doucement à mon épaule, et je me laisse bercer par sa chaleur. C’est un petit moment de douceur qui me réconforte, avant que la routine ne prenne le relais. Je le serre un peu plus fort, appréciant sa présence silencieuse, puis je le repose doucement sur le canapé.
En jetant un dernier regard dans le miroir, je m’apprête à sortir, mon chat me suivant du regard, presque comme un adieu silencieux. Peut-être qu’aujourd’hui sera comme les autres jours.
« À ce soir, mon petit » lui murmure-je, un sourire sur les lèvres, avant de partir pour le travail.
Le même trajet. La même routine. Chaque matin, le monde semble tourner avec une précision mécanique, comme si chaque pas avait été anticipé. Je prends le même bus, je marche sur les mêmes trottoirs, croisant les visages familiers mais anonymes, tous absorbés dans leurs pensées, dans leur propre quotidien.
Les rues sont presque les mêmes, les mêmes commerces, les mêmes panneaux, et pourtant, aujourd’hui, un détail me saute aux yeux. Un reflet, un éclat dans la vitre du bus, un rayon de lumière qui semble différent. Rien de concret, juste une sensation fugace qui me frôle, comme une pensée éphémère.
Je continue mon trajet, les gestes familiers se succèdent. Mais au fond, une question persiste : est-ce que cette routine m’enferme, ou est-ce justement elle qui me garde, me rappelle à la réalité de ce que je suis ? Peut-être que, dans cette répétition, il y a des indices que je n’ai pas encore su remarquer.
La beauté vit dans la rue,
La beauté peut résider dans les endroits les plus inattendus, où le quotidien se mêle à des instants fugaces de grâce. Les chats, par leur présence mystérieuse et indépendante, incarnent souvent cette beauté dans des lieux urbains. Ils se déplacent avec une élégance tranquille, transformant un simple coin de rue en un petit spectacle de poésie visuelle. Leur regard, parfois perçant, semble observer le monde avec une sagesse ancienne, ajoutant une touche de mystère à l’ordinaire.
C’est là, dans la frénésie des trottoirs bétonnés, au milieu des bruits incessants et des lumières aveuglantes, que j’ai compris que la beauté n’a pas besoin de scène ou de toile. Elle se cache dans les gestes les plus simples, dans le souffle d’un chat qui se faufile entre les passants, sa fourrure luisant sous les réverbères. Chaque mouvement, une danse silencieuse, chaque regard un secret à découvrir.
La rue est un théâtre. Les immeubles en fond de scène, les voitures comme spectateurs passifs. Mais c’est un chat roux, indifférent à tout ce qui se passe autour de lui, qui attire mon attention. Peut-être parce qu’il me ressemble, un peu, dans cette manière d’être là sans vraiment l’être. Et comment expliquer cette sensation étrange qui m’a prise quand je l’ai vu pour la première fois ? Ce chat, qui ne cesse de me regarder.
Je m’arrête, sans vraiment savoir pourquoi, en face de ce chat. Il est là, assis sur le rebord d’un banc, son regard perçant m’invitant à une conversation silencieuse. Ses yeux, d’un vert profond, semblent lire au-delà de mon apparence, comme s’il déchiffrait les échos de mes pensées les plus intimes. J’ai l’impression qu’il connaît des secrets, des vérités que je n’ose même pas effleurer.
Le vent souffle doucement, et le chat se lève, son corps souple se déployant dans un mouvement fluide, presque irréel. Il traverse la rue sans se presser, indifférent aux voitures qui passent. Il est maître de son monde, libre, sans attaches. Je le suis d’un pas lent, comme si une force invisible me guidait vers lui.
Il s’engouffre dans une ruelle étroite, où l’ombre des immeubles crée une atmosphère presque surréaliste. Il s’arrête, se retourne, et cette fois, il ne fuit pas. Il attend, me fixant, comme s’il savait que je le suivrais.
« Bonjour, petit beau. Comment vas-tu ce matin? » murmurais-je, bien qu’il ne puisse entendre. Mais quelque part, j’avais l’impression qu’il comprenait. Comme si, tout à coup, l’espace entre nous devenait une conversation silencieuse.
Le chat, sans un bruit, s’assoit à nouveau. Je m’approche, mes pas résonnant doucement dans la ruelle silencieuse. Il ne bouge toujours pas, son regard fixe et insondable. Il semble connaître la réponse à toutes les questions que je pourrais poser, une sagesse silencieuse enveloppée dans une silhouette féline. Ses yeux brillent comme des éclats d’énigmes non résolues.
« Pourquoi t’es seul, mon joli ? » murmurais-je à nouveau, même si je savais que ce n’était pas vraiment la question qui comptait. Ce n’était pas le pourquoi qui me brûlait, mais plutôt le comment – comment ce gentil chat, comme beaucoup d’autres, peut vivre seul dans la rue
Il m’a fixée, comme s’il me disait que ma quête était la même que la sienne. Peut-être que tout ce que nous cherchons, tous les humains, les animaux, et même les pierres et les arbres, est simplement un retour à ce que nous avons perdu, un retour à une forme pure de liberté, sans contraintes. Ce chat, dans sa tranquillité, semblait incarner cette liberté ultime, celle que je cherchais sans savoir la nommer.
Je m’assois lentement à côté de lui, sur le pavé humide. Le silence nous entoure, mais il ne me pèse pas. C’est un silence apaisant, celui qui permet à la pensée de se déployer sans obstacle. Je ferme les yeux un instant, me laissant imprégner par cette atmosphère étrange, où le temps semble suspendu.
Et puis, une pensée m’effleure : peut-être que ce chat n’est pas un simple chat. Peut-être est-il le messager de quelque chose que je n’ai pas encore perçu, une invitation à lâcher prise, à me débarrasser des chaînes invisibles qui m’entravent. Peut-être que, tout comme lui, je dois apprendre à ne plus chercher, mais à être, simplement.
Je rouvre les yeux. Le chat n’est plus là. Il a disparu, comme s’il n’avait été qu’un rêve fugace. Mais la sensation qu’il a laissée en moi persiste, un souffle léger, une promesse silencieuse.
Une existence superficielle,
Je l’ai compris ce matin, en observant mon reflet dans la vitre d’un train qui s’éloignait. Ce n’était pas la fatigue sur mon visage, ni la grisaille du jour, mais cette impression étrange de n’être qu’une ombre parmi les ombres.
Ce sentiment m’a hantée toute la journée. Et si tout ce que nous faisions, disions ou ressentions n’était qu’une façade ? Une vaste mise en scène pour masquer un vide que personne n’ose regarder en face.
Je suis descendue à la gare, comme chaque matin. Les visages autour de moi semblaient figés, absorbés par des téléphones, des écrans, des préoccupations qui paraissaient urgentes. Pourtant, sous ces regards fixes, je devinais le même vide. Nous étions des marionnettes attachées aux fils invisibles de la routine.
En marchant vers le bureau, j’ai ressenti un poids nouveau. Une voix intérieure me chuchotait que je n’étais pas à ma place, que tout cela – le travail, les conversations, les sourires échangés dans l’ascenseur – n’était qu’un mensonge.
Puis, il y a eu cet e-mail.
Un message sans expéditeur, arrivé à 10 h 10 précises. Le sujet était simple : « Lis ceci »
Je l’ai ouvert sans réfléchir, le cœur battant. Le contenu de l’e-mail était encore plus étrange :
"Votre intuition est juste. Le monde que vous percevez est une illusion. Ce n’est pas votre première vie. Ce ne sera pas la dernière. Mais si vous ouvrez les yeux, vous pourriez en comprendre le sens."
J'ai relu le message plusieurs fois, persuadée qu'il s'agissait d'une mauvaise plaisanterie. Une part de moi voulait immédiatement supprimer cet e-mail, le reléguer à la catégorie des absurdités que l’on oublie vite. Mais une autre, plus profonde, s’agitait. Ce message, aussi insensé soit-il, résonnait étrangement avec mes pensées du matin.
Une étrange sensation m’envahit. Ces mots, pourtant énigmatiques, éveillaient en moi une reconnaissance inexplicable, comme si je les avais déjà lus quelque part. Mais où ?
Je suis restée devant l’écran, l’esprit agité. Chaque mot de cet e-mail semblait conçu pour me déstabiliser, pour éveiller quelque chose enfouie au plus profond de moi.
L’impression étrange d’avoir déjà vu ces mots – ou peut-être de les avoir entendus dans un autre contexte – me hantait. Des images floues, fugaces, se formaient dans mon esprit : une forêt dense, le murmure d’une rivière, et des ombres indistinctes, comme des silhouettes m’appelant sans que je puisse les rejoindre.
Au même moment, un détail absurde me frappa : l’heure exacte d’arrivée de l’e-mail. 10 h 10. Une coïncidence, peut-être. Mais pourquoi cette précision me semblait-elle importante ?
Le reste de la journée passa comme dans un brouillard. Chaque conversation, chaque tâche me paraissait irréelle, comme si le monde autour de moi n’était qu’une toile fragile prête à se déchirer.
En sortant du bureau le soir, je réalisai à quel point j’étais troublée. L’air du soir était frais, mais j’avais l’impression d’étouffer. Les bruits autour de moi – les conversations, les klaxons, le bourdonnement incessant de la ville – semblaient irréels, comme s’ils venaient de loin.
Je marchais machinalement, suivant le même trajet qu’à l’habitude, mais tout me semblait étranger. Les vitrines, les visages des passants, même les lumières des réverbères semblaient plus flous, comme estompés par un voile invisible.
Quand j’arrivai enfin chez moi, je déposai mes clés sur la table, retirai mes chaussures, puis m’effondrai sur le canapé. Le silence de l’appartement était presque oppressant.
Je me forçai à bouger. L’inconfort qui pesait sur moi ne partirait pas tout seul, je le savais. Je me levai pour prendre une douche, espérant que l’eau chaude effacerait ce malaise persistant.
Sous le jet, je fermai les yeux et laissai mes pensées vagabonder. Mais même là, cette sensation étrange me poursuivait : comme si je n’étais pas complètement "ici", comme si quelque chose manquait.
Quand je sortis, l’air de l’appartement me parut plus lourd encore. Je décidai de préparer un dîner rapide – rien de compliqué, juste de quoi occuper mes mains et calmer mon esprit.
La télévision était allumée en arrière-plan, réglée sur les actualités. Les mêmes sujets défilaient : crises politiques, catastrophes naturelles, faits divers sans fin. Je n’écoutais que d’une oreille, les bribes de phrases se mêlant au bruit de la poêle sur le feu.
Mais même ces gestes du quotidien – couper des légumes, surveiller la cuisson – me semblaient déconnectés. Comme si je rejouais une scène que j’avais déjà vécue mille fois sans jamais m’en souvenir pleinement.
Je m’assis enfin à table, le plateau posé devant moi, le regard perdu sur l’écran sans vraiment le voir. Une phrase prononcée par la présentatrice m’échappa, mais elle éveilla quelque chose en moi, une sorte de vertige inattendu.
La phrase qui m’avait échappée résonna pourtant dans ma tête : « …ces événements rappellent que tout dans notre monde est lié, que rien n’est vraiment séparé. » Un simple commentaire sur un drame naturel, mais quelque chose dans les mots me fit frissonner.
Je posai mes couverts, le regard figé. Cela n’avait aucun sens, mais cette idée de lien, d’interconnexion, me semblait étrangement familière.
Le bruit de la télévision se mêla à un autre souvenir flou, cette même sensation d’être liée à quelque chose de plus vaste, comme une chaîne invisible qui m’attirait sans que je puisse y échapper.
Je secouai la tête, cherchant à revenir à la réalité. Mais ces pensées persistèrent, envahissantes, comme des fragments d’une autre vie qui se battaient pour refaire surface.
Après le dîner, je laissai mes affaires de côté et me dirigeai vers la chambre. La journée avait été longue, mon corps était fatigué, mais mon esprit restait agité, refusant de trouver le sommeil.
Je me glissai sous les draps, le téléphone posé sur la table de nuit, éteint. Le silence de la chambre était presque oppressant, et malgré la fatigue, je ne pouvais m'empêcher de réfléchir.
Je fermai les yeux. Des visions et des sensations se mélangeaient avec des bribes de pensées plus récentes. L’e-mail. La phrase sur l’illusion de ce monde. Je n’arrivais pas à chasser cette impression étrange que tout ce que je vivais – le travail, les repas, ces moments du quotidien – n’était qu’un décor, une répétition sans fin.
Chaque jour, je me bats contre le vide, contre l’absence qui me ronge. Mais ce jour-là… Le jour où je t’ai perdu, je n’avais plus la force. Plus la force de lutter, de me lever, de faire semblante.
Je me rappelle du dernier moment, chaque détail gravé en moi. La lumière douce qui caressait ton visage, ton corps froid entre mes mains et ce regard, ton dernier regard. Il m’a hantée, il me hante encore.
Je n’avais plus la force pour lutter.
Tu étais ma lumière dans les jours sombres, mon ancre dans les tempêtes. Un jour, cette lumière s’est éteinte.
Le jour où je t’ai perdu, une partie de moi s’est brisée. Tout mon être s’est effondré, comme un château de cartes emporté par une tempête. Je ne savais plus respirer, je ne savais plus marcher, je ne savais plus être.
Je me souviens de ce moment avec une clarté douloureuse. Le silence qui a suivi, ce silence assourdissant, m’a déchirée. Je voulais crier, mais aucun son ne sortait. Je voulais courir, mais mes jambes refusaient de bouger.
Un jour … Louna,
Le réveil fut brutal, comme chaque matin depuis sa disparition. Les premières secondes, dans l’entre-deux du sommeil et de la conscience, étaient douces, presque apaisantes. Mais la réalité me rattrapait vite, comme une vague glaciale s’écrasant sur mon esprit. Louna n’était plus là.
Je n’entendais plus le bruit familier de ses pattes sur le parquet, ni son miaulement discret qui m’accueillait au lever. Le silence dans l’appartement était assourdissant, et le vide qu’elle laissait me paraissait toujours aussi immense.
Je restais immobile, fixant le plafond, essayant de retrouver un semblant de souffle. Chaque jour était une lutte contre cette absence, une bataille pour ne pas sombrer dans les souvenirs et la culpabilité. Le réveil sonnait toujours à la même heure, mais moi, je n’étais plus la même.
Je m’efforçais de me lever, comme si m’accrocher aux gestes simples pouvait apaiser ce poids qui m’écrasait. Pourtant, chaque matin, je me demandais si ce vide finirait un jour par s’atténuer.
07h07. Je fixais l’écran de mon téléphone, hypnotisée par ces chiffres lumineux, comme si le temps avait une signification particulière en cet instant. Il n’en avait pas. Pourtant, cette précision obsédante, presque cruelle, me donnait l’impression que chaque minute qui passait amplifiait mon immobilité.
Louna aurait bondi sur le lit à cette heure-là. Elle savait que c’était l’instant où je préparais mon café, un rituel qu’elle accompagnait en se frottant contre mes jambes, réclamant sa part d’attention.
Je me levai finalement pour préparer un café, plus par automatisme que par réelle envie. Le simple geste de remplir la cafetière et de sentir l’arôme du café fraîchement moulu avait quelque chose de réconfortant, comme une routine capable de maintenir mes pensées à distance, ne serait-ce qu’un instant.
Louna aimait ce moment. Elle avait pris l’habitude de s’installer près de moi, observant chacun de mes mouvements avec une curiosité tranquille. Parfois, elle posait sa patte sur ma jambe, réclamant une caresse avant que je ne prenne ma première gorgée. Ces instants me semblaient si ordinaires à l’époque, et pourtant aujourd’hui, ils me manquaient avec une intensité presque douloureuse.
Je portai la tasse à mes lèvres, le regard perdu par la fenêtre. Le café avait un goût amer, comme la réalité que je m’efforçais d’avaler chaque jour. Il m’offrait une chaleur éphémère, mais il n’apaisait pas ce froid qui me rongeait de l’intérieur.
Comme chaque samedi matin, je me réveillai avec cette étrange sensation de flottement, comme si la semaine écoulée n’avait été qu’un rêve flou. Le samedi avait toujours eu un goût particulier : un mélange d’habitudes rassurantes et d’une liberté teintée de solitude.
Je m’assis près de la fenêtre, ma tasse entre les mains, observant la rue qui s’éveillait doucement. Les samedis matin avaient perdu de leur éclat. Ils n’étaient plus ces moments partagés où je retrouvais une certaine paix en compagnie de ma complice à quatre pattes. Désormais, ils étaient comme les autres jours, teintés de ce vide familier.
Pourtant, je me disais que peut-être, à force de routine, à force de temps, à force d’aimer mon adorable Oscar, je finirais par retrouver une forme de douceur dans ces matins solitaires. Un samedi, je me relèverais sans que le silence ne me semble si lourd. Pas aujourd’hui, mais un jour, peut-être.
Je m’apprête à sortir au parc. Je regarde la montre, il est 10h15. Le temps file, presque imperceptible, et pourtant, chaque minute semble s’étirer comme une éternité. Je prends une profonde inspiration, puis me dirige vers l’entrée. Le manteau m’enveloppe, le col remonté contre le vent frais du matin.
Le parc m’attend, un endroit où je trouve une certaine paix dans sa tranquillité presque immobile. Je ferme la porte derrière moi, et je laisse l’air extérieur me frôler, me ramener à une réalité moins pesante, celle où, même en silence, le monde continue de tourner.
Je traverse la rue, puis le parc s’étend devant moi, vaste, accueillant, comme un refuge. Les premiers rayons du soleil filtrent à travers les arbres encore nus, et je me permets de m’arrêter un instant pour observer, me perdre dans l’instant. Le silence, ici, n’est pas oppressant ; il est doux, apaisant, presque comme une étreinte.
Un sanctuaire de souvenirs
Ce parc était devenu un sanctuaire de souvenirs, un lieu où son absence se faisait plus tangible mais où, paradoxalement, je me sentais le plus proche de ma petite Louna.
Je marchais dans le parc. Le vent frais soufflait à travers les arbres, et les feuilles mortes crissaient sous mes pas. Les gens autour de moi étaient absorbés par leurs trajets quotidiens, leurs pensées privées. Les arbres dénudés par l’hiver semblaient refléter mon état d’esprit, leurs branches tendues vers le ciel comme pour chercher quelque chose qui leur échappait.
Je serrais mon manteau contre moi, le froid mordant mes joues, mais l’air frais avait au moins le mérite de m’apporter un semblant de clarté. Les allées étaient presque désertes, à l’exception de quelques joggeurs et de passants emmitouflés. Le bruit des feuilles mortes craquant sous mes pas me ramenait à une autre époque, quand Louna aimait courir après celles que le vent faisait tourbillonner.
Je m’assis, laissant le silence du matin m’envelopper. Ce n’était pas un silence vide, finalement. Il y avait le bruissement des branches, le chant lointain d’un oiseau, le murmure de l’eau. Peut-être qu’à force de venir ici, à force d’écouter, je finirais par entendre autre chose que l’écho de mes propres pensées. Peut-être que le parc, lui aussi, pouvait m’aider à réorganiser mon cœur.
Je m'arrêtais un instant pour observer un chien jouer près de l'étang. Il courait, joyeux, insouciant, mais derrière sa joie, je devinais la complicité silencieuse de son propriétaire. Une connexion, un lien. Cela semblait si simple pour eux.
Je passai près d’un banc où un vieil homme était assis, caressant son chat qui ronronnait, les yeux fermés. Là aussi, je vis cette complicité silencieuse. Je me demandais combien de vies étaient ainsi partagées dans ce monde sans qu’on en ait vraiment conscience. Peut-être avais-je encore beaucoup à apprendre.
Je regardai de nouveau le chien, qui trottinait joyeusement vers son propriétaire. Il n’avait pas besoin de mots pour prouver l’amour qu’il éprouvait. Chaque mouvement, chaque geste semblait dire « je suis là, je fais partie de toi ».
Hantée par les souvenirs,
Hantée par la disparition de Louna, je m’interrogeais encore sur ce que signifiait vraiment être responsable. Ce n’était pas simplement répondre aux besoins d’un être vivant, mais veiller sur son bien-être, protéger sa vie, même contre un monde parfois cruel et impitoyable. Louna m’avait appris à aimer sans condition, à offrir sans attendre en retour. Mais sa perte tragique, injuste, avait brisé quelque chose en moi.
Je revoyais encore ses yeux lumineux, empreints d’une sagesse que je ne comprenais qu’à moitié. Elle semblait toujours savoir quand j’avais besoin de réconfort, ses ronronnements résonnant comme une promesse silencieuse que, malgré tout, je n’étais pas seule.
Et pourtant, je l’avais perdue. Victime de la cruauté humaine, d’un acte que je ne pouvais ni comprendre ni pardonner. La culpabilité me rongeait. Était-ce ma faute ? N’avais-je pas su la protéger ?
Depuis, cette question est restée gravée dans mon esprit. Comment peut-on prétendre aimer si l’on échoue à être responsable ? Être responsable, c’est accepter que le bonheur d’un autre être dépend parfois entièrement de nous. Et c’est aussi accepter que cet amour peut, à tout moment, se transformer en douleur.
La notion de responsabilité me hantait. Aimer, c’est une chose, mais être responsable d’une vie – d’un être vivant, d’une conscience – c’est un poids bien différent. Aimer peut être léger, éphémère, presque insouciant. Mais être responsable, c’est une autre histoire. Cela implique un engagement, une attention constante, une capacité à prendre soin sans faillir.
Louna était entrée dans ma vie par hasard, mais elle avait laissé une empreinte indélébile. Sa douceur, sa manière de se blottir contre moi lors des longues soirées solitaires, me rappelaient que l’amour et la responsabilité étaient indissociables. Sa disparition tragique m’avait aussi enseigné l’autre face de cette vérité : aimer et être responsable, c’est aussi risquer de perdre.
Depuis, chaque pensée sur la responsabilité portait en elle un poids de culpabilité. Aimer à nouveau ? Être à nouveau responsable d’une vie ? Je n’étais pas certaine d’en avoir encore la force. Mais une part de moi, infime et fragile, murmurait que ce serait peut-être cela, finalement, qui me sauverait.
Les fragments du vide,
Je ne sais pas combien de temps j’ai erré avant de me retrouver devant la porte de chez moi. Mes pas semblaient m’avoir guidée sans que je leur donne une direction, comme si mon corps agissait seul, laissant mon esprit divaguer.
Les clés tremblaient légèrement dans ma main lorsque je les introduisis dans la serrure. Une hésitation. Comme si rentrer signifiait affronter à nouveau ce vide oppressant, ces souvenirs qui m’attendaient entre ces murs. Je poussai la porte et, derrière la poste, mon petit Oscar m’attendait.
Tout était exactement comme je l’avais laissé. Les coussins sur le canapé, la tasse abandonnée sur la table basse près d’un livre que je n’avais pas encore eu la force de terminer. Je déposai mes affaires sur la commode, en tentant d’ignorer le poids écrasant de l’absence.
Je décidai de m’occuper un peu, de faire du rangement, comme pour donner un semblant d’ordre à ce chaos intérieur que je traînais depuis des mois. Je commençai par la table basse, ramassant les livres empilés et la tasse oubliée. Les gestes étaient mécaniques, presque apathiques, mais ils avaient le mérite d’occuper mes mains, de détourner mes pensées.
Je continuai à trier, mais chaque recoin de l’appartement me renvoyait à elle. Chaque meuble, chaque pli de rideau semblait murmurer son absence. Pourtant, quelque part dans cette douleur, ranger me donnait un peu d’apaisement. Comme si, en réorganisant mon espace, je tentais maladroitement de réorganiser mon cœur.
Réorganiser mon cœur, réorganiser mes pensées. C’était ce que je tentais de faire, maladroitement, pièce par pièce, objet par objet. Chaque geste semblait symbolique, comme si en mettant de l’ordre autour de moi, je pouvais apaiser le chaos qui régnait à l’intérieur.
Je pris un sac et commençai à trier les choses inutiles, les papiers accumulés, les souvenirs devenus pesants. Certains objets s’accrochaient à moi, refusant d’être oubliés.
Les souvenirs me frappaient en vagues soudaines, mais je continuais. Ce n’était pas seulement un rangement physique. C’était une tentative de transformation, un effort pour me reconstruire, pour redonner du sens à un quotidien qui semblait dépourvu de tout.
En pliant une couverture, je me surpris à murmurer : Est-ce que j’y arriverai ? Réorganiser mon cœur n’était pas aussi simple que déplacer un meuble ou ranger une étagère. Il fallait accepter le vide, le remplir différemment, lui laisser l’espace de devenir autre chose.
Ce processus me semblait infini, mais peut-être qu’il n’avait pas besoin d’être accompli en une seule journée. Un pas après l’autre, un objet après l’autre, un souvenir à la fois. Peut-être qu’un jour, l’équilibre reviendrait.
Comme une promesse qu’aucune fin ne peut effacer,
Le souvenir de Louna était un poids que je portais sans relâche. Elle était bien plus qu’un animal de compagnie ; elle était une présence rassurante, une amie silencieuse qui semblait comprendre mes états d’âme mieux que quiconque. Ses yeux bleus, son pelage soyeux et ses ronronnements apaisants étaient devenus une part de ma routine, une ancre dans les tourments de mon quotidien.
Sa disparition, brutale et injuste, avait laissé un vide béant. Louna avait été victime de la cruauté humaine, une notion que je n’arrivais toujours pas à accepter. Je me demandais souvent comment une conscience pouvait infliger autant de douleur à un être innocent. Était-ce une preuve de notre superficialité, de cette incapacité à voir au-delà de nos propres désirs et frustrations ?
Depuis ce jour, une partie de moi refusait d’aimer à nouveau, comme si m’attacher signifiait condamner une autre vie à la souffrance. Mais l’autre partie – celle qui croyait encore à la rédemption – me murmurait que l’amour, malgré sa fragilité, était la seule force capable de transcender la cruauté du monde.
Peut-être que Louna, dans une autre vie, avait trouvé une paix que je ne pouvais encore comprendre.
La possibilité d’une réincarnation flottait dans mon esprit comme une question sans réponse, une idée que j’avais du mal à repousser. Cette pensée m’effleurait souvent, me permettant de naviguer entre la douleur de la perte et l’espoir ténu que peut-être, quelque part, son âme avait trouvé un chemin différent, un nouveau départ.
Je n’avais jamais cru en la réincarnation, ou du moins pas de manière consciente. Mais, à mesure que les jours passaient sans elle, un doute s’était installé. Et si la vie n’était qu’un cycle, un enchaînement continu d’existences, où chaque âme évoluait au gré des expériences ? Trouver un autre corps, une autre vie à aimer et à protéger. Que Louna m’attendait quelque part pour continuer notre voyage ensemble.
L’idée de la réincarnation m’apaisait d’une manière étrange. Elle me permettait de faire face à l’injustice de sa disparition, de l’envisager non comme une fin, mais comme une transition. Après tout, si une âme ne disparaissait jamais complètement, si elle continuait à se réincarner, à apprendre, à grandir, alors peut-être qu’une partie de Louna était toujours là, prête à revenir, sous une forme nouvelle, mais portant en elle la même essence.
Chaque fois que je m’égarais dans ces pensées, je me demandais si j’avais un rôle à jouer dans cette continuation. Était-ce possible que notre lien transcende les vies et les morts ? Et si, dans un autre temps, dans un autre corps, Louna et moi retrouvions cette connexion qui semblait si évidente lorsqu’elle était encore à mes côtés ?
L’idée de la réincarnation ne me donnait pas de certitudes, mais elle m’offrait quelque chose de précieux : un espoir, une possibilité que la fin de cette vie n’était pas définitive. Elle me permettait d’accepter l’impermanence de l’existence, tout en nourrissant l’espoir que, d’une manière ou d’une autre, nous nous retrouverions. Et peut-être que ce n’était pas seulement un espoir pour elle, mais aussi pour moi – une chance de comprendre la vraie nature de l’amour, au-delà des souffrances et des séparations.
Car, si la réincarnation existait, cela signifiait que chaque rencontre, chaque lien, n’était jamais tout à fait perdu. Et peut-être que cet amour que je portais à Louna continuerait à évoluer, se transformant, mais toujours présent, comme une promesse qu’aucune fin ne pouvait effacer.
Les fils invisibles de l’amitié,
Ce samedi soir, c’était notre rendez-vous, celui que nous attendions toutes avec impatience. Chaque mois, c’était le même rituel : un moment pour nous, un moment pour nous déconnecter des préoccupations quotidiennes et savourer la simplicité de l’instant présent. un premier message reçu d’Annie, confirmant qu’elle arriverait dans une demi-heure.
Je posai la dernière bougie sur la table, veillant à ce que la pièce soit parfaitement cosy. La lumière tamisée et la chaleur de l’ambiance me rappelaient que ces soirées étaient devenues essentielles. On se retrouvait pour partager nos vies, nos joies, mais aussi nos petites inquiétudes, en toute liberté, comme si le monde extérieur n’existait plus. Chaque rencontre renforçait nos liens, créant un cocon d’amitié solide.
Les premières arrivées, comme d’habitude, étaient Léa et Sarah. Elles s’installèrent rapidement, se servant un verre et se lançant déjà dans une discussion pleine d’entrain, riant et racontant des anecdotes de la semaine. Le canapé était pris d’assaut, les coussins en désordre autour de nous. Annie arriva peu après, portant un gâteau fait maison qu’elle avait soigneusement décoré. « C’est un test », me dit-elle en souriant, « mais je suis sûre qu’il va vous plaire ! » Et bien sûr, à chaque bouchée, le gâteau fut accueilli par des exclamations enthousiastes.
Nous passâmes la soirée à échanger des souvenirs, à discuter de nos rêves et de nos défis. Il y avait cette légèreté particulière qui se créait chaque fois, une atmosphère où les rires étaient contagieux et où tout semblait possible. La chaleur de l’amitié, la sécurité de pouvoir être soi-même, sans filtres, sans crainte de jugement, rendait ce moment encore plus précieux. La nuit se poursuivit, les heures glissant doucement, sans que l’on en prenne vraiment conscience.
Ce samedi soir, comme tous les autres, nous nous quittâmes tard, le cœur léger, la tête remplie de doux souvenirs. Et même si nos vies étaient bien différentes, je savais que ces moments étaient une ancre, un refuge contre les tempêtes du quotidien. Un rendez-vous que l’on ne manquerait jamais.
La nuit s’était installée doucement, enveloppant la ville de son manteau silencieux. Après que nous nous soyons quittées, je m’étais laissée emporter par la fatigue de la soirée, mes pensées encore habitées par les rires et les échanges de la nuit. Mais le sommeil, comme toujours, n’était pas immédiat. Il y avait quelque chose dans l’air, une forme de sérénité après ces moments partagés, qui m’empêchait de m’endormir tout de suite.
Je m’allongeai dans mon lit, les yeux fixant le plafond, repensant à tout ce que nous avions dit, à la manière dont Annie m’avait parlé de ses doutes, de ses questionnements. Elle n’avait pas l’air de le montrer en surface, mais j’avais perçu cette petite fissure dans son armure. Et, paradoxalement, c’était ça qui me la rendait encore plus proche, plus réelle. À travers ses mots, j’avais vu non seulement la femme forte et confiante que je connaissais, mais aussi la personne qui, comme nous toutes, portait ses fardeaux.
Le temps semblait suspendu dans la chambre, les bruits extérieurs diminuant peu à peu. Je fermai les yeux, respirant profondément. La douceur de la soirée m’enveloppait, me réconfortait. C’était comme si, après chaque rencontre, chaque soirée passée avec des amis, le monde devenait un peu plus léger, un peu plus supportable. Ces moments étaient des petites oasis, des parenthèses où je pouvais respirer, oublier le tumulte de la vie.
Finalement, mes pensées se dissipèrent, et, peu à peu, le sommeil m’envahit. Ce n’était pas un sommeil profond ni immédiat, mais un sommeil calme, réparateur. Dans l’obscurité, mes rêves se formèrent, légers, parfois flous, mais toujours doux, comme un écho de la soirée partagée. Et dans ce silence, je m’endormis en sachant que ces instants précieux étaient la clef pour traverser tout ce que la vie nous réservait.
Comme les feuilles portées par le vent. Les souvenirs,
Mon esprit vagabondait, s’échappant dans des paysages intérieurs où les murs de la réalité s’effaçaient. Je me retrouvai soudain dans un jardin vaste, baigné par la lumière douce d’un coucher de soleil. L'air était frais, légèrement parfumé de fleurs inconnues, et il y avait cette sensation, presque irréelle, d’être à la fois à l’aise et en paix. C'était un endroit où le temps n'avait aucune emprise, où chaque moment semblait suspendu. Et là, en face de moi, se trouvait Annie, assise sous un arbre majestueux. Elle souriait, mais il y avait quelque chose de plus dans ses yeux, une profondeur que je n'avais jamais vue avant. Elle ne disait rien, mais son regard semblait me dire tout ce que j'avais besoin de comprendre.
Je m'approchai doucement, les pieds nus sur l’herbe, et m'assis à ses côtés. Elle posa sa main sur la mienne, et sans un mot, je sentis une chaleur douce, une connexion profonde. C'était comme si, dans ce rêve, nous partagions un langage muet, celui des âmes. Nous n’avions besoin de rien d’autre que cette présence l’une pour l’autre.
À cet instant, je compris que nos vies, malgré les chemins séparés, se rejoignaient dans un endroit intemporel, un endroit où les blessures du passé ne comptaient plus, où les peurs et les regrets n’avaient plus de place. C’était un espace de réconfort pur, une oasis où l’on pouvait se reposer, se réparer, et se retrouver, sans aucune contrainte.
Le rêve se transforma alors en un voyage plus lointain, une traversée dans des lieux lumineux où chaque paysage semblait avoir été sculpté par l’espoir. Dans un ciel sans nuage, des étoiles filaient, dessinant des motifs dans l’obscurité, des formes de rêves à venir, des promesses d’avenir. J’étais légère, libre, portée par le vent, comme une plume emportée par une brise douce.
Je me retrouvai alors dans un champ de fleurs sauvages, marchant pieds nus dans l'herbe haute. Il n'y avait aucune douleur, aucune angoisse, juste une sensation d’être pleinement là, connectée à la terre, à l’univers. Et, à chaque pas, je sentais que quelque chose en moi se guérissait, comme si chaque souffle d’air pur effaçait une petite partie du poids que je portais dans mon cœur.
Au loin, des voix d’amis, des éclats de rires, se faisaient entendre. Elles venaient de l’endroit où nous nous étions réunis quelques heures plus tôt. Ces voix étaient des échos, des réminiscences, mais elles me rappelaient que ce que nous partagions était réel, que l'amitié, la douceur de ces moments passés ensemble, se poursuivraient au-delà de la nuit.
Je me réveillai alors, la tête remplie de ces images lumineuses. Les premiers rayons du matin effleuraient la fenêtre, et je sentais encore la chaleur de cette paix intérieure, comme une promesse. La soirée d’hier n’était pas un simple souvenir ; elle était devenue un ancrage, un point de départ pour quelque chose de plus grand, de plus profond. Même dans les moments de solitude, je savais que je porterais avec moi cette tranquillité, cette certitude que, malgré tout, nous étions toujours connectés.
Je me levai lentement, les jambes encore lourdes de sommeil. Les images restaient ancrées dans mon esprit, une scène simple, mais pleine de sens. Une douce certitude s’était imposée en moi pendant la nuit : nous étions tous connectés, par des fils invisibles qui tissaient nos vies les unes aux autres.
Je me dirigeai vers la cuisine, vers la lumière douce qui baignait l’espace, et je commençai à préparer mon café. Le matin était une promesse, un instant pour respirer avant que la journée ne commence, mais aussi un instant pour réfléchir, pour réévaluer ce que j’avais vu et ressenti.
Je versai l’eau chaude dans la cafetière, le doux crépitement de l’eau bouillante remplissant l’air, comme une mélodie familière. La chaleur du liquide m’envahit, tout comme les pensées qui commençaient à se frayer un chemin dans mon esprit. Le parfum du café se mêlait à celui de la maison, cette odeur ancienne, réconfortante, pleine de souvenirs.
Je m’assis à la table, un livre ouvert devant moi, mais mes yeux restaient perdus dans l’ombre douce de la pièce. C’était étrange, cette sensation de nostalgie qui m’envahissait sans crier gare, comme un voile léger posé sur mes pensées. Il n’y avait pas de raison évidente, pas de déclencheur précis. C’était juste là, flottant dans l’air, dans la chaleur du matin.
Je pensais aux jours passés, à ceux qui semblaient si loin, mais toujours présents dans les recoins de mon cœur. Il y avait des visages, des voix, des sourires que je ne reverrai peut-être jamais, des éclats de rires suspendus dans le temps, comme des étoiles filantes, trop rapides pour être saisies, mais assez puissantes pour laisser une empreinte indélébile.
Je me souvins des moments où tout semblait possible, où chaque jour était une aventure à vivre, où les petites choses avaient une valeur immense. Les matins où je partais sans but précis, emportée par la brise légère, les discussions qui se prolongeaient tard dans la nuit, pleines de rêves et de promesses.
La nostalgie n’était pas un poids, mais une présence douce, une invitation à plonger dans ces souvenirs et à les laisser m’enrichir. Ils étaient devenus des fragments d’une époque révolue, mais toujours vivants en moi. Chaque matin, chaque instant, me permettait de les revisiter, de les intégrer dans le présent, comme une forme de résilience silencieuse.
Le café était prêt. La chaleur de la tasse dans mes mains me rappela qu’il y avait encore des choses à vivre, encore des moments à venir. Mais il était aussi bon, parfois, de se laisser emporter par le flot de la mémoire, de savourer ces instants de nostalgie avant de se replonger dans la réalité.
Le murmure d’une plume,
Chaque dimanche matin, je sors marcher, laissant derrière moi le confort douillet de la maison et me perdant dans les rues encore endormies. C’est un rituel, un moment suspendu entre le sommeil et l’activité, où la ville semble respirer lentement, comme si elle avait besoin de ce temps de transition. Les premiers rayons du soleil caressent les façades des immeubles, dessinant des ombres longues et douces qui changent à chaque pas.
Il y a quelque chose de particulier dans le calme du dimanche matin. Les rues sont vides, seules quelques silhouettes se dessinent au loin, des promesses de vies parallèles qui, comme moi, profitent de ce silence. Les oiseaux commencent à chanter, Leurs trilles apportant une touche de vie à ce tableau immobile. Je marche sans but précis, juste pour ressentir, pour être présente dans ce moment où le monde semble se redécouvrir, lentement.
Les souvenirs de la semaine écoulée flottent dans mon esprit et s’éloignent à chaque pas, comme les feuilles portées par le vent. Dimanche matin, c’est un temps pour tout effacer, pour se réinventer, même si ce n’est que pour quelques heures. C’est un temps pour réfléchir, mais aussi pour lâcher prise.
Parfois, je m’arrête devant un café encore fermé, imaginant la chaleur d’un expresso fumant, ou je passe devant des parcs où les enfants ne sont pas encore venus jouer, laissant place à la quiétude du matin. Chaque instant est comme une promesse silencieuse, un instant suspendu avant que la semaine ne reprenne son rythme effréné.
Il y a une douce mélancolie dans ces moments, mais elle n’est jamais pesante. C’est plutôt un sentiment de gratitude, comme si, dans cette simple marche, je pouvais tout réévaluer, tout remettre à sa place. Le monde est vaste, et pourtant, tout semble se concentrer dans cette promenade tranquille, où le temps n’existe plus vraiment, où seule compte cette sensation de paix intérieure.
J’avançais lentement sur le sentier du parc, mes pensées vagabondant bien au-delà des arbres nus et des rares passants emmitouflés dans leurs manteaux. Le craquement des feuilles sous mes pas semblait rythmer une mélodie intérieure, un écho de ce message étrange que j’avais reçu deux jours plus tôt.
« Votre intuition est juste. Le monde que vous percevez est une illusion. Ce n’est pas votre première vie. Ce ne sera pas la dernière. Mais si vous ouvrez les yeux, vous pourriez en comprendre le sens. »
Je n’arrivais pas à me défaire de ces mots, comme s’ils s’étaient gravés dans mon esprit. Qui avait bien pu les envoyer ? Aucun numéro affiché, aucun nom, juste ce texte énigmatique, presque prophétique. Au début, j’avais cru à une mauvaise blague ou à un spam aléatoire, mais plus le temps passait, plus quelque chose en moi résistait à l’idée de l’ignorer.
Sous les branches dénudées des chênes, je m’arrêtai un instant, scrutant le ciel gris. Une sensation étrange me traversa, un frisson qui n’était pas dû au froid. Était-ce l’illusion dont parlait le message ? Que voulait dire « ouvrir les yeux » ?
Depuis, chaque détail de mon quotidien semblait enveloppé d’une aura différente. La lumière qui traversait les fenêtres, le rire d’un enfant au loin, même le regard attentif d’un corbeau perché sur un banc. Tout paraissait à la fois familier et étranger, comme si j’observais ma vie à travers une lentille que je n’avais jamais remarquée auparavant.
Le vent se leva légèrement, faisant tomber quelques feuilles mortes devant moi. J’inspirai profondément et repris ma marche, les mots du message résonnant encore dans mon esprit. Je savais que je ne pouvais pas me contenter d’oublier. Il y avait là une énigme, un sens caché que je devais déchiffrer, comme si toute ma vie m’avait menée à ce moment précis.
Je longeai le lac du parc, où l’eau calme semblait refléter un monde plus paisible que celui que je connaissais. Pourtant, je ne parvenais pas à chasser cette sensation d’étrangeté qui m’habitait depuis la réception du message. Était-ce une coïncidence si, depuis ce jour, des souvenirs que je pensais oubliés refaisaient surface, des éclats de vies passées — ou imaginées ?
En m’approchant d’un banc, j’aperçus une plume blanche qui reposait là, immaculée malgré la boue environnante. Instinctivement, je la ramassai, une étrange chaleur émanant de l’objet léger. Je ne pus m’empêcher de me demander si ce n’était pas un signe.
« Ouvrir les yeux ». Mais comment ?
Soudain, un bruit attira mon attention. Une vieille femme vêtue d’un manteau bleu se tenait non loin, nourrissant des moineaux. Son regard croisa le mien, et elle me sourit avec une intensité déconcertante. Comme si elle savait quelque chose.
J’hésitai, mais l’envie d’approcher fut plus forte. Alors que je m’avançais, la vieille femme murmura sans même me regarder :
— Vous aimez les animaux, n’est-ce pas ? dit la vieille femme, sa voix douce et posée, comme si elle avait lu dans mes pensées.
Je fronçai légèrement les sourcils, surprise par la question.
— Oui… depuis toujours. Pourquoi ?
La vieille femme esquissa un sourire tout en émiettant un morceau de pain pour les moineaux qui se pressaient autour d’elle.
— Parce que ceux qui aiment les animaux voient le monde avec un cœur différent. Ils comprennent des choses que beaucoup ignorent. La patience, l’empathie, le respect pour la vie, même la plus petite.
J’observai les oiseaux picorer frénétiquement, leurs mouvements vifs et gracieux.
— C’est vrai. Ils m’apportent une paix que les humains ne savent pas toujours offrir. Ils ne jugent pas. Ils vivent simplement, sans tricher.
La vieille femme hocha la tête, son regard fixé sur un pigeon aux plumes argentées.
— Et ils nous apprennent, ajouta-t-elle. Mais peu savent les écouter. Savez-vous ce que les oiseaux symbolisent ?
J’hésitai avant de répondre.
— La liberté, je suppose ?
— La liberté, oui, mais aussi les messagers. Ils portent les secrets du vent, les murmures des âmes. Un oiseau qui s’approche, une plume qui tombe, ce n’est jamais un hasard. Vous le savez, n’est-ce pas ?
Je serrai la plume blanche que je tenais toujours dans ma main.
— Cette plume… Je l’ai trouvée il y a quelques minutes, sur un banc. Vous pensez que…
La vieille femme posa une main douce mais ferme sur ma main.
— Tout ce qui vous arrive a un sens, surtout si votre cœur le ressent. Les animaux et les oiseaux sont souvent des guides. Ils ne parlent pas comme nous, mais ils nous montrent le chemin, à leur manière. Vous les nourrissez, vous les soignez, mais avez-vous pensé qu’eux aussi pourraient vous nourrir d’une autre façon ? Ils vous rappellent ce que vous avez oublié : la simplicité d’aimer, sans conditions, sans attentes. Et peut-être qu’ils essaient de vous montrer quelque chose de plus grand, quelque chose que vous n’avez pas encore vu.
Je sentis un frisson parcourir mon échine.
— Mais quoi ? Qu’est-ce que je dois comprendre ?
La vieille femme se leva lentement, laissant tomber quelques miettes supplémentaires au sol.
— Continuez à écouter, à regarder. Les réponses viendront. Les oiseaux ne chantent jamais en vain, et les animaux ne s’attachent jamais à une âme par hasard. Vous êtes sur le bon chemin.
Et sur ces mots, elle tourna les talons et s’éloigna, me laissant seule avec mes pensées, la plume blanche toujours serrée dans ma main, et un mélange d’émerveillement et de confusion dans mon cœur.
Je quittai le parc d’un pas lent, la plume blanche toujours dans ma main, comme un talisman mystérieux. Les mots de la vieille femme résonnaient dans mon esprit : « Les animaux et les oiseaux sont souvent des guides… Les réponses viendront. »
Le ciel s’était assombri, annonçant une soirée froide et calme. En traversant les ruelles bordées d’arbres, je sentais une curieuse énergie m’entourer, comme si chaque ombre et chaque souffle de vent participaient à une conversation que je n’arrivais pas encore à comprendre.
Une fois arrivée chez moi, je refermai la porte derrière moi et m’appuyai un instant contre le bois, laissant échapper un soupir. Mon appartement, baigné d’une lumière douce, me sembla à la fois familier et étrange, comme si je découvrais chaque objet pour la première fois.
Je posai la plume sur une petite table en bois près de la fenêtre et restai un moment à la contempler. Le contraste entre sa blancheur immaculée et les tons chauds de la pièce attira mon regard. Pourquoi cette plume semblait-elle si importante ?
Mon chat, Oscar, s’approcha en miaulant doucement. Je m’agenouillai pour le caresser, trouvant dans la chaleur de son pelage une source de réconfort.
— Toi, tu sais toujours apaiser mon esprit, murmurai-je en souriant.
Oscar répondit par un ronronnement profond, et je me surpris à penser aux paroles de la vieille femme. « Ils vous rappellent ce que vous avez oublié. » Que pouvais-je avoir oublié ?
J’allumai une bougie sur la table, laissant la flamme vaciller doucement. M’installant dans mon fauteuil préféré, je pris un carnet et un stylo, une habitude que j’avais depuis des années pour tenter de mettre de l’ordre dans mes pensées.
« Votre intuition est juste. Le monde que vous percevez est une illusion. »
Ces mots continuaient de me hanter. Et s’ils étaient vrais ? S’il y avait effectivement quelque chose au-delà de ce que je voyais ?
Je commençai à écrire, traçant des phrases hésitantes :
« Le monde que je connais… est-il réel ? Chaque sensation, chaque instant… est-ce une part de quelque chose de plus grand ? Les animaux, les oiseaux, la vieille femme… sont-ils des messagers d’une vérité que je n’arrive pas encore à saisir ? »
Oscar sauta sur le fauteuil, s’installant confortablement sur mes genoux. Je posai ma main sur lui et fermai les yeux. Peut-être que les réponses viendraient, comme la vieille femme l’avait promis. Peut-être que tout ce que j’avais à faire, c’était écouter.
J’inspirai profondément, laissant ma main tracer des mots sur la page comme si quelque chose en moi cherchait à se libérer.
« Je n’avais plus la force pour lutter. Le monde voulait graver cet instant dans ma mémoire pour que je ne puisse jamais l’oublier. Tu étais là, silencieuse, mais tout semblait déjà s’éloigner. Ton regard, ce dernier regard, m’a transpercée. Il disait tout, et pourtant, je refusais de comprendre.
Quand tu es partie, c’était comme si tout le reste s’était effacé. Le bruit, les couleurs, les gens autour de moi… tout s’est fondu en une masse indistincte. Il ne restait plus que ce vide, immense, dévorant.
Je me suis effondrée, incapable de tenir debout. Mes jambes m’ont lâchée, mon souffle s’est coupé, et j’ai senti une vague de douleur m’envahir. Pas seulement une douleur physique, non. Quelque chose de bien pire. Une douleur qui ronge, qui écrase, qui ne laisse rien derrière elle.
Je voulais crier ton nom. Je voulais te retenir, te ramener à moi, mais je savais que c’était impossible. Ce genre de blessures ne se referme pas. Ce genre de pertes ne s’efface pas.
Les jours suivants, j’ai erré comme une ombre dans mes pensées. Chaque instant sans toi était un rappel cruel de ton absence. La maison semblait plus vide, le silence plus oppressant. J’entendais encore tes cris dans les coins, je sentais encore ta présence, mais ce n’étaient que des fantômes, des traces de ce qui n’était plus.
Et pourtant, au milieu de ce chaos, il y avait une chose qui me retenait, une seule. Le souvenir de toi. Ce souvenir qui, malgré la douleur qu’il apportait, était la seule chose qui me rattachait à quelque chose de beau.
Je n’avais plus la force de lutter contre l’absence, contre le vide, mais je me suis promis une chose : je ne te laisserais jamais disparaître totalement. Tu vivras dans chaque mot que j’écris, dans chaque pensée que je murmure. Parce que même si tu n’es plus là, tu fais partie de moi. Et ça, rien ni personne ne pourra jamais me l’enlever. »
Je posai mon stylo et relus lentement les mots que je venais d’écrire. Je sentis un frisson parcourir mon échine, une sensation étrange, comme si quelque chose d’enfoui en moi venait de remonter à la surface.
Chaque phrase, chaque émotion exprimée sur cette page semblait provenir d’un endroit que je n’avais pas osé explorer depuis longtemps. Je compris alors que ce que je venais d’écrire n’était pas qu’un simple exercice d’écriture ou une réminiscence abstraite. C’était une vérité que j’avais fui, une blessure profonde que je n’avais jamais vraiment osé regarder en face.
Le souvenir d’une perte, si vive, si douloureuse que j’avais préféré l’enterrer sous des années de routine et de silence. Ces mots étaient pour moi, mais ils étaient aussi pour quelqu’un d’autre. Quelqu’un que j’avais aimé de tout mon cœur, mais que je n’avais pas su retenir. Ces mots étaient pour Louna.
Je fermai les yeux, et des images floues se superposèrent à mes pensées. Un regard, un souffle, une chaleur familière. Je compris que, sans le vouloir, je venais de nommer ma douleur. Et en la nommant, j’avais fait un premier pas vers une guérison que je n’avais jamais cru possible.
La plume blanche posée sur la table attira mon attention. Je tendis la main et la saisis délicatement. Je me souvenais des paroles de la vieille femme dans le parc : « Tout ce qui vous arrive a un sens. »
J’inspirai profondément, comme pour ancrer cette révélation en moi.
« Si cette plume est un message, alors il me dit ceci : accepte. Accepte ce que tu ressens, ce que tu as vécu. Ne crains pas de te souvenir, car c’est dans ces souvenirs que réside une vérité essentielle, une leçon que tu ne peux plus ignorer. »
Un étrange apaisement me traversa. Je me sentais toujours vulnérable, mais aussi plus forte. Comme si, dans cet instant d’écriture et d’introspection, j’avais commencé à recoller les fragments de mon âme.
A travers des vies entremêlées de silence, de compréhension et de guérison,
Le lundi matin, Eline ouvrit les yeux avec une étrange lourdeur. Le week-end lui avait laissé un goût particulier, entre l’intensité des réflexions qu’elle avait menées et la fatigue émotionnelle qui pesait encore sur ses épaules. Le message reçu, sa rencontre avec la vieille femme au parc, et ce qu’elle avait écrit… Tout cela semblait si irréel, mais en même temps profondément ancré dans sa réalité.
Elle se leva doucement, les premières lueurs grises de l’aube filtrant à travers les rideaux de sa chambre. Le silence de son appartement était apaisant, mais une part d’elle appréhendait de replonger dans le rythme effréné de la semaine.
Dans la cuisine, le ronronnement de la cafetière emplissait la pièce d’une familiarité réconfortante. Eline regarda par la fenêtre en buvant sa première gorgée de café, observant les passants déjà pressés sur le trottoir. Elle savait qu’il était temps de remettre le masque, celui d’une femme active, organisée, et en contrôle, même si à l’intérieur, elle se sentait encore légèrement déboussolée.
Elle enfila une tenue sobre et pratique, ajustant son manteau avant de sortir. Le froid mordant de janvier la saisit dès qu’elle mit le pied dehors, mais elle accueillit cette sensation avec un certain soulagement, comme si elle pouvait effacer les pensées persistantes qui tournaient dans sa tête.
Le trajet jusqu’au bureau fut comme toujours ponctué par le bruit des moteurs, des conversations étouffées, et l’agitation constante de la ville. Pourtant, Eline se sentit différente. Plus attentive. Chaque détail semblait chargé d’une signification nouvelle : le sourire furtif d’une enfant à sa mère, le vol gracieux d’un groupe de pigeons, ou encore le reflet pâle du soleil sur les vitres des immeubles.
Quand elle poussa la porte de son bureau, elle fut accueillie par la routine habituelle : les salutations polies de ses collègues, le bruit des téléphones, et l’empilement des dossiers sur son bureau. Pourtant, elle ne ressentit pas la même lassitude que d’ordinaire. Quelque chose avait changé, imperceptiblement.
Elle s’installa à son poste, alluma son ordinateur, mais avant de plonger dans ses tâches, son regard se perdit un instant sur la photo accrochée au mur. Une photo qu’elle avait presque oubliée. Un cliché d’elle, assise sur un banc du parc, entourée de moineaux. Elle souriait sur l’image, un sourire sincère qu’elle ne reconnaissait plus vraiment aujourd’hui.
Eline est thérapeute animalière. Elle travaille principalement avec des animaux pour apporter du réconfort et un soutien thérapeutique à des personnes en difficulté : enfants autistes, adultes souffrant de troubles anxieux, ou encore personnes âgées en maison de retraite.
Son quotidien est partagé entre la gestion des séances avec les patients et l’attention qu’elle porte aux animaux qui l’accompagnent dans ce rôle, notamment un chien nommé Oslo et un chat nommé Oréo. Elle a choisi cette profession parce qu’elle incarne son amour profond pour les animaux et sa conviction qu’ils peuvent aider à guérir des blessures invisibles, tant physiques qu’émotionnelles.
Dans son bureau, décoré avec des plantes et des photos d’animaux qu’elle a sauvés, Eline trouve souvent refuge. Cependant, elle commence à sentir que quelque chose manque à son approche : une connexion plus profonde avec elle-même, peut-être en lien avec les mystères qui l’entourent depuis ce fameux message reçu.
Lors de son premier rendez-vous de la semaine, Eline accueille un jeune garçon, Thomas, qui a du mal à s’exprimer verbalement et dont l’anxiété se manifeste par une grande agitation. Accompagné de son chien, un golden retriever nommé Jazz, Thomas semble déjà plus apaisé à l’idée de rencontrer Eline, connaissant bien l’animal.
Eline commence par les présentations habituelles, mais rapidement, elle se concentre sur Jazz. Elle sait que la connexion entre Thomas et Jazz pourrait être la clé pour débloquer des émotions enfouies. Alors qu’elle observe les échanges silencieux entre eux, elle se laisse envahir par une sensation étrange. Ce n’est pas la première fois qu’elle expérimente cela, mais aujourd’hui, elle ressent un écho du message qu’elle a reçu : « Les animaux et les oiseaux sont souvent des guides. »
La séance commence ainsi, mais le regard d’Eline se perd parfois dans les gestes de Jazz qui semble connaître exactement le moment où il doit se tourner vers Thomas pour apaiser son agitation. Un silence s’installe, lourd de sens, et Eline se rend compte qu’elle n’est pas seulement là pour guider le garçon, mais aussi pour écouter ce que lui, et Jazz, essaient de lui montrer.
Après la session avec Thomas et Jazz, Eline ressent un léger apaisement, comme si la connexion qu’elle avait vécue avec l’enfant et son chien l’avait également ancrée dans une sorte de sérénité. Elle se lève, prend un instant pour réorganiser son espace de travail, puis consulte son agenda pour la suite de sa journée.
Le reste de sa matinée est consacré à des appels téléphoniques et à la gestion des dossiers. Elle vérifie des demandes de rendez-vous, répond à quelques courriels de parents qui souhaitent inscrire leurs enfants à des sessions de thérapie avec les animaux. Un dossier particulier retient son attention : il s’agit d’un jeune adulte qui lutte contre des troubles alimentaires, et le contact avec un animal pourrait être la clé pour débloquer certaines émotions enfouies. Eline prend des notes, réfléchissant à la meilleure approche pour lui.
À midi, elle se rend au café du coin pour une courte pause. Le lieu est animé, mais elle trouve une table tranquille près de la fenêtre. Un café noir et un croissant, le réconfort simple d’un moment seul. Elle profite de ce temps pour se recentrer, son esprit flottant entre les tâches à venir et les souvenirs de la session du matin. L’image de Thomas et de Jazz reste présente, et elle se demande si le jeune garçon réalisera lui-même à quel point il a fait un grand pas aujourd’hui.
L’après-midi arrive vite. Eline retourne à son bureau pour une réunion avec un collègue. Ils échangent sur les prochaines sessions collectives qu’ils vont organiser dans un centre communautaire. Le projet est ambitieux : un groupe de thérapie par les animaux pour des adolescents ayant vécu des traumatismes. Elle se sent à la fois excitée et nerveuse, car c’est une étape importante dans son travail. Le stress de l’organisation est palpable, mais elle sait que chaque petit pas fait dans ce sens est un pas vers quelque chose de plus grand.
Ensuite, elle se rend à l’extérieur pour une autre session, mais cette fois, en dehors de son cabinet. Elle rencontre Caroline qui a adopté un chat après une longue période de deuil. Le chat, très craintif, a encore du mal à accepter le changement, et Eline utilise cette situation pour aider Caroline à mieux comprendre les besoins émotionnels de l’animal. La séance se déroule lentement mais paisiblement, avec des conseils pratiques pour instaurer un lien plus fort avec le chat, tout en respectant son rythme.
La journée s’étire et se termine avec un dernier rendez-vous. Elle reçoit un couple qui veut adopter un chien, mais qui n’est pas certain de pouvoir gérer un animal avec un emploi du temps chargé. Eline les aide à comprendre ce que cela implique réellement, en soulignant l’importance de la responsabilité et de l’engagement, mais aussi la joie profonde qu’un compagnon à quatre pattes peut apporter dans une vie.
Lorsque le dernier client part et que la porte du cabinet se ferme derrière lui, Eline se laisse aller un instant dans son fauteuil. Elle regarde son téléphone, relisant les messages reçus.
La journée a été emplie de rencontres qui lui ont confirmé, une fois de plus, combien elle était sur le bon chemin. Un chemin qui la guide à travers des vies entremêlées de silence, de compréhension et de guérison.
Elle range ses affaires, éteint les lumières et prend une grande inspiration avant de quitter son bureau. La ville est calme ce soir-là, et le vent léger semble lui murmurer qu’elle a fait une différence, même si elle ne le voit pas toujours. Le trajet de retour chez elle est tranquille, et Eline se sent prête à accueillir la soirée. Elle sait que demain, les réponses viendront, lentement mais sûrement.
Une fois rentrée chez elle, Eline dépose son sac sur la table près de la porte, se débarrassant de ses chaussures avec un soupir de soulagement. Elle prend un instant pour apprécier le calme de son appartement, un havre de paix après la frénésie de la journée. La lumière tamisée des lampes crée une ambiance chaleureuse, presque intime, qui l’invite à ralentir.
Elle se dirige vers la cuisine pour préparer une tasse de tisane, son rituel du soir. Le parfum doux de la camomille et de la lavande envahit l’air tandis qu’elle attend que l’eau chauffe. En attendant, elle se change en tenue confortable : un vieux sweat-shirt doux et un pantalon en coton. Ce sont des gestes simples, mais qui la réconfortent.
Une fois la tisane prête, elle s’installe dans son fauteuil près de la fenêtre, un endroit qu’elle affectionne particulièrement. De là, elle peut observer la lumière mourante du jour, les derniers éclats de l’astre solaire se dissipant lentement derrière les immeubles. Elle laisse ses pensées s’égarer dans ce moment suspendu, où la journée s’efface dans l’ombre et où elle peut se concentrer sur elle-même.
Eline prend une longue gorgée de sa boisson chaude et ferme les yeux un instant, sentant la chaleur se diffuser en elle. Le rythme de sa respiration devient plus calme, et peu à peu, elle se libère des tensions accumulées au cours de la journée. Ses doigts effleurent la plume blanche qu’elle avait ramassée au parc, une sensation de douceur presque irréelle. Elle se demande si c’est un signe, ou juste un objet de plus parmi tant d’autres, mais son intuition lui dit que ce n’est pas le cas.
Elle se rend dans la salle de bain pour se démaquiller et se préparer pour la nuit. Le miroir lui renvoie une image familière, mais aujourd’hui, quelque chose en elle semble différente.
Lorsque tout est fait, elle se glisse sous les couvertures, le calme l’envahissant peu à peu. Le vent souffle doucement contre les fenêtres, et le murmure du monde extérieur semble l’apaiser. Elle éteint la lumière de la table de nuit et ferme les yeux.
Ce soir-là, avant de s’endormir, elle pense aux mots de la vieille femme dans le parc, aux oiseaux, à la plume blanche, et aux mystères qui se dissimulent dans le silence. Peut-être que demain, tout deviendrait plus clair. Peut-être pas. Mais une chose est certaine : elle est prête à découvrir ce que la vie, avec ses énigmes et ses révélations, a encore à lui offrir.
Dans l’obscurité paisible de la chambre, les pensées d’Eline se dissolvent lentement, jusqu’à ce que le sommeil, doux et réparateur, prenne le relais.
J’aimerais pouvoir dire que j’ai appris quelque chose de tout ça,
La vie est cruelle. Elle t’arrache ce que tu crois acquis, elle te brise sans préavis, sans douceur. On pense toujours que les choses ne peuvent pas aller plus mal, et pourtant, le monde trouve toujours un moyen de nous enseigner la dureté de son existence.
Je me souviens des jours où je croyais avoir trouvé un équilibre. Ceux où, malgré la douleur, je me levais, je souriais, j’avançais. Mais la vie ne vous laisse jamais en paix, pas vraiment. Elle attend son moment, le moment où vous pensez avoir survécu à tout. C’est là qu’elle frappe de nouveau, plus fort, plus brutal.
Et parfois, j’aimerais pouvoir dire que j’ai appris quelque chose de tout ça, que j’ai trouvé une sagesse, une forme de paix. Parfois, je me sens juste là, à essayer de tenir le coup, à tenter de donner un sens à une réalité qui en manque terriblement.
La vie est cruelle, parce qu’elle nous oblige à accepter des choses que l’on ne veut pas accepter. Elle nous apprend à vivre avec l’absence, à faire face à des fractures qui ne se refermeront jamais tout à fait. Et pourtant, il faut continuer. Parce que c’est ce qu’elle exige.
Je t’ai perdue et tu as laissé une empreinte que rien ni personne ne pourra effacer.
La vie est cruelle par ses surprises. Ces moments imprévus qui arrivent sans crier gare, quand on pense avoir tout maîtrisé, tout anticipé. Comme des coups de vent soudains qui vous déstabilisent, vous emportent dans une direction que vous n’auriez jamais imaginée.
On pense que la souffrance est une chose qui se termine, qu’on finit par la surmonter, qu’on la met dans un coin de notre cœur et qu’on passe à autre chose. Mais la vie revient toujours avec une nouvelle épreuve, un nouveau choc, un nouveau test pour la résilience.
Je croyais avoir accepté ton absence. Je croyais avoir trouvé un semblant de paix, une manière de vivre avec ce manque, de faire face à ce gouffre qui s’est ouvert dans ma vie. Mais la vie m’a montré que l’acceptation n’est qu’un instant fragile, qu’une illusion qui s’effondre dès que l’on pense avoir trouvé la stabilité.
La vie est cruelle par ses surprises, parce qu’elle ne vous laisse jamais tranquille. Elle vous pousse à continuer, à avancer, à sourire malgré la douleur. Elle vous demande d’aimer, de rêver, même quand tout vous dit de vous arrêter.
Mathieu,
Le ciel était couvert, d’un gris uniforme qui donnait une teinte nostalgique à tout ce qu’il touchait. Eline s’était réveillée plus tôt que d’habitude, un peu alourdie par un rêve qu’elle n’arrivait pas à se rappeler complètement, mais qui lui laissait une sensation étrange, entre douceur et inconfort.
Elle se prépara rapidement, enfilant un pull douillet et un pantalon confortable. Sa journée s’annonçait chargée, comme souvent, mais elle prit quelques minutes pour observer par la fenêtre les arbres nus se balancer doucement sous le vent. Elle remarqua un couple de pigeons sur la rambarde de son balcon. Ils semblaient discuter en silence, picorant de temps à autre les miettes qu’elle avait oubliées là la veille.
« Peut-être un bon présage », pensa-t-elle avec un sourire discret.
Elle prit son sac et quitta son appartement. La ville était encore calme à cette heure, les bruits des moteurs et des pas sur le trottoir se mêlant en une mélodie familière. Elle aimait ces instants où la vie semblait suspendue, comme si le monde retenait son souffle avant de s’élancer dans l’agitation du jour.
Sa matinée débuta par un rendez-vous avec Mathieu. Il était à l’heure, comme toujours, mais semblait plus préoccupé que d’habitude. Pendant leur entretien, il parla de souvenirs d’enfance qui lui étaient revenus récemment, des après-midis passés à grimper aux arbres et à observer les oiseaux. Eline l’écouta attentivement, notant les nuances dans sa voix, les infimes changements dans son attitude. Elle sentit qu’il était sur le point d’exprimer quelque chose d’important, mais il finit par se taire, comme s’il n’avait pas encore trouvé les mots.
Mathieu était un patient un peu particulier. Eline l’avait rencontré il y a quelques mois, un jour comme un autre dans son cabinet. Il n’était ni trop vieux ni trop jeune, mais son regard portait une profonde mélancolie, comme si le poids de ses pensées alourdissait chaque geste qu’il faisait. Contrairement à la plupart de ses patients, Mathieu semblait avoir une manière silencieuse de se mesurer au monde, comme s’il s’agissait d’un ennemi qu’il avait appris à connaître, mais jamais à aimer.
Son arrivée avait été marquée par un étrange mélange de nervosité et de résignation. Il avait demandé un rendez-vous, mais d’une manière détachée, comme s’il accomplissait une formalité sans vraiment y croire. Pourtant, au fil des consultations, Eline avait rapidement compris qu’il n’était pas simplement un cas comme les autres.
Mathieu n’était pas venu pour des douleurs physiques classiques, ni pour des troubles facilement identifiables. Il ne se plaignait pas de symptômes concrets, mais il lui parlait souvent de la sensation de vide qui le rongeait de l’intérieur. Une sorte de fatigue mentale qui semblait le suivre partout, l’empêchant de trouver un sens à ses journées.
« Je suis fatigué d’être fatigué », lui disait-il souvent, une phrase qui résonnait en Eline comme une triste évidence. Comme si le corps et l’esprit avaient décidé de se retirer ensemble dans une sorte de retraite forcée, loin de la vie, loin des autres.
Il venait toujours à ses rendez-vous avec un air un peu ailleurs, un air qu’Eline ne parvenait pas à complètement saisir. Il parlait parfois de ses passions anciennes, des choses qu’il avait aimées faire autrefois, mais avec une telle distance, comme s’il parlait d’un autre lui-même. Des oiseaux qu’il observait depuis son enfance, des livres qu’il avait dévorés mais qui ne semblaient plus l’émouvoir. Il lui confia même, un jour, qu’il avait autrefois voulu travailler dans un centre de réhabilitation pour animaux, mais qu’il n’avait jamais eu le courage de passer à l’action.
Un jour, après plusieurs mois de silence sur le sujet, Eline osa lui poser la question qui la tourmentait depuis quelque temps.
« Pourquoi avez-vous choisi de venir ici, Mathieu ? Qu’est-ce qui vous pousse à chercher de l’aide maintenant, après tout ce temps ? »
Il la fixa un instant, son regard distant se faisant plus profond. Puis, sans crier gare, il répondit, d’une voix basse :
« Je crois que je me suis perdu. Et je pense que vous pourriez m’aider à me retrouver. »
Eline ne savait pas si elle pouvait lui offrir une solution rapide, mais elle savait que ce qu’il cherchait allait au-delà des simples conseils médicaux. Il cherchait à reconnecter les morceaux éparpillés de lui-même, et peut-être, d’une certaine manière, à se réconcilier avec ses propres rêves et déceptions. La tâche ne serait pas simple, mais elle sentait qu’il avait besoin d’un guide, quelqu’un qui l’aiderait à ouvrir les yeux sur une réalité qu’il avait choisie d’ignorer.
Depuis ce jour-là, les rendez-vous avec Mathieu prenaient un tour différent. Il ne parlait plus uniquement de son mal-être, mais aussi de petites choses qui avaient encore le pouvoir de l’émerveiller : une balade dans un parc, la rencontre fortuite avec un chat errant, l’étrange beauté d’une pluie d’automne. C’était comme si, peu à peu, il se remettait à regarder autour de lui, à prêter attention à ce qu’il avait un jour aimé.
Eline savait que les progrès de Mathieu seraient lents, comme ceux d’un animal blessé qui apprend à faire de nouveau confiance à l’humain. Mais elle ne pouvait s’empêcher de croire que chaque petite avancée, chaque moment de lucidité, serait un pas vers sa guérison.
Après Mathieu, sa journée continua à un rythme soutenu. Elle eut une série de consultations avec des patients variés, chacun apportant son propre univers d’émotions, de défis et de réflexions. Il y avait cette femme qui se battait contre une anxiété paralysante, ce jeune homme en quête de sens après une rupture, et cette adolescente qui tentait de réconcilier ses rêves avec les attentes de ses parents.
Entre deux rendez-vous, elle prit un moment pour elle, s’asseyant dans un coin tranquille de son cabinet. Elle sortit un carnet de sa sacoche et écrivit quelques lignes. Depuis qu’elle avait repris l’écriture, cela lui faisait un bien fou. C’était comme si chaque mot qu’elle couchait sur le papier lui permettait de mieux comprendre ce qu’elle ressentait, ce qu’elle vivait.
Vers la fin de la journée, elle se retrouva à penser à la vieille femme du parc et à leurs échanges sur les oiseaux et les signes. Elle se demanda si les petits événements de sa journée – les pigeons sur son balcon, les paroles de Mathieu, un livre qu’un patient avait mentionné et qu’elle connaissait – n’étaient pas, eux aussi, des signes qu’elle devait apprendre à déchiffrer.
Des signes dans l’ombre,
En rentrant chez elle, la fatigue commençait à se faire sentir, mais Eline se sentait étrangement sereine. C’était une de ces journées où, bien que rien de spectaculaire ne se soit produit, elle avait la certitude d’avoir avancé, d’avoir contribué, même modestement, à quelque chose de plus grand.
Alors qu’Eline venait à peine de poser son sac à l’entrée, son téléphone vibra sur la table. Elle prit l’appareil et sourit en voyant le nom d’Annie s’afficher. Leur dernière conversation remontait à quelques jours, mais Annie avait cette façon de toujours apparaître au bon moment.
Le message disait :
« Coucou Eline ! Je pensais à toi aujourd’hui. Comment s’est passée ta journée ? J’ai eu un rêve bizarre, et tu étais dedans… Ça te dirait qu’on se voit bientôt pour en parler ? Ça m’a un peu perturbée, je dois l’avouer. Bisous ! »
Eline fronça légèrement les sourcils en lisant ces mots. Annie était rarement perturbée, encore moins par un rêve. Cela ne lui ressemblait pas. Elle posa le téléphone, s’allongea sur le canapé et relut le message. Les coïncidences semblaient s’accumuler ces derniers temps : le message anonyme, la vieille femme au parc, et maintenant Annie avec son étrange rêve.
Elle tapota rapidement une réponse :
« Coucou Annie ! Ça va, journée bien remplie mais ça s’est bien passé. Ton message m’intrigue ! Bien sûr qu’on peut se voir. Tu veux passer demain soir ? On pourra discuter tranquillement. »
Elle hésita un instant avant d’ajouter :
« Et peut-être qu’on pourra essayer de déchiffrer ton rêve ensemble. Ça m’intéresse vraiment. »
Eline envoya le message, posant le téléphone à côté d’elle. En attendant une réponse, elle ferma les yeux, se demandant ce qui pouvait bien troubler son amie au point de lui écrire un tel message. Peut-être était-ce lié à ce qu’elle-même ressentait ces derniers jours ? Une étrange impression de connexions invisibles, comme des fils tirés depuis l’ombre, reliant des événements en apparence sans lien.
Quelques minutes plus tard, le téléphone vibra de nouveau. Annie avait répondu rapidement :
« Super idée, je viendrai demain soir. Ça me fera du bien qu’on discute. Prépares ton thé magique, j’en aurai besoin. Et merci d’être là, comme toujours. »
Eline sourit doucement, touchée par la confiance de son amie. Elle avait hâte d’entendre ce rêve, certaine qu’il renfermait un message à ne pas ignorer.
Le lendemain soir, Eline prépara soigneusement son appartement pour la venue d’Annie. Elle alluma quelques bougies sur la table basse, leur lumière douce dansant sur les murs, et mit de l’eau à chauffer pour son fameux thé aux épices. Un mélange qu’Annie adorait, et qui, selon elle, avait le pouvoir de chasser les mauvaises énergies.
Alors qu’elle disposait deux tasses fumantes sur la table, la sonnette retentit.
— C’est ouvert, cria Eline depuis la cuisine.
Annie entra, emmitouflée dans une écharpe épaisse, ses joues légèrement rosies par le froid extérieur.
— Merci pour l’invitation, lança-t-elle en souriant. Ça fait du bien d’être au chaud.
Eline lui répondit avec un sourire, lui tendant une tasse de thé avant de s’asseoir en face d’elle.
— Alors, dis-moi tout, qu’est-ce qui t’a tellement troublée ?
Annie posa la tasse sur la table, prenant un moment pour rassembler ses pensées.
— Ce rêve… il était tellement réel. C’est comme si j’y étais vraiment.
Eline hocha la tête, l’encourageant à continuer.
— Tu étais là, Eline. On se trouvait dans un endroit étrange, une clairière entourée d’arbres immenses, mais ce n’étaient pas des arbres normaux. Leurs troncs semblaient faits de lumière, et leurs feuilles changeaient de couleur à chaque souffle de vent.
Annie marqua une pause, scrutant le visage d’Eline pour voir sa réaction.
— Tu avais dans les mains un objet que je n’arrive pas à décrire. Ce n’était ni un livre, ni une pierre, mais ça brillait, et tu m’as dit : « Nous devons nous souvenir, Annie. C’est la clé. »
Eline sentit un frisson parcourir sa colonne vertébrale. Elle serra légèrement sa tasse, écoutant avec une attention accrue.
— Et après ? demanda-t-elle.
— Après, il y avait un corbeau. Un énorme corbeau, noir comme la nuit, avec des yeux brillants comme des étoiles. Il volait en cercles au-dessus de nous. Puis il s’est posé sur ton épaule et s’est mis à parler.
— À parler ?
— Oui, répondit Annie, son visage pâlissant légèrement. Il disait : « Tout est lié. Écoutez juste le vent, il vous guidera. »
Le silence s’installa un instant, uniquement troublé par le léger crépitement des bougies.
— Et ensuite ? murmura Eline.
— Ensuite, je me suis réveillée en sursaut. J’avais l’impression que mon cœur battait à mille à l’heure, comme si ce n’était pas juste un rêve, mais une sorte de message.
Eline posa sa tasse et se pencha en avant, les coudes sur les genoux.
— Ce n’est pas la première fois que j’entends parler de signes ou de messages ces derniers jours, dit-elle doucement.
Elle raconta alors à Annie la série d’événements étranges qui avaient marqué ses dernières journées : le message reçu, la vieille femme au parc, et même la plume blanche trouvée sur le banc.
Annie l’écouta attentivement, son visage se crispant légèrement à chaque détail.
— Tout cela ne peut pas être une coïncidence, murmura-t-elle.
Eline acquiesça.
— Je le pense aussi. Mais qu’est-ce qu’on est censées comprendre ?
Annie réfléchit un moment avant de répondre :
— Peut-être que le corbeau a raison. Peut-être que nous devons écouter, observer. Il y a peut-être des indices tout autour de nous.
La conversation prit un ton plus léger par moments, ponctuée de rires et de souvenirs communs. Pourtant, sous cette légèreté, il subsistait une impression partagée qu’un changement, ou du moins une réponse, se dessinait à l’horizon.
En fin de soirée, alors qu’Annie se préparait à partir, elle posa une main sur l’épaule d’Eline et lui dit avec douceur :
— Quoi qu’il arrive, on trouvera un sens à tout ça.
Eline hocha la tête, un sourire reconnaissant aux lèvres, avant de la raccompagner à la porte. Cette soirée n’avait peut-être pas apporté toutes les réponses, mais elle leur avait permis de renforcer leur lien et de partager un moment d’introspection précieux.
La soirée touchait à sa fin et Eline ressentait cette fatigue douce qui accompagne les instants partagés en toute sincérité. Après avoir rangé les tasses et soufflé les bougies, elle s’attarda un moment près de la fenêtre, observant le calme de la nuit. Les rues semblaient désertes, baignées dans une lueur argentée que diffusait la lune.
Elle se dirigea ensuite vers sa chambre, appréciant le silence apaisant de son appartement. Elle prit le temps de préparer son lit, ajustant les draps avec soin, comme pour s’offrir une petite dose de réconfort supplémentaire. Après avoir enfilé son pyjama en coton doux, elle passa un moment à feuilleter un livre laissé sur sa table de chevet. Mais ses yeux fatigués avaient du mal à suivre les lignes, et elle décida finalement de le poser.
Avant de se glisser sous les couvertures, elle éteignit la lumière et laissa la faible lueur de sa lampe de chevet illuminer doucement la pièce. Elle prit une profonde inspiration, laissant ses pensées s’apaiser.
Son esprit, encore marqué par les échanges avec Annie, vagabondait entre les signes étranges de ces derniers jours et ce sentiment inexplicable de basculement. Mais la chaleur de son lit et la quiétude ambiante finirent par prendre le dessus.
Eline murmura pour elle-même, presque comme une prière ou une promesse :
— Peut-être que demain, je comprendrai un peu mieux.
Et doucement, elle ferma les yeux, glissant dans un sommeil où ses rêves, comme à leur habitude, allaient tisser des histoires qu’elle seule pouvait deviner.
Gabriel,
Eline avait connu une histoire d’amour marquante, une relation qui, bien qu’appartenant au passé, continuait de résonner dans son présent. Cela remontait à une dizaine d’années, lorsqu’elle vivait dans une autre ville, dans un appartement baigné de lumière et empli d’espoirs juvéniles.
Il s’appelait Gabriel. Avec son sourire en coin et son regard perçant, il avait une manière de rendre chaque instant significatif. Ils s’étaient rencontrés par hasard lors d’un vernissage, où Eline, fascinée par une toile, avait lancé une remarque à voix haute. Gabriel, se tenant à quelques pas, avait répondu, donnant lieu à une conversation spontanée qui avait duré des heures.
Leur complicité s’était rapidement installée. Gabriel était artiste, passionné par la peinture et par la manière dont les couleurs racontaient des histoires. Eline, elle, était fascinée par ses idées et sa manière de voir le monde. Avec lui, tout semblait avoir plus de nuances, plus de profondeur.
Ils passaient leurs journées à arpenter des galeries, à lire ensemble ou à débattre sur des sujets philosophiques. Mais leur lien allait bien au-delà des mots : dans les silences, dans les regards, il y avait une intimité rare, presque sacrée.
Pourtant, leur amour, aussi intense soit-il, n’avait pas résisté aux défis du quotidien. Gabriel était un homme passionné, mais aussi imprévisible. Sa quête constante de liberté le poussait parfois à s’éloigner, à se perdre dans ses propres réflexions, laissant Eline face à un vide qu’elle ne savait comment combler.
Leur rupture avait été douce, sans cris ni rancunes, mais teintée d’une profonde tristesse. Gabriel lui avait dit, un soir d’automne :
— Tu mérites quelqu’un qui te regarde avec autant de constance que tu regardes les étoiles. Et je ne suis pas cet homme, pas encore.
Ces mots, bien qu’emprunts de vérité, l’avaient profondément blessée. Mais avec le temps, elle avait appris à les accepter, à comprendre que leur histoire, bien qu’incomplète, avait été belle à sa manière.
Aujourd’hui encore, certains souvenirs refaisaient surface : le rire de Gabriel, les promenades sous la pluie, ou encore les notes qu’il laissait parfois sur le miroir de la salle de bain, comme des trésors à découvrir. Ces instants restaient précieux, non pas comme une douleur, mais comme une partie d’elle-même, une preuve que l’amour, même s’il n’était pas éternel, pouvait laisser une empreinte indélébile.
Eline, en regardant parfois les étoiles, ne pouvait s’empêcher de se demander ce qu’il était devenu, s’il avait trouvé ce qu’il cherchait, et si, quelque part, il pensait encore à elle.
À quoi sert l’amour si le cœur reste fermé, si les mots ne trouvent pas leur écho, si les regards se croisent sans se comprendre ?
L’amour, dans sa plus pure essence, sert à relier, à guérir, à donner un sens à ce qui parfois semble vide. Mais si l’on refuse de s’y abandonner, à quoi peut-il bien servir ? S’il est emprisonné par la peur ou étouffé par l’égoïsme, il perd sa raison d’être.
Pourtant, même dans les doutes, même quand il semble inaccessible, l’amour a une utilité profonde : il nous enseigne. À rêver, à pardonner, à voir la beauté dans l’imperfection. Et même lorsque l’amour échoue ou s’éloigne, il laisse derrière lui une leçon précieuse, un morceau de lumière.
Alors, à quoi sert l’amour si l’on ne prend pas le risque d’y croire, de le nourrir, et de l’offrir ?
Eline a trouvé l’amour plus chez ses chats que chez les êtres humains. Dans le regard profond d’Oscar, elle lisait une sincérité que peu de gens lui avaient jamais offerte. Avec lui, il n’y avait ni masque, ni jugement, ni attentes démesurées.
Oscar, un magnifique chat tigré au pelage doux qu’elle avait sauvé d’une rue froide un soir de pluie, lui offrait chaque jour une tendresse silencieuse. Il se blottissait contre elle, ronronnant doucement, comme pour apaiser les tempêtes qu’elle ne montrait à personne. Ses yeux, brillants et apaisants, semblaient la comprendre mieux que quiconque.
Avec lui, tout était simple. Pas de disputes, pas de promesses brisées. Seulement une présence constante, un amour inconditionnel. Là où les humains avaient parfois échoué à la protéger ou à lui apporter la sécurité qu’elle cherchait, Oscar avait comblé un vide qu’elle croyait impossible à remplir.
Peut-être que l’amour, pensait-elle, se trouve là où on l’attend le moins. Pas dans les grandes déclarations ou les relations compliquées, mais dans ces petits moments partagés avec un être qui ne demande rien d’autre que d’être là, avec vous, en toute simplicité.
Le pouvoir des petits gestes,
Trouver le réconfort dans les gestes est un concept profondément humain, souvent lié à la simplicité et à l’authenticité des actions quotidiennes. Dans un monde qui va à toute vitesse, où l’incertitude et les émotions négatives peuvent parfois nous envahir, il est facile de négliger le pouvoir des gestes simples, mais ces derniers peuvent être une source de consolation infinie.
Les gestes, qu’ils soient petits ou grands, ont une capacité unique à offrir du réconfort. Parfois, il s’agit d’un geste aussi simple qu’une caresse pour un animal, un mot doux à un proche, ou même une simple tasse de thé préparée pour soi-même après une longue journée. Ces actions, bien que discrètes, sont un moyen de retrouver un équilibre intérieur, de marquer un temps de pause et de calme, et de se rappeler que la vie peut être plus douce si l’on y met un peu de soin.
Trouver le réconfort dans les gestes, c’est aussi cultiver la gratitude pour ces moments. Un sourire échangé, un geste de bonté envers un inconnu, ou un acte d’amour pour un être cher, sont autant de rappels que la vie est faite de petites choses qui, ensemble, apportent une paix profonde. Ces gestes nourrissent notre âme et nous rappellent que, dans un monde souvent incertain, les actions empreintes de bienveillance ont un pouvoir immense.
Eline, passionnée par les animaux, avait toujours cherché des moyens de partager cet amour avec sa communauté. Cette année, elle avait décidé de frapper fort : elle lança un challenge inédit dans sa ville.
Baptisé « Un Geste pour nos amis à quatre pattes », ce défi invitait chaque habitant à accomplir une action concrète en faveur des animaux, qu’il s’agisse d’adopter un animal en refuge, de nourrir les oiseaux l’hiver, de ramasser les déchets dans les espaces naturels ou encore de promouvoir des pratiques respectueuses dans leur quotidien.
Le principe était simple : chaque participant devait partager sa contribution sur les réseaux sociaux, accompagnée du hashtag #ChallengeEline, et nominer trois autres personnes à relever le défi.
Eline ne s’attendait pas à un tel succès : en quelques jours, des centaines de vidéos et de photos envahirent la toile. On voyait des enfants construire des abris pour les hérissons, des familles rendre visite à des refuges, et même des entreprises locales organiser des collectes de nourriture pour animaux abandonnés.
Touchée par cet élan de solidarité, Eline organisa une grande fête de clôture au parc central, avec des stands éducatifs, des démonstrations d’agility, et même un espace d’adoption tenu par les refuges locaux.
« Quand on agit ensemble, on peut vraiment changer les choses, » déclara-t-elle avec un sourire ému devant la foule venue célébrer leur amour de nos amis à quatre pattes.
Les amies d’Eline avaient joué un rôle clé dans le succès de ce challenge. Parmi elles, Léa, une photographe passionnée par la nature, avait aidé à capturer les moments marquants pour les partager sur les réseaux sociaux et sensibiliser davantage de personnes. Ses clichés, mêlant douceur et authenticité, étaient devenus viraux et avaient attiré l’attention des médias locaux.
Il y avait aussi Sarah, une vétérinaire engagée, qui avait organisé des ateliers gratuits sur les soins de base à apporter aux animaux. Son approche bienveillante et pédagogique avait conquis petits et grands, renforçant leur compréhension des besoins des animaux.
Enfin, Jade, une entrepreneure spécialisée dans les produits écoresponsables, avait proposé des solutions simples pour réduire l’impact environnemental de la possession d’animaux de compagnie. Grâce à ses conseils, de nombreux participants avaient adopté des pratiques plus respectueuses, comme le choix de jouets en matériaux durables ou la fabrication de friandises maison.
Ensemble, elles formaient une équipe dynamique et complémentaire, unies par leur amour des animaux et leur envie de faire la différence. Pour Eline, ces amies représentaient bien plus qu’un soutien : elles étaient une source d’inspiration constante, rappelant que chaque petit geste, quand il est partagé, peut entraîner de grands changements.
Au-delà du challenge, Eline ne voulait pas que cet élan de solidarité s’essouffle. Elle rêvait de transformer cette initiative temporaire en un mouvement durable. Avec ses amies, elle décida de créer une association qu’elles baptisèrent « Harmonie Animale », dédiée à la protection des animaux et à l’éducation des citoyens sur la cohabitation respectueuse avec la faune.
L’association proposait des projets variés : des ateliers pour les enfants, où ils apprenaient à reconnaître les espèces locales et à construire des nichoirs ou des hôtels à insectes, des campagnes de stérilisation et d’adoption, en partenariat avec les refuges de la région et des actions pour la préservation des habitats naturels, comme des journées de nettoyage des forêts et des plages.
Une plateforme en ligne, permettant à chacun de trouver des conseils pratiques pour prendre soin des animaux, qu’ils soient domestiques ou sauvages.
Eline s’impliqua aussi dans des démarches auprès des autorités locales pour faire évoluer les politiques en faveur du bien-être animal. Avec patience et détermination, elle parvint à faire voter une subvention pour les refuges et un programme éducatif dans les écoles.
Peu à peu, « Harmonie Animale » devint un acteur incontournable dans la région. Ce qui avait commencé comme un simple challenge se transforma en un véritable mouvement citoyen.
Un jour, alors qu’Eline observait un groupe d’enfants libérer des papillons dans une prairie qu’ils avaient nettoyée, elle murmura à Léa :
« Tu te rends compte ? Tout ça est parti d’une idée simple. Comme quoi, parfois, il suffit d’y croire et de commencer quelque part. »
Léa lui sourit. « Et surtout, de s’entourer des bonnes personnes. »
Tout ce mouvement dans la vie d’Eline, elle l’avait créé pour faire face à une douleur qu’elle ne parvenait pas à apaiser. Perdre Louna avait laissé un vide immense dans son cœur.
Quand Louna était partie, Eline avait senti sa solitude la submerger. Mais plutôt que de s’enfermer dans son chagrin, elle avait décidé de transformer cette perte en une force. Le souvenir de Louna devint le moteur de son engagement. Chaque geste accompli pour les animaux, chaque sourire qu’elle voyait illuminer les visages des adoptants lui rappelait qu’elle donnait un sens à sa peine.
C’était pour Louna qu’elle avait imaginé le challenge. C’était pour elle qu’elle avait rassemblé des centaines de personnes autour d’une cause commune. Chaque refuge soutenu, chaque animal sauvé, chaque oiseau nourri lui donnait l’impression de prolonger l’amour qu’elle avait partagé avec Louna.
Un soir, alors qu’elle rangeait des photos pour un article qu’elle préparait sur le mouvement, elle tomba sur une vieille photo de Louna, couchée sur le bord de son lit, la tête posée sur ses pattes, les yeux pleins de douceur. Une larme glissa sur sa joue, mais cette fois, elle sourit.
« Tu vois, Louna, grâce à toi, tout ça existe. Merci d’avoir changé ma vie. »
Eline savait que, bien qu’elle ne soit plus là, Louna vivait à travers chaque action, chaque être qu’elle aidait. Et cette pensée la réconfortait, la poussant à continuer à avancer, pour Louna et pour tous les autres.
Un jour, en pleine organisation d’une collecte pour un refuge local, Eline eut une petite surprise qui marqua son cœur. Elle avait décidé d’installer un stand dans un marché très fréquenté pour sensibiliser les passants à la cause animale. À ses côtés, Léa photographiait les visiteurs qui déposaient des dons, tandis que Sarah répondait aux questions sur l’adoption.
Alors qu’Eline distribuait des flyers, une petite fille s’approcha timidement avec un chaton dans les bras. Elle expliqua, d’une voix tremblante, qu’elle avait trouvé le chaton abandonné dans un carton derrière son immeuble. « Il miaulait si fort… Je savais que je devais faire quelque chose, mais je ne peux pas le garder », dit-elle en retenant ses larmes.
Eline s’accroupit à sa hauteur et lui sourit. « Tu as déjà fait quelque chose de merveilleux en le sauvant. » Elle prit doucement le chaton, un petit être fragile au pelage noir et blanc, et promit de trouver une solution.
L’histoire fit rapidement le tour du marché. Un couple âgé, attiré par l’agitation, s’approcha. Ils étaient venus déposer des couvertures pour le refuge, mais en voyant le chaton, ils tombèrent sous son charme. Après quelques échanges, ils décidèrent de l’adopter sur place.
Eline observa la scène, émue. La petite fille, soulagée, serra Eline dans ses bras et murmura : « Merci de m’avoir aidée à l’aider. »
Ce moment, bien que simple, rappelait à Eline pourquoi elle se battait. Ce n’était pas seulement pour sauver des animaux, mais aussi pour inspirer les gens, jeunes et vieux, à agir avec compassion. Cette situation devint une preuve de plus que chaque geste, même petit, pouvait déclencher une chaîne de bonté infinie.
Une semaine après, Eline reçut un courrier inattendu. À l’intérieur, une photo du chaton, confortablement installé dans un panier en osier près d’une fenêtre ensoleillée, et un mot signé par le couple âgé qui l’avait adopté :
« Chère Eline,
Nous avons baptisé le petit chaton Félix. Depuis qu’il est entré dans notre vie, la maison semble plus vivante, remplie de ses miaulements curieux et de ses jeux. Merci d’avoir été le pont entre lui et nous. Vous avez un don pour créer des miracles.
Avec toute notre gratitude,
Marguerite et Paul. »
Touchée par ces mots, Eline ressentit une immense fierté. Chaque petite victoire comme celle-ci lui rappelait que ses efforts portaient leurs fruits. Pourtant, cette semaine n’avait pas été de tout repos. Entre les demandes croissantes des refuges et l’organisation d’un nouveau partenariat avec une école locale, elle se sentait parfois débordée.
Mais c’était dans ces instants qu’Eline puisait sa force. Elle se souvenait des regards heureux, des vies transformées, et de moments comme celui de Félix. Elle partagea l’histoire du chaton sur la page de l’association, et très vite, les commentaires affluèrent. Certains racontaient leurs propres anecdotes de sauvetages, d’autres demandaient comment contribuer davantage.
Cette vague de positivité confirma ce qu’Eline avait toujours cru : le changement n’était pas une affaire de grands gestes, mais d’un enchaînement de petites actions sincères. Et même après une semaine intense, elle sentait que tout cela valait largement chaque instant investi.
Les yeux ouverts sur l’invisible,
« Votre intuition est juste. Le monde que vous percevez est une illusion. Ce n’est pas votre première vie. Ce ne sera pas la dernière. Mais si vous ouvrez les yeux, vous pourriez en comprendre le sens. »
Combien de fois avait-elle eu l’impression que les choses n’étaient pas telles qu’elles paraissaient ? Combien de fois, dans son engagement pour les animaux et la nature, avait-elle ressenti une connexion au-delà du tangible, une énergie qui reliait chaque être vivant ? La réalité qu’elle voyait, ce monde matériel, semblait limité, réducteur, comme un écran opaque qui cachait une réalité plus vaste, plus fluide.
L’idée de la réincarnation n’était pas nouvelle pour elle, mais elle ne l’avait jamais vraiment explorée en profondeur. Et pourtant, elle sentait quelque chose d’indéniable dans ces mots, comme si elle avait déjà vécu plusieurs vies avant celle-ci, comme si elle portait en elle une sagesse ancienne, des souvenirs qui n’étaient pas vraiment les siens, mais qui pourtant l’habitaient profondément.
Les moments qu’elle avait partagés avec Louna, ses propres luttes, son désir de protéger la vie… tout cela semblait, d’une manière ou d’une autre, être lié à quelque chose de plus grand qu’elle, quelque chose qu’elle n’arrivait pas encore à saisir.
La réponse résidait dans une connexion plus profonde, une réceptivité plus grande, peut-être dans l’écoute de son cœur, dans l’écoute de l’univers qui, d’une manière subtile, lui parlait chaque jour.
Peut-être que tout ce qu’elle vivait, tout ce qu’elle avait accompli avec son challenge pour les animaux, n’était pas un simple hasard. Peut-être que c’était un fil qui la reliait à un chemin plus vaste, une mission qu’elle portait d’une vie à l’autre, à chaque fois un peu plus claire, un peu plus consciente.
Les mots de l’énigme résonnaient à nouveau en elle. Elle comprit, dans un éclair de clarté, que la quête n’était pas simplement de comprendre. Elle était d’accepter le mystère, de vivre avec lui, de s’y abandonner. L’énigme n’était pas un puzzle à résoudre, mais une invitation à se laisser guider, à suivre cette intuition qui, bien qu’imperceptible, l’accompagnait partout.
Eline sourit doucement. Elle n’avait pas toutes les réponses, et peut-être n’en aurait-elle jamais. Mais ce n’était pas grave. Elle savait, au fond d’elle-même, qu’en ouvrant les yeux sur ce qui l’entourait, en écoutant son cœur, elle finirait par comprendre, peu à peu, la véritable signification de ce voyage. Et c’était déjà un début.
Les graines du changement,
Quand le soir tomba sur la ville, baignant les rues dans une lumière douce et dorée, Eline se sentit plus connectée que jamais à ce qu’elle venait de vivre. La journée avait été remplie de sourires, de gestes simples mais significatifs, et de rencontres qui nourrissaient son âme. Elle s’était donnée entièrement à cette cause, mais à mesure que les heures s’étaient écoulées, elle avait aussi découvert quelque chose de plus profond : en donnant, elle recevait.
Les yeux tournés vers l’horizon, elle pensa à toutes les personnes qu’elle avait touchées, à la manière dont chacune, à sa manière, avait contribué à ce mouvement. Les petites actions quotidiennes, parfois invisibles mais toujours sincères, avaient déclenché une vague de solidarité, de bienveillance, d’empathie. Et c’était cela, la véritable magie. Pas les grands discours ni les grands projets, mais le pouvoir des détails, des gestes discrets qui, mis bout à bout, façonnent le monde.
En observant les premières étoiles apparaitre dans le ciel, Eline ressentit un calme profond. Cette journée était un souvenir qu’elle garderait précieusement, mais elle savait que le travail ne s’arrêtait pas là. Il y avait encore tant à faire, tant à éveiller. Mais ce soir, elle se permettait de savourer la paix qu’elle avait semée autour d’elle.
Demain, un autre défi l’attendrait, une autre opportunité de semer l’amour, de faire une différence, d’ouvrir les yeux de ceux qui n’avaient pas encore vu. Mais pour l’instant, elle s’autorisa à être juste là, dans cet instant de gratitude. La beauté du monde, bien qu’imperceptible à l’œil nu, était bien là, vibrante dans chaque petit acte d’amour, de compassion, de partage. C’était ce que l’énigme de l’univers lui avait appris : le changement venait de l’intérieur, et il était porté par la lumière de chacun.
Elle resta là un moment, ses pensées flottant dans l’air du crépuscule, comme si le vent lui apportait des fragments de sagesse à chaque souffle. Le monde autour d’elle semblait respirer au rythme de ses propres inspirations, comme si tout ce qu’elle avait fait, tout ce qu’elle avait initié, avait créé une onde invisible qui se propageait doucement dans l’univers.
Eline se leva lentement, laissant derrière elle le banc du parc où elle s’était réfugiée, et se dirigea vers sa voiture. L’ombre du soir enveloppait maintenant les rues, mais elle se sentait éclairée de l’intérieur. La fatigue physique de la semaine intense n’était rien en comparaison de l’énergie nouvelle qui circulait en elle. Elle savait qu’elle portait en elle quelque chose d’indestructible : une conviction inébranlable que chaque petit geste pouvait faire une différence, même si cette différence semblait minuscule aux yeux du monde.
Le retour à la maison fut un voyage intérieur. Les rues défilèrent sous ses yeux, mais son esprit s’évadait, balayant les moments forts de la journée, les visages souriants, les histoires de chacun, les liens qui s’étaient formés. Eline avait découvert que les relations humaines n’étaient pas seulement des échanges superficiels, mais des opportunités de se soutenir mutuellement dans la quête de sens.
Lorsqu’elle arriva chez elle, elle s’assit sur le canapé, fermant les yeux, écoutant le silence qui régnait dans la pièce. Le calme après le tumulte des événements semblait d’autant plus lourd de sens. Elle se sentait prête à laisser reposer l’agitation de la semaine, mais en même temps, elle savait qu’une nouvelle étape s’ouvrait devant elle.
L’appel à poursuivre cette mission, à faire grandir la vague de positivité, ne faisait que commencer. Le lendemain, elle reprendrait son rôle de guide, de catalyseur pour ce changement. Mais ce soir, elle s’accordait un moment de paix, un moment pour respirer, pour savourer la douceur de l’instant présent.
Et dans ce calme, Eline sentit le lien profond qu’elle partageait avec le monde. Chaque mouvement, chaque pensée, chaque action était comme une petite lumière allumée dans l’obscurité. Elle se dit que peut-être, tout cela n’était qu’une partie d’un processus encore plus vaste, encore plus mystérieux, mais qu’elle avait un rôle à jouer, et que chaque étape, chaque geste, la rapprochait de ce grand dessein.
En regardant par la fenêtre, elle aperçut à nouveau les étoiles, là-haut, brillantes dans l’immensité du ciel. Elles semblaient lui sourire, comme si elles lui disaient : Oui, tu es sur le bon chemin. Eline se sentit, pour la première fois depuis longtemps, parfaitement en harmonie avec l’univers et avec elle-même.
Tant que je regarderai le ciel, je saurai que quelque part, tu m’attends,
Je regarde le ciel, je te vois. Chaque étoile semble murmurer ton nom, chaque nuage dessine une silhouette qui me rappelle la tienne. Depuis que tu es parti, le ciel est devenu mon refuge, le lieu où je te cherche et où je te trouve, d’une certaine façon.
Quand le soleil se lève, c’est ton sourire que j’imagine. Quand la lune éclaire la nuit, c’est ta douceur qui m’apaise. Et quand le vent souffle doucement, j’entends presque ta voix me chuchoter de ne pas m’arrêter, de continuer à avancer.
Il y a des jours où le manque est trop lourd, où mes pensées sont noyées dans l’absence. Mais il suffit que je lève les yeux pour sentir ta présence, là, tout autour de moi, dans les nuances infinies du ciel.
Je ne sais pas si tu m’entends, mais je continue à te parler. Je te raconte mes petites victoires, mes doutes, mes rêves qui grandissent. C’est comme si, quelque part, tu m’écoutais, et cela me suffit.
Tu n’es plus là, mais tu es partout. Dans chaque souffle d’air, dans chaque rayon de lumière. Et tant que le ciel restera au-dessus de moi, je saurai où te trouver.
Il y a des nuits où les étoiles brillent plus intensément, et je ne peux m’empêcher de penser que c’est toi qui me fais un signe. Ces moments m’arrachent un sourire, même à travers les larmes. Je me demande si tu veilles sur moi, si quelque part, tu es fière de ce que je deviens malgré ton absence.
Quand les tempêtes s’annoncent, le ciel se charge de gris, et je ressens ce vide plus fort encore. Mais même dans ces instants sombres, je sais que tu es là, cachée dans les éclats d’éclairs ou dans le grondement lointain du tonnerre, me rappelant que la vie continue, que la lumière revient toujours après l’orage.
Je continue à avancer, à bâtir, à rêver. Pas parce que c’est facile, mais parce que je te sens avec moi à chaque pas. Tu m’as appris tant de choses, sans même en avoir conscience : à aimer sans retenue, à croire en la beauté des petits instants, à transformer le chagrin en une force douce mais implacable.
Le ciel est devenu mon confident, mon miroir. Quand je lui parle, c’est à toi que je m’adresse. Et chaque fois que je pose les yeux sur cette immensité infinie, je me rappelle que, même si nos chemins se sont séparés, notre lien demeure, immuable, aussi vaste et profond que l’univers.
Alors, je continuerai à te chercher dans le bleu des jours calmes, dans le rose des crépuscules et dans le noir étoilé des nuits. Et tant que je regarderai le ciel, je saurai que quelque part, tu m’attends.
******
FIN