Lettre sans fin

     Jim Newton était un riche collectionneur quelque peu spécial. Dans son manoir de la Nouvel-Orleans il réunissait une multitude d’objet que l’on pouvait qualifier d’anormal. Cela pouvait aller d’un masque étrange provenant de tribus africaines disparue à des objets de cérémonie sacrificiel en passant par des bouts de corps d’être déformé enfermer dans des bocaux de formol.  

Jim était extrêmement fier de sa collection, elle était pour lui sans égal, la meilleure de Louisiane.  Et lorsque son travail d’agent immobilier le lui permettait, il ne manquait pas une occasion d’organiser des soirées ou il invitait des clients et curieux aux gouts singuliers afin de partager sa passion pour le macabre. Il savourait toute cette attention portée sur lui lorsqu’il mettait en scène l’histoire de ses objets. Il aimait ces regards écarquillés, ces sourires malsains au coin des lèvres et ces visages complètement avides de détails, d’en vouloir toujours plus, comme une envie insatiable de faire partit de l’histoire de l’objet. 

Ce fut lors d’une de ces soirées qu’il rencontrât Rose, une femme magnifique à la peau blanche d’un ange et aux cheveux d’un roux flamboyant semblant tout droit sorti des enfers. Jim fut subjugué par sa beauté mais avant tout par cette façon qu’elle avait de le regarder, de l’écouter. Elle semblait le glorifier, le diviniser. Et lorsqu’ils échangèrent leurs premières paroles, sa voix innocente, son comportement naïf et surtout cette façon qu’elle avait de le mettre sur un piédestal, lui suffire à vouloir égoïstement profiter d’elle. 

 

Leur histoire ne dura pas. Pourtant Rose fut capable d’alimenter son égo à la perfection pendant quelque mois. Mais lorsqu’elle lui révéla ses sentiments, qu’elle l’aimait et qu’elle voulait un enfant de lui, ce fut beaucoup trop pour Jim. Ce fanatisme était allé trop loin. Elle se débarrassa d’elle en lui laissant un message sur son répondeur. Il n’avait pas envie d’être là lorsqu’elle allait se mettrait à pleurnicher. Bien évidemment elle tenta de prendre contact à de nombreuse reprise mais Jim l'ignora tout simplement. Rose avait été un bon divertissement. 

Alors qu’il pensait que tout était fini, Rose chercha à nouveau à rentrer en contact avec lui quelque semaine plus tard. Elle lui laissait d’innombrables messages sur son répondeur, des messages ou elle le suppliait en pleurs de revenir, des messages ou elle criait et jurai, des messages lui disant qu’elle lui avait envoyés une lettre et qu’il devait absolument la lire, puis d’autre encore ou elle chercha à savoir si Jim avait reçu la lettre, s'il l’avait lu, qu’il devait l’à lire. C’était pitoyable. 

Lorsqu’il reçut cette lettre, avec beaucoup plus de timbre qu’il n’en fallait, il finit par la jeter sur son bureau sans aucune intention de l’ouvrir. Puis après quelques jours d’insistance, Rose stoppa. Elle avait enfin abandonné et surement compris qu’elle n’aurait aucune réaction de la part de Jim. Le cauchemar semblait enfin fini. 

 

Quelque semaine plus tard Jim reçu la visite étonnante de la police et contre toute attente évoquant Rose dans le cadre d’une enquête. Ils lui posèrent des questions sur elle et son comportement, sur leur relation. Mais Jim, presque avec mépris, leur expliqua qu’il n’y avait pas grand-chose à dire. Tout à fait charmante au départ, elle devint hystérique lorsqu’il s’en était séparé et qu’il avait même dû changer les serrures de chez lui par peur qu’elle ne s’en prenne à elle. Ce à quoi, l’agent Erickson et son collègue, lui répondirent que Rose avait été retrouvée morte chez elle, apparemment elle c’était suicidé en s’ouvrant les veines justes après s’être mutilé le reste du corps. Mais après enquête, le plus étrange était ce qui était arrivé auprès de son entourage. Notamment, que toutes ses relations amoureuses de ces dernières années étaient mortes. Jim était le premier de cette série qui avait survécu. Les enquêteurs ne voulurent pas donner davantage de détail sur les conditions de toutes ces morts, mais cela fut suffisant pour alimenter l’imaginaire morbide de Jim. Il est vrai que Jim fut d’abord choqué et abasourdi, puis vint l’excitation, excitation de cette situation étrange digne des histoires des objets de sa collection.   

Le soir même, Jim organisait une soirée en l’honneur de sa galerie, ou plutôt, en son honneur. Il se vanta à tous ceux qui voulait l’entendre, tout le monde pour ainsi dire, qu’il faisait actuellement parti d’une enquête dont il avait été victime d’une psychopathe tueuse en série aux morts des plus étranges. Jim feintait une histoire horrible dont il avait profondément été toucher puis, sourire au coin, évoquait l’idée que la mort l’avait épargné et qu’elle l’avait même soutenue en se débarrassant de cette pauvre âme dérangée. La Louisiane est un état de superstition ou il est facile d’attirer les oreilles lorsqu’on évoque la mort. Alors pourquoi s’en privée si Jim pouvait attirer davantage l’attention sur lui. 

Jim passa une soirée particulièrement merveilleuse et à défaut d’un objet vaudou qu’il présentait ce soir ce fut lui le centre d’intérêt de tout le monde, pour son plus grand plaisir. Mais il garda en tête ce que tout le monde avait évoqué ; comme chaque histoire de sa collection il lui fallait un objet, quelque chose qui pouvait être au cœur de cette histoire, quelque chose qui aurait sa place dans son musée macabre. 

Il alla se coucher enthousiasmer par cette idée. Peut-être pouvait-il faire jouer de ses contacts pour avoir accès au corps de Rose ? Prendre des photos, peut-être un vêtement, un cheveu ou même l’arme avec lequel elle s’était suicidée ? “ La lettre ! “ s’exclama-t-il soudainement. Il se dirigea avec hâte vers son bureau et commença à fouiller parmi toute sa paperasse. Quelque chose tomba à terre ; l’enveloppe. Comme si elle voulait être trouvée au plus vite. Jim la ramassa et l’ouvrit avec empressement. Il s’interrompit brusquement lorsqu’il constata qu’une autre enveloppe, plus petite, était à l’intérieur. Cette dernière semblait d’un autre siècle. L’enveloppe était comme jaunie par le temps. Une écriture calligraphique à la main indiquait une adresse tout autre que la sienne, toujours en Louisiane, mais dans le quartier de Métairie, qui se trouvait totalement à l’ouest de sa propriété, de plus, l’enveloppe s’adressait à un certain Louis Pointe du Lac. Il retourna l’enveloppe et s’étonna de la voir scellée par un sceau de cire rouge sang avec les initiales “CL” en son centre. Jim était à la fois confus, curieux et méfiant. Cette lettre devait avoir des décennies voire quelques siècles et le sceau de cire venait appuyer davantage cette idée. 

Jim commença alors à manipuler ce courrier avec le plus grand soin comme si elle était un objet de sa collection. Il ne pouvait s’empêcher de se demander pourquoi Rose lui enverrait-il quelque chose ayant l’air si précieux, qui plus est, par voie postale ? Peut-être cherchait-elle à se faire pardonner, un cadeau désespéré qu’elle pensât assez unique aux yeux de Jim pour qu’il revienne vers elle ? 

Quoiqu’il en soit, il ne pouvait pas en rester là. Son âme curieuse de collectionneur et avide d’histoire se devait d’ouvrir cette lettre. Il prit des gants, un masque, quelques outils afin de retirer le sceau et de petites pinces afin de retirer son contenant avec délicatesse. Il s’exécuta jusqu’à retirer la lettre. Cette dernière avait l’air, sans surprise, aussi ancienne que l’enveloppe. Jaunie à plusieurs endroits par le temps elle n’en restait néanmoins intacte. Simplement plier en deux, Jim l’ouvrit lentement pour éviter qu’elle ne se déchire au niveau du plie. L’espace d’un instant, alors qu’il commençait à peine à entrevoir les mots, il crut voire ces derniers vaciller avant de se fixer. Surement la fatigue. Il était tard. Il orienta sa lampe de bureau d’une meilleure façon afin de mieux étudier la lettre. 

 

“ Mon amour, 

Mon cœur saigne de ton absence. Chaque jour qui se lève ne m’apporte que ténèbres et désespoir. Seuls ton sourire, tes caresses et ton regard sauraient raviver cette flamme qui pourrait me raccrocher encore à la vie. 

Si ma mélancolie semble si intense, c’est, car je ne sais plus différencier mes illusions du monde réel, des rumeurs de la vérité. 

Jouons à nouveau à ce jeu, veux-tu mon amour ?  

Continue cette lettre comme si nos cœurs ne faisaient qu’un. Comme si nos vies étaient entremêlées dans un même crin raisonnant sur le violon du destin. 

Oh, mon amour, dis-moi que tout ira bien. 

Oh, mon amour, dis-moi que chaque beauté de ce monde n’a de sens que je suis à tes côtés. 

Oh mon amour, dit moi que tu te ferras encre sur le papier afin de pouvoir sentir la chaleur de ma peau lorsque cette lettre me reviendra. 

Oh, mon amour, dis-moi que la mort est une sentence moindre face à l’absence de mes baisers. 

Oh, mon amour … 

“ 

 

La lettre s’arrêta alors, laissant toute autant de place pour que le supposé amant puisse continuer. Mais rien, pas le moindre mot ne suivait. Auquel cas, Jim supposa que cette histoire n’avait pas dû finir de la meilleure des façons. Cette femme avait l’air d’être totalement désespérée, désemparée. L’espace d’un instant Jim avait presque pu ressentir toute la détresse qu’elle éprouvait au moment de l’écriture. Une goutte de sueur perla de son front et tomba sur la lettre. Il recula cette dernière subitement et remarqua qu’il était en nage et que son cœur battait à tout rompre. Jim se sentait bouleversé, en proie à un vide laissé par quelque chose d’important. Jim réunit ses esprits. Encore une fois, il était tard, il se sentait fatiguer et des maux de tête commençait, lentement mais surement, à marteler son crâne comme un foutu 4 juillet.  

Tout cela n’avait aucun sens. Cette lettre semblait dater d’un temps révolu et pourtant, chaque phrase, chaque mot utilisé avait été rapporté de nos jours. Comme si cela cherchait à se faire comprendre de la meilleure des façons aux yeux de son lecteur. Rose n’avait surement pas envoyé cette enveloppe sans en connaitre le contenu, cela semblait bien trop personnel. Mais comment était-ce possible alors que le sceau paraissait ne jamais avoir été brisé. Il jeta un coup d’œil à l’intérieur de la première enveloppe, peut-être trouverait-il quelque information sur son contenue. En effet, il y trouva un post-it, il reconnut l’écriture de Rose : “ Crève connard ! “ . Jim se glaça. L’espace d’un instant, il resta immobile. Son cœur s’emballa de nouveau lorsqu’il pensa à ce que la police lui avait dit à propos des dernières relations de Rose. Il ne savait comment, mais Jim comprit qu’il venait de tomber dans son piège, que son destin venait d’être scellé. 

Jim fut pris de violent vertige. Sa vision se troubla et tandis qu’il essayait de se rattraper à quelque chose, il crut entendre le rire d’une voix féminine dans un écho lointain, puis tout devint noir. 

Jim se réveilla allongé sur le sol, en milieu de journée. L’air un peu perdu au départ, il se rappela rapidement les faits de la veille. La lettre était bien là, sur le bureau, à côté du post-it de Rose. Il fut soudain pris d’une légère anxiété, mais il tenta de rationaliser les évènements. Jim avait été dans un moment de fatigue extrême et peut-être même avait-il été sous l’effet de quelque verre d’alcool qu’il avait bu durant la soirée. Tout cela mêlé à son imagination, avait dû créer un cocktail quelque peu troublant.   

Étrangement, il ne put s’empêcher de verser quelques larmes. Un manque, il ressentait un manque béant, mais il ne saurait dire de quoi. “Mon dieu, mais qu’est-ce qu’il m’arrive ! “ s’écria-t-il avec colère. Il alla dans la salle de bain afin de se passer un peu d’eau fraiche sur le visage. Il avait une mine affreuse, son teint devenu extrêmement pâle, faisait ressortir plusieurs vaisseaux sanguins d’un bleu sombre. Il retira sa chemise encore transpirante de la veille et passa un gant humide sur son visage ainsi que sur son corps. Il fut alors pris d’une vive douleur lorsqu’il passa le gant sur son torse, comme une aiguille lui transperçant la peau. Il remarqua alors un poil blanc et dru parmi son torse brun. Il prit une pince à épiler afin de retirer la source de sa douleur. Mais lorsqu’il tira, accompagné d’une douleur intense, ce poil semblait paru s’extirper sans fin de sous sa peau. Jim continua à tirer, écarquillant les yeux de terreur en remarquant des poils sanguinolents était entremêlée au premier doublant alors son épaisseur. Le calvaire stoppa lorsque cet amas de filaments atteignit une bonne cinquante de centimètres. Sous le choc, la respiration haletante, il observa plus en détail le corps étranger. Pris de panique, il se précipita vers son bureau et relue la lettre ; “...comme si nos vies étaient entremêlées dans un même crin …". “Ce n’est pas possible !” s’écria-t-il. Jim pensait devenir fou, cela ne pouvait pas être une coïncidence. Cette lettre était maléfique ! Rose avait jeté un sort dans cette lettre, elle voulait qu’il meure et les premières étapes menant à sa fin venaient de commencer. 

Jim tenta de se ressaisir, il devait trouver une solution, un contre sort, n’importe quoi ! Il tenta de passer en revue les informations qu’il avait sur la lettre. Il avait le nom de l’amant, les initiales CL sur le sceau de cire et enfin une adresse. Il commença par chercher sur internet en entrecroisant les différentes informations, mais rien. Il eut alors l’idée de prendre contact avec une de ses connaissances, il était historien et lui avait permis d’acquérir plusieurs pièces de collection en corrélation avec des rituels en tout genre. Il informa son ami sur la lettre, en omettant tous les passages qui le ferai passe pour un fou. Il lui demanda de faire au plus vite, car il avait l’intention d’organiser une soirée dont la lettre serait la pièce maitresse. En attendant des retours de sa pars, Jim s’attela à passer plusieurs coups de fil afin de pouvoir récupérer une copie du rapport de police concernant l’enquête sur Rose. Il passa tout l’après-midi au téléphone quand enfin un de ses riches contact, qui lui devait un service, l’informa qu’il était en mesure de récupérer ce rapport et qu’il lui transmettra par mail dans la soirée. 

L’attente était interminable. Les secondes étaient des minutes et les minutes des heures. Il recassait malgré lui tous les évènements dans sa tête et du a de nombreuse reprise calmer les crises de panique dont il était victime pour la première fois de sa vie. De plus, il se sentait faible et fiévreux et aucun médicament ne semblait l’apaiser. Il tenta de se reposer un moment en s’allongeant dans son lit. Il ferma les yeux et essaya de faire tant bien que mal le vide dans son esprit. Une main passer lentement sur son visage l’aida à s’apaiser, une autre passer dans ses cheveux le fit s’enfoncer un peu plus dans un sommeil léger, puis vint le baiser de ces lèvres fines et chaudes… Jim ouvrit les yeux en sursaut tandis qu’une forme humaine, comme une image rémanente, s’effaça de sa vue. De nouveau son cœur battait à tout rompre. Si cela continua ainsi, sa mort se résoudrait à une simple crise cardiaque.  

Jim pensa devenir fou, d’autant plus que ce vide qu’il avait ressenti plus tôt se creusait davantage. Il avait cette boule au ventre, un sentiment de manque mêlé à celui d’une extrême souffrance mentale, comme pour le drame d’une personne disparue, d’un être cher, d’un être aimé. Son ordinateur émit un son de notification. Jim se précipita dessus, ouvrit ses mails et le rapport d’enquête. 

Il y fut d’abord décrit la vie de Rose comme ayant eu une enfance tout à fait normale, elle était extrêmement proche de son père jusqu’à ce qu’il décède il y a une dizaine d’années. S’en suivit d’énorme cas de dépressions appuyer par la succession de plusieurs déceptions amoureuses. Elle entreprit de passer 3 mois dans un séminaire tenu par une certaine Mme Laveau. Lorsque Rose en fut sortie, elle allait extrêmement mieux selon sa psychiatre. Elle émanait d’une joie de vivre hors du commun. Mais ce fut à partir de cet instant que plusieurs morts étranges eurent lieu dans son entourage direct. Accident, suicide et mort inexpliquée. Impossible de relier chaque mort à Rose, elle semblait juste être un chat noir pour chacune de ses relations. D’autant plus que chaque mort avait lieu plusieurs semaines ou mois après chaque rupture. Plusieurs photos, toutes plus macabres les unes que les autres, venaient agrémenter le rapport. Dans d’autres circonstances, Jim aurait été friand de ce genre d’évènement, mais ceci était une tout autre histoire, car sur chaque photo c’était lui qu’il imaginait à la place du cadavre. Une photo en particulier attira son attention. Une pièce d’appartement, un salon, remplis d’une espèce de duvet filandreux sur tout le sol et grimpant sur tout le mobilier. Il zooma sur la photo et fut horrifié. En plein centre la pièce dépassait la tête d’un homme, les yeux grands ouverts, le visage figé dans une terreur absolue, du crin de cheval sanguinolent sortant de sa bouche. Tout la pièce était remplie de… Jim sursaute lorsque son téléphone sonna sur son bureau. Il décrocha aussitôt et commence à échanger avec son ami historien. 

Il disait avoir retrouvé la trace de Louis Pointe du Lac qui avait fait fortune grâce à l’exploitation du coton dans le milieu des années 1800. Il tomba éperdument amoureux d’une femme du nom de Claudia Laveau, fille de Marie Laveau. Jim tiqua ; il connaissait l’histoire de Marie Laveau, surnommée la reine du vaudou, l’ont dit qu’elle était responsable de plusieurs cas étranges liés à l’occulte, des disparitions, des morts, et qu’elle organisait de sombres évènements dans sa célèbre maison clause nommée « La maison blanche ». L’ami de Jim expliqua qu’après avoir eu deux enfants mort-nées, Claudia avait commencé à perdre la tête. Selon certaine source, Louis avait été contraint de s’absenter et de partir en Europe pour un voyage d’affaires. Claudia et Louis s’écrivaient tous les jours, mais lorsqu’il ne répondit plus, après quelque temps, elle ne fut pas dupe. Louis l’avait abandonné à son sort et n’avait nullement l’intention de revenir en Louisiane. Des rumeurs se rependirent en disant que Louis l’avait abandonné, qu’il avait épousé une femme en Europe plus saine d’esprit et capable de lui donner un enfant. Ce fut suffisant pour Claudia de perdre totalement pied. Après avoir écrit sa dernière lettre, elle s’égorgea avec son stylo plume alors qu’elle était enceinte de son troisième enfant.  

À cet instant Jim reçu comme une décharge électrique. Il crut alors comprendre d’où lui venait ces ressentis, ces fluctuations d’émotion dépressive et de manque. Ils appartenaient à Claudia. Jim eu le souffle coupé, littéralement, submergé au même instant par de vive émotion toute plus sombre les unes que les autres, accompagné d’une rage et d’une haine croissante. « Pourquoi ne me répond-il pas ?! « S’entendit-il crier avec colère. Il fut pris d’énormes maux de tête comme si quelqu’un cherchait à défoncer sa boite crânienne de l’intérieur. Il réussit à reprendre son souffle et remarqua une tache d’encre noire sur sa chemise. Il la déboutonna, déchira à la hâte et constata que là où il s’était arraché le crin cela avait fait place à une plaie purulente mélangée à ce qui semblait être de l’encre noire. La plaie s’était gravement infectée et formait un point d’où partaient de grandes lignes sinueuses sombres parcourant le dessous de sa peau devenu bien trop pâle. Il alla dans la salle de bain et constata que son visage était dans le même état que son corps lui donnant un aspect cadavérique. Il fut soudain pris d’une toux sans fin. Il plongea sa main dans sa gorge et attrapa une poignée de crins qu’il commence à dégurgiter. Il tira, tira et tira jusqu’à avoir retiré une quantité disproportionnée. Il tomba à genoux, cherchant à reprendre son souffle, mais il fut pris de violente nausée jusqu’à vomir un liquide sombre et filandreux. Il essuya des larmes et se retrouva les mains remplies d’encre noire. C’était un véritable cauchemar. À nouveau il fut pris de vertige à mesure qu’un sentiment d’impuissance grandissait en lui. Sentiment décuplé lorsque des douleurs abominables lui parcoururent le corps comme des vers creusant à l’intérieur de ses organes. Il voulut en finir, s’en était trop. Jim tituba jusqu’à son bureau. Dans sa folie il entendait des échos de pleurs de bébé, premier et dernier, il le savait, des enfants mort-nés de Claudia. Il pouvait ressentir tout ce qu’elle avait pu ressentir ; cette souffrance, cet amour, cette haine, cette rage, cette impuissance. Jim chercha la chose la plus pointue à sa portée. Quelle ironie du sort lorsqu’il trouva un stylo plume. Il prit ce dernier fermement dans sa main, bien décidée à mettre fin à sa vie. Lorsqu’une idée lui traversa l’esprit. Il posa le stylo sur la lettre encore ouverte sur son bureau et commença à écrire. Il comprenait enfin. 

À mesure qu’il écrivait, les douleurs commencèrent peu à peu à s’atténuer, les vertiges stoppèrent et son mal de crâne devint plus supportable. Lorsqu’il eut fini de rédiger la suite de la lettre, même son corps avait repris des couleurs. Tout ce que voulait Claudia était une preuve d’amour, quelque chose auquel se rattacher. La vie lui avait fait affronter des épreuves beaucoup trop dures à surmonter et quand le dernier rempart la rattachant à la vie s’est écroulé elle n’eut plus aucune raison de se battre. 

Jim replia la lettre et l’a rangea dans son enveloppe. Comme par enchantement, un sceau de cire apparut afin de sceller l’enveloppe. Jim ne broncha pas, plus rien ne pouvait le surprendre ce soir.  

Il prit la lettre avec lui et sortie de chez lui. Il entreprit de prendre sa voiture et de conduire jusqu’au cimetière Saint-Louis.  

Jim trouva la tombe de Claudia dans un mausolée dédié à sa famille et déposa la lettre à l’intérieur en espérant que Claudia trouve la paix. 

Lorsque Jim retourna chez lui, il prit le temps de marcher au milieu de sa collection, il se rendit alors compte combien tout cela était futile et malsain. Tout cela représentait les traits d’un homme égoïste et sans pitié. Il avait été un monstre toute sa vie et plus particulièrement auprès de Rose. Certes elle aurait dû avoir des soins spéciaux afin de lui venir en aide, mais à aucun moment il n’avait cherché à l’écouter ou même ne serait-ce que tenté de savoir qui elle était vraiment. Il était trop centré sur lui-même, croyant que tout lui était dû. 

Jim éteignait les lumières et quittait la pièce lorsqu’un bruit étrange se fit entendre comme, comme quelqu’un qui se déchirai la peau. Et lorsqu’il ralluma la lumière, il dut s’accrocher au montant de la porte pour ne pas s’écrouler. 

La lettre était là, sur le sol, en plein milieu de la pièce et de sa collection.  

*

L’agent Erickson pénétra dans la maison avec son collègue, la porte d’entrée était grande ouverte. Il s’annonça et chercha à savoir s’il y avait quelqu’un dans la maison. Aucune réponse. Son collègue actionna le répondeur du téléphone qui était dans l’entrée et entendit la personne qui les avait contactés au préalable afin de jeter un coup d’œil chez son ami. Ce dernier disait que Louis n’avait jamais trompé ou eu l’intention de rester en Europe loin de Claudia. S’il n’avait pas répondu à ses lettres, c’est, car il prévoyait de rentrer plus tôt, mais son bateau fut victime d’une avarie mettant plusieurs semaines avant d’être secourue et rapatrié en Louisiane. Louis fut totalement détruit lorsqu’il apprit pour Claudia et finira comme ivrogne écumant les bars de la Louisiane avant de disparaitre, surement mort dans une ruelle sombre. Ce qui est triste c’est que Claudia mourut en portant une rage et une haine en elle envers celui qui pourtant l’aimait de tout son cœur. Plusieurs lettres où elle souhaitait la mort de Louis avaient été retrouvées chez elle en totale contradiction avec celle retrouvée sur son bureau.  

Les deux agents avancèrent et remarquèrent de nombreuses taches noires sur le sol accompagné de ce qui ressemblait à de longues poignées de cheveux  

Suivant ces traces, les taches se transformèrent en flaque et les amas de cheveux se firent de plus en plus abondants se noyant par endroit dans le liquide visqueux. À contrecœur les agents n’eurent plus le choix que de mettre les pieds dedans tellement on ne pouvait plus discerner le sol.  

Ils arrivèrent alors à l’entrée d’une pièce sombre. Erickson chercha l’interrupteur et l’actionna. Ils découvrirent alors horrifier le propriétaire, mort, assis sur une chaise au milieu de ses œuvres. Il tenait encore un stylo dans sa main avec lequel il s’était surement tranché la gorge et d’où s’écoulait ce liquide bien trop noir pour n’être que du simple sang. Sa tête tombait en arrière sur son siège et semblait avoir été figer dans un moment de terreur ultime. Puis de son torse, par une plaie affreuse, s’échappaient les cheveux qui avaient réouvert toute la pièce. Jamais les agents n’avaient vu une chose pareille mis à part sur les photos de l’enquête liées à cet homme. 

L’agent Erickson s’empressa d’appeler du soutien en exposant les faits tandis que son collègue lui montra quelque chose au sol par un signe de tête. Dans tout ce bazar, juste à côté du mort, une lettre semblait avoir été totalement épargnée, comme si une bulle invisible l’avait protégé. Surement une lettre d’adieu. Ils allaient devoir la faire analyser.  

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