L'Horloge Tourne - Mickael Miro

Par Pouiny
Notes de l’auteur : https://youtu.be/PGm5CxWOXzI

Je pense que beaucoup d’adolescents de mon âge vont voyager avec moi, pour cette chanson-là. Il y a des centaines de genres de musique, mais en fin de compte, il n’y en a que deux types : celles qui nous suivent une vie entière, et celles qui ne sont là que pour quelques jours, quelques semaines, quelques mois tout au plus. « L’horloge tourne » fait partie de la deuxième catégorie.

 

On l’entendait partout quand j’étais au collège. Dans la radio de mon père le matin, sur les enceintes des élèves dans la cour de récréation, dans le bus en rentrant le soir. Elle a dû marquer nombre de fêtes de fin d’années et de cours de musiques : pour ma part, je l’entendais lors de la fête du collège pour la fin de ma cinquième. C’était le genre de chanson tournante, dont tout le monde chantait très fort le refrain, qui ne comprenait que des onomatopées. De toute manière, qui au collège saisissait son sens au-delà du premier couplet ? Tout ce qui attirait les adolescents que nous étions, dans cette chanson, était la mention de la majorité, de l’extase d’être enfin libre. « Envolée ma virginité, je ne suis plus un enfant. » Nous ne rêvions que de ça, après tout.

 

La rythmique entraînante à la guitare de « L’horloge tourne » accompagnait nos vies. Puis, un jour, elle est partie. Elle a disparu, sans crier gare. S’est-elle faite remplacée, ou peut-être simplement qu’elle avait lassé ? Tout le monde a fait comme si elle n’avait jamais existé. Tous ceux qui criaient son refrain se sont tus, ou ont entonné d’autres tubes de l’époque dont je n’ai plus le nom. Puis, personne ne l’a vraiment recherché. J’ai vu, autour de moi, les gens l’oublier, disparaître, un à un. Cette musique qui avait tant marqué, tant plu, était devenue le bout de papier chiffonné dans un fond de placard. Elle avait glissé dans l’oubli sans même que personne ne le réalise. Et moi, qui n’avais jamais véritablement pris le temps de l’écouter, je me trouvai assez perdu face à cet effet de masse. Comment une si grande explosion pouvait laisser un si grand vide par la suite ?

 

Une fois au lycée, j’ai retrouvé son titre, que je n’avais jamais entendu jusque-là. Pendant tout le collège, cette chanson s’appelait juste « dam dam déo ». Et, bien après tout le monde, j’ai apprécié cette musique que je ne faisais que subir sans trop le dire durant mon collège.

 

J’ai aimé cette accumulation d’instruments, qui marquait le temps qui passait et accompagnait les images du clip, soulignant en un effet simple l’accumulation de souvenirs que cause le temps qui passe. J’ai été surpris de comprendre que les paroles parlaient de sujets qui ne concernent absolument pas les collégiens, et qui me parlaient bien plus à présent que je m’approchais véritablement de la majorité. J’ai aimé ce jeu dans les couplets, qui reprenaient les mêmes mots et les mêmes tournures de phrases sans qu’il y ait le même sens, créant des échos. J’ai ressenti, au-delà de son air entraînant, une sorte de nostalgie à l’idée de grandir. Une idée qui, dans nos jeunes années, ne nous serait jamais venue à l’esprit et qui s’imposait au fur et à mesure que la vie devenait complexe.

 

Je me suis senti un peu coupable pour Mickael Miro. Qu’est-ce que cela peut faire, de savoir que le monde entier entend sa chanson sans jamais prendre le temps de l’écouter ? Je regrettai de ne m’y être jamais intéressé au-delà de la radio et des fêtes du collège. Avec un peu de honte, en sachant que le titre devait être considéré comme ringard aujourd’hui, je l’ai téléchargé et je l’ai installé sur mon iPod. Et, de temps en temps, je l’écoutais. Quand j’avais besoin de retrouver ce petit sentiment de nostalgie sur fond de guitare sèche, elle me venait naturellement dans les oreilles. Et plus le temps filait, plus je grandissais, et plus je ressentais un peu plus légitimement ce que transcrivait la chanson.

 

Désormais, je ne suis pas encore arrivé au troisième couplet. Mais je continue d’y penser, et d’entretenir cette musique devenue Capsule. Avec une pointe de curiosité, je me demande ce qu’il se passera quand j’arriverai au point final de la chanson. Qu’est-ce que je ressentirai ? Est-ce que je me rapprocherai de son vécu, ou trouverai-je, enfin, que les paroles sont peut-être un peu mièvres ? En attendant d’avoir la réponse, je l’écoute en faisant passer le temps, chantonnant quelques mots en tenant le compte. J’espère que je serai bien là, au rendez-vous que je me suis fixé.

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