L'ourdissoir

Par Elk
Notes de l’auteur : L'ourdissoir

1

 

La fiction est excusable

Toutes les vérités s’imaginent

Mes constructions de sable

Se buttent aux aiguillots

De la douce mer clandestine

 

Ses embryons de songe pâlot

Crachent des petits poissons marins

Ou bien des ventres de chèvre

Qui crèvent dans mes mains

Deux chimères malheureuses

 

Caressent la queue d’une guivre

À cette vision venimeuse

L’univers attend l’hypothèse

Comme un conte nouveau

Tout cela en parenthèse

 

La moindre construction de l’univers

Les aigles croient aussitôt

Ils forgent une vision solitaire

À partir de cellules supérieures

Dans la profondeur d'immersion

 

De l’évolution du seigneur

À supposer qu’un fantasme

Fait songe au portail du bon

Le mal est un pléonasme

De vains et de fous mirages

 

Une hallucination naissante

Ce sang servant évolue sage

D’un procédé qui consiste

À renier que gorge hante

Les confessions non inscrites

 

2

 

Il pleure des abîmes à la racine des cheveux perdus

Arrosoir vexé des temps gâchés

Végétation émoussée, bestioles et autres raz de marée

Le sable roulette en cercle vicieux

Sur la plage ou grain de peau

Lance des rêves de jardin aux sirènes

Simple exercice de coiffure en apparence

Maladie de l’âge de pommade

Sur un tempo d’arthrose

Maquillage d’une richesse d’années

Mes mains comme une robe de dentelle

Noire pauvre d’ajours dans une nuit

D’une mauvaise lune grise

Mon corps aime l’élan

Refuse une démolition annoncée

Dans le théâtre du bâtiment

Nous goûtons au vin démodé

Par un ensemble de bon sens

On oublie que les grands s’amusent aussi

Chevaliers des jeux stupides

De batailles en nouveaux jouets

Comme un talent d’assemblée

Maison établie depuis longtemps

On apprend ce qui est essentiel

Et s’éloigne un peu plus au nord

Au grand froid d’antan

Les insignifiantes joies

Qu’un imbécile tirait parfois

Au siècle dernier de son arc d’or

Docteur n'importe quelle roulotte

Quelle cravate fera l’affaire

Dites-moi ma voix s’en va

Pourtant une remarque d’attitude

Je l’ai bien là au bord des yeux

Une mort ce n’est pas très important

On n’a pas peur de l’inutile

Et tant que celui-ci battra

Il faudra bien rester

 

3

 

Se mettant derrière provisoirement

Au loin de la pluie des températures relevées

À couvert météo nous disséquons l’avenir

Courir à l'abri d'un mur

Solide d’une humidité, d’une erreur

Antiaérien d’un accident

Antiatomique des adversités

De tous ses regains de relent

Des affameurs de bonheur

La télé qui marche

Le son toujours à fond

Comme enfin quitter son armée

Délaisser tous les services d’opium

Traiter comme du poisson pourri

Tous les fous de la propagation

Et je regagne ma sociologie

Cette résistance face aux intrigues

Surtout quand les enfants crient

Et que je rencontre leur mère

Aux rendez-vous des cheminées

Aux dîners de brochettes aux empilages d’assiettes

Source de convergence physique

Au domicile je regagne

Contre l’œil du mauvais sort

Toutes les rébellions mathématiques

La lecture éteint l’incendie d’Astrapi

Étudiants au club conjugal

Les résidences fondées des arts ménagers

La propagation des patates sautées

Et leur cinéma exempté

Des affres des brûlures de la vie

Des hôtels bondés, âgés et seuls

Les graines de tournesol sur le sol

Ça ne pousse pas sur le plancher

Mais fondent sous nos pieds

Des bruits d’insectes écrasés

Messager contre les coups de couple

J’entends leur son porter des lunettes

Du foyer les portes sont ouvertes

Et même virtuel il ne sort plus ce soleil

 

4

 

Sans manger devant je te rejoins à pied

Tu pars déjà en ville à bicyclette

Cinq minutes de stop et encore en voyage

Fâchée avec un autre aéroport

Sans laisser d'adresse en courant

À destination d’un pays lointain

Une semaine d’observation très simple

Pour que commence la pêche de tournée

La flèche réplique au bouchon

Le compte d’une retraite pour réussir

Nous sommes bien mal partis

Avec la récession se ficher de quelque chose

Tu es tellement en croisière

Que le coup part tout seul

Le sentier d'ici tout près

Favori concurrent à une course

Des branches du tronc

L'entreprise a des faux airs en bémol

Il faudrait qu'il fasse beau

Voilà il pleut et je suis bien

Du principe que dure

Le mauvais temps expédié d’un graffiti

La saleté part bien mal

L'étiquette lance son monologue

Au coin de l’âtre mourir

Dans l'espace du feu tout a basculé

Dans le pays où tu résides

Supérieur ou égal dans le temps

Les enfants ne sont admis

Fabriqués à partir de chimie

Et l’exemple a démontré que

De ces chiffres possibles

Un échantillon représentatif

D’un certain chemin figuré

Marques de digressions apparentes

Écart par rapport à un lit

Les avenues de la place de l'Étoile

Donne un ordre battu d'avance

La troisième de la gauche d'un fait divers

Se lancer quand tu es partie

Ca ne t’arrête pas d’enfer

D'une bonne intention, d'un bon sentiment

J'ai beau frotter, ça ne part pas

 

5

 

Un verbe de table entre par un souffle

Assis sans projet au bout du bar

En théorie son groupe est plus facile

Des trois dans le premier ils finissent par ER

Mais je ne cherche plus, je m’essouffle

J’ai pris mes habitudes de vieillard

Alors dans sa déclinaison juvénile

Il se termine sans en avoir l’air

Pourtant son action sans arrêt ni espoir

N’excluant pas la chance ni le courage

Ou davantage lorsque tout est fini

Il laisse une drôle de matière

C’est de la solitude, cessez de croire

Que cette douleur s’ajoute à l’orage

Solitude lorsque personne ne doit

S’en retourner aux jardins des sens

Le sommeil prend bien soin d’expliquer

Qui confie sa passion d’une main

Perd son cœur en chemin

 

6

 

Il y a un bonbon sur mon dessert

Comme un chou en chef ou un ange en enfer

Ou pour ainsi dire ton littoral

Ce fruit doux, cette mer douce

Acidulé, sucré, un peu ouvert

Cidre doux et camembert

Ta part de faire pure et fraîche

Un vinaigre tassé silencieux

Au fond de ce bol

Ce dégradé d’épice bonhomme

Sucre ce vin poivré qui gomme en bouche, sourit gentil

Une agréable nature et sa voie qui part, qui sonne

L’eau sent la transpiration

Et sa chanson à l’huile

Pour que cela frémisse

S’étend, s’étire et sincère

Susurre des douceurs à l'oreille

Un animal vermeil

Adorable et vieil

Chasse au goulot au croûton

Pour que ça recommence

Et pour que ça s’amadoue

Avec un bon béguin

Sans en avoir l’air, la culotte à l’envers

Aimer ce qui est amer

 

 

7

 

Un chien aboie

Et la pluie qui griffonne

Pardessus pour tout éclabousser

Cette nuit le ciel est aveugle

Et les nuages paisibles

Ne sont qu’un flou d’atmosphère

Par endroits dans la journée

On aurait pu se douter

Déjà que l’altitude à couvert

Cachait des regards vitreux

Et tous vivants d’agitation

Pensant bien par-dessus le marché

Saisissent peu les célestes tic-tac

À moins la courbe des chaussures

Et l’oubli enlève ce plat sanctuaire

Comme la brume approche

Je renifle un regard

En fait un appel au plus léger

Au plus léger nébuleux

C’est un esprit qui miaule

À la lune et au bourdon

La maison de la tempête déménage

Et sous ma casquette d’agitation

Elle pense vivre encore au chaud

Compote sentimentale de circonstances

Servante d’une sérénité nautique

Et l’environnement règne

Ses dynasties de tours grises

Ou des trônes mis jadis

Se soulagèrent de tous les Robespierre

Et pissent dans mon siège arythmé

Le sang du mauvais temps

La pluie ronfle comme un vieux chat

Et ses larmes m’envahissent

Caresses d’aspiration ce soir

Dans ma belle fourrière noire

 

8

 

Juchés tout en haut de l’horloge

À la place des réverbères

Cyclope, le céleste œil

Regarde bien tout

Et ces nouveaux airs rubicans

Et ces mains raves et canues

Je m’en vais

À mon moral semé de poil blanc

Ses yeux tintés de tourmaline

Et des idées

Il en existe aussi de bleues et de vertes

Les chambres à coucher des femmes

Entrent dans la biche ruelle

Et tiennent salon entre mes aisselles

La rue vivace où elles passent

Comme un vent entre les fleurs

Les façades perdent leurs pétales

Des insectes écument de neige

Et ressemblent aux pollens

De bas, de gris puis de caniveaux

Elles emmènent la semence en poussière

Dans une drôle de promenade

À la cime des songes

Vers les sous-bois vipérins

Canopée où cantonne l’ourdissoir

Qui croît parmi les décombres

Le vert végétal, vieux voleur

L’oublié ouf des crotales

L’heure du soir pré-tissée

J’ai ma chaîne qui sonne

Avec un nom de constellation

Ainsi donc copine du matin

T’as des bourgeons dans le ciel

Et moi bon-papa aubère

Dont le feu précéda l’ode

Je souffle ohé concentré

Sur ces graines en capsules

Une chanson ouille à l’est

Sans esses ma voie trouée

Lynche le pain de ma jeunesse

Je m’habitue à l’ombre

Sur les trottoirs c’est là

L’orée de tes courants d’air

Regagné du regard la bise

Je la fume en papillon

Ma roulée des visions

 

9

 

Elles jouales qui jamais bien bavardent

En aval des chevaux blancs hennissent

Quand elles s’enferment sur la feuille

Des plumes aux pieds mes sabots glissent

 

Une petite recette lorsque les Muses

Aux bains chauds repassent d’ouïe

Les chemises ternies dont les songes

Comme bouffis se parent la nuit

 

Elles sont c’est pour de bon muettes

Émettre loin d’un coin de nourrice

Une proposition tournée en rond

Voir là-bas l’amant des indices

 

De toutes ces choses épuisées et nues

Considérer ces semeuses moyennes

Atténuées à peine par l’excès d’une mue

Respirant souvent des habitudes anciennes

 

Le farniente rouvre ses labres à balance

Et des heures durant peigne la girafe

Auquel l’abus arctique frotte sa présence

Le non-rai produit doux des erreurs

 

Dotée on ne sait comment d’un trait

Une forme faraude d’insecte libre

Paysan à musette et gris d’alphabet

Au baragouin dépourvu d’émotions

 

Comme des mots noyés dans un verre

« Labbe »  inversé qui fuit ses collines

Je vois défiler mes rêves sur la mer

Et mes larmes perdues chandelinent  

 

10

 

Selon ses sobres sentiments

Tout contre nous tout retenu

Pâleur ou rougissements

De l’unité centrale au dévolu

L’emploi du temps d’artichaut

Donne de drôles d’idées

Des quatre organes capitaux

Aux éthers solubles et variés

Chaque jour la leçon verte

L’on s’émeut du bois mort

Évanescence d’âme en alerte

Agitation collective d’un corps

Lorsque l’alcool des fiels

Saisonne le long des nerfs

Le blouson de l’arc-en-ciel

En art contraire de rivière

Trouble les genres inactifs

C’est une forme ici confuse

Là un sens vain alternatif

Qui ne sert ni ne s’use

Aucune chose, aucune qualité

Même humide du tempérament

En affecte la naïveté

Séreuse, triste, protégeant

La mécanique d’anti-matière

Maintenue à un fil élastique

Échappée d’aplomb désaltère

Grogner d’entrain thymique

Client d‘une vile allégresse

Aux souhaits de forme d’onde

Qu’il existe ou non en l’espèce

Un objet qui lui corresponde

Le parfum s’évapore si saint

Air d’une catégorie de vision

La vie entraîne sur son chemin

Les caresses déliées de la passion

 

11

 

 

Oblitérer son ticket en ligne

Et ses clous et ses nèfles

Dans n’importe quel ordre

Que dalle un peu de finesse

Editeur manifeste de fierté

Envers un objet hi-tech

Une émission, un film

Rillons indivisibles de l’ensemble

Saumure plus ou moins grave

Bonheur décomposable

Multipliable à l’infini

Exposant des machines

Et de la production facile

Avec une honnêteté naturelle

Celebret de consommation

Ça c’est du bon cochon

Vouée à la ramassette

 

12

 

J’ai la blouse en paletot. Les muscles toujours un tantinet durs, incapables de se relâcher. Je ressens trop, pas une fatigue mais comme une douleur ne voulant pas venir. Comme un éternuement qui n’explose pas. Je tords sur les barreaux de la chaise, mes orteils qui me donnent froid aux pieds. Les épaules ne veulent pas tomber. Je me dispute avec ma nuque histoire de faire craquer les seuls os peut-être endormis. Alors je me demande qu’est-ce que je fous ici. Il est bien tard pour taquiner la corneille de bâillements mouillés. Mais je continue à pousser un peu plus loin le rythme regain pour faire l’appoint et rendre et acheter quelque rédemption. À quoi, à qui, si ce n’est à tout peut-être. À rien juste pour rédimer. Pas un insecte pour troubler mon ennui, moi la friandise des moustiques. Ce soir, c’est pas festin, et si même eux m’abandonnent, alors l’automne est bien avancé. En fait les saisons m’indiffèrent. Je rêve souvent de leur absence. Je rêve qu’il fait beau tous les jours et qu’il pleut la nuit. Qu’il neige lorsqu’on va à la montagne si on veut skier et que le soleil brille pour se baigner n’importe où. Je rêve que le temps n’est pas un problème. Évidemment vu la tournure des événements c’est plutôt mal parti. On finira par utiliser les abris atomiques pour se protéger des ouragans. Quelle dérision et quel manque de planification de la part de Bruxelles. La tête a jeté l’ancre et se dirige dangereusement vers le dessus de la table. Je vais encore finir avec une marque qwerty sur la figure et me réveiller dans une heure avec deux maux de crâne. Voilà qu’une goutte de nez s’invite dans l’attente. Je crois que le rhume est aussi au rendez-vous. Tout cela arrive un peu comme un cheveu sur la soupe. Cela serait bien différent chez un médecin, un coiffeur ou un avocat. Parce qu’il faut faire des efforts pour voir un spécialiste. Ils ont besoin d’efforts, ça les rassure et les réconforte. Moi j’aimerais bien leur donner des rendez-vous aussi plutôt que de discuter avec mes gouttes de nez. Rendez-vous demain matin à la station de métro ou à minuit sous les ponts d’en bas. Moi je dis qu’il n’y a pas de raison, qu’on est tous malades et qu’eux aussi ils ont bien besoin de rendez-vous, alors je peux bien leur en donner des consultations. Recevoir les malades, c’est pas si compliqué, souvent on le fait même sans s’en rendre compte. Il y a tant de choses que l’on aimerait rencontrer : le beau temps, la croissance, la santé, la fortune ? Et quoi d’autre ? Ah oui, l’amour mais dans une réunion professionnelle c’est pas facile. Ou éventuellement à deux en fin de journée. Vous avez deux rendez-vous cet après-midi avec vos représentants d'Asie et de Scandinavie. Lequel choisissez-vous ? Ca dépend du lieu de rassemblement, de l’endroit du café. Je dirai les deux en même temps. Réponse lors de notre prochain rendez-vous sur les ondes. J’ai faim de décor. Je manque de soleil comme une lune en éclipse. J’ai besoin d’édifier mon intérieur de dessins, de motifs de tissu à fleurs. Surtout pas de papier peint. Plus particulièrement pas de celui qui commence à pourrir, vous savez au-dessus du lit. J’ai besoin de champs, de patates douces et de figurer un lieu représentant de ma raison de vivre. Sans faux-semblant ni trompe-l’œil. J’ai demandé à ma banque de m’envoyer des enluminures et des arcs-en-ciel en dur afin de m’aider à choisir. Faut bien se distraire. Un inspecteur est venu me contrôler. C’est déjà moins drôle, et il m’a tenu tout un discours sur les notions de fondamentalisme religieux pour les jeunes sans convictions politiques. On a été hippie maintenant on est terroriste. Avouons, tout de même, qu’on était plus tranquille avec les babas cool. Même les soixante-huitards en groupe étaient plus efficaces. Les p’tits gars d’Alamut butaient des individus. Dorénavant les gens importants sont bien en sécurité, comme on ne peut pas les toucher on bute les gens à tous vents. Moi je trouve ça dégueulasse et que ceux qui ont ouvert le robinet doivent assumer leurs responsabilités. USK[1] inch’allah.

 

13

 

Tes yeux brillent de gaieté

Mes songes sont remplis de joie

Et en rêves éblouis je te vois

Sans tes mèches dénudées

Et toutes les comètes en cheveux

Aucune étoile ne s’habille

Et comme mes assauts s’encanaillent

De certains soupirs valeureux

Alors parfois mon souffle est d’airain

Rien ne nous éloignera

Un brin de fin en nous là-bas

La mort ne nous partira point

Un sac de sentiments à la rivière

Pièces d’effroi balayées dans la gloire

Nous aurons moins peur de nous émouvoir

Aucune de tes chansons en arrière

Aussi parcimonieuse la pluie à la suite

Que si peu de gouttes changent tes sonnets

Ainsi assurés mes pas sur le parquet

Mes deux pieds rouges en fuite

Un filet d’échappée sur le sol

Je remplis l’océan seul je rame

Avec des courants cloués sous l’âme

Pour des humeurs ma barque s’envole

Symphonie de ton paysage

Je ne connais pas ton relief

Et reste un ensemble sans chef

Comme nul total en images

Et nos chaleurs au rayon X

Nos froids sans comptabilité

Complet désir étendu comme vérité

Ma soif marquée de tous les astérisques

Ces larmes de renvoi comme évidence

Voient un soupçon d’inclinaison sur le lit

Entière gouttelette d’un tableau d’apprenti

Le bleu sur la couche de l’engeance

Mi-myope floue ma vue est saoule

Le regard semblable aux arrêts de rigueur

Du fond de ma prison de jeûneur

Plus de rires brisés sur la houle

Tant de sourires sur tes flancs

Tes broderies disent au grand large

Il reste ton corps dans la marge

Tous les côtés sur mon versant

Et des empans d’amour en perspective

Arrière-pays donné aux coopératives

Zéro alliance flottant dans la brume

Et le brouillard plus ne fume

Comme si chacun de tes gestes zizanie

Divisent toutes les ordonnances

Un monde régenté suivant ta danse

Défaut de musique sous abris

Hospices blessés de crachats

Bave souillure mais tes notes respirent

Négatif du calme le bonheur transpire

Et exhale de fugaces entrelacs

Lacis d’ange qui n’ont pas de silence

 

14

 

 

Le froid rouleau de la nuit dévale les toits de la ville comme une vague en furie. Un ouragan du coucher lorsque le soleil s’enfonce viril, sans la faire bouger, la terre se rassasie de feu. Dans la bataille inondée pendant que les soldats de l’obscurité achèvent les derniers soudards de lumière, d’obscurs poudrins éclatent sur le pont des terrasses. Dans la pénombre soudain, coulent un à un les derniers restaurants et ils s’enfoncent alors aspirés par les lames du calme derrière les derniers coups de torchon et de rideaux métalliques.

Tout serein de gisants malgré les ultimes tentatives du vivant, le tableau décidément se cale sur le dessus du tourbillon d’un siphon et les flots ténébreux sans aucune accalmie l’avalent, le déglutissent et soudain touchant les fonds opaques le jour trépasse. Le pauvre bougre a des funérailles de carnaval et les cafés soudain sans marins restent pour célébrer l’hallali de la clarté. Les confettis de la joie ondulent à la surface noire et ponctuée de rires, le tintement des verres s’entrecoupe des aboiements de chiens errants, poissons maugréant aux fils du rets de la rue. Leurs bras pêchés sur l’étal de zinc, le coude vers le godet du voisin, les attardeurs de serveuses persistent et signent leur sous-bock de taches de vin. Dans leur flegme de sortie de pub, mal debout, le pied sur la barre du comptoir, ils dédicacent en même temps le bout de leur manche et parfois un pantalon à côté marchant pressé pour aller pisser.

Dans les allées des forêts, frayant leur chemin au milieu des troncs de jambes, quelques enfants tannés courent après leurs aînés. Réfléchis sur des coins de table, des bacs mortuaires circulaires regorgent de cendres déposées en volutes par des mains détachées. Comme se consument les rêves, les cigarettes disparaissent, laissant des impressions photo douleur de leur canevas de cancrelat au culot des êtres. Quand l’heure des bourres arrive, pareils aux bancs de calamars, attirés par les ampoules, épandant leur gyrophare ils chassent les cigales. Puis les derniers insectes détalent en zigzags, dessus dessous leurs cuites fracassent chaque réverbère de mal de tête et demain ils ignoreront les cicatrices de la rue. En second certaines chaloupes s’en vont arrimées à la façon d'une solution terne. La dynamique inférieure ne doit apparaître qu'une fois dans les préliminaires. Tandis que la conclusion formule le rapport entre l’imputable et l’estimable, de sorte qu’en synthèse la nidification témoignage d’expertises foudroyantes d’aventure. Les insomniaques, après avoir fait l’entrée, feront la sortie des boîtes et de tous les autres endroits où on ne me laisse jamais rentrer.

Mais déjà l’ami Maldoror, l’océan, se calme extasié et le ciel aquilin regarde vers le levant. Les vaguelettes de la nuit laissent leur écume sur le sable tiède, et le blanc de la plage appelle le soleil de ses crabes. Le calme retrouvé chante un poème, sorte de haïku, hymne à l’aurore blonde qui explose inlassable à l’Est.

 

15

 

Mon plus doux à la façon dont était le jour

Une fine mine ici je crois et très froide

Dans ce lieu similaire au donjon dragon

Par grâce que nous irons hors d’ici bientôt

Aucun maintenant à qui parler

Pendant que tous couraient loin de l’incendie

Bonne église de bible de nouvelles

Puisque nous sommes venus ici

Je vis dans la pension des leurres

Et toi tu veux aller de nouveau à mes recueils

Parce que j'ai seulement concouru

Je vous enverrai mon dernier certificat

Elle a déposé un certain montant

Ayez un beau jour et pensez à nous

Le nôtre pour toujours à l'esprit

Ainsi nous nous aimerons à aider

Elle a gardé ce secret pour le peuple

À la lumière du dessus

Je t’aimerai à tout sauver de nous-mêmes

J’ai peur de desserrer ma vie

Les gens finissent par savoir à notre sujet

Cette information due à la confiance

Que nous avons déposé sur l'amour

Toi honnête de l'arrangement

Avec de la vision et du cœur doux

Ma langue de favori attendant pour recevoir

Des nouvelles de toi à chaque instant

Je serai avec toi pour plus d'amour et d’union

16

 

Il faut écrire des souvenirs

Ce qui reste des sensations égarées

Maigre cadeau rapide à mourir

Ces bribes de vents et de nuits

Que l’on a souvent domestiqué

Toutes les couleurs passées d’envie

S’en retournent un jour à la lumière

Fine et sauvage à l’état de poussière

La fenêtre au cours languissant

Manque beaucoup de perception

À flanc de verre ailleurs j’entends

Absence de sens et de passion

Lorsque mes chagrins m'enveloppent

Le sommeil fractionne la conscience

Et l’œil collé manie sa défiance

Il arrive parfois que la pensée s’éveille

Tentée peut être par un souffle trop fort

Portion d’oubli lors de rêves trop faibles

Muscles mous blasés par tant d’effort

Consumés, réduits, myriades, particules

Et les articles vont de mes formules

Ainsi balbutié au péril j’envoie l’étoupe

Rafistoler et maquiller ma soupe

Patients outils sur le bord du lit

Deux condés attendant des aveux

Un crayon à papier sans gomme

Un calepin à carreaux bleus

Un chemin plat sans spirale

Disposé à consigner les effluves

De ses projections toutes banales

De ma gorge jusqu’à mon pas je cuve

Une soif étanche étend ses goupillons

Mon jus d’orange arrête la houle

D’une traite je bois les papiers brouillons

Les rires les fêtes maintenant coulent

Qui s’expansent pour me grouper les sens

La vieille maison en effervescence

 

17

 

Quelque chose mais de chanceux

Semblant pousser, quelque fortune

En outre sans doute de l'armée de la lune

Sans titre dans tout l'ennuyeux

Je cherche une naissance royale

Formelle astuce comme un asile

J’assassine dans mon journal

En remorque, rivière fragile

Les endroits de cette société

Pour la plupart de taille déterminée

Qui se font passer pour des coins légitimes

La redevance pour voler des rimes

Soutenues sans ailes d’estafette

Les filles ont rencontré leurs amants

Les jeunes simultanées se toilettent

Dans le septième ciel au devant

Tandis que des mots sont prescrits

Pour compenser leur permis

Les princesses volent au loin

Abandonnant les anges du soin

Un rituel à voilure ne pourrait

Prendre parti dans un tel essai

Mais pour l'or entier de carnivore

Une attaque de la sorte dort

Prince charmant semble peu probable

Parti pour une course durant la soirée

Pour une couronne confortable

La nuit roule sur lui cintrée

Distillateur je pourrais faillir

Dans les rues je vais m’évanouir

Près des étapes du trône justement

Mendiant à peine son renoncement

Mon cœur, pauvre diable, attend

 

18

 

 

Le lieu où l'on se trouve dans le temps comme si l’on se rendait à la campagne.

Des mèches de vent bousculées par le ciel aux cheveux gris et l’automne au manteau marron avec ses airs loués à la pluie.

Il est à plaindre le temps et sans cesse on court derrière les feuilles.

À moi celles que j’attrape. Les autres, cerfs-volants des fourmis, fournissent à la nature l’humus dont nous aurions bien besoin.

Nous avons fait le travail, on a tout attrapé.

Nous tous on devrait y arriver, pas trop serrés c'est impossible.

Les instants clés qui succèdent au soleil et précèdent les neiges.

Le déclin du temps en bel équinoxe, brumes fragiles picorant les labours avec sur les champs de roses d’autres esquisses.

 

Traiter l’affaire comme si personne ne méritait aucune attention.

Nous nous en prions maintenant, jouons en marquant l'appartenance en menant un à zéro à cent kilomètres/heure.

Rue de la bourrasque à quatre kilomètres d'ici des bananes pas chères poussent au milieu des millions de timbres qu’on prétend toutes zones.

À trop vouloir se dépêcher on risque de faire ce qui arrive.

Nous, notre projet en levant son verre.

Un règlement de comptes à couper le gâteau.

À demain dans la plupart des cas, dans une prochaine dédicace.

À nos chers disparus les gens pressés.

Aujourd’hui les arrières de l’automne ont des allures de devant d’été.

Le va-et-vient sans cesse entre extérieur et intérieur comme des mouvements entre basse et haute pression alimente des chagrins, des ivresses, du grisou et d’autres catastrophes dont les prédicateurs se régalent.

Des coups de vin assassins qui collent des gugusses partout dans les paniers à salade.

Je suis des manœuvres lorsque le flot d’idée commence à s’agiter dans le filet.

Des injonctions récurrentes détergentes allongées sur la table de mes pensées.

La beauté que confère l’ignorance et qui n’a pas d’autre agrément que l’innocence.

 

 

 

19

 

Les premiers bleus rayons vierges du printemps

Fécondent des verges orange toisées d’olifant

Sur les chaumes cuivrés déjà-vu de carte postale

De petites notes de couleur, la nature orchestrale

 

Crayonne des accords aux tournures sybarites

Le vent aumône une chanson dans sa fuite

Un astre pâle encense de nouveau les avenues

D’un bocage géométrique, engourdi et nu

 

Le moindre perce-neige saignant vert sur blanc

Et ces chants chatouillant d’un autre tympan

Des oiseaux imposteurs sortent leur quolibet

Mon âme écope de ces embarras douillets

 

Et au lieu de se réveiller d’un regard de feu

Vapeur d’humeur tiédissant autour des yeux

Mon souffle de quelque langue d’amblyope

Se contente de paillettes de rêves de cyclope

 

Déposant sa pirogue d’émotion de crocodile

Comme un hibou ripailleur entouré d’îles

J’ai révisé risquant au large un jeu d’élingues

La copie d’une sorcière repue de bastringues

 

Sur la route j’ai dormi dans sa tente saturne

Quand un fond de lumière se morfond diurne

Un grand papillon de nuit posé sur son pissoir

S’accroche pour voir si c’est libre cette histoire

 

Tiré au hasard d’un fleuve brun d'aplombs

Secret sorbet d’amande auquel ma vie répond

Mon amour sale dans des cadences plagales

Nage, fétu de plaisir comme un canon a l’escale

 

Tandis que lentement le calme plat se croque

Crampes mêlées de graines d’absence ad hoc

Sur mon marbre flétri le soleil mou à l’horizon

Cède et se signe bouquet de fleurs d’oraison

 

20

 

Vivre rire et attendre là dans l’heure

L’union du temps comme un sacrifice

Faire des affronts de sable lisse

En musique aux déménageurs effrontés

Qui bougent les notes et le piano ensorcelé

La vitesse sur un balai à 1 000 durées

Longtemps centenaire et cessant les révolutions

Dans la crainte d’une chambre à contre-courant

Ermite en pyjama de l’espoir couvert de l’air

En guise d’éternité l’annonce d’un repas

Que je ne prendrai pas sans divorce fatal

Des applaudissements dans le public

Entendre des éclats nerveux s’appuyer

Sur l’épaule bonne de la plaisanterie

Je me dispute, il faut bien dire quelque chose

Elle me fait partir en vacances avec ses idées

De son chapeau bleuté elle a les yeux

En soupirs enregistrés jusqu’au dernier

Mon riz s’amenuise dans un jardin chinois

Les boutons d’oranger passent dans tes cheveux

Caresses effeuillées lentement le soir

Laissent debout les lys et leurs encensoirs

Lorsque la fleur embusquée étirera

Ses fruits de substance et de bigarade

Traînant inlassablement vers le vif

Chauffée d’orpaillage et de liqueur

Le rouge et le feu alcoolo pointeront

Un doigt sur la mer, le nez en vert

Tremblant sous cette ramure luisante

Labellé de sépale au vase d’oreillon

Pansement d’allaitement d’une vierge orante

Mon antre est un trou à poil qui tète

Ainsi pourvu d’outil, agir sur l’énergie

Et sur le manche l’essence néroli

D’en haut la mort nous voit sur les flots

Et même au quotidien les nécropoles

Statue de pierre sphinx faux des moulins

On redécore encore les sangs des noces

Seconde juste de nos premières nuits

Tout un cortège de promesses villageoises

Drap blanc sans gêne passé par nos champs

Irrigué en dentelle de canaux d’aquarelle

Ou de saintes nixes penchées sur nos têtes

Par pincées éparpille la poudre d’escampette

 

21

 

Du récréatif ou du pittoresque

On ne cesse sur le long chemin

D’éprouver de l’amusement ou de la défiance

Il est drôle mais mal égal

Et ses quelques soucis cachés

Ne se sentent pas toujours comme d’habitude

À une telle longue distance

Je ne peux rester immobile

Un genre de colonie de vacances

La vie se clôture, abandonnant ses armes faciles

Le choix rabote ses contours

Et l’accès virtuel illimité réduit notre mobilité

Le contenu n'est pas important,

La chose importante était de revoir la mer

La blanche, la noire, la rouge et ses visages et d’être ici tellement

Extrêmement lointain du temps

Apprécier énormément ce vécu

Ce que j'ai pour faire face encore

Avec ce charabia et ma toux qui pétarade

Sera toujours créolingue dans ce cercueil

Et dans mon esprit un bac filant sagement

En silence sur les eaux de la peine

Inflige à l’opaque violée cent fois

Les dernières caresses des aborigènes haleurs

Ça part comme une grande ligne droite entre les murs

Bien, oui j’ai manqué ton appel téléphonique

Il était grand temps pour imaginer tout le monde

Là, appréciant le vin et envoyant de bons mots par câbles

Les pluies ont commencé à tout inonder

J'ai une grande maison où je vis seulement

Protégé par des gardes austères pendant la nuit

Et qui confère au jour une drôle de boiterie

J'ai un jardin où j'espère planter de belles fleurs et quelques légumes

Pour préserver une certaine variété au régime monotone

Basé sur les poissons discours et la viande de mensonges

Avec du riz, de la patate douce ou la banane frite

Mais les fruits sont magnifiques, aliénés, curieux, différents,

Venez donc voir mon anamousse et ma mangorine

Moitié si moins cher, vous n’avez jamais essayé

Dont tous les fromages apprécient l’image

La survie est à ce prix chaude

Charger d’humeur de la nature de l’eau

À chaque effort perlant, transpirant, jaillit cet espoir

Suant toujours sur mon dos

Vers le bas de mes bras mon front

Que je puisse sentir tomber

Au goutte-à-goutte chaque sensation

Je la trouve belle la vache de Fernandel

 

22

 

Vague indolore et transparente

L’onglet à substrat, on ne l’attend pas

Émotionnel, incolore et inodore lorsqu’il est pur

L’organe saisissant des ondes et des pôles

Porte chacun des angles aux extrémités du cercle

Idée de figures que l’espace réglemente

En faisceaux de vide et d’apparat

Mon rêve d’ancien flotte comme du bois

Pointant la nue sur le parcours des songes

Au-delà des brumes le rivage s’éponge

Sous le coup des collines un incendie

S’attarde avec un demi-cercle en colis

Je tartine sur mon regard de changeantes vestales

Qui gèlent mes logiques et mes mots obliques

Mon contenant papille des quelques degrés

Jusqu’à une ligne maritime et ses points de butée

Déguisées en limaces au fond des douces vallées

Les bavures du ciel coulent mécaniques

Captives de montagnes épileptiques

Et de leurs léchées qui s’engueulent sans attendre

Le corps des rivières verse sur les cendres

Ainsi qu’un flot d’oubli des poignées de pièces

Que le vent incapable d’activer stresse

La magnificence des pluies finie dans la vase

Insiste sur le prix tout au fond de sa base

De source de roche mon repas ruisselle

Ration naturelle coincée sous une passerelle

Des nuages jusqu’aux prés le maigre et le gras

S’unissent et s’offrent des championnats

C’est le cadeau de la maison et sous la table

Comme une bombe menteuse et détestable

Mon âme dégage ses émanations

Étendue maintenant sous les ponts

Au-dessus d’une zone où la mer, moulin à parole

Entrouvre son imperméable et ses paraboles

De ses doigts longs éborgne le ciel et ses clairs de lune

Les reptiles demeurent sous les feuilles brunes

Dans mes yeux secs ils chassent des tempêtes

Solution approchée au milieu du parc, je reste

Cascades et autres larmes vers les étoiles renaissent

Et leur rosée lustrale relisse ma promesse

 

23

 

Le voyage en avion ne fut pas des plus aisés, bien que nous ne soyons que très peu nombreux. Les différentes escales font paraître le temps long. Il s’agit de ce genre de vol intercontinental où les publicités s’éternisent en longueur sur l’écran de projection. Elles cèdent la place à des dessins animés déjà vus puis à un long-métrage style de comédie américaine bon marché pour enfant. Les journaux piétinés dans les allées, pressés comme des citrons dont on a extrait tout le jus. Bref, le tout fait un tableau à peine pittoresque de gens qui s’ennuient. Au sommet de tout cela, l’inconfort de regarder les hôtesses pas très jolies et un livre inintéressant. Le tout aboutit à ce sentiment où, confiné dans un lieu clos, un espace réduit supporté par les airs, on éprouve une indifférence totale au grondement des moteurs et au brouhaha des voyageurs. C’est le moment où généralement on décide de s’émanciper dans d’autres airs à l’aide d’un moteur à trois temps que l’on appelle bière-vin-cognac. Le corps généralement flotte quelques instants avant de retomber mollement sur le siège. L’aide de camp du sommeil s’assied à côté de moi et l’on reste à bavarder pendant des heures dans les limbes du rêve. Alors commence la procession, toutes les images que l’on connaît, que le songe permet enfin de regarder. Toutes les images nouvelles défilent emmêlées, comme si c’était au gré des oscillations bâbord-tribord. Certaines s’échappent et atterrissent en vrille sur le tarmac du cauchemar. Je me réveille avec une idée d’aller me regarder dans la glace, entouré de petites bouteilles vides. Le jour va se lever bientôt. C’est quelque chose que l’on attend parce que cela vibre dans un diamètre assez restreint, mais on ne peut ni voir ni entendre encore. Dans une conjonction bizarre, les odeurs et les choses de ce caisson pressurisé laisseraient à penser que quelque chose va se passer. Comme si un tintement interne des choses et des êtres retentissait en même temps pour se préparer à recevoir la perpétuelle naissance du jour. Progressivement, des changements se prescrivent dans l’univers 30 000 pieds au-dessus de la terre. Des odeurs de café, des bruits de fourchette. La nuit ne se couche pas en hurlant et le jour vient toujours sans force. C’est la culture des cartes postales qui revêt nos cœurs d’émotions fausses sur l’acte le plus ancien du monde. Le passage d’un astre n’a rien de plus ni de moins grandiose qu’une pierre qui tombe, sauf dans l’Himalaya. Au début, ce n’est pas tellement par l’apparition de la lumière, mais par l’effacement des prémices de pénombre que le matin préambule sa copine la nuit pour un brillant roulé-boulé. Imperceptiblement, les choses changent et on le sait, mais on jurerait que cela a toujours été comme cela. C’est un bras qui remonte le drap, un corps qui se tourne sur l’autre oreiller. Petit à petit, voilà que toutes choses se comblent d’ombre. Alors seulement après, le jour tape timidement aux portes et aux fenêtres. À l’intérieur, la nuit feint de résister, elle fait tout voler en éclat pour le laisser rentrer. On n’arrive jamais à dire qui a commencé, lorsque c’est fini on a un bref souvenir sans se rappeler. Du noir au jaune, après des phases de couleurs sans intérêt, tout ressemble à des draps froissés. Le ciel, les visages, les objets, tout sort une nouvelle fois de sa boîte. Au milieu, nous humains, pauvres diablotins affranchis retournons creuser la terre de nos péchés. Et tous les jours que Dieu fait on se répète : jusqu’ici ça va. Nous prenons un large virage à bâbord. On survole l’aube, mais depuis un bout de temps on sent bien que l’on est au-dessus de la mer. L’avion commence sa descente, je remets mon blouson parce que j’ai froid. Quelques minutes et secousses plus tard l’avion se pose délicatement avant d’embarquer son train dans les nids de poules de la piste. Cela rebondit bien et l’on se demande vraiment pourquoi il n’y a pas quelqu’un pour donner un grand coup de balai sur tous ces volatiles. À partir du moment où l’avion fut garé, l’évacuation de l’appareil par les voies normales de sortie, du fait du peu de passagers, ne prit que quelques minutes. Au passage, les membres d’équipage par des sourires verticaux semblaient demander pardon. J’eus envie de dire : « mais de rien je vous en prie, soyez les bienvenus » comme si c’était pour moi l’occasion de placer ce que je voulais entendre. Immédiatement sur le seuil de l’avion, je me suis tout de suite demandé pourquoi j’avais remis mon blouson. Dès le pied sur la première marche du débarcadère, je fus convaincu inconsciemment que je me trouvais à l‘intérieur d’un sauna avec les copains. Je me suis mis à chercher la piscine d’eau froide, où parfois quelque petit malin jette la bouteille de vodka pour que l’on plonge en ayant moins de questions à se poser. J’eus impitoyablement envie d’un massage, ce qui n’aurait pas été superflu pour déconstiper toutes les parties de ma face cachée. Une chaleur étouffante et pesante s’abattit sur nos épaules, je sentais déjà des rouleaux de sueur naître sous les habits. Lesquels n’auraient pas tardé à se transformer en vagues frémissantes pour des mouches new wave surfeuses s’il n’y avait pas eu dans le bus venu nous chercher un peu d’air conditionné. Entre-temps, je tiens à signaler que je n’avais aucune raison particulière d’embrasser le sol comme d’autres encanaillés d’église auraient pu le faire. Ce que je regrette d’ailleurs, cette bonne terre méritait bien qu’on l’embrasse. Après le tamponnage et la vaccination des passeports et autres fiches d’immigration, me voici devant l’officier en gants blancs qui vérifie ma valise. J’aurais personnellement préféré qu’il ne porte rien sur les mains, ce qui peut donner une idée de l’état de la couleur mentionnée auparavant. Mais comme on ne me demanda pas mon avis et qu’il était aussi entendu que le règlement ne m’autorisait pas à le donner, je me tus, assistant paresseusement à une vérification peu motivée et langoureuse. Je tirais mes pieds de leurs flaques jusqu'à la sortie de l’aéroport. Karibou !

 

24

 

Au-dessus d'une jungle épaisse

Par le passage sinueux des cieux

Dégagé, majestueux et magique

Le fleuve souvent de notre adolescence

Qui a peuplé les anges et les poésies

Augmenté d’un léger clair de nuit

Il y a un passage secret à l’intérieur du sol

Dans lequel on peut voir les rêves de l'aventurier

Cette espèce de plante cachée sous l’orage

Les différentes espèces végétales

Essayent toutes leur sortie vers la lumière

Et vu d’au-dessus elles offrent le spectacle du fardeau

La flore sur le même bord du fleuve

Les maisons et la dispersion des fumées

Pour ce qui semble être le noyau amazone

Les rues sont de sable rouge,

Et les constructions orchidées en état d’abandon

Alternent les cris des singes et des casinos

Avec du ciment, de la brique et de la poussière d’astic

Après n'importe quelle tragédie de forêt

Un arbre qui tombe, un sol qui s’écroule

Néanmoins il s'avère être gentil

Le désordre dans son chaos ignoble

Le voyage de personnes de la ville

Les produits divers qui sont dedans portés

Des ustensiles en plastique, des cigarettes

De grands seaux, des boîtes de conserves

Un bazar équilibré à deux balles

Tandis que le reste de leur affaire d'extrémité

Les hommes et leur service inimaginable

Des plateaux d’oranges en sarcophage

Pyramides faites avec l’élégance des chats

Le progrès continuant sa marche de pédalier

Une bicyclette avec ses gosses sur son dos

Ou prenant d'autres objets dans ses mains

Elles montent, descendent sagement

Amenant probablement tous ces pauvres

Vers ce soin infini de l’oubli

Pour soutenir la charge au péril

Forcer dès l'enfance cette manière de tourner

Lentement et terriblement le corps directement

La tête à l'avant, le cou droit, et un mouvement

Sans bras pour soutenir l'équilibre difficile

Le fruit chocolat de tes yeux

L'intérieur est formé de pépins

Couverts par un chapeau de saveur

Un pomelo délicieux a la forme d’un sein

De raisin transparent au grain nu

Manioc dur à cuire comme les épinards

Ananas rôtis où on fait frire des vers

Bananes à peine passées sur le gril,

Les douces pommes de terre de saison

Des tomates et d'autres légumes

Dans cette région les poissons

D'énormes quantités d’eau

Préparent normalement l’humidité

Dans des feuilles de brume

À la paume des collines un plaisir.

Que la saison des pluies menace d'écrire

Démuni toujours de tout l’été incapable

D’état d'esprit satisfait, triste, effrayé

Maintenant vivre goutte à goutte

Et à peine pensez à un moment

L'extrait du tout, cela, ce qu’on obtiendra

L'expérience trop tôt pour donner

Arrivé à l'endroit dans lequel je vivrai

 

25

Mes amies du sud saignent de cinq cents ans d’accidents. De choc frontal, de corps en mouvement lancés à toute allure, détaillés au scalpel stroboscopique. Les points d’impact sous l’œil expert de la balistique. Et on les répertorie par d’infâmes coordonnées : d’abscisse génocide, et famine d’ordonnée. Le dépiècement analytique d’une fonction bien carrée d’inconnue pognon, intérêts et autre pétrole. Nous aimons les énergies fossiles. Le sang en parure, en anneau de boucle d’oreille, en broche. Et ça dégouline, c’est de la peau même qu’on arrache à la terre.

 

À tous les éléphants blancs du libéralisme. Nous sommes dans une phase de profanation continuelle de nos jouets spirituels. Toutes les choses sales comme les voitures, le téléphone, l’argent, la technique, la consommation sont devenues sacerdoce.

 

On croit la religion morte, en fait on ne l’a pas tuée mais simplement transformée en quelque chose de plus sournois, car caché et inidentifiable. La consommation est vue comme un acte final permettant la réalisation de soi à travers un objet, dans le bonheur que procurent sa possession et son utilisation. L’idéal du bonheur doit être une certitude, et grisé de consommation au cœur de l’axiome « je consomme, donc je suis », l’accoutumance à la consommation rend infertile toute critique et stérile chaque hasard.

 

La science ne repose plus sur des incertitudes ni sur le désir de savoir, mais sur des croyances avec ses adeptes et ses églises de scientifiques. L’inversion des valeurs facilite le pouvoir de vendre et vise à l’ascension suprême de quelques-uns, et ainsi se renforce la puissance de ceux qui détiennent l’argent.

 

La lutte contre la sale pauvreté rouge permet d’aider les faillites pour pouvoir s’enrichir et étendre la coûteuse liberté à tous. L’opérationnalisme des classes politiques s’accorde dans la manipulation médiatique. L’art de la politique est d’empêcher les citoyens de se mêler de ce qui les regarde. L’image est devenue le nouvel opium et remplace les icônes. Face à ces modifications importantes du sacré, la religion n’a rien d’autre à proposer que du fondamentalisme.

 

L’image en elle-même n’est pas coupable, c’est sa lecture qui pose problème car rare sont ceux qui en possèdent les outils. Diminuer le décryptage pour augmenter la projection et la séquence des images est dangereux. Et lorsque les foyers semi-illettrés allument leur télévision dans leur petit loyer, alors les politiques ont gagné. Aucun peuple démocratique ne saurait se passer d’une lecture appropriée de l’image. Toutes les valeurs de solidarité, de partage, de tolérance, d’amour qui ont fait notre survie, le sens critique, la réflexion, l’analyse, tous les repères de la pensée qui ont mis des siècles à se mettre en place afin de nous permettre d’identifier ce qui est important et ce qui ne l’est pas sont balayés d’un coup d’image par la télévision et par les médias. Les journalistes sont les nouveaux prêtres, qui veut rester laïc paye sa redevance ou jette sa télé.

 

Toute surconsommation des riches se fait au détriment des pauvres. C’est la sur-richesse qui crée la pauvreté. Si l’on réfléchit bien, il n’y a aucune raison qui justifie que quelqu’un vive dans la misère, sauf si c’est un choix personnel.

 

Dans ce sens aussi il faut maigrir, ce qui signifie se débarrasser de cette boulimie de croissance et de ce dogme qui énonce que stagner c’est périr. Les ressources viennent à manquer et 20 % seulement profitent de 80 % des richesses, donc si la tendance se confirme on tend vers un tout petit nombre d’infiniment riches et beaucoup plus d’extrêmement pauvres, et par extension, la réduction en esclavage économique de la majeure partie de la population mondiale.

 

Il nous faut toujours tout, tout de suite, et nous avons intoxiqué nos enfants. Nos maisons sont plus grandes mais nos familles plus petites. Tout est devenu plus facile, mais nous n’avons pas le temps. Nous avons de plus en plus d’éducation, de diplômes, mais aucun sens de la réalité. Plus de connaissances, mais une perte des valeurs et des responsabilités. De plus en plus d’ordinateurs pour traiter l’information, mais plus personne ne dit la vérité.

 

La civilisation mondiale inédite n’a pas de périphérie, donc il n’y aura pas de transfert du centre vers l’extérieur et l’histoire se finira là, en plein milieu, lorsque nous serons tous morts.

 

26

Ces traces énormes

Au sommet d’une grosse colline

Ces explorateurs voyagent par cinq

Ils glissent à toute vitesse

Où sont les freins d’une caresse

Une baleine souffle au-dessus de la mer

Les gens la suivent

Et par dix maintenant

Je te plumerai marionnette

D’un p’tit tour, d’un baiser

Mes mains sautent à la corde

Et s’il fait nuit très tôt

On pourra faire de la luge

Sans neige, je slalomerai tes îles

Il pleut bergère, mon âme est légère

Maugréant contre le temps

Je me régalerai chaque jour d’herbe et de sous-marins

Dans une eau d’azur

Aux derniers jours d’école

Chaque chose à apprendre

Institutrice devant moi

Je ne m’éloigne pas

Jusqu’au récif où bourgeonne en pirouette

Un clavier de soie et de cacahuète

Demain c’est les vacances

Une bataille de boules de neige

Et de duvet d’écume, de bûches de Noël

Dans la cour trempe ton pain ma mie

Nuages serpents dans le ciel s’étirant

Vire lof ta collerette d’amant

Aux trois Pâques ou à la douzaine de Trinités

La nuit couleur de sapin pan-pan

J’ai perdu le do de ma clarinette

Au pays du froid divin, du frais satin

Il y a tant de coins encore

Et tes lèvres de miel

Font la course aux enfants

 

27

Franchis le lit de l’air

Sauter la joie sur son élan.

Les voiles sont soumises

Au vent par défaut

Un instant d'incertitude

La rue change d'amure

Et tous ses passants regardent

Vent debout les détours

La couche des visages

Est une sorte de mur

En équilibre sur la crête

Comme à l'allure du pré

Quand on remonte le temps

En coiffant les toiles de misère

Engourdies par le mal de mer

Aujourd’hui nous naviguons

Demain on abat pour prendre

Sur la pointe des pieds

Les absents se mettent à porter

Et la soif à contre-courant

L’amour et la mort louvoient sous l’océan

La musique s'épuise et la traille se brise

Progresser au pas

Portant les vêtements de saison

Que des fous faseyent

Et si cette ère est insuffisante

En agissant ainsi

On sacrifie la patience

Détériorer ses épices

Et ses safrans, lover d’interstice

Comme pour d'autres manœuvres

L’aulofée nuancée de principes

Énonce le cap de travers

En fumée ou en biture

L'ampleur et les conséquences

Au son d’un hiatus

Les bières sont brassées

Le banc du large passé

Il prend à contre et oblige

Le chemin tue l’autre augure

Plus il fait frais à l’ample gisant

La bise d’un cil sec

Sur la corde des larmes

Où mon masque s’essouffle

 

28

Zigzag, tsunami, tempête et rafale

Qu’il fasse moins beau dans la salle

 

Chauffe mon croissant

 

Assis sur mon après, pâte à gâteau

Cuivre et tambour il fait moins chaud

 

Lâche tes rampants

 

Oreilles de crapaud et langue de vipère

Habillent notre fête d’anniversaire

 

Fond mon sentiment

 

Barbe à papa et poil aux bras

Qu’elle me donne du tralala

 

Pour provoquer des dents

 

Une séquence prévue surréaliste

Par quelque parole d’idéaliste

S‘acquiert-elle mystérieusement

 

D’une jolie voie dite écrite ou de vent

Des paroles transcrites ou prononcées

Réalisent-elles directement leur portée ?

 

S'agit-il d'un moyen fantastique

D’obtenir les requêtes colériques

Pour chasser une infecte décision

 

Une prière illogique, admet-on

Se soumet au joug des répètes

Gouffre éternel des préceptes

 

Répéter une formule de désir

Dans un état second de plaisir

Jusqu’à ce qu'elle vous plonge

 

L'océan linéaire elle éponge
Dissemblance totale s’abonde
Le sentiment fond avec le monde

 

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Des verrous gris forment des bulles sur le ciel

Et piquent l’azur ondin de hublots d’hôtel

Sèment le commode service de la bruine

Une percée plus belle chauffe et ruine

Les ardeurs humides d’un été de glas

La voûte en derniers traits d’éclat

Vibre équilibrée et circulaire

Aménagée dans l’atmosphère

Pour atteindre le sol véritable

Une nappe de sable à peine arable

S’arrache d’un éclair de savoir

Au creux du désert un peu d’espoir

Un peu d’amour et de bonté

De vitesse et d’embardées

Qui illumine ce sombre cimetière ?

Combustible qui dessine cette lumière ?

Chose d’Orient cachée comme une nuit

Seul effet du hasard enfoui

L’esprit qui habite la bouteille

Se fait avouer d’une marque d’abeille

Au moyen de courts signes impourvus

De mot de passe, murmures obtus

Il se fait une carte d’état-major

Catcheur quadrillant ton corps

Flambeau qu'il envoie à quelqu’un

Aruspice pour trouver son chemin

Et de se faire reconnaître tout aussi

Sentir et voir troublant carcel

La voie court et le souffle chancelle

Oasis où mon torse s’abreuve

La branche s’est cassée veuve

Les jours descendent des arbres

Nos cœurs dessous évaporent

Ensemble ce précieux trésor

Je tousse et crache des yeux

Couleur répandue sous nos pas

Blondin psautier sur mon nez bleu

Cassandre nous n’irons plus au bois

 

30

Il y a des changements se façonnant au-dessus, comme une nappe qu’on froisse dans un murmure de tissu, de toile cirée qui frissonne ; et contenant certaines convulsions de redressement et d’affaissement, figurant tout l’irrationnel d’un mouvement presque imperceptible.

 

Lorsque le temps est au beau, tout découle de cette absence de souffrance où l’espace semble seul sans éléments déterminés. L’ensemble du feu incluant celui du magma pourrait mourir ici dans cette mer précise, momentanément elle aussi sans compagnie. Flot, matelot abandonné, infini volume d’écume, équilibre de vaguelette surplombant le chaos, les lames, les tremblements, les éruptions. Mare bouillante et volcanique avec tes grands pans de falaises et de glaciers, ce soir mal fait m’apporte tes galets. J’ai pris pour amie une serviette et j’en lis l’étiquette. Lecture distraite par des maillots de bain en goguette, je vois sous mon bras des attisements pâles s'avorter sur la bande de sable que petit à petit l’eau installe. Mon regard chute là, sous-marin, provoquant d’austères dégâts sur cette côte gracile. Platitude quand elle déferle sur une côte, a qui appartiennent les océans ? Plaidoirie frivole et qui ne s'intéresse qu'à des choses insignifiantes. Mon esprit se querelle pour des motifs sans portée. Bien à l’abri sur ma paillasse, en toute sécurité, je donne asile à des idées. Je me transforme en une contrée aujourd’hui calme, protégée et reconnue où se réfugiaient jadis, comme dans un lieu inviolable, tous les sentiments et les indices. Je me souviens de signaux recouvrant une immense production d’hormones et de larmes ainsi que d’autres agissements dévêtus de toute complication. Mes chères voisines connaissent bien cette rivière d’humeurs et de perceptions dans laquelle on assiste inconscient à la naissance de l’émotion et où l’on s’aperçoit. Le sentiment rend accessible à l'intelligence et au cœur, ce qui revient au même d’ailleurs, et marque simplement le début du harponnage de la représentation du monde. J’aimerais tellement réconforter toutes les croyances soumises à des punitions tous les jours, en leur déployant leur constellation de vide et de rien à foison capable d'assumer toutes les fonctions du désespoir et tant synonyme de « quelque chose ».

 

À la fin, ce qui reste dans la vitrine de cette sensitivité aux impulsions électromagnétiques reçues en externe est un éloignement principal que l’on devine quand il est celui d'êtres proches, mais bien plus de toute chose réelle. Nous souffrons, mes sœurs, de deux confusions et nos actions sont chargées, pareilles à un fusil de chasse, dans un tube le jugement et dans l’autre la passion. Et ces deux se sont retrouvés là en forme de cartouches à cause de manques représentés par l’indifférence, la peur, ou le désordre, généralement suivis par la douleur et le malheur. Mais ces ressources sont bien pourtant là, quelque part au fond de nous ? L'absence a pour caractère d’être éternelle, il y a simplement des moments où on la ressent moins que d’autre. Lorsqu’on a touché le fond et vu toute cette merde, on comprend pourquoi en fin de compte le monde est régi par l’affectif.

 

La constance des choses nous masque la réalité intrinsèque du vide. La non-présence de quelque chose révèle l’insoutenable insistance du rien, et cela crée toujours une certaine nervosité. Nos émanations élucubrées restent comme des tissus auxquels nous devons porter atteinte. Chacune de leurs fibres est un organe qui ne perd rien à être trop tendu et à provoquer une sensation parfois pénible de raideur, semblable à un condenseur qui se décharge. Les signes communs du spasme avant-coureur ne sont pas faciles à repérer. Il faut user d’une grande application et d’efforts continus dans cette recherche électrique du survoltage. Il faut faire attention à tous les souffles, même si chaque fibre menace de se rompre. La matière sert à ioniser le synthétiseur à pulsions, malgré la difficulté de mouvement des nombres. Un peu de raideur se manifeste dans certaines parties des cordes des instruments de musique. On gave l’existence de travail et l’on consomme avec l’impression que le chrono marchera moins vite. L’existence est une batterie à plat, ou si elle ne l’est pas tout à fait, elle le sera bientôt. Comme le nom d’un défunt qui resterait dans les boîtes e-mail de ses amis, je vais toujours prendre quelques photos de ces touristes, curistes et baigneuses.

 

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Comme les clairières laissées par la lessive dans une forêt de linge sale, j’ouvrirai des jardins publics. Mon métier est de cultiver des assentiments et de présenter des traces d’amour, de jalousie et de choses encore plus dégueulasses. J’ai un potager sur le compte d’autrui. J’agence des dessins de paysages à la face des parcs d’attractions.

 

Je leur mets bien ornementales mes fleurs d’intérieur, et lorsque tout ça brûle mes jardinières de chimères en disparaissant marquent au flanc mon œil de sempiternels coups de pinceaux. Affable garniture composée d’un mélange d’impressions cuites à l’alcool, contenant essentiellement des larmes et des sourires, et sur laquelle des insectes de parchemin viennent essayer leurs patins. On a tous des courtilières sur le terrain vague de nos pépinières.

 

Ce sont les rêves de mes fleurs qui dorment. Et il y a aussi une petite musique qui dégobille au rythme de la pluie. Le fait de ne pas connaître et de ne pas tenir quelque chose dont on pourrait se souvenir un jour. Mes qualités de pratique dans le domaine de l’insuffisance, c’est toute une botanique aménagée pour l’étude de mes janotismes ridicules qui se répandant durablement en solitude, identique à une île immergée dans les eaux d’un volcan. Orifice béant crachant et beuglant venin à tous vents. L’écorce me fait mal et c’est difficile de réconcilier la croûte et le jus de la pulpe sanguine. Il y a des régions internes que la surface ignore. Chaque roche en fusion finit sa course par une volée de flèches. Vendange et semailles, aujourd’hui je vais à l’enterrement de l’arrière-saison.

 

Le zèle spécifique du néant, dans l’absurdité du désir et l’appropriation, nous fait tout oublier. Il faut qu’on se cherche et qu’on finisse par se mettre des points sur les i. Tout est basé sur le désir et nos choix masqués derrière le paravent des médias cachent leur laideur à la publicité. La capacité de désirer est la fonction importante de la vie. La définition de soi-même par rapport à des choix téléguidés de nos récepteurs. Décider simplement d’agir ou de s’abstenir, en pleine connaissance de cause et après réflexion est impossible. La liberté est morte et enterrée. Nous nous imposons notre domination dans la dépendance absolue du virtuel. Ce qu’il y a de pratique, c’est que nous refermons nous-mêmes la porte de notre cellule et nous délectons de notre captivité. La réalité est remplacée par une autre. Pour que l’illusion soit parfaite, on ajoute des substituts psychotropes dans la plupart des divertissements. Restent seulement des précis de rigolade électronique retranscrits des raves hominoïdes.

 

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Pourquoi l’âme sœur est-elle toujours vouée à être célibataire ?

Tous ces efforts investis dans la rencontre de l’autre et dans les étoiles, aussi on envoie des suppositoires aux planètes cachées. Avec des bandes sonores dessus et des représentations ne laissant aucun doute du corps et de la femme et de l’homme. Fabriqués en Chine nos efforts. J’ai un ami l’autre jour qui s’est rendu compte que l’âme sœur était un frère.

Traduction en ligne de la lettre d’un chat.

Clafoutis aux réalisations faciles.

Gâteau d’essentiel pour personne.

Préparation de vaine cuisson à four plein environ pendant toute la vie.

Apports que taraudent les lentes et le suc de hargne de la jalousie.

Un petit verre de résurgence d’abcès et puis sept cents futaines pour des fioles à demi de liqueur de flirt et de fleurs d'arrachés.

Guignes dénoyautées au cœur du livre

Une pincée d’imagination

Tiédissez ce creuset à collage et châtiez les germes

Dans une jatte, que le mélange blanchisse.

Ajoutez-nous petit à petit avec une pincée d’ecchymoses.

 

33

C’est comme décider des couleurs

Et chaque corps devant s’habiller bien

Avant de peindre dans sa maison

De cette couleur il possédait toutes les bicyclettes

Et l’on surnommait tous les villages

Ainsi la vie se lavait chaque matin

Dans les bois il prenait sa scie

Et marchait sur son petit monde de copeaux

Un jour que la fille des bois lui arrangeait une tartine

Buvant du ciel le cidre des cils

Elle lui donna quelques tapes sur les pampilles

Avec ses cerises et ses guêtres

Goulus le soir même ils se trouvèrent inséparables

Les oiseaux se mirent à les suivre partout

Criblant de jolis chants les rêves de pâquerettes et d’alezans

Sous son manteau vert le grand chef

Le cascadeur de dépareiller toutes les maladies et les désordres

Classa à grands coups de passoire arc-en-ciel

Tous les brefs griefs et le chef

Encore parti pris de leur fripouillerie

Au-dessus du village disposa

Des paravents et envola un peu

De tout ce qui planait à l’extérieur

Il déclara qu’il se ferait coiffeur

En échange, on interdit tous les bacs à poisson

Les sèche-cheveux et autres indispensables ustensiles

Ceux qui le soir gardent à revers certains élans

Repiquent des braises boréales

Portant leurs larmes sous les fumigènes du ciel

Et comme chacun trouvera cette solution à celer sous son torchon

Ce sera jouer en deux coups de cuiller à pot

Mais tous ces chacun avec leurs cœurs d’aquarium

Entreprirent de rêver d’idéal aussi

Et ils s’engrainèrent et ils s’échangèrent tous leurs sentiments

Avec des chapeaux, des robes

Des sous-vêtements, des paires de chaussettes

Et ça gastéropode comme des laves qui grondent

Alors fatigués ils s’applaudirent

Dans des bourrasques le coiffeur emporta sa barque de paille

Dans une banque de roses bleues

Vert de colère pour la première fois

Toutes les mamans du monde avec leur visage de vin blanc

Toutes amoureuses et accrochées à leur corsage

Joyeuses comme un linge à l’étalage

Des pots de peinture qui débondent

De leurs mains, de leur rampe rembrante

Toutes ces gouaches sur les habitants

Au sol s’aérosolent du pays du grand choc

 

34

Regarde dans quel état se trouve un être

Au matin avec un peu d’altitude

Le brouillard taffe, l’herbe transpire

Ce frisson lorsqu’il est tard, vivant

Dormeur vital se balançant dans la salle

La nature a des oiseaux perçants de grâce

Et qui percent bien même l’hiver la glace

Refroidie et mourir pendant un certain temps

Inconsciemment quelque chose de banal

Ma vie considérée comme unité bancale

Et mon destin se déraidit sur les aires de repos

 

Je suis un logeur sans scrupule mégolard

Offrant d’indésirables paillasses de logis

À des affres épuisées de mauvaise condition

Par les années de caves sombres et selon

Quelques chimères démunies aux enchères

Chignole mon âme en situation irrégulière

Où les réchauds allumés menacent d'asphyxie

Bras et efforts migrants des sanglots

À quinze dans une pièce, dans huit lits bercent

De jour et de nuit parfois entassés mes enfants

Le sommeil et ses trois mâts liés entre eux

Et dont chaque vent sèche les pages

La deuxième recèle des mystères sûrs

Une colonne de nombreux autres rôles

La veille semble faire disparaître la fatigue

Un état de vigilance particulier par rubrique

Et dont la fonction essentielle est nécrologique

Voit sa régulation de sa raison d'être, je sais

En particulier la mémoire s’envoie des crèmes glacées

Las des lents apprentissages de cornets

Je cherche à dormir debout, paradoxal

Ça grignote sous mes pieds comme un feu

Et des insectes allument des gargouilles enquises

Mes yeux de marmotte à langer des souches

Talquent des noyaux surins au fond de mes couches

 

S'étendre pour frémir de rosée et laisser ce brasier

Piétiner sexuel tous les pores de ma peau

Paisible chez les végétaux et leurs germes absurdes

Et passer la nuit au bel hôtel

Quelque part comme une cruche

Sa fine anse qui fait du gringue

À la reinette du ciel qui me coasse

Boule de pus ses cratères dégueulasses

Pleins de son panier, jusant de sécurité

Planer de son dernier jet de pavé

Des capitaux lourds qui ronflent

Il est aux arrêts le développement

Je n’ai pas fini ma literie purée

Les camions traversent le bourbier

Ma pauvre caravane de baumes

Le Sahara mène mes bêtes de somme

Mes oreilles et sirènes de caravanière

Voyager cette magnifique dédicace
35

Plus rien du tout qui vaille

Tout haut à l’abandon je bâille

Frapper pour oublier le froid

À bout j’aligne quelques pas

Une étoile compte ses copines

En haut du tas de brillantine

Avec l’énergie dans les plis

Pâles du rideau de la nuit

Cette théorie façon dégringole

Voussure des fragments vole

Avec la corniche de la lune

Tout seul le vent se hume

La salive joue dans les mares

Où des paillettes s’amarrent

Poussière, la vie continue

Sein saignant, ouvert et nu

Errant sur ces plateformes

Instar que l’absence gomme

Sorti tout droit d’un buisson

Drôle de membrane en hérisson

En été ma noisette s’effeuille

Mon thorax de ville en deuil

Que fait-il, l’arbre du désert

Les rubans tombés par terre

 

36

Le chauffeur de taxi, un petit homme le sourire continuellement à la bouche, s’en allait apparemment jovial sifflotant et chantonnant je ne sais quel air du coin. Bien qu’il ne fût pas très grand, il me fit malgré moi l’impression d’un échassier tant il était fin et élancé. Il est venu vers moi, sortant de l’aéroport, en parlant français et il est resté collé à moi. Je lui ai bien fait comprendre qu’il n’avait aucune chance, qu’une voiture venait me chercher et que je ne ferais pas appel à ses services. Cependant je représentais une chance qu’il devait évidemment essayer de prendre. Je ne me rappelle plus ce qu’il chantait, ce sont les premiers mots distincts que j’ai entendus ici. C’était très joli, cela aurait très bien pu être un petit chant d’oiseau. J’avais l’impression que tous les autres humains étaient étonnés de le voir chanter ainsi. De fait, tout le monde aux alentours nous regardait. Je tenais très bien sur mes jambes et ma braguette était fermée. Nous avons commencé à bavarder de rien tranquillement lorsque le second personnage est apparu.

 

Le mendiant. Son anglais était un peu moins bon que le français du premier. Disons que le discours était basé sur des « okay, all right, what’s you’re name ? » En fait ce n’était pas tellement le contenu du discours mais bien plutôt la forme de la tronche à adopter qui devait servir à modifier la communication dans un sens ou dans l’autre. C’était plutôt mal parti vu que je n’avais pas d’argent. De plus, les yeux tournés vers nous me faisaient comprendre que filer une aumône en dollar paraissait un mauvais début pour mon futur tout proche. C’est alors que des questions judicieuses nous permirent de gagner du temps. L’âge, le nom, le pays de provenance, etc. Cela put même faire gagner jusqu'à dix minutes. À cette occasion je voudrais tirer mon chapeau à tous les chauffeurs de taxis et mendiants du monde. Je dis tirer mon chapeau, je devrais plutôt dire lever mon verre. Ce sont les deux seules valeurs internationales du voyageur. Je dis valeur avec respect car ce sont eux qui font la partie du voyage la plus dure.

 

Cependant comme on n’est pas malhonnête avec un mendiant, je me suis mis à expliquer simplement que je n’avais pas d’argent. Le gars n’avait pas l’air méchant du tout, seulement il continuait drôlement à parler. Nous nous sommes resserré la main une bonne douzaine de fois. C’était un petit homme d’un âge indéterminé mais plutôt jeune avec de gros yeux de serpent dont un ne fonctionnait plus. Des membres noueux et rouillés qui lui donnaient un air bancal. De mon point de vue, l’animosité des regards s’intensifiait, exprimant le dégoût et la répulsion. Il est vrai que mon hôte semblait passivement ne pas vivre à côté d’un point d’eau. Entendez qu’il n’était pas tellement propre et probablement saoul. Le chauffeur de taxi rodait autour de nous toujours avec la même petite chanson entre les dents. J’ai senti un genre de conciliabule entre les gens conviés à la scène. Le chauffeur de taxi vit donc le mendiant sur son éventuelle course. Avec un air de se dire : « C’est tout de même incroyable qu’un type sans argent puisse attirer un homme sans voiture ». Le soleil était haut dans le ciel, mais cela ne semblait pas influer sur le cours des événements et j’étais toujours avec mon blouson sur le dos. Le chauffeur s’en retourna faire un petit tour et imperceptiblement les gens alentour lui soufflèrent des chuchotements dans l’oreille, parfois même jetés de loin d’un vague geste de la main. À un certain moment le regard extraordinaire de l’échassier conducteur traduisit une immobilité figée de stupeur. Notre autre ami, le serpent quémandeur répétait pour la vingtième fois son nom que je ne comprenais toujours pas. À cet instant, je crus que l’oiseau consultait l’oracle au fond d’un panier à gri-gri et que son avenir de tabernacle ne résisterait pas à ce divin cri que les illuminés reçoivent quelquefois pendant leur transe spirituelle. Alors il s’en retourna près de son hypothétique client autour duquel le serpent entourait ses anneaux. Il refit trois ou quatre fois le même scénario. Cette fois-ci, sans transe et en affichant un air plus sûr de lui. Un suspense insupportable, vous l’avouerez, soudain il vint se placer un peu plus près de nous sans que le serpent veuille le croquer. Il resta là un bon tour de cadran à nous regarder. Je ne peux pas dire que sa présence me rassurait ou bien m’importunait, cependant puisque nous le connaissions il était normal qu’il s’invite. Soudain, il se mit à chanter une autre chanson. Cette fois-ci, elle ne ressemblait pas à un chant de petit oiseau mais plutôt à un message morse de gros bateau. Il n’y avait pas de brouillard, pas de récif et apparemment aucune raison de sortir les tambours de guerre. Je fus surpris de ce changement de ton. Dès la corne de brume lâchée, le mendiant immédiatement déroula ses anneaux et il s’en fut ni moins ni plus ! Je n’ai pas très bien compris pourquoi mais ce n’est pas incroyable, ça ? N’est-ce pas une marque de complaisance ? Je crois que j’aurais pu avoir en eux deux une parfaite confiance.

 

Mais bientôt, la voiture que j’attendais arriva, le chauffeur ne faisait déjà plus attention à moi. Je m’engouffrai dans les embruns bretons de boîte de conserve délivrés pas la clim. J’oublierai les chansons, j’oublierai les discours, j’oublierai leurs visages. Je ne sais même pas ce qu’a bien pu vouloir dire exactement la chanson de gros paquebot. En tout cas j’étais très heureux de l’accueil que le destin avait bien voulu me réserver.

 

37

L'abduction grandeur nature gaspillée

Vient adopter un étroit jardin comme un sifflet

Un harmonica de diplomate sortant de sa berline

Aux tôles fausses de matronyme

Piéger dans la tapisserie de l’électorat

La zoologie croissante de placoplâtre

Avec ses os secs scellés dans l'espièglerie d’un divan

Le pinceau d'existence dans soudain des fentes

Par la même occasion des bulletins pollués

Dont l'imperfection pisse rapidement au loin

À la permanence de sécession du cosmos

Un type d’effroyable blasphème de tabagisme

Dans un feston de la récréation de caravane

Grossiste d’identité sous franchise

Comme le manque de tranchant du placebo avec le gui qui

Entrelace l’émail, le bel autour de mes tenues de cloître

Hermétique la chapelle minable sur scène

Imitatrice de bavardage, de faiblesse, d’hystérie, de rien

De noyaux de mes courroies d'ecclésiastique

Principe de jacasseur médusé de poudre illico

À la sortie de places que personnes ne prend

Puritaine que le portier préserve

Lors de soirées de périscope secoué en l’air

Comme une sécurité sociale fauchée

Qui a explosé au mont-de-piété

La chaudière à pression en mai

Son secours volé par la nuit vicieuse

De passage de chaume aux azalées

Empiriques des beaux-pères à la mononucléose

D’ouragan, d’eau de première main

De breakfast, d'entraîneur de vanterie

Retourne la courgette comme un atlas guérisseur

Sur ce vêtement en haut du syndrome,

L'interdiction dit en tant que nouage

En face de l'alignement des règles

De déviations on se regarde pantois

On ne devient qu’une famille d’itinérants

Sans possessions, sans libération

 

 

38

En outre sans doute de l'armée d’une reine

Semblé coudé pousser quelle souveraine

Quelque chose mais de chanceux déballe

Vaines recherches d’une naissance royale

Formelle astuce comme un héros

Toutes les fourmis dans un recto

Mais sans titre dans tout l'empire

D’une position qu'elle puisse tenir

Toi tu t’es abandonnée pour glaner

Des princes de primevère dans leur élan

Ils s’accrochent à tes rubans de cerf-volant

Leurs compagnons les mains sur les yeux

Dans le ciel sont allés au-devant d’eux

De pierre de taille, de bois de coupe

Ceci cela, la redevance de charpentier

Tu leur as bien coupé leur droite nacelle

Le seul accès qu‘ils soutenaient sans ailes

Pendant leurs mariages, hélices de tulle

Des sourires aux yeux collés de bulle

Des brises, épouses toutes plantées

Les vœux échangés se font enlever

Dans le ciel les frasques en fraxinelle

Loin commence une nouvelle chandelle

Le feu change le vent sur le feuillage

De goutte de cire et d’origan sauvage

Dans une bouffée tu es déjà repartie

Au royaume où tu loges durant la nuit

Le bonheur savant est à la table quiète

Et les midinettes en rallyes se toilettent

Des paladins sans chaîne font la course

Pour la presse des coupeurs de bourse

Je suis venu ici sous l’or du monde

Capitaine de la garde près de la ronde

Au siège le signe de la reine attendu

Appelé au château d'un état déchu

Treize papes sont apparus sur le balcon

Quelqu’un qui connaît le palais à fond

Promit que ton altesse prenait l'air de nuit

Et le dos de ta tunique alèse ta silhouette

Ainsi les jupes larges de ta robe violette

Une goutte de pluie tombée à la baille

Une tunique simple ceinte à la taille

Tu porterais folâtré entre balustrades

Tes airs d’accent pointu et de ruade

Tu montes à plat sur les côtés de la vie

Deux chaudrons cyclopes et qui rient

Moulent ton ombre au-dessus du marché

Et ton trône allumé avec sa salle meublée

Jette une lumière fraîche au bois unique

Du creux du cou de celui qui s’astique

Les murs couverts du papier de la chambre

Femme d’une fume centripète et d’ambre

Brasille d’une belle tapisserie vermeille

Tu t’es dégagé la gorge ronde de ce miel

Comme deux tessons brodés de bannière

Formée d'herbe fine et de gentilhommière

Et encadrée de sommations de ton anatomie

À l’amende mes mains de croyance saisie

Leurs huches de chrysalides attendant le détour

D’une bogue lointaine dans la bataille d’un jour

 

39

Le soleil, cet ami de silence

Chaque fois de ses lances

Au bas de l’escalier bleu

Vise l’horizon pané de feu

Noyé de cendres et décombres

Sombre et paisible, sombre

Son chemin au pas de la mer

Ploie, tend vers le large amer

De doux regards hypocrites

De retour, pâle le jour acolyte

Avec la poussière de la route

Décor que l’aurore shoote

Lui ayant tout donné des mots

Pour qu’il s’abreuve au broc

Lui joue l’oasis de la sorte

Le garde à la première porte

Et cette énergie qui s’entasse

Sous des tubes papotasse

Les nuages s’apprêtent dare-dare

À changer d’air leur pétard

Le ciel scintille déjà d’émoi

Prêt pour le grand jeu de l’oie

Finalement tout est en place

Mais mon regard est de glace

 

40

Il fait bien plus frais et l'ombre s'endort

Des rais obscurs passent entre les stores

L'oiseau gris est posé sur le bord de mon lit

Des lianes et des lichens pendent de ses abris

D'un espace interdit, d'un creux qui sidère

Le silence et l'immobilité règnent dans l'univers

Avec ses dartres bleues en forme de méprises

Mon âme est à la traîne et hurle qu'on la frise

Ange flegmatique regagnant l'étable en godiche

Les maisons se regardent décorées de liche

Bonne pâte, les chevaux piétinés de pépites

Du chocolat dégouline dans leurs jointures

La grande spécialiste des aumônes joue d'aventure

Un peu timide et concentrée de véritables amanites

Elle adore jouer et grimper aux barricades du malheur

D'ailleurs, sur le toit il y a des survêtements de rappeurs

L'inventrice de l'incroyable régnant sur la brioche

La prairie des supplices et des sacs dans ses poches

De ses yeux bigles elle soupire tristement

Une grosse larme coule de temps en temps

Sur la tête d'un mat qui se trouve au-dessous

Au-dessous, un chêne puzzle de belettes

Un amour fait tranquillement la sieste

J’apprends à voler d'un pas mûr

À l'ombre soudain à cheval sur

Les boursouflures d'un oiseau de pis

Tombe sur un bec, sur un nez cochevis

Comme un beignet pelé réveillé dans un saut

Je pense aux choses qui arrivent sitôt

Ève étrillée passée sous quelque gant

Sur ton chemin tu parles aux champs

La douleur vomit, comble et déglutit

Et laisse pantoise des arabesques d'église

D'or mon âme est un étain qui en vain vise

Elle se torture alors, caresse, respire gothique

Tu éprouveras des béatitudes fantastiques

Tu triompheras en l'acceptant médiocrement

De la peur de cette façon qu'on a tous devant

Tu la supporteras et t'en tireras bien mieux que nous

Offre à la mortification ton intellect de gourou

Attise bégayeur le génie que le feu en sorte

Bande tes nerfs et sauve les plantes mortes

Pour embrasser le ciel et culbuter les novas

La mort est une autre étoile, mais tu ne la connais pas

 

41

Trois coups de crayon,

Quelques points de couleurs,

Des phrases laconiques

Et mamie réglisse frappe à la porte

Un grand soleil de fin de foire

Fait péter les feuilles des arbres

Des contours se décollent sur le gris du crépuscule

Une grosse étoile remonte en haut des rives boueuses

Et le fleuve s'attache à mes semelles

Toutes autres choses aussi nagent autour

Et l'eau joue ses cache-cache de chienne

L'inappétence décide qu’il fait beau dehors

Et mes hyènes sont mortes de rires

L'ouest illumine les baliveaux d'une lumière d'avant-poste

Et la journée mondiale de la nuit revient

Des odeurs grasses parfument l'air démis

Des idiots font la roue entre les feuilles

Et leurs couleurs passent comme des lignes

Des lucioles vibrent et déploient leurs ailes

Jaunes et bleues comme des étincelles

La lune se couche sur un sentier de flaques

Et de grandes fleurs blanches flottent à la surface

Je n'ai pas mis de chapeau et ça mouille

Les barbotières coupent leurs épis d'orge

Et ça pleure au nénuphar des poussières

Ambré, le vent énorme les promène

Volatile de ses godillots d'atmosphère

Et je ressens, aplati, le voisinage

L'ombrage beugle les erreurs de mon âme

Et déclame ses ivresses entre les feuilles

Entre les feuilles une pluie fine,

Une petite pluie d'argent abat

Sa moue déconfite dans sa fuite

Les reflets de tous les miroirs

Les antilopes aux jambes juste fines

Se régalent de grands gratins rouges

Des lianes moussues oscillent dans la brume

Disséquer tous les éléments du mélange

La séparation, l'absence, la mort

Et les sentiments de manque qui en découlent

Certains manèges stoppent nus

Un peu de pluie ne fait de mal à personne.

 

42

Là-bas, les paysages n'ont qu'une seule papille

Souvent à peine sensible hors du temps

Ayant de loin l'éclat et l'apparence de l'or

Vasculeuse, située à la frontière du cloaque

Il ne peut se produire d'autre irritation

Que celle qui doit résulter de la bouche

Des yeux de l'effleurement du monde

Et qui est l'érection et l'accouchement

L'accouchement des arbres, des herbes

Des rivières, et je regarde toutes ses fourmis

Ses fourmis de paradis sous péridurale

Éminence conique du derme de certaines

Plus ou moins saillante à la surface de la terre

On marche sur les muqueuses des rêves

Et certains organes qui correspondent

A des terminaisons vasculaires ou nerveuses

Comme des mamelles sensorielles

Généralement sous les collines gustatives ou tactiles

La glaise allonge son tronc et recouvre

La couche intermédiaire, la partie centrale

Et tout ce qui viendra ensuite, destiné à la sécrétion

Organe propre laminé de vert, de bleu et de blés

Protégé à l'entrée d'écharpes et de Gore-Tex

Les vents sont là et veillent au grain

De leur voile de palais ils réagissent

Avec le seuil de leur voix et sèment

Gospel printemps et d'autres développements de grande itinérance

Comme un ébarbage clair de pierre précieuse

En flaques courantes de mélisse de bergamote

Et aux formes primeurs impudiques

Boule de cristal au fond des amygdales

Planète et du système solaire abyssal

Enveloppée de gaz, dormeuse à ce jour

Un an tournant et vingt-quatre heures environ

Ton corps aplati hurle aux pôles

Céleste d'eau connue où se manifeste la vie

De la naissance à la mort tu changes de chants

À la différence que dans la nature, la parole

On ne sait pas l'écrire et il faut vivre ensemble

Un cri s'élève et s'infléchit bien davantage

En roulant sur les différents airs de l'échelle

Accessibles au registre des ténors d'opérette

Un beau ciel d'une durée régulière

En une suite d'intervalles tendus et vibrants

Et cette force rendue sensible par le retour

C'est un repère, c'est une trouée périodique

Ou bien une fonction, un jeu d'esthétique

Mais aussi d'un caractère psychologique

L'amour du soir, du orange et du feu

 

43

Par rapport à un point de repère

Ou bien loin d’une fable inventée

Et se dessine de quelques notes orchestrées

Dans l’intervalle de ce qui est situé ailleurs

Un solfège composé d’accords de couleurs

Pas une marque, pas un nul

Une arborescence déguisée de cumul

Espèce de givre lâchant ses racines

Respiratoire dans mon livre j'hallucine

Le flot et la partie vivante de la sève

Comme un petit tas de feuilles brèves

Un jus substitut assurant la circulation

Troublé ce sang fluide d'une émotion

Ça fait beaucoup pour un seul écureuil

Une écume couchée le long de mes écueils

Ma vie traîne sa savate de béton usé

Assortiments et métabolites éculés

Tout qui n'est plus rien

Regarde ce bateau de désir

Roulis bénévole sur ton sein

Épuisé au rouge limé de plaisir

Éclaire le noir de mes insomnies

La mer repousse sous la nuit

Avec tes attributs d’ange dingue

Tes éléments d’harmonique

Et cet essentiel qui te distingue

De mes formalités prosaïques

Tes dispositions régulières

Mes césures fixées sur ton derrière

La poésie et la prose qui se fondent

Et qui se fondent sur l’accotement

Sur le besoin de bouffe d’onde

Sur le retour qui impose ses temps

Forts des accents et du combientième

Des syllabes en dormance je t’aime

Ma farde d’alangui comme un vestige

Sert de suif à l'écoulement des eaux

Et que les pluies empreintes dirigent

Sur le sol, le pied dans le caniveau

Tu m’as dénoyauté de la noyade

Lorsque tes poissons sur la pierrade

Sautant du sable vers mes mains

M’ont donné recueilli tous leurs pépins

Je déglutis des lits que tu bordes

Bordure des trottoirs et des hordes

Soupçon d’engeance d’un canal

De l'homme ou de l'animal

Je demeure ce que tu laisses

 

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Si vous saviez combien notre monde a peur de la clairvoyance qui opère de façon occulte sur les forces et les esprits du bien, et qui permet à l'homme d'utiliser ses pouvoirs de comprendre et d’aimer. Tiens, vous n’avez pas entendu parler de ça au journal télévisé ? Vous cacherait-on la vérité ? On vous fait miroiter les bienfaits de l’ignorance à cause de la peur du manque à gagner.

 

Et tous ces postulats peuvent être utilisés par souci d'efficacité pour produire, pour créer, pour faire, pour développer – à l’aide de formules mathématiques. J’aurais tellement voulu que Dieu ne nous torde pas les idées avec sa politique. Je préférerais tant des textes rituels parfois et puis des actions symboliques méthodiquement réglées avec leurs effets qui semblent réglés comme du papier toilette irrationnel. Un peu comme la vitrine des choses indescriptibles ayant des effets que la science ne peut expliquer et qui n'ont rien à voir avec l'ensemble des opérations qui dépendent de la connaissance.

 

La théorie secrète des péchés procède du secret et de phénomènes sortis tout droit de notre bréviaire de l'imaginaire que tous ces siècles de culte fébrile nous enseignèrent patiemment. Et moi dans mes prières, j’aime un endroit où l’on ne parle pas anglais et ou en parlant d'un effet, d'une qualité physique ou morale alors l’influence charme et provoque quelque chose qui est profondément ressenti sans toujours être raisonné par la force, l'intensité du sentiment, du plaisir, de la satisfaction qu'il procure.

 

Lorsqu’on ouvre les yeux au-dedans de soi et que par un jeu du sort, on réussit à s’extraire du dolmen et des autres mégalithes qui nous guettent en éveil bien sûr. Lorsqu’un roulé-boulé donne suite à des galipettes sempiternelles, il y a un vent de matelas déchirant des coupures de pantalon.

 

Avec cette bohémie de produire des choses qui ne sont pas prévues par tous les moyens, par tous les procédés, finalement on se surprend à s’éterniser. Ça court tout le temps dans toute la maison. Inlassablement, des événements inexplicables se produisent, tous accompagnés de cris et d’apparitions d’enchantement. Une pâte à pain fondée montre alors la présence dans la nature de forces immanentes et donc non surnaturelles, bien loin de toutes ces doctrines et croyances qui nous ont tant exploités.

 

Ensemble, nous procéderons des activités d'une nouvelle constitution d'arbre et de recueil. Sur un peu d'herbe fauchée et bien sous tous rapports, nous fondrons d'estime en souriant, nous sachant existants dans un même réel et dans une civilisation naturelle.

 

 

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Lorsque le chagrin passe

Le corps tremble de ses fenêtres

Et de ses feuilles les objets bougent

Les vers de terre frémissent de bris de verre

Leurs anneaux font des petits bruits

Qui crissent quand ils tombent

Sous les pas d’un bonheur qui ne commence pas

Même dans la nuit véhiculaire et ses terribles nouvelles

Le monde souffle dans des ballons de poussière

Tous les soirs, assise dessus, la lune ne dort plus

Ni le sommeil ni la halte prochaine

Aux pieds des cratères et des servantes

Abruti d’appels j’ai besoin

De cajoler cette peine-là

Mais il n’y a pas de fortune

Et il faut des tempêtes de malchances et des chemins

Des eaux qui débordent tous les matins

Des heures tardives et des sommes

Des caisses de fanfares, la page suivante

Ouverte comme une main tranchée

Des montagnes de chariots vides

Et le vent dessus qui pellicule

Le vide encore de toutes les routes

Des cabines remplies d’ambroisie

Comme une jeune fille belle dans le bruit

Un bouillon de ville cogne au carreau

Mon amas de gouttelettes masque

La surface du sol ou des eaux

Laissent de plus en plus opaque

La brume en pause dans l'air

Fluide pachyderme d’un ton élastique

Dont la masse ancienne forme un vœu

Une évidence invisible d’un chaos

Devant la lumière et ses charmes

Tu prends ton bain d’émanance

Mon pain sur la croisée d’un chien

Pesant soleil de décembre

Les neiges célèbrent leur danse

Dans un énorme silence d’étoile

Une troupe constellée dans ta tente

Ce soir je dors à l’opéra

 

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Les paradis gênés qui n’ont pas de chapeau parsemé de couronne meurent parterre dans une pustule de l’âge. Mourir à la surface des eaux, à côté des lotus et des boutons d’orangeade, à côté des sonnettes qui sifflent aux effluves de nos amours pensées. Appuyer sur cette petite drupe ronde et lisse à la porte du potager. Sous les averses sauvages, marcher et à chaque rang glaner, tisane de petits détails, des rubans verts de légumes et de sursis. Dans des marasmes composés de farine de lys embellis d’escapade s’ajourne le poids, le rire et l’idée mousseronne de l’automne. Cette dilution systématique noyée de cymbale et de moulin à soleil tend inlassablement à tout effacer. De ma disparition progressive de la nuit complète en devisant les couleurs, les formes et le goût, rompus aux fouets du jour gris, poche un œil de sensations homéopathiques. Je souffre du bleu de la peau des tiers espoirs et mon terrain s’enlise de doléances aux sujets vagues. Aux griefs d’un an un char d’assaut roule sur mes cahiers. Espérons que le mois ne soit pas trop pluvieux et qu'il n'y ait pas de retour de gel, ce sera ainsi gage d'une bonne récolte. Au printemps, un déluge d’ornements du temps décore les buissons, les arbres, les plantes et toute leur marmaille. De longs épis d’un bleu rougeâtre s’éprennent et flagellent leurs pollens avec des mouvements d’encens. Une haute tige droite et polie sur quelques bulbes où s’entassent par centaine des fourmis engouées de parabolique. De longues feuilles lancéolées, engainantes, et de grandes vasques terminales, généralement se font la moue solitaire. Évasées en urne, le point du ciel leur jette des votes que d’insensibles arrosoirs panachés de soir, et garnis de pommes en manque, ne comptent ni ne trient. Une démocratie de gros pistils et d'étamines se distingue d'une liaison d’avril, et la vigne rayonnante décoche ses filets de chlorophylle déroulant vers Amon Râ ses replis de bourgeon qui brident certaines de ses terminaisons. Jacinthe muscat qui chavire nos sens de déliés barrique à pitance, en mai fabrique ce qu'il te plaît. À la maison ou dans la véranda, faites les semis de vos annuels caprices si bien appréciés pour l'ornementation. Les offrandes de mélodie formées de six divisions vivement colorées, des oiseaux qui chantent aussi avec des couleurs. Des chevaux qui hennissent culbutant des régiments dans leur départ de galop massif. La chevalerie des arts est à contre-courant vers des marais profonds. Les iris fétides à gorges de démons poussent sur des antres à dôme d’église, à bulbe de plate-bande. D’autres amours recueilleront dans le sillage du voyage le souffle de la longue course, le grain des semelles à fusain.

 

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Au fin fragment de l’univers, avec ses structures de gruyère, des variations et des courbures nous regardent faire. Accessible à l’œil nu et aux instruments d’optique, le visible a un âge et explore à notre place le cours du temps. Les étoiles nous donnent le vertige, on ne sait pas combien de millions se barrent dans le ciel tous les jours. On a le vertige de la hauteur et de la vitesse, de l’aspect curieux que cela donne aux choses. De leurs extrémités combustibles comme des allumettes de la terre qui resteraient pantoises dans l’océan, elles mettent leur chimie inflammable au service d’admirables observateurs. Et les observateurs dans leurs observatoires ont de nombreuses idées qui restent à ce jour pour le moins obscures. Ainsi parfois on les licencie et on envoie leurs télescopes dans l’espace espionner le vraisemblable grand nombre de planètes analogues à tant d’autres. Alors on dit que les conditions nécessaires à l'apparition d'une forme de vie peuvent ne pas être réunies, tout cela à une vitesse inimaginable. Quelle drôle de notion nouvelle nous avons de la matière en frottement ou non. Dans l’eau, dans l’air, il est difficile de trouver une matière qui ne soit pas enduite d'une composition chimique. Le scintillement lumineux a ceci de bien qu’il appartient à tout le monde. Du moins en dehors de la nuit, on ne paye pas encore pour ça. Qu’elle nous parvienne de la lune, d’un geste du pouce ou d’un regard, tout cela n'est-il pas que de la lumière ? Tous les hommes naissent, même dans le noir, illuminés. Illuminés d’une lumière, une et identique comme une bouture astronomique jouant sur les vaisseaux vautrés du soir. Et il s’en revient continuellement, le soleil, chaque jour border mes restes et tâter mes cernes d’un pouce de sonnette. Ouvrons donc toutes nos portes au vent, au point de lueur au bout du tunnel. À cette resplendissante clarté qui on ne sait comment joue de l’orgue et chante des refrains hautains. Nos sensations vieillissent-elles ? La plus courte, la plus grosse, la plus forte a cinq doigts, opposables aux autres et jouant, grâce à ses aptitudes, un rôle essentiel dans la compréhension. Mais où résident-elles dans cet empaillage confus, dans ses maquettes de vie imposées par GPS ? C’est bien au-dessus de nos têtes que l’on espère, mais s’il n’y avait rien, puisqu’enfin il n’y a rien ? Nous cherchons des grands frères pour nous casser la gueule ! Le seul sens que les dieux arrachèrent de nos têtes un soir de fête est tombé dans nos mains et je te le plaque partout où il y a de quoi. Et il y a de quoi ! Des dos, des seins, des organes même qui rêvent de caresses. Des ressacs de plaisir s’abattent sur des poissons mous et la disposition de leurs nageoires m’exaspère. Par-delà le mur du jardin, des phénomènes naissent et s'amplifient avant de retomber selon un mouvement qui rappelle celui des tempêtes. Comme un train se laissant emporter par ses ondes, échappant au rapprochement progressif de la butée. Guidé par son mouvement oscillatoire dessinant des crêtes et des creux qui affectent les cordes à lignes. Des forces irrésistibles prennent naissance loin dans le temps et dans l'espace. Transportons-nous dans d’autres fièvres pour voir cette solidité du vague à l’âme.

 

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Un puits de clarté entre les palmes

Inonde le sable de silice nos âmes

Tout en piquetage laissé là

Dans un ciel de champagne ça

Pétille mon amie bien la mer

Un bardeau d’éclat au travers

Les étoiles ce soir consolées

Comme les filles amères gagnées

À la surface et brille en crevant

Bulles brèves de gâteaux blancs

Glace auprès de ma blonde

Des démangeaisons opérandes

Ses flambeaux de mélèze

Derechef assis sur une chaise

Calcineront en contremont

De la peau mes inclinaisons

J’exige au parloir de se masser

Ainsi que d’autres billevesées

Calculées d’opérations identiques
Des violons de bouleaux chics

À coup de jurons choquent

Tes envies folles et provoquent

Le changement des vagues

Le sens, la remontée des algues

Noient notre solitude ce soir

Comme un linge au lavoir

 

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Voici, cuit et suant le jour

Le soleil de droite à gauche

Passe lourd la nature au four

Et de haut en bas l’air fauche

Lentement comme des rôtis

Des humains et des bêtes agatis

Visage aux papillons rouges

Couleur des lilas gouges

Qui se découpent bambous

Craquelée d’ancienne boue

La terre reçoit ses images

La fange, poussière allongée

D’argent et de paysage

Par contrastes sensibilisés

Lauriers de régions tropicales

Trace de terre médicinale

Légumineuse de la famille

Des pigments, des chenilles

Plante de mille douleurs

En déshabillé de fleurs

Équilibre de sages brûlures

Photos parsemées de lésions

Sèches inscrites en blessure

Violente chaleur de légions

Au fond du désir et du sens

Alors litanie de mes rances

A la flore chimérique ou nue

Sur les cases, lanières de néant

Coulis de sable de la rue

Les cailloux pilent un tourment

Perré minéral ou moins vif

Tarlatane à faible giboulée

Aigre dont mon compas se griffe

J’ai mal de la perte

De la rupture manifeste

Des hâtes du bien-être

Aux sites fonctionnels

Et des allées désertes

 

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Le roi des gribouilles

Perché, pendu au son

Au comptoir des gidouilles

Des ténèbres à talons

Toujours il y a de l'eau

La piscine à temps chaud

Même en avançant d’un pas

Le placard trébucha d'un fa

Une branche de doux trésor

Contre quelque chose d'un caillou

Chronique dans le noir or

Ne voit que la nuit

Et ses airs de physionomie

Satine ses longues jambes absides

Pince la chorale, je reconnais

De grandes plumes du soir

Sur ton bassin d’arrêt

Collines d’alangui, mon marais

Des palmes et des guichets

En quelques coups de bec

Avala toutes les princesses

Regarde là-bas dans la remise

Mais l’éphémère se met à bouger

Et s’envola soudain

Au bord d’une mare, même dans le noir

Si fatigué aussitôt, sans avoir bu

Il s’endormit d’une goutte

À la lueur des feux ronfle

Ton ventre, lourd équilibre

Un cri remonte le long de ton cou

Grand ouvert ton cœur qui s’échappe

J’attrape le lendemain

Comme le soleil se leva

 

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Quand la voiture elle aussi eut atterri, je me suis trouvé seul dans une grande maison meublée. Tout autour, d’autres maisons meublées, avec pour les encercler tout un réseau d’allées dans un camp surveillé. Une maison, bien qu’elle ne soit pas là, pour ma famille et moi. Il est étrange comme l’ensemble de toutes les choses qui définissent un être peut se mettre en conjonction totale avec les gens du même sang, du même amour. Un noyau permanent qui s’articule autour des enfants. Pour ce coup-ci, je ne m’enfuis pas. Dans ce monde aussi bas, il y a une place entre deux palmiers sur un bout de plage, je m’en vais nous la donner. Sur le voilier des airs, en reconnaissance je suis parti. Dans un monde étranger je revois des objets familiers, des tables, des chaises, des meubles extrêmement bien rangés. Comme les pièces sur un échiquier avec chacune leur case et leur façon de bouger, prêtes au jeu de stratégie attendant mon premier mouvement sur le carrelage en damier. Mais il n’y a rien qui remue, c’est une partie sans aucun coup. Je passe au milieu des pions immobiles, à côté du fauteuil roi, de la reine armoire. Des meubles en bois verni représentant tout le savoir-faire de fabrication industrielle du lamellé-collé suédois. Des murs blancs très clairs et impartialement à l’équerre. Avec la touche impersonnelle d’une station de métro après le passage de la société de nettoyage, tout était vide, bien propret et statique. Cette tanière abritait soudainement un ours non averti qui apportait pour son goût beaucoup trop de choses du passé. Les fenêtres sans rideaux me renvoyaient mes traits tirés de fatigue, où chaque compartiment de chair refusait de communiquer avec le voisin. Si bien que le tout produisait l’effet d’un patchwork désordonné que maltraitait encore l’effet de la gravité. Dans un brouillard de plus en plus faible, ce sont les choses du présent qui ont commencé à s’éloigner de moi. Je ne comprenais pas le fonctionnement d’un lieu aussi simple. J’ai mis deux jours à me rendre compte qu’il y avait des toilettes au rez-de-chaussée. Un tourbillon interne était né où tout ressuscitait, balancé attentivement au pas des rythmes atlantiques. Comme la feuille d’un palmier poussée par un vent léger. Je n’ai pas depuis longtemps eu l’opportunité d’entendre le bruit de mes propres gestes. J’ai retrouvé, sur le pont du bateau, dans une cabine de pilotage, au fond de la brousse sous une moustiquaire imprégnée, dans l’étuve des containers surpris par l’écho de ma propre voie, j’ai retrouvé partout des traces de vous. Maintenant comprenez-vous, étendu dans le hamac fainéant de la solitude, comment j’ai pu sentir toute la progression de la bruine du désespoir entrant dans ma peau par les trous des piqûres de moustiques ? Comment le printemps de Tbilissi se transforme en stérilisateur de chewing-gum fade et brûlant de l’été austral ? Comme si les passagers d’un navire naufragé se mettaient tous en même temps à chanter faux. Avec par-dessus le marché, la sensation de cuire à petit feu. Je suis comme cette maison esseulée sanglotant dans un coin, contemplant des palmiers et les gens passés. Pas beaucoup de différence à voir avec un désert plat. Un champ de pierre qu’un géant maladroit aurait semé en jetant ses crottes de nez. Un désert sans rideau ou les tempêtes n’effleuraient même pas les carreaux. Je m’imaginais ainsi tous les jours, comme arrêté à un feu rouge avec le visage des vendeurs de rues aplati sur la vitre et qui m’observent. Alors, inostensiblement, une panoplie de tableaux sans accusé de réception flottait à la surface de mon idéal. À l’image des nénuphars qui se rattachent à un point essentiel sous l’eau. Je me transformais en grenouille sautant de l’un à l’autre avec parfois une grande plongée en apnée jusqu'aux racines. Mais je n’avais jamais assez d’air pour les atteindre. Tout juste avais-je le temps de remonter pour m’apercevoir que rien n’avait subsisté. Je me demandais comment j’avais pu prétendre à me faire le poumon aussi grand que celui de la vache des nouveaux temps.

 

Je pars m’asseoir sur la terrasse, une étendue de dalles de béton posées sur la terre. Il y avait là une grande table ovale avec quatre chaises rebattues dessus. Tous ces objets de PVC semblaient étriqués, se serrant les uns contre les autres dans un spasme immobile, sans vouloir se défaire comme après une orgie de poussière. L’indécence était si grande qu’il était difficile de venir s’y asseoir. Alors je repoussais la première chaise à ma main d’au moins deux mètres seulement, ensuite je me posais dessus. Un réverbère blafard dispensait sa lumière entre deux feuilles de palmier. L’éclairage extérieur de la maison était commandé par la société de protection. Ainsi s’arrêta-t-il à neuf heures précises, d’où je pus découvrir davantage la lune et ses gros fardeaux de rayons fantômes aux ombres diurnes. Le petit jardin qui s’installait là, veuf de tout gazon et père de quelques arbres, se limitait à gauche et à droite par une haie mi-haute. Au loin, un bruit de ballon qui rebondit rythme le positionnement du présent. Les feuilles du jardin s’inclinaient doucement de haut en bas dans un dernier refrain de salut. Lorsque la bise fut passée, tout retrouva sa triste inertie. Il ne me reste plus qu’à dormir. La soirée fut des plus calmes, le sommeil m’emporta dans une sirupeuse angoisse tremblotante.

 

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Irriguer d’un nouveau regard

Et aux écoutes du changement

Avec ma boîte aux lettres fondante

J’envoie ce message d’hier et d’aujourd'hui

Amie, ma tendresse d’apprenti

Mon bel amour à l’agonie

Au cours ordinaire de la pensée

Sur une causalité directe de la nature

Je fais des expériences avec ton parapluie

La brise renouvelle sa chimie de branche d’arbre

Des oiseaux s’amoncellent en précipité

Leurs chants changent les cours de physique

Sur les grains de la main ta peau différentielle

En forme de nuage de la cause formelle

J’entends déjà des océans qui râlent

Leurs vagues ont des allures de bateaux qui parlent

D’une magie, d’un principe fondamental

Dans ces rêves de plage et de cage

Ma case s’oppose vaine à celle

Que la connaissance harcèle

Gisant ton souffle haletant encombre

Mon âme désaltère une boisson sans lait

Le doux poison des papillons

Ferme un œil, on continue à demi

Une nuit tendue d’arsenic et mon oubli

À la faveur d’un deuil, ce matin est parti

 

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À quatre pattes, à tracer des tremblements

Des spasmes, des allégories Parkinson

J’organise des maladies, des ventres ronds, des signes souffreteux

Je tousse des membres, crache des doigts

Trois traits raides sur le miroir

Ferme la porte et sa ligne, et ses traces rapides

Laisse le vent arracher ses pans, qu’elle pleure de la pluie

Qu’elle saigne avalanche toutes les trousses et les nécessaires

Je biffe du rimmel sur des rayures tendres

Gravées au corps et qui ne s’effaceront jamais

Des formules en majuscule et des dates repues de chiffres qui n’en peuvent plus

Des nombres épuisés illisibles se regardent avec soin

Remplissant fatigués des épreuves de calligraphie, des songes griffonnés à la va-vite

En gros à la fin il y a toujours le même mot

Un crayon de poussière tape doucement ce refrain

À l’encre, à la machine j’orthographie des alphabets

Ça reste coincé quelque part comme un chat en haut d’un arbre

Et ça met des heures à redescendre

Ça ne s’écrit jamais comme ça se prononce

Chaque fois qu’on essaye, ça change toujours d’adresse

Appelez ça comme vous voudrez

Avec des perles enfilées sur une page

Sur mon carnet je te dessine des colliers

Et sur le recto il y a des fleurs aussi

Quand on les met ensemble ça fait des cartes postales

Mes bouquets à moi sont faits de correspondance

J’inscris, je marque, je note comme un fleuriste

Des compositions de feuilles à envoyer

Dans mon panier, j’ai tout mouillé de larmes

Les timbres sont là, occupés à la brasse

Tu les verras bien arriver dans ta boîte

Comme un bourrage papier

Tu les liras en buvant ton café

Oui tu liras la traduction de mes angles allumés

Je t’informerai des transferts du registre

Un verbe de contrôle pour ma mémoire

Tu prendras jusqu'à la lie mes déboires

Longuement s’infuser des sonorités

Je te composerai des prières de théâtre

De pauvres acteurs en cheville réciteront

Des bulletins comme aux informations

Hâtivement, les critiques rédigeront leurs articles

Attends qu’on les lise en public

Il me semble déjà voir ton rire

Sur tes lèvres il se cache un sourire

Je suis là pâlot sur ma toile de bulle

Mon ouvrage à la main pour te plaire

Au courant de la plume et du roseau

C’était d’antan que des manies plus saines

Revivaient des œuvres et des âmes sereines

L’antique providence c’était éternel

Comme une opération d’utilité personnelle

Ce transfert plumitif de l’unité globale

La manière galop technique de cheval

Ça se conduit comme sur le périphérique

Tout s’inverse, s’invente pour toi seule

Le noir et blanc c’est la couleur

La gauche à droite, les tournants à l’envers

Ne vois-tu pas toutes ces taches de couleur ?

Mes empreintes de doigt en palette de frimeur

Style pour forger des idées sur la cire

Ma vie est un morceau de soliste

Mon rêve est aux étoiles

S’illumine comme une toile

J’écris cette flamme d’espoir

Elle est sur ton écritoire

 

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Le printemps breloqué de diamant

Pose sa toge des lumières du temps

Faites de la toute première des chaleurs

Du soleil malade, de ses toux de lueur

Dans l’air des justaucorps d’éclipse

Sertis des braises du Brésil et d’épices

De sa langue fragmente de violet

Un décolleté ultra d’une rosée

C’est avec des rayons de flèches

Que ton sourire roux me lèche

Et qui circonflexe pâmée cette gorge

Cette hirondelle des primeurs forge

Un beau sourire sur ton visage de saison

Tes cheveux filant au vent s’en vont

Dans la nuit je suis le brasero d’un ange

Et j’attise de mes mains ses vendanges

Mais oui, elle tourne, elle file cette étoile

Ses vignes alignées comme des poils

Dans son lit d’éther, champ de vide

Ses coteaux et ses oiseaux placides

Dont les chants jaillissent, inutiles

Façonnent le silence de bavardages subtils

Un loin mauve monte véhément

Des signes s’y promènent lentement

Les arbres y voient leurs derniers instants

Les branches applaudissent de brocart

Je plonge dans la forêt des oscars

Où nagent les vacillements des tonnelles

Sifflet propice aux automnes éternels

Je vois du feu dans le verger des châtaignes

À chaque fumée d’humus des odeurs saignent

Et l’amour qui part à ce chuintement

Accable le désert de mon écran

 

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À l’issue des fantasmes que crache le matin tôt

Tournant dans ce lit de gouttes et vidant le seau

 

Mi-sombre, un juge m’envoie des prisons

Où des citrons blancs de la jointure des horizons

De leurs yeux d’artichaut avec leurs ondes en colère

En roulé-boulé révulsé louchent de travers

 

Renverse ces torrents humides

Battant mes verses limpides

Averse sous les toits penchant

La pluie tombe à torrent

 

Une de ces couches diluviennes dépose

Sur l’autoroute que les songes explosent

Des mouvements imperceptibles et pieux

Et que le compte change en barreaux d’essieu

 

Départis, ses sentiments perlés

Divisant mes parts volées

À part sur le siège de l’orage

Le temps est un otage

 

Les péages lâchent des tickets d’alcali

Et les vaches se changent en gabarits vernis

Le destin provient de la suite en glissières

Nuages sur la terre, ma charrette solitaire

 

56

Un calme matin d’été, il faisait beau

Dès leur envol en spirale, des jets d’oiseaux

Chantaient puis en se levant le vent

L’écho de la rivière, ses vagues d’anniversaire

Et toutes ces musiques en descendant de l’esquif

Trébuchèrent, se foulèrent le front plaintif

Leurs rameaux de chevilles sur les pavillons verts

Leurs drôles de parures courant les sous-bois

Elle est toute seule l’ivresse des javeaux

De sa joie de jeune fille, remplissez mon tonneau

Puisqu’elle cire je lui tiendrai compagnie

 

Un peu plus haut il fallait marcher un peu

Sur la rivière, l’herbe sentait bon

Arrivé dans la petite cabane des cieux

Je me suis allongé de tout mon long

Mirant la toiture grande ouverte

Le lit en pagaille et la couche offerte

La table et les chaises par terre

Les draps sur le sol de la clairière

Je suis venu adorer ce panier de praires

De fruits de la gaze et d’autres locataires

J’ai sorti des échelles dans les plis de mon gîte

En marée, voilà les fleurs qui s’agitent

Et le blanc du corail de ce climat théâtral

Pique des pointes sous les phrases du mistral

Suivi à la trace par des bourgeons d’argent

Sous les mains, des rameaux dégoulinant

De grosses empreintes qui avaient remué jadis

Du fond des océans, le ciel des abysses

Cette ravissante et douce émotion spontanée

Avec sa mélancolie et son murmure entrecoupé

 

J’ai suivi les impressions, elles allaient deux par deux

Elles descendaient le chemin qui menait à la rivière

Un pied gauche et un pied droit

On retrouve avec les changements nécessaires

La coulée du flot que l'on remonte à l'envers

Alors j’ai couru, sauté, galopé

Plus vite que le soleil faisant scintiller l’eau

De grosses bosses, alors des castors bondissant

Enfin j’ai retrouvé mes chutes d’enfant

Elles avaient été abandonnées sur la berge

Entre les fougères il y avait de nouveau des cicatrices

Et mes genoux ruisselaient de sang

Deux par deux ils allaient dans les petits bois morses

J’ai regardé encore les jasmins, les arbres féroces

Avec leurs chapeaux, leurs grands manteaux noirs

Ils m’ont jeté sur leurs épaules et emporté le soir

Un autre cri comme une patte cassée

Les nuages sont de plus en plus grands

Même les talus étaient plus hauts que moi

Grisés et pleins de mousse molle

Mes pieds rechapaient de la colle

 

C’est le géant qui s’amuse à tout lancer en l’air

Et tout bouge, et tu me bouges aussi

Et c’est tellement dur de tout garder en vie

Et tout finit par passer de l’autre coté

De toute façon c’est normal

De toute façon il faut étriller la mort

C’est comme ça que l’on voit grand

Tout autour de lui

Il a aussi tout plein d’écueils et d’alluvions

Avec ses petites ficelles préférées

Il joue à couteaux tirés

Nous sommes dans la maison aussi

Nous n’attendons pas

Alors nous sommes bien contents

Puisque la source s’entend

 

57

Tu sais quoi ?

Quoi ?

T’as perdu !

Pourquoi ?

Parce que c’est un jeu !

Ah ! C’est le casino ?

Non, mais toi t’as des coups de soleil !

Tu vas devenir un autre papa ?

Mais non voyons !

Alors on joue ?

On va construire un train !

Et on va cueillir une fleur pour montrer à maman.

Ah ! D’accord, et je fais quoi avec ça ?

C’est quoi tous ces petits bouts de papier ?

C’est rien, c’est comme dans Adibou.

Touche pas !

Mais qui c’est qui va ranger ?

C’est pas très gentil ça !

Je serai gentille s’il te plaît !

Je veux des fleurs !

Il n’y en a pas !

Alors on lit Momo ?

Momo il est parti sur une île déserte

Il n’a pas son papa, il n’a pas sa maman ?

Ben non puisque c’est désert.

Il ne connaît personne ?

Si, mais pas sur l’île déserte !

Pourquoi ?

Ben parce que… personne n’est venu avec lui !

Toi tu viendras avec moi et tu m’aideras ?

Évidemment !

Me donne un bisou ?

Bien sûr mon coucou !

 

Il va sur une île déserte où il ne connaît personne

Et où personne c’est un peu sa liberté

Et où la liberté ne s’accorde même pas de palmier

Il aime les couleurs, et l’après-midi il aime les formes

Il ne comprend pas pourquoi on continue à lui donner des mouchoirs

L’île est son établissement public à lui

Comportant des salles de réunion, de spectacle, de danse

Et où même les jeux d’argent sont autorisés

Et il parie sur la mer, sur le vent

Avec des coquillages et avec ses pieds nus

Dans son casino de l’horizon

Il lit à la lampe lunatique

Il peint avec ses empreintes de doigts

Dans le sable ça ne se voit pas

Seulement peu de soldats viennent par là

Et ce matin pas de voiles

La petite magicienne a encore frappé

Elle a fait disparaître les goûts salés

Avec des petits doigts joufflus

Agiles comme des chenilles

Coupe du monde d’asticot

Quelle élégance madame la môme

Jolie panthère de mercurochrome

Émonder de l’impureté des grands

Sur ce tas et dans les autres

Dans un lieu où on ne l’attendait pas

Ce matin elle sentait le chocolat

Avec ses petits pieds tout froids

 

58

Lorsque je redescends la rue

Je vois des silences pendus

De grands chemins les bandits

S’acharnent au respect de la nuit

 

Du démêlant dans les yeux

La brume a laissé sa chevelure

Et sur mon cœur en son creux

En brosse dépose sa gelure

 

Mes chères veines de refrain

Mèches suintées des paradis

Avec les affres perlimpinpin

Cette écartelée, cette étourdie

 

Elle grelotte et va pieds nus

La soif retournée s’en fout

Et avec ses versos trempés

Elle touche le ciel du genou

 

59

Après tant de combats internes

Me voici à la retraite du mercenariat sensible

Et comme toutes ces troupes oisives flambèrent leurs pécules

Leur patrimoine émotionnel en quelque goulot de bouteille

Elles restent d’active et occupent l’espace de médiocres forfaits

Que le pouvoir central utilise déstabilisant les oppositions des rancœurs

Mes rebelles rapinent et se payent sur la population des songes

Je prends un mot en otage

Et je lui applique l’ensemble des tortures obligées pour le faire parler

C’est sale oui je sais

Tous les moyens sont bons

Et lorsqu’il me livre son magot

J’écris « vérité » pour avoir mon accent aigu

Et tous ceux qui m’accusent d’avoir remis là une couche

Je les vois bien dans le coin de la pièce

Sur cette chaise brisée j’ai mes papiers

Une petite lampe, je relis mes encadrés

Une étoile de mer collée à une pierre

Ma main cuite à l’anse d’une tasse

 

Ta résistance est mon antidote

Mon gîte mouvant passe par là

Si on pouvait ramasser les morceaux

Si on pouvait regarder un peu au fond de ce lac

Des bulles de soufre, des sacs en plastique

Et des souvenirs ce soir

Des pêcheurs trop fatigués

Et leurs pirogues enchevêtrées

Sur la rive, de côté, on a tout laissé

Une situation différente

Ou la réalité crachant des flammes

Barre à pression ou greffe par fécondation

Rend même l’utopie efficace

Connaître ou apprendre à abandonner

Sur mon lit en boucle je vautre mes rosées

Le jour pique sa barbe mal rasée

 

Beaucoup d’enfants qui n’ont pas de silence

Sont laissés informes au fond de la forêt

Jusqu’aux nus terminus des grandes personnes

Et ils sont laissés là malheureux

Comme autant d’assemblages cartilagineux

Je rêve d’un monde sans les adultes

Revers du sort des maladies nouvelles

Ils mouraient tous à leur arrière-saison

Distingués par la forme de leurs fesses

Et la gestuelle de leurs bouées d’obèses

Bruant fou

Bruant jaune

Bruant lapon

Bruant des roseaux

Je cherche un livre sur les oiseaux

À l'infusion des feuilles et des fleurs

D'une saveur et d'un parfum délicieux

Leur vol c’est de la nourriture

Qui procure l'infini à ceux qui en mangent

À cause de l’eau liquide qui entre dans les bouches

Liqueur faite avec un peu de pluie

Du vent blanc macéré de violence

De clous de gargote et de treillis vert

Auxquels on a ajouté un peu de teinture de muscle

De l'eau et de la canne à sucre vocifère

Les ambrines créées artificiellement,

Par ce rêve lent des temps petits

Des églises figeant l’humanité

Leur cri se répand comme une sève

Vos récoltes on les a déjà ramassées

Lentement comme un enterrement

Et vous vous laissez faire

Et vous prenez les armes

La nuit, cette nuit ressemble à un pansement sale

Mes illusions en rangées bien serrées

Comme une lignée de fusées

Dans ta voix, il y a des petites fées qui chancellent

Avec toutes leurs richesses en pactole

La mort caresse le sol

 

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Nous sommes vendredi, et je ne puis décrire ce flot de sensation haletante frappant à la porte de mes sens. Ce que j’apprécie le plus, c’est la voiture. Le seul instrument relâchant mon attention sur des futilités de rue et sur des malheurs de trottoir. De longues ribambelles de grandes filles lascives parcouraient les rues nonchalamment, comme pour aller à une fête. Le cahier sous le bras, la blouse blanche en étendard, battant le pavé, certainement discutant du dernier soap brésilien. Le soleil distribue un flash permanent, amplifiant l’effet de la poussière en fusion. Assis sur la banquette arrière, portières et vitres fermées à déguster un climat tempéré coordonné par le moteur six cylindres du 4x4. En poussant l’autoradio un peu plus fort et en admettant que le soleil se mette à clignoter, tout aurait pu ressembler à une grande discothèque désordonnée. Le passage des autres dans une foule de nuits articulées, de pluie de détritus. Des gens qui ont des têtes pilotées par des motivations que l’on ne comprendra jamais. Le vent balaie tout ça, sans apporter la moindre fraîcheur. La rue avec ses airs d’activité énergique n’en est pas moins un ronfleur endormi agissant inconsciemment, comme dans un sommeil tourmenté. Des files de voitures bloquées aux feux rouges. Tout autant de notes absentes du lexique des couleurs s’enchevêtrent indépendamment, dans les carcasses de voitures au métallisé centenaire, au fluo des pare-chocs. Dans toute peinture, la couleur s’emporte grâce au pinceau, objet en fait représenté par la robe grise des fumées d’échappement vieillissant le visage des personnes et plus particulièrement leurs joues congestionnées par les flashs du soleil crépusculaire. En bref, la fumée se balade les yeux écarlates, les cheveux gingembre votant à droite et à gauche des bulletins blancs sur tout ce qui passe et sur tout ce qui peut s’adverbiser. Un adjectif femme cela ne va pas à tout le monde, dans la gamme des origines végétales la ville a oublié son fard, elle fait plutôt dans les cosmétiques de type dentifrice ou mousse à raser. Avec ses automobiles, ses transports paraplégiques, l’incandescence imaginaire, la nuit de ses lampadaires, elle finit dans ses colères quotidiennes par troquer son charme pour de la honte. Sous son ciel flamboyant, elle a le coup de rouge mauvais.

 

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Une brique d’idiomes attachés au cordon de la soutane d’un cardinal à poil devant ses tomates. Après avoir couru longtemps, une poule lui apporta coincé dans son bec un coquelicot. Le sang de l’ecclésiastique ne fit qu’un tour, il écrabouilla le cerveau de cerise du cher ovidé dédaignant l’invitation botanique, jetant sa robe sacrée tachée dans le trou d’un égout. Deux mètres plus bas, comme un obus réfugié les loques font leurs malignes alors que les fibres se déchirent et se percent de signatures de mites. Rien ne marche correctement. La perforation biaisée des passoires, le chat de l’aiguille bouché, il ne peut rien créer, même le trou de la couche d’ozone, il n’aurait pas pu l’inventer car on lui vole jusqu'à sa pollution. J’ai un manque dans mon emploi du temps. Généralement, à l’école, j’en avais beaucoup, c’est peut-être là que j’ai commencé à m’intéresser aux déficits sans le savoir. Sous les tropiques, les gens n’ont pas tendance à se casser la tête, mais là il n’y a pas de danger que ça arrive. La population est mise en prison, il n’y a pas d’aération, l’air ne circule pas. Seulement les balles, les mines, et les bombes assistent à des réunions avec les anatomies. Des décisions sont prises et l’on tue, ampute ou déplace. On pratique le graissage de mémoire et la digestion de l’astronomie afin de faire croire que la terre est plate. Comme un chat borgne qui pue la cigarette et souffre de ses instruments de musique. Une serrure étrangère est mise sur la flûte du pétrole et sur les souffleurs de diamants. L’opéra est pourri de vers et les souris galopent dessus.

 

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Est-ce que l’on se souvient

Le long du sentier

Les bois et les prés ?

Sur tous les sujets ce feu dévorant

Laissant un vacarme assourdissant ?

La composition ou plutôt la friction

Sur le clavier des touches de la passion ?

Les voleurs courent toujours

Les lignes sur la paume labourent

Ce n’est qu’une autre sorte de ride

Notre trajectoire est aussi vide

Vide et aléatoire que celle

D’une plume laissée recèle

Au gré du vent et qui tombe exprès

Le temps ne s’écoule pas après

Il se propage dans tous les sens

Et contamine avec décence

La plume se pâme en l’air

Laisser courir, laisser faire

Une vie, c’est pas une ligne

C’est un peu pareil la vigne

Chaque ramille des veines

Et des capillaires de la peine

La jambe, la jambe en surface

Avec ces varices vivaces

Derrière un long bail

Payé d’artères brailles

Pour être en vigueur

De ses intérêts de labeur

Fermer les yeux puis respirer

Respirer

 

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Avec toutes ces vapeurs de Cologne, le chaud nous lave avec du dentifrice. Une mer minérale et gazeuse, au naturel de plate-bande oxygénée. Un parfum piquant de Javel, comme une rose plate et lourde. Un savon de Seltz pour sucrer le tonic des forêts. Ô ma nature, je vais te dessiner un joli bec-de-lièvre pour ton ciné. Nous sommes de la même eau. Voici notre souterrain, notre sang thermal quotidien, notre territoire usé, notre égout. Un verre sans pluie, au bord du robinet je vois, la goutte au nez, à la surface de la boue, une source jaunâtre qui sort sa tête. Ça coule, alors je tousse un peu. Nettoyer tout cela à grande vitesse, en trois centimètres d’émeraude de la plus belle rage. Là-dessus, tissez la détresse et mon âme, dommage, reste à la centrale. Dehors, les fleurs ressemblent aux couleurs des chaussettes blanches le soir. Les arbres sont comme des incisives malnutries dressées sur les ponts de navire mat. Obèses barcasses en mal de devenir, les voiles ballantes dans des ports chauves ou mal cousus. Alors le ciel est mort, sa patte-de-loup prise dans un piège de sa race. On lui a aussi fait un trou du cul au milieu du ventre. Les hommes ont finalement dominé leur innocence. Avec leur réputation sanglante dans leur cellule, ils n’additionnent pas à la fin la somme au total des calculs. Je pleure les vierges verdures aux pages embroussaillées. Je pleure à la quinzaine du blanc parce qu’il faudra laver jusqu'à ce qu’il gèle, et nos mains crépies finiront en vrac dans un baril de lessive. C’est triste comme du Tipp-Ex. Le temps est mort lui aussi. Le sablier disperse cette moisissure saupoudrée, sorte de neige botanique qui dans tous les sens frappe à locution armée de ses projectiles offensifs. Et de cette musique de baleine microscopique, notre peau ne cicatrise pas et se couvre de rides. Cela se déploie comme une toile d’araignée entre les pores, un peu comme un vêtement que l’on porterait constamment. Lorsqu’on se regarde, parfois, on a un peu le même sentiment qu’en lisant un polar qui tire à sa fin.

 

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Rester là, quoi, en s’abstenant du meilleur comme du pire, et n’exprimer que de flegmatiques preuves de toutes les occasions perdues. Il y a belle lurette que la tristesse ne s’exprime plus. Garde la rancœur de ta douleur dans ton cœur. Le pacte est scellé, levons nos verres ! Je partirai des lampants de terre, je menacerai la lumière et sa violence. Et son regard vu d’ici comme un disque, un cercle enflammé de dompteur affamé. Fauves nourris des croissants du matin, vos nouveaux rugissements s’entonnent à la face toute ronde et distraite de la réalité. Avec son caractère de chose et d’invention et ses manifestations se déroulant à la place de la mort. Poliment, gênée, pesant ses longs moments d’hésitation après tant de siècles à travailler, marcher et souffrir. Des faits divers pathétiques et d’autres dramatiques à garder, à réduire, à empêcher de s'exprimer ou bien tuer, réduire, bouillir. J’en ai marre du mal, ça me fait peine aux doigts des mains et des pieds. Dans bien des cas, la réalité est sans importance parce qu’on oublie toujours qu’on peut la changer. Mais ce qu’il y a de bien avec la réalité, c’est que garder les mains en l’air permet de ne pas trop avoir les pieds sur terre. Le réel s’évapore comme un paquet perdu dans la nature, sa matrice affinée. Les lois des choses n’aident pas à comprendre toutes leurs longues complications. Même lorsqu’on ouvre les bras infiniment, qu’on tend les oreilles à foison contre une merveilleuse couleur que l’on trouve au contact vivant d’une architecture grimpante bien intégrée au climat hostile ou sauvage, en pleine passe d’une découverte généreuse et impulsive équatoriale à révolutionner la technique, à rassurer par ses propositions, et je te vois passer. C’est anxieux, robuste et à la fois fragile. Cela tient au voyage même et toutes ses offres déséquilibrées d’aventures colorées d’après le plus petit dénominateur commun, plus petit, plus vrai, plus rapide aussi. La vraie nature, nous n’y pouvons rien, et je vois bien là l’intérêt à te voir passer. Ton petit sac de cuir qui revenait tambouriner à demi additionné du tact de tes rubans de parfum, comme des suivez-moi-jeune-homme que l’on voudrait connaître et effleurer du museau. Tu es passée pendant la pause, la conversation fut entrecoupée de musique. Et dans tes yeux qui me parlent, j’ai vu dans tes propos mon développement personnel et toute mon intuition. Je sais, tu as considéré mon âme dans sa partie la plus fine. T’as fait tes études comportementales au clair des enfants du monde et tu reviens changeant de refrain en nous barbant de tous les phénomènes de l’amour. Tu as les signes distinctifs de certaines espèces rares chez qui il existe l’une des plus élégantes subjectivités des sentiments. Toi qui connais la nature ; par le fond de ta paume lisse sans fin, jusqu'à la fin de ton bras, camp de base de ton sein ; tout comme ton existence. Toi qui connais la nature et la matière propre, dis-moi donc la manière de présenter des états de conscience. Et comment faire pour que l’ensemble de mes idées accumule l’aptitude à aimer ? D’un crémeux mon féminin se glace, et ton suc que l’on appelle laiteux, de plomb, de zinc, m’empoisonne tendrement les terminaisons nerveuses. Te montrerai-je que j’ai du vague à l’âme et que je suis malade de ses nombreux puzzles ? Las de jouer avec des fils qui lâchent, tu m’as montré des recettes neuves de tisserand et j’asticote les pelotes de ta peau au bout passé d’acier comme un amant d’argent que tu aurais mal regardé. Tu es ma dégustation culinaire de volaille rehaussée d’eau-de-vie de céruse et tu as fait revenir tes envies de poireau, de bœuf battu. Et tu dévales la cuisine en tirant à coup chargé, à nom masculin singulier dans tous les jeux d’échecs où les héros se suicident à grands coups de retard. J’aime les dames qui gagnent au billard, je me retourne et je vois que j’ai acheté ton livre et ton manuel d’intimidation des bars. La nuit restera ouverte et je lirai tes accents dans le fond des verres, j’irai pêcher de mes doigts jusqu’aux rondelles de citron. Je sucerai ton nom et tes rimes jusqu'à la soûlerie. Lorsque j’aurai bien bu de tes feuilles, je fermerai délicatement tous les folios. Je garderai le tien bien au chaud dans ma poche revolver. Et j’y remettrai ma main bien souvent afin, comme dans un buisson de fleurs, d’en extirper les vides malsains et tous les dogues du matin. J’y reviendrai demain et puis le jour d’après, et le suivant encore, et ainsi de suite jusqu'à la fin. Jusqu'à la fin, lorsque le sol épuisé de nos efforts communs ne pourra plus présenter à nos racines, encore tenaces, que des pierres lâches et des regrets et des remords de tous ces instants que l’on ne demandait qu’à fleurir. Puis enfin l’aridité nous emportera dans la mort, et la légende des abeilles qui transporteront nos amours dans des boissons délicates perpétuera à l’infini de la mémoire noire notre dernière note dans le jus de fruit de la vie.

 

65

C’est juste ce que je conserve d’un grade horrible que ces années, comme une garde pas encore très claire, m’ont donné de tant de captivité, d’école, d’armée. De l’enfance qui se cherche sans le savoir et qui ne reviendra jamais, de ne devoir qu’un souvenir confus sinon se perdre, s’effacer. Ôter un nom d’une liste, une trace de tout un passage. Les instants s’inscrivent en une flopée d’images dans la mémoire. On ne peut que rester de quelques faiblesses, de quelques répits dont on ne devrait pas douter. Se rappeler, envoyer une carte de temps en temps, le voyage, croyez-moi, donne des boutiques fidèles et offre les meilleures plongées, insolentes, sur mesure, à la dimension de ce qu’on est prêt à accepter. Un peu comme un poste radio ou de télévision qu’il faudrait régler afin d’avoir en projection de cinéma toutes les prises de vues au bon moment, lorsque le vieux couple photographique et électroménager copule sur le carrelage pornographique de nos pays oubliés. Si l’on imagine ce qu’on pourrait faire avec un téléphone, on hésiterait à mettre les dents dessus. Une bonne veille virée, ça nous passe des digestifs de conscription sous la table, ça nous envoie des dodécaphonies circulatoires un peu partout dans les capteurs phonatoires. Avec les yeux, les oreilles, le nez aussi, je l’ai déjà dit, on respire. Avec parfois des critiques de notes funèbres, on s’attachera à de petites chambres sous les palmiers interdites d’entrée. L’hôtel sous les tunnels du firmament où avec l’aide d’un peu de souffle des méridiens et à la lueur des carrefours de David et du berger, filante, jaune, de mer ou polaire on peut observer les belles inconnues à cinq branches et plus. Précisément les paupières closent, on brouillonne vite fait avant le grand décollage paradoxal, des cartes suspendues sous d’autres Dali plus cléments peut-être de Toscane ou de Guadeloupe. On s’imaginerait toutes les choses claires et dégagées d’Afrique mais aussi les supers orages qui font bouger la plaine et trembler les portes du train. Tout est là. Le royaume de notre Père qui est ouvert tous les jours et surtout le dimanche, est témoin de tant de remerciements, de carrières réussies et de remue-ménage sur terre. Il met son grand chapeau à rebord, ses lunettes noires. Il prend son verre à boire, des allumettes de cow-boy, il ouvre son paquet de clopes, et là c’est sûr, on s’en amasse plein la poire. Qu’il pleuve, qu’il vente, par beau temps ou qu’il fasse froid, les prévisions se font en un instant. Un beau gris sale, merveilleux comme un cochon, nous empêche de sortir. Puis tout se met à l’orage vu qu’il faudra par mauvaise vue sentir tous les tours de son désir. Tous les sens tourneront de grêle et dans leur fuite, des mains effaceront les charmes avancés à la poupe. Debout sur le pont, aux trois-quarts du chemin seulement je t’en parlerai. Tu comprendras bien que l’installation a été plus longue que prévu et que la fouille a paru interminable. J’ai dû ranger mes affaires pour ne pas disparaître. Je n’ai plus beaucoup à me retourner. En un rien ça existe l’espoir en pleine lueur, faible de trouver une solution et de te lire bientôt. Sans de grands renouveaux, au top tu es la seule musique de jeunes. Tu descends de l’ambiance du haut bassin du fleuve et tout est réglé classique avec ta sacrée frite folklorique. Juste avoir tout juste dix fois, cent fois pour déjeuner des enfants qui prennent à mi-temps toute la lumière qu’on leur remet. Mais rien n’est prêt. Un hamac se balance doucement pendant les longs après-midi d’un week-end. Déjà on s’imagine sur cette couche bivitelline. Deux silhouettes fines et comme un jumeau sortant du nid, siamois qui se dévêtit, courant larve et poli vers l’océan infini. Et ça nage avec précaution comme les poissons dans l’opulence et le bonheur entre deux eaux. Tu cueilles des tomates que tu essuies avec ta robe transparente à contre-jour. Tu fais ta petite algèbre dans le jardin et je te regarde jusqu’au matin.

 

66

À toutes sortes de plaisirs

Il y a un bac à gage

Des balançoires de désirs

Et un petit tunnel sage

 

Une cage à pensées

Dépôt de beaux cajous

Ses ailes au tourniquet

Et des toboggans doux

 

À escalader des rondins

Des gros et des p’tits

Nos amours moyens

On glisse on se salit

 

On saute on rampe

Que peut-on emporter ?

La raison qu’on trempe

On grimpe pour s’amuser

 

Une cruelle et son seau

Des pans satins à roulette

Un falot sur son vélo

Ou était-ce une trottinette ?

 

Que fait le jardinier ?

Il ramasse les feuilles

Traînant dans les allées

Des papiers en deuil

 

C’est lui qui arrose

Bien propre le square

Les pelouses et la rose

Aussi reste aussi noir

 

Mie, pourquoi périr ?

L’automne tu cours

Tu te sens mourir

Le vent au secours

 

Tu fais bouger tes bras

Mieux ça te détend

Tes jambes entrelacs

Et miennes lentement

 

Au loup à chat perché

Bise des hirondelles

Tu aimes bien jouer

Aux règles naturelles

 

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Comme ça bouge

Chaque branche avec son corps de feuille

Développant son frémissement  

Comme des vagues au fond

C’est le vent qui continue son souffle

Il respire sur les eaux

Et fait sortir les oiseaux

Des fleurs qui ne fanent jamais

Ont retrouvé leur mansuétude

Les gouttes donnent des sous neufs

À leur mouvement de lots

Glissant sur les pétales

Comme des draps en plis

J’incline des chaises

Et la terrasse s’inonde

Cette grande nature adulte

À des gadgets de faune

Et des rêves d’ozone

La puissance dans les brindilles

Et toutes les brindilles chantaient

Des baleines, le volcan sur un banc

Son blazer de pierres et sa belle coiffe

Sous ses cheveux feu

Le chauve fait ce qu’il veut

Il s’en va à l’école des millions

Des millions d’années de fumées

Les cendres sur la mort

Une boutade pour conjurer le sort

Les nuages adossés à ses boutons dorés

Le temps passe au galop

Sur sa route un chien sot

Abandonné sur la chaussée

Le malheureux protège son ventre

La pluie le bat seul

Les toits soulagent leurs larmes

Un ange affligé dans le pan d’une robe

Les bidons jaunes débordent

L’orpailleur et son maillot du Brésil

Les munitions repassent le bruit

Éliminer les ourlets d’une vie

À chaque pas le mouvement de la danse

Sa rengaine de laverie qui s’intensifie

Le lac se réveille sans snel

Les femmes sont belles

On dirait qu’elles sont enceintes

Tu as ré-imaginé mon dictionnaire

Derrière la fenêtre

 

68

Femme de marée

Ta houle hurle

Voix des vêtements

Ton corps mouille la vie

Et tes rêves qui la font

Devenir comme un métier

Des années de tours

Mentir très près je le fais

Objet d’active sainte

Des enfants aux amants

La charge de la barbe

Un cœur dans une chambre

Ce sont mes allantes

Des affaires entretenues

Ses faciles mouvées

Fatale joncée galante

Une lettre d’intérieur

Foule descendante

Une journée cueille

D’écueil palissandre

Accueil d’écorchés

Des coquillages pointus

Ce regard de fruits

Cette louange sur ta joue

Ton visage au tamis

Ou ce jus d’antan

De pomme ou de citron

Comme un long rond

Le vrai familier

Découvert de lit

Le frai léger défait

Mijote une question

Tu poses remerciée

De je ne sais qu’elle

De cuisson, de principe

Réapparaissent les temps

Le goût du bon sens

De ne devoir comment

Arpenter la maison

Le joli quartier

Le comptoir argenté

Se bombe de la scène

L’examen de l’ordre

Alphabétique remisé

Et la crasse bille

Sur ce croissant de classe

Joule fil ligne

Et des paquets par terre

Mon ambroisie file

Des feuilles à poil ras

Que l’Orient nettoie

Haute laine au quelconque

Oh mécanique de baignoire

Prière roulante et rouge

Nec oh mon âme

La pierre se joint

Les notes froides

Congèle ce refrain

Mes mains sur vingt

Droite gauche se laver

Marcher dans les poches

Saluer quelqu’un d’un signe

Elle est arrivée la preuve

Je te l’ai redit ce matin

De ma plus belle

De ma première

De ma seconde

De mon infini

 

69

Derrière la lorgnette

Les cyprès dans la pénombre

Immobilisent leur silhouette

Masque, rideau des ombres

De l’air ou de la lumière

La nuit ne laisse pas le choix

Le soir ma froideur réitère

La gaieté ne précède pas la joie

Et artificiel le bonheur

Somnambule de mon cœur

Soutenant la cadence

Dans la rue à contresens

Déambule, va sans recours

Je n’entends bientôt plus

Ces cris d’enfants dans la cour

J’en ouïrai d’autres, perclus

J’entendrai d’autres silences

Les doigts gratuits posés

Devant tant de souffrance

Comme un visage prostré

Le vent alléluia repasse

Tous les jours le maillot

Mon âme est une impasse

Le monde est un salaud

 

70

La faculté de développer la science reste un organisme de pensée in vitro. La surveillance de près de la réalité est une affaire d’entreprise en voie de pays. Des événements connus pour leur fort développement de l’expansion de l’économie influèrent sur ces années de pleine industrie où les villes et universités, faiseuses de chômage, mentent à leur adage. Dans l’absurdité de la croissance de mouvement, de fraude, et in fine d'investissements du regard voilà de beaux bla-bla-bla stratégiques, produits techniques du mensonge institutionnel. Croyez-vous au développement de produits nouveaux, aux détails apparus ? Simple réduction du sujet ? Le thème en question est d’entrer dans une oasis comblée de remblais. De solides fonctions mathématiques d'expression de distance, comme une simplification algébrique du cynisme. Ce n’est pas nous le vendeur d’eau, ce n’est pas nous qui marchons dans la brousse, qui poussons le chariot, qui tendons la main, dormons dans les égouts, faisons la queue et crevons de petits creux. En cyclisme, la révolution, c’est qu’avec un petit développement, on grimpe mieux. Dans la réalité, c'est impossible car cela fait partie de notre quotidien ; d’où le problème dans le caractère du réel qui indique que la marche, faite de boucle, est un projet de rêve. Une autoroute, pas une voie royale. C'est déjà une autoroute, toujours devant, sans tenir compte de toute autre considération. Être confronté à la confiance, en face, déterminera bientôt l’audimat de nos émissions préférées. Lorsque la branche ou le premier os furent levés, l'embryon du langage édifia son chemin. Mais voici maintenant que la passion du silence m’oblige à baisser la main. Le silence des sens. Rien, l’absence fondatrice de l’insignifiant. Ce trou noir, ce chaos est en fait un espace si méthodiquement organisé qu’il n’implique aucunement de formulations pour le fonctionnement de l’entendement. C’est pour cela qu’on ne le comprend pas et qu’on peut lui faire tout dire. Oui, comme unité de valeur c’est un peu différent. En d’autres termes, le temps, l’homme se mesurent sur des échelles de poussière. Tout cela n’a pas la même valeur. La valeur, ailleurs, a un autre sens. Le bien, le mal sont des données bien naturelles. C’est l’homme qui les nomme. Le mal n’existe pas dans la nature. Le bien, lui, s’arrange toujours de la vie et de l’amour. Deux notions naturellement toujours sincères et simples, se déclinant infiniment au bon gré des us et coutumes des espèces. S’unir, se désunir n’a que bien peu d’importance puisqu’il faut bien perpétuer la race. Nous, on a tout de même la chance de ne pas toujours être obligés de se reproduire. On vit un monde intéressant.

 

71

Qui aime bien châtie bien.

Qu’est ce que ça veut dire ?

Ça veut dire que parfois,

Lorsqu’on aime bien quelqu’un,

Il arrive que l’on passe plus de temps

À l’embêter qu’à lui dire qu’on l’aime.

Pourquoi ?

Parce que parfois, l’émotionnel l’emporte sur le rationnel.

Et c’est grave ?

Non, ce qui n’est pas grave c’est que l’émotionnel l’emporte toujours.

Mais alors, ça ne veut rien dire ce dicton ?

Non, ça ne veut rien dire, mais on le dit lorsqu’on n’a rien d’autre à dire.

Pourquoi tu te tais ?

Je ne me tais pas.

Et je te parle, car le silence est là

Et dans la nuit, la manifestation du bonheur

Se déroule tranquille comme

Des chants d’oiseaux qui explosent

Dans le contre absolu de la mort

Un peu s’il te plaît de ce pôle

De cette gêne pesante des mois

Garder dans un mouvement ta passion

Passée sous quelque chose de l’été

De longues conversations entrecoupées

Des idées frivoles étendues

Au coin d’une cheminée

Ce ton léger.

 

72

De ton féminin pérenne

L’homme aspire son dépit

Immense faire-part du bonheur

Parsemé de couronne de bijou

Gésine de fleur amarante

Et le bal du décès gisant

Du côté des eaux artificielles

Un désert d’attention, chute de pierre

Tes champs composés se portent

Comme un chapeau de jeune fille

Avec ses volatiles, ses avions, ses vergers

Tu broies des farines de lys

De soufre, de palmier

Abstrais ta galerie hébergée

Crée des parfums en consommé

Et la manière s’exprime de nuances

De convaincre, de plaire

De parler pour ne rien dire

Le mime compromis

La solution s’étreint

De plaisir affairé

Dont la tendresse cache

Les pots-de-vin des yeux

Des scandales d’amants mariés

De leur faim éclatée qui arrive

De leur opposition à la presse, à la bourse

Les gens qu’on étouffe

Tu lis mon charme dans un journal

Au bord des matins intimes

Des soirs à la mode

Traité officiel du futur

Pensée de la vie quotidienne

Des fonctionnements comiques

Avec tes coloris entrecoupés

À la cuisine végétarienne

Comme un dialogue passager

Oui je te suis

Je te biffe tous les jours

De jus d’orange, d’amour

Sanguine fardée de lumière

Le jour un doigt levé

Talque ses membres et te demande

Car tu souris, l’ombre s’enfuit

Et se soulève de tout un soleil

À l’arraché c’est aujourd’hui

Que s’ouvre l’heure du réveil

 

73

J’ai trop partagé de rêves avec des gens inconnus

Des airs en retard, des mimiques pas très belles

J’essuie des ardoises

Et des tableaux de plastique blanc

Du genre de ceux que l’on a dans les écoles maintenant

J’ai mes comptes, ça ne s’arrange pas

J’ajoute mon addition de tout un calcul d’émotion

Et sur mon billet je n’ai ouï aucune destination

Je me retrouve sous des patios ventilés

Des paillotes dans des paroisses calmes

Et ça chante toute la nuit

Je n’ai pas pu avancer vers elle

La lune parfois est un astre dépassé

Il est des fois où la nuit n’est pas nocturne

Et où la poésie dépend des cornes d’argent

Du front du flambeau où les reines croissantes

S’endorment au terminus, à l’orée des fois

Des fois la ceinture ambrée des palefrenières

La foi se dépend du son des étoiles

Il n’y a pas plus de phrase que de nouvelles aurores

Aussi plus rare déclin de la lune

Cette dichotomie quadrilatère au décan

Et dans son premier quartier nouménal

Je ne comprends pas bien ma phase

Un quartier de pomme mais tout inégale

Des quatre parures de certains fruits

La division naturelle de mon ressentiment

Comme les cuisses de la cavalière

Des ensembles ascendants

Des deux pièces de la tige

La botte qui entoure le pied

Lumière cendrée de décours

Intercalée d’années caves, je vois

Les vieux satellites d'autrefois

Car de nuit, de clair de nuit sans rousse

Gibbeuse et périsélène

Alysse interstellaire de ton pagne

Et de ton âge, épacte du nombre d'or

Depuis que ta naissance mesurée

Cycle d’éclipses, les lignes d’évection

Et de sentiments très intenses

La tendresse éprouvée

De relation, de mouvement

Et ton goût très marqué

D’un ensemble régulier

Indéfiniment sans dépense d’existence

De manière à se mouvoir, à se vivre

Un produit de geste, de vitesse

Au point de non-retour

Les parties de ton corps

Comme un soulèvement

C’est la colère généreuse et vive

Et dans ta dynamique

Mon arbre à lait s’invite

Que la forme, substance blanche

En se découpant du monde

Sur le ligneux hâle
d’un débouchoir d’air et de soleil

De branches et de feuilles

Le vent de l’automne ronfle

 

74

Ce cri annonce beuglant

Le ton vieilli de la chaleur

Les couleurs crevotent

C’est un cri de douleur

Puisqu’elle donne sa parole

Les sens nus sous les fragments

Sur l’œil telle absorbée ou réfléchie

Au prétexte de disposer du jour

Lassée de toutes les épreuves

L’avènement des nuages

COMME ECRIRE EN MAJUSCULE

Les promesses du linge de maison

Des tubes tombent et se brisent

Des boîtes explosent en néon

Des crayons se plantent

Dans la campagne à voix basse

Elle prend du bronze et colorie

De son tarot bien gardé

Des atouts cachés d’apparence

Brillant d’un éclat, d’une rivière

Son doux cœur perçant, rougi

Et à voix très haute

Elle crache ses clameurs

Ce soir avec sa gamme alizarine

Dans sa grisaille de kérosène

Elle passe frigide, rare

Le canard s’apprête onglé

Borée de cryptogramme

Sa frilosité tangible

Comme un uppercut glissant

Sur la glace du lac

Voilà qu’elle t’entrelace

Tremblement de crevasse

Sous tes hautes latitudes

Sous tes charmants angles

La verticale s’installe

Et ses voisines détalent

C’est un primat conseil

D’équerre le climat

Complète vers le sud

Un peu plus d’excuse

Mais tout était prévu

De la peine ou de sa suppression

Juste là pour ne rien faire

La fenêtre rempart de l’hiver

Remonte, remonte

L’édredon garni des rêves

 

75

Les rêves se séparent hagards

De leur coquille de buvard

J’ai eu par cœur le bonheur

À reconnaître la patience

D’un visa d’expérience

À se servir de l’amour

Lorsque ton téléphone sonne

Ce n’est pas si facile

La joie carne et vile

Les halos sont percés

Et comme un grand char

Réjoui, opulent d’une quête

Tes petits paniers à claire-voie

Au carnaval des fêtes

Et les dates qui correspondent

Tu as des mages dans ton calendrier

Ils se servent des vieux refrains

Ils font avancer dans mes allées

Des rois du manifeste mannequin

Des extravagances grotesques
Au point d’épiphanie là-bas

Tant de particules pulvérulentes

À la grande ruine couverte de cendre

Sourdement le jour avant d'éclater

S’empile en strates meublées

Tu n’es pas triste

Je n’ai plus froid

Le chaud transpire dans un sourire

Et dans cette sensation profonde

Je sèche tes larmes, moires

Ton corps d’ébonite

Passion brève dans le rite

Foule le grain des étoffes

Une goutte de café noir

 

76

Savoir comment l’encre

Bâille des poivres de mouche

Un mot mieux que mal

La lave gèle le soufre

S’écoule de forme certes

Mais aussi des signes toujours

Avec leur petite hermine

Leur réalité qui passe

Comme une caresse à abstraire

Ou la conjugaison d’un cheveu

Je te ferai des picotis en latin

Oh ! Tant liée la neige

Le temps s’en va et blanche

Forme des cavales

D’autres abatis parvenus

Tomber au bar de la plage

L’eau se gratte et me crache

S’isoler maintenant et n’être plus

À certains emplois impersonnels

Utiles ou bien conventionnels

Et dans ma chute d’inattention

Je souffre ma perte et convulse

Un moment de mémoire
Un arrêt pendu dans son théâtre
Ou dans sa lumière ordinaire
Une nouvelle brutale et brève

Les prisonniers du boulevard

Avec leurs marionnettes en plein air

Qui se servent d’ombre de verdure

Et dans leur bière qui mousse

Fermente quelques racines

En attendant que les tiges

Et la tourmente agassine

Contre le mors soudain

S’en prennent à la raison

L’amour s’ingambe

Des activités de la cour

L’absurde classique

Aune antique et burlesque

De la corne la dernière goutte

Glisse cuite comme seine

Et mon sang souvent

Se pêche, racler les veines

Les poissons du corps

C’est au-dedans la peine

 

77

Elle rit

Sa voix fondue

Respire chaude

Histoire de rire

Les ongles faciles

Je suis tombé des yeux

C’est mon corps café filtre

J’ai mal au crocodile

Et les roses aux clos de ses cheveux

Car son chiffon d’enclos

Avec ses troupeaux au galop

J’ai suivi des arbres

Accroché mes câbles aux branches

Giflé des antennes aux cimes

J’avais sa chevelure encastrée

Comme un souvenir déployé

Aux yeux tirés de charme

Sur ses épaules, sur ses argots d’ange

Et ça roule et ça coule

À remettre un navire sur mon dos

J’ai figuré des bungalows

Inondé les voisins d’estragon

Le soleil de lumière

Couvre de sueur le sang

Le visage comme un bain public

Et ton joli marché

Des commerçants du fleuve

T’as des produits écrits

Choisi de pluie ton parapluie

Le torrent fin du jour

Vagit incertain de tremblotine

Battantes les saisons du temps

Jettent le riz, l’orage fini

Dans des bouillons sales

Et c’est du bord chambard

Je regarde mes mains pâles

La tête dans tes seins

Je me noie vantard

Je ris comme le tien

 

78

Au milieu du jour, lacet de résine

Le spectre sensationnel de ma voisine

Fleurs de neige et poussière de lait

Pellicule de larme suave ou duvet

Son châle de raisin jaune au dos

Ambré son torse ouvre le rideau

Qui porte un rein sur ce tracé

Je bois mon mal bon marché

Et je vois ma nuit vers ce cépage

Dans son métal pâle le mariage

A l’extrémité rousse d’un fruit

Coquelicot mâle cherchant une amie

Les braises encore chaudes manifestent

Les tissus foncés aillés de sa silhouette

Comme une incandescence encore

Vol dit-on des cheveux dans l’effort

L’aurore demi-sèche pétille en brûlant

Des petits bruits d’alcools amusants

Fraîchement débouché et rose

Les oiseaux passent moroses

Matin d’eau douce dans le ciel

La nature dépourvue de sel

Flatte des saisons rythmées

Chantant d’un long vif éclaté

Là où un fleuve délicat lèche

La plaine de sa laine sèche

En cachette des souvenirs

S’étirent avant de mourir

Sur les pentes où frémissent

Des rêves caves qui obéissent

Aux vêtements de sable mouillé

À ce climat de vapeur déguisée

Un endroit frais de lampions

Noix de légumes ou saucisson

Les mets pavoisent une lueur

Bruit mou comme du beurre

Un claquement résonne perdu

Une impression vive, un œil ému

Des avances de goules recluses

Que ton tranchant merci refuse

Une paire de guitares à l’air ouvert

Aux prises avec l’adversaire

La musique ce matin toussote

Dans ta peau le pain perdu grelotte

Les bras longs de ta robe Venise

Sa coque rebondie de marchandises

Sombre avec son équipage, ses passagers

Flotte au loin, se moquant du danger

Avec ses campaniles ronds et calleux

Reliés des gaines d’or de l’ambitieux

Pigeonnant presque muse en bouche

À cette sensation d’une escarmouche

À celle du corps, le soleil est à midi

Il risque de se produire un conflit

Alerte, le printemps s’attend à des grèves

Profond dans ton manteau qui s’achève

Sous tes mélanges différents d’alcool

Cahiers cousus d’avance, ton apprêt fol

Crapaudine de luxe en demi-deuil

L’étuve que ton charme veuille

Entretenir à voix basse entre deux

Deux grands minuits pour les chanceux

Dont les actes commémorent la coda

Comme une lumière qui s’éteint pas à pas

Petite ronde luciole d’envie bien faite

Aimer les plaisirs de la cuisson d'assiette

À langer des nuits au chevet des matins

Dans des criques dégarnies, des baladins

Glapissent sous des chapiteaux de drape

Volée de loups dans la chambre s’attrape
Passé léger aux chœurs des concours

Viens dansons ensemble mon amour

 

79

Une pêche, une gousse

Ma mie, les graines

Salades raides, les drupes

Fraîches des saisons

Puis séchées lentement

Arrosées de sucre

Croquantes, cuites

Légèrement paisibles

Confit d’espèce qui rouspète

Les pommiers nouveaux

Que les choses donnent

Presque toute l'année

À la grâce des possédés

Dire les mille et les unes

Des mers égyptiennes

Mes grands vingt dieux

Sur les terrains secrets

Vêtement des éléphants

Ventre chaud de la danse

Portemanteau géant

Il pleut sur les planches

Le man blanc dérange

Lorsque tu t’en vas

Ton parfum reste là

Le secteur des fleurs

Un flacon de sorbet

Agréable arôme

Atome oiseau

Et vingt-cinq ordres principaux

Beaucoup d'entre eux

Couvent leurs œufs

Dans des nids

Arbres, sol et marécages

Divers bavardages

La parole dans tes yeux

Regarde qui s’envole

Le vent agile

Les mots en l’air

Le bon évangile

Mais tu es fragile

Mon petit colibri

Qui calibre la nuit

Dans le ciel

Un mélange de fruit

Une cueillette

Mange le soleil

 

80

Bouge, tu dessines ton âge

Sur les draps, huile, coloriage

Carte de femme tu dors auprès

D’un paysage de bien malgré

Cette basse humblement dans ton corps

Cadavre mou au-dessous de nos airs

Tu gardes ta haute figure toute mouillée

Tu me lances des entrechats d’en bas

Avant d’être suspendu à ton ronron

Me gratter la voix, la voir rasée, sortir nue

Sans rien sur la face, dire d’un coup

Salut p’tite bille abyssine

Tomber sur le lit, être tombé là

Visage d’une bonne sale matinée

Tu fais ton mauvais caractère

Chercheuse de lecture ou firmament

Avec tes projets pleins ta hotte

Avoir envie de faire, être

Ton visage vêtu de secrets
Poser ma lèche, cacheter des enveloppes

Dénoncer des aveux en rongeant

Regarder avidement prononcer les mots

Des yeux abîmer les morceaux

Cette affaire longue comme ça

Tu as une si belle brasse

Si tu avais vu ta vie

Tirant d’eau t’en fais pas

Une drôle de nouvelle

A changé ta mauvaise mine

D’ailleurs il a truc dans le temps

Passer au-delà de la seconde

Tu fais perdre la mort

À la suite d’une mise à prix

Avec ton immense fortune

De déjà-vu, écho de bruits

Mes lèvres qui forment la procession

Au championnat des tas de gens viendront

Cortège d'arbres, de mâts, d’affiches de cinéma

Je t’envoie des chapitres à claques

Et tes épingles de linotte du quartier

Me répondent moderne

La poste nous a vus, que va-t-elle faire

Longue chair ahanée de mots magnifiques
Avec ta philatélie je tourne ta peau

Comme des pages de papier soufre

Quelle année ton almanach de galette

Je collectionne tes guérisons, c’est rare

Je n’ai qu’un amour à sparadrap

Peinture qui brille devant l'icône

Rehaussée de fragments récités

Des panneaux de bois ardent

En face du bleu encore visible

Toutes les lumières du salon

Les verres répartis sur les tables

Les jonctions de leurs éclats brillent

Un fin croissant dans ta pupille

Dans le creux de tes mains

De jeunes pousses apparaissaient

Des bouquets d'étoiles invisibles

Du feu ruisselle en cascade

Poussé par des sentiments aveugles

Nos douleurs sont des armes

Devenir d'un œil de naissance

Casoar dans tous les sens

Cette nuit n’a jamais autant brillé

Les autres brillent aussi, mais ce n’est rien

À côté de tes petits bouts tous naturels

Juste au-dessus d’une étable

Je me suis arrêté là, non loin du village

Je devine encore beaucoup de voyages

Que les autres relisent par cœur

Le jour ne veut pas se lever

Et toi dans le reste du soir

Le bout de ton nez et tous les émois

C’est l’avenir ou simplement

L’arrivée d’un autre temps

 

 

81

Ma vie est comme un vieux tam-tam

Avec sa vieille peau trouée

Rester dans une pauvre case ajourée

Pieds nus sur la plage j’ai passé ma vie

Errant à ramasser des fruits

Dont toutes les parties sont lues

Deux grands repos, médianoche

Repos traçant malheur au chaland       

Sept ans de chahut, trois pas de géant

Brindezingue, je peux venir chez toi

Je te rendrai le hasard sur ton lit

Il y a des couleurs à chaque vocabulaire

Dans mon latin grec avec ta gorge

Un ange passe, un chant s’étend

Une harmonie neuve sur ton buste

Comme un régiment qui défile

Mes pas, c’est pas très sérieux

Prennent des pomelos, mais oui si tu veux

Comme un tango fort des formes aussi

En tout cas il y a un vin

Auquel on pense rarement

Et qui s’appelle tout simplement

Une joie sur la paille après la messe

L’ensemble des dunes robusta

Ballot de fesses changeant de danse

Les yeux qui piquent s’enfoncent

Mais le sable n’a pas d’ombre

Fantasia de cavaliers et de dromadaires

Innombrables grains de mirage

Négociant le blanc d’un ton

On montrera mon effigie en statue

Avec du vert-de-gris sur le cul

J'ai appris des futiles de ce pays

Toutes mes histoires apprivoisées

Et leurs peaux se vendent bien

D’un comptoir l’autre en face des cabarets

Avec l’air maussade d’un jaguar fidèle

Le pinceau humide

La spatule halitueuse

Mes animaux sentimentaux

Les courses de chevaux

Le divertissement a changé le chagrin

Piétiné la grisaille

En remplacement du divin

La vie se remplit de tristesse

Comme celle d’un chien

Qui s’affale sur un tombeau

Refusant toute nourriture

Traversé par un sacrifice

Cette pierre angulaire

Elle n’est pas vraiment jolie

Comme un genre de reprise

Avoir mauvaise bohème 

Tu relevas tes cheveux

Tu nouas tes grands yeux

Par-derrière et tu coiffas

Les longs moments que je portais doucement

Le désert s'illumine la nuit

À l'éclat de la lune

Les tuiles qui brûlent au milieu

Des rayons pleins de crin

Des étoiles parmi les semeurs

Des galaxies dans mon cœur

 

82

Quand j'allais le long, calme

Le long de la jeune femme

De la rue, une m'a arrêté et a dit

Pourrais-je te servir de petite amie

Je l'ai interrogée sur la vie éclose

Elle a commencé à dire de telles choses

Vraies, de sujets même que je ne connais pas

Alors elle a insisté pour me causer tracas

Où je mets mes sentiments sales

Combien de fois je souffre du mal

Elle a dit que quelqu'un est malade

Que nous avons tous besoin d'accolades

J'ai noté tous ces torts pour dire la vérité

Avec nos êtres cassés et maculés

Nous avons décidé de nous réunir

Je lui ai demandé de ralentir

Près du magasin des deux heures

Toutes les femmes ont les yeux de la même couleur

Et leurs mains sont longues et fines

Je devais apporter des photos alpines

Quand je vais sur le balcon

Je change ma fin ou alors une déception

Mais toujours intéressé par l’histoire

Elle m'a dit de revenir le soir

Et d’apporter de l’eau de mon appartement

Je me suis senti comme dans un roman

Elle a promis de me nettoyer

Elle était si drôle, j’ai pleuré

Je suis retourné à la maison et j'ai décidé de vivre
Le jour suivant de l’aurore le timbre vibre

Une onde dangereuse et des rêves de sentinelle

De ceux pour lesquels on arrête les criminels

Les rêves recherchent toujours

Ils suivent des personnes idiotes d’amour

Et jettent tous les vêtements et bijoux au loin

Le bon temps a constamment faim

Certains d'entre eux m’ont appelé

Je leur ai dit que je t’avais rencontré     

Et je suis resté une minute plusieurs fois

Seul comme autrefois

 

83

Verre de source rempli

Des robinets de pluie

Au bord, à la surface

Le cendrier tout chaud

La glace, colle des fraîcheurs

Pluie de pastis de l’intérieur

Des laques ambrées sur la peau

Avoir la tête en dehors

Prendre la rivière et le lac

Chaussures de barque

Et ma piscine à stylo

Je nettoie le sol aux objets

Tout le monde perd ses clés

Chamade courante dont le froid coupe

Et consomme des centimètres d’émeraude

À la criée, à la pétanque, au badminton

Les poissons qui remontent

L’argent d’avril

Se grillent sur un arc de cil

Petit perroquet rouge

Comme sur un fil

Pour que tout le monde te voie

L’arbre est juste là

Couché dans un lit de feuilles

Rentré sous l’air

Les amis cornichons

Les copines cacahuètes

Le fait est

Il n’y a pas

Ni de plus commode

Ni de plus propice

Au coup d'œil

Cette place d’à côté

Où les palmiers respirent

L'imagination prend le bus

Les après-midi omnibus

 

84

Ça fait vingt ans que je te cherche

Vingt ans que l’on se croise

Ça fait cinq mille ans que tu te caches

Cinq mille ans que tu fouilles et ronges la terre

Dans ton trou morne et vil

Aujourd’hui je te retrouve

Les enfants sont couchés sur le sol

Les hirondelles les survolent

Leurs loques se soulèvent et leurs rires

Font au vent des pieds de nez de martyres

Et maintenant nous sommes

Comme des orphelins

La route est un repas

Que l’on nous sert très tôt le matin

Et sur cette table

Où l’on se tient courbé

Les estomacs errants

S’estompent dans les fougères

L’enfant pendu au pis des jeunes filles

Le bébé niché sur le dos de sa petite sœur

Un pagne pour deux

Le froid aide la fatigue

Le sommeil bande ses muscles

La marche fuit la faim

La pluie s’obstine dans des rivières de soif

Sous les coups c’est la guerre

Le pouvoir, et le pouvoir gâche

L’amour ne signifie pas plus que la haine

Et l’on se réfugie

Dans l’ordre commun des forêts

Dans le ventre vert

La mort rythme le désespoir

Dans l’attente du soir

La peur des voleurs
La solitude supprime la tristesse

Pour résister encore

Il faut plus de force

De ce puits avili la retraite déprave
De cette vallée une terre d'humiliation

La route est plane, elle est là tout près

Avec sa désolation imbécile de ver de terre

La misère ne fait plus peur à personne

Parce qu'elle est l'abaissement

L’ennui des monstres du chaos

Quel sujet de conversation

Quelle chimère d'adversités

Prodige qui juge de toutes choses

Dépositaire de la vérité

Cloaque d'incertitude et d'erreur

Gloire et rebut de l'univers
L’ami, rien ne dure

Que les blessures

 

85

Dans la maison de la fortune

Il faut disposer du mérite

Et savoir se présenter altier

Avec certaines caractéristiques

Par exemple avec les cheveux bruns

Comme si au fond du jardin

Grâce à un certain état moral

Une relation de parenté avec la nature

Rendait sensible par la contraction
Le besoin de sensation que ce besoin produit

Un peu comme si nous nous imaginions

Avoir un corps reposant sur les genoux
En présence de la pensée d'un danger

Les diverses parties de la rue

Constituent un ensemble indivisible

Les gens qui y dorment

Sont une harmonie d'ensemble

Et de gestes qui se suivent

Les trois unités entre nous

Prises comme des grandeurs de même espèce

Simplifient certaines formules physiques

Il n'y a pas d'unité de vue

C’est une grandeur finie dans ton cœur
Dont la répétition engendre des nombres entiers
Dans les années de terre et d'air

Oui, il y a des gens dans la rue
Qui dorment depuis si longtemps
Il y a des gens qui dorment

Soulevant soudainement et avec force

Les tendances sous-jacentes

Qui semblent venir du fond du corps

Et dont le fond est si éloigné de la surface

Qu’en parlant d'une faculté

Ou d’un objet de la franche réalité

La réalité abstraite dans son intuition sensible

Que les échanges d'information

Du milieu extérieur brut et classique

Se fondent sans signification

La circulation ne s'effectue

Que dans une seule direction

L’évidence domine dans l’acquis
Cette passion d'être qui suggère

Contrairement à la simple raison

Des opinions dominantes

Et des sociétés dominées

C'est avoir la sensation de l’ordre

En dehors de toute contrainte

Si l’on pouvait retirer de ces siècles

De toutes classes les bases

Qui conservent inéluctablement

Le sceau des références choisies

On se dégagerait du rétrograde

En dépit de la folie

Alors mes amis

La liberté signifierait

Ramener nos sens à la force

L’amour n’en finirait pas

L’égalité se choisirait des fleurs

Et nous n’aurions plus jamais peur

 

86

Dans le ciel il y a un homme et une femme

Ils ont volé toute la nuit et ils sont endormis

Au milieu des canopes éclairés

Soudain la pluie attend un bébé

C’est vraiment très important

Il y a une foule de champs qui attendent

La nuit le bébé naît

Les épis de blé sont là, tout près

Cette manne de retour du désert

Ils attendent comme principe de fortune

Alors le moulin du meunier plaît

Le plus fort qu’il peut

Et celui qui acquiert cette allergie d’éther

Récolte à souhait ton domaine

Tartiné sur ces nuages

Et qui allonge l’oblongue les corps

Donne ta main transparente

Comme tes cheveux retrouvés partout

Une aide semblable à celle

D’une colombe d'appui
Je me ferai apprenti

Ainsi que quelqu’un l’a dit

Je multiplierai tes caresses

Faute de clôture, l’âme est une femme

Et ses sentes de divan livrées au hammam

Emploie mon exactitude languie de dérive
Tu fabriqueras des perles

Nous dominerons des bijoux

Et la convoitise te poussera vers moi

Et je te donnerai tout aussi

Les cajoleries du buisson

Parfaite, voici, je te trouverai
Par le chemin des écoliers
Larme de bas prix

La rosée ment ce matin

Le ciel bise ton ventre

Avec moi ton ami

 

87

Les peines viennent à cheval     
Dans leurs galops qui piquent

Je te tenais serrée contre ma serre

Ma chère en forme de pain bénit

De cette opération à bras ouverts

J’ai prélevé des cellules

Sur des restes d’animaux

Dans cette faune d’humeur

Le cœur à demeure

De cheville ou d’autre tasseau

Étend sa main qui se forme

D’avoir mal, d’avoir pâle

Soulever un bœuf

Un revers de l’été, l’hiver

La nuit pénètre jusqu’au noyau

D’une plante fidèle qui grimpe

Amoureuse, c’est de naissance

Comme un souvenir je caresse

Le merveilleux que le peu de ta peau me laisse

Lisse, ô ma divine promesse

Nous sortons de notre enfance

J’ai eu la chance de ta présence

Des fois qu’on ferme la dernière danse

Et de saisir que l’esprit se satisfait

Je t’embrasse comme

Le propre de l’homme

Et notre histoire est finie

J’ai éteint mon téléphone

Que maltraitent les sabots

Le crottin s’en mêle

Virevolte, idée de toi

Sauvage dans ta joie

La promenade s’est tenue

Sur ton dos nu

Entre deux pays

Comme un mur sur la route

La différence écourte

Empaquetée, la course

Je gagne un royaume
Domaine de rouge et de violet

Les principes, les bonnes manières

Et trois décennies d’horaires

Tu es libre mais rien n’est prêt

Tout le temps que ça met

La lumière à nos chais

Comme lance l’ivresse

Et lorsque je manque

On se resserre, je bois

Liqueur d’ambre aux yeux de saints

La vase à venir résonne

Boisson de ton sein

De tes yeux, ta tonne

Comme lance l’ivresse

La liqueur nous appartient

 

88

À quel point je couine
Sur cette ombre qui passe

D’un souhait qu’on devine

Où il n'est de grâce

Où les saisons perdues

De l’invention d’un maître

Que ses étudiantes tuent
L’ogre va naître

Attention, va, fuis

Loin de moi

Et emmène-nous avec lui

Avec toi

Une fois morte

Tout cela en éternité

Se transforme de la sorte

Et j’ai mesuré

Seulement ton absence

On a fait fondre l’eau

La vie et son errance

Mourir de nouveau

Et détruire au futur

La terre et ses photos

D’un aigle qui dure

L’eau fond

Une âme s’étire

La terre lui répond

Le jour veut sortir

Et je lui ouvre la porte

Le temps de venir

Il se transforme de la sorte

Puis fait son affaire

Et sur laquelle on dort

Grande première

Comme des porcs

Immonde précieuse

Donne la générosité

À la nuit cette pisseuse

Égarant sans compter

Entre tes guibolles

Foutu climat brisé

Le chagrin dégringole

Les vêtements du vent sont partis

Déchausse-toi

Et tes soutiens de pluie

Les lacets du froid

J’ai vu tout à l’heure

Tracent tous les décors

Dont toutes les chaleurs

Rehausseront ton corps

Pour marquer ton manteau

D’un ange se levant et beau

 

89

C’est trop dur d’avoir une vie qu’on ne peut pas consommer. C’est trop dur de n’être jamais seul. Seul avec toi, avec un être et un seul. Avec dans tes yeux cérulés ma propre solitude et le silence qui s’étire dans une larme qui coule. Lorsque je prends ta main, c’est une ligne dans mon cœur. Je regarde toutes les lignes et les étoiles qui passent sous ta tente. Je lis dans ce bleu la seule écriture qui compose aussi mon histoire, je te comprends même après ces quelques heures. Je sais qui tu es, ça se voit, tu es claire. Claire comme les eaux du bord du lac et le clapotis des vaguelettes de ta maison du bord de l’amour. J’aurais bien envie d’être avec toi, mais voilà, c’est difficile de vivre une vie qui n’est pas la sienne. Je préfère que tu ne m’appelles pas, je préfère t’envoyer des sms auxquels tu ne répondras pas. Je viens juste de me rappeler ton odeur, mais cela ne sert à rien de respirer car elle n’est pas dans l’air, elle flotte ailleurs, dans un autre univers. Alors les étoiles ne sont pas pour nous. Tu me verras le nez en l’air, le menton saillant avec le regard passant au-dessus de ta chevelure. Je ne te regarderai pas, peut-être pour continuer à avancer. Trottiner de certains rêves de plus, tandis que des lèvres que j’imagine déposeront des baisers au siège de ton cou. Comme des fiches, des sentiments épinglés, tous ces problèmes ne font qu’errer nos affaires. Nous nous évertuons comme des otages de minuit à entretenir le mystère. Et je m’accuse d’émotions corrompues. Mais que puis-je faire ? Mon âme anarchique et volontaire déclame cette drogue drôle et criminelle dont j’ignore tout. Je ne comprends pas cet héritage et cet argent sale m’a pris beaucoup de temps. Tu la vois, cette petite lessive mince, qui ne changera rien et qui se présente plutôt mal ? C’est la même mousse entre tant d’hommes et de femmes, mais pas la nôtre ! La mécanique est sourde, tu y feras des soudures ma belle spécialiste, et à ce prix-là on ne fera plus beaucoup les marchés aux puces. Je t’ai acheté cette belle robe en solde, oui je sais c’est une question de goût donc de temps. Mais l’or est fait de tous petits riens. On n’est pas sorti de l’auberge. Finalement, nous avons des conclusions qui changent tous les jours. Et tous les jours nous avons des quarts d’heure plus purs que les autres. C’est tout ton caractère qui brille comme cela avec des carats, avec tes paroles roulantes cousues sur tous les fils du monde. L’automne est dans tes cheveux et les champs blancs vacillent comme le vent entre les monts éclatants émergeant sur le dos front à front. Quand les orpailleurs avec leur froid nous font des arbres de collision, ça se grave sur les feuilles. Tu vois ? Tu vois, dans tout le pays il n’y a que tes richesses déployées. Tu donneras un teint de beauté à toute cette laideur intérieure. Je regarde un diamant que le temps a bien voulu me mettre sous la dent. Un instant, donnez-moi un instant avant que je meure. Les aisés me font douter de ma santé. La même dose, la même donne pendant de longues chroniques. Les poumons toujours à la bourre, ça me tord le ventre d’avoir mal au dos. Mais lorsque tu me prends la main, à chaque fois, je dépose un mot sur ta bouche. Alors il y a un de tes organes qui pâtit de mes lèvres et comme ton accent British est trop bon, je me mets en quatre pour que tu trébuches. Tu tombes sur les genoux, je te ramasse aux doigts et à l’œil. Tu as mal à la tête, je te lèche du cou jusqu’aux oreilles. La règle du corps, c'est qu'il n'y a pas de règles. Dans le paysage idéal d’une femme éblouissante, je me suis rendu compte de ce que c’était que de sourire. Timidement, avec bonté, au milieu de sanglots notre complicité flottait sur leurs pauvres marigots de désolation. L’âme n’est rien sans la pauvreté, notre pauvreté à nous c’est de ne pas pouvoir nous aimer. Ce qui dénote de notre infortune, ce n’est pas notre manque de sentiments. Le problème, c’est que tout appartient aux autres. Notre temps, notre vie, et les enfants éventuellement que l’on pourrait faire. Tout ça c’est dans des placards, chez les autres, personne n’en fait rien, et ça pourrit dans des coffres. Pourquoi prenons-nous tant de malignité à être malheureux ? Au désespéré appartient l’amour que tu restreins, à l’insensible la tendresse de tes caresses, au malheureux tout le bonheur que tu détiens.

 

90

C’est amusant

Que tu aies pu donner

Lentement tant de temps

Et de fragments découpés

À ce jeu de patience

Fait de joie et de science

Et dont la résolution exige

Un nombre suffisant de litiges

Qu'il faut lier comme une image

Pour obtenir un souvenir

Problème précieux, volage

Les mains doivent s’unir

Pour reconstituer l’équilibre

Rassemblé d’éléments épars

Que la parole soit libre

Qui traduit et tes regards

Je vois tonic ta figure

La fin du jour qui dure

Des langages et du réglisse

Tu me rappelles

Comme la vie est belle

Aujourd’hui se réjouit d'être

Je trouve qu'il a bien raison

Les lettres impaires dans l’âtre

L’air est semé de rayons

Qui se réjouissent

Dans chaque petit moyen

Et qui rebondissent

Sur les lueurs du serein

Tout est semé d'anges

Je suis gourmand

Je te vois

Ma résultante vive

Féminine, comme tu attises

Les hommes se lèvent et disent

Alors qu'ils regardent sans la voir

Dans tes yeux miroir

Comme la vie est parfois si belle

 

91

L’envie me prend d’aller vers le lac

De te prendre par la main et de descendre vers le quai

L’envie me vient de prendre sur la table du jardin la nappe

Et de l’étendre sur l’herbe

L’ombre d’un nuage qui passe

Sa bruine qui nous bondonne quelques gouttes

De petites gouttes

Au milieu de tant d’excursions inaperçues

C’était tant de gouttes d’eau dans le bonheur

À laisser pénétrer les avaries

Ça fuit de partout et nous sombrons tendrement

Là sur ce tapis de gazon

Nous nous arrêtons à la limite de ces eaux

Et de ton torrent de neiges perdues

Rien que des flocons qui tombent

La moitié de la guerre derrière nous

Je roule ces canots lourds entre mes rives basses

Notre cœur planait sur les vaguelettes

Nous sommes comme les pirogues qui flottent là-bas

Et dans nos antres que recouvrent nos mains

À l’abri du naufrage nous marchons

Nous marchons entre les villages

Passant des fleuves, des quartiers de pailles

Tu mets tes bras autour de moi juste pour dire

Que je suis quelqu’un d’autre

Et j’aurai tendance à te croire

Quand nous aurons bien bu de nous

Nous nous sécherons par monts et par vaux

Auprès de tissus de literie

Nous nous rappellerons les flammes de la soie

De cette luminescence d’orage

Brûle devant toi ce petit tas de bois

Ces parcelles fines et minces

Enlevées avec la tranche d’un espoir

Pendant la mi-temps ce soir

Un regard trahit un soupir

Regarder l’autre retour du noir

Au creux des âmes en liesse

Dans leurs toilettes blanches

Des fleurs

Des sapins comme à Noël

C’est ton anniversaire de bouquet

Le soleil se filtre à travers les volcans

Le lac infuse comme un corps couché

Il tombe de l'eau du ciel, du vent et du temps

Joins tes mains, serre bien les doigts

Ne laisse pas couler éthérée

La source, le robinet

Des amants, des amoureux

À ces jours jadis ainsi faits

De petits déjeuners sous l’auvent

Ta grâce comestible

Riche de substance déductible

À regarder les trois milans

Marauder au-dessus de l’arbre mort

Nous nous plaisions au bord de l'eau

Les sentiments ne fleurissent que la nuit

Et je dirai à ceux qui ne comprennent pas

Que les paradis n’existent pas sur terre

Mais tu en as inventé des morceaux

Autour de toi avec tes meubles, tes gestes

Tes histoires d’amour mal barrées

S'élèvent sur la colline en face

Éminentes à la surface des objets

La seule lune que ce plateau profile

Comme un paysage qui avance nivelé

L’âme éprise a besoin de nos corps

Et l'astre offre son décor

Jusqu’au bout de la semaine

Elle exhibera ses toiles peintes

Et ce bien-être qui continue

Propulsant la fin du dimanche

La fin de la journée

Vers des sommets d’attrait

Et ceux solitaires qui créent

Des figures et des images au loin

Comme un projet qui pose le soin

De grands dieux distants des hommes

Les uns dans le ciel

Les autres dans les gouffres de la mer

Le soin de dessiner des emblèmes

Et dont l’esprit se goinfre

Nymphéa d’argent comme toi

Sur un océan d’ombre

Tu n’as pas de mari

Tu n’as que ta maison

Alors je te donne des rendez-vous

Moi je n’ai pas à me plaindre

Tu sais bien la place que tu as là

Tu joues de mes manques

Tu remplis tout ça avec des verres de vin

Quand je me vois bien là dans le matin

Je suis habillé et ça sent comme sur ton sein

Le soleil nous poursuit entre les branches

Avec ses chaînes magnifiques

Qui défont leurs cliquetis

Éblouis après chaque partie

Au zénith dans ton château

Nous vivons, sosies des dominos

Tous les désirs se succèdent

Ma belle reste au rêve

Étoile de ta propre lumière

Lèvre en un ciel prospère

Ignoré des promesses nouvelles

Astre dans un jardin d’aveugle

Tu fais du cristal scintillant

Dans ta longue et large robe

Tu fabriques comme une fée

Le miroir des légendes dorées

Un de tes clins c’est le sort

Tu me regardes quand je dors

 

92

Le temps manque

De bonne volonté

Brillant comme la pierre

Parqué de trous noirs

Sous la forme d'un point

Sans mouvement apparent

La brume troc

Ses fils d’argent blanc

Au balcon remet son capuchon

Costume de bal masqué

Ouverte par-devant de plain-pied         

Le ciel se transforme en ciel

L’eau devient de l’eau

Au cabaret des oiseaux

Ta douceur sur les fleurs

C’est ce qui fait que les étoiles

Se tiennent ensemble pâles

Le nombre pair plaît à l’amour

Et la fin de la nuit au jour

 

93

L'axe de l’illusion a toujours un œil

Un impact sur notre évolution, surtout

Lorsqu'elle passe sous notre signe

Comme c’est le cas pour cette journée

Je dois profiter de son influence

Pour réfléchir à ton destin

Et prendre tes chemins nécessaires

Afin de cueillir notre vie

Dans le sens que le verger

Et les fruits que tu souhaites

Gonflent et te conseillent

Dans tous les domaines

Mais aussi sur la vigne

Que tu auras cette fois

Dans un billet de bon choix.       

 

Cette année la vie,

La qualité du temps

Se déplacent et j’entends

Attaché de mot d'ordre

Le coup de vivre

Gagné dans le vent

Les promesses du vide

 

Nous nous surprendrons d'avoir oublié

Qu’au travers de ces pages nous vivons

Nos récits auront un charme particulier

Et nous en nouerons de nouveaux

 

Nous serons nos amis

Et nous nous apprécierons

Nous accueillerons avec joie

Toutes les occasions de nous voir

Tous nos nouveaux visages.

Cela ne nous empêchera pas

De rassembler nos proches

Et nous jouerons notre famille

Avec ses membres et ses après-midi

Dans des dimanches transit

Et des gigots pourris

 

Nos aventures seront livrées sans frasque

Nos élans imprudents

Ne coûteront pas cher

Nous aurons des chances

Dans nos relations personnelles

Et dans de grands voyages substantiels

Où nos affaires exotiques

Et leurs astres traditionnels

Favoriseront le rythme passionnel

De nos cœurs écornés

Que nous serons très occupés à relier

Par l’entremise des planètes

 

Nous ferons des rencontres

Utiles et intéressantes

Tu mettras en valeur

Ton sens de l'esthétique

Et certains autres talents artistiques
 

La tendresse est une priorité

Tu es aussi fidèle en sensualité

S'il y a un tremblement volage

Bonjour les scènes de ménage

Une force te caractérise et tu es

À la recherche de joies fraîches

Aussi t’efforces-tu d'ajouter

Un piment de nouveauté

Et de dire ses quatre vérités

À chaque nouvelle querelle

 

94

À côté de moi, le jour dort sur son côté. Celui embaumé dans des brumes de toiles, où son simple appareil se révèle toujours pareil. Comme une pâture où se baignent des essences et où le baiser d’effluve de lumière jette des ancres, des ponts sur la mer et de moires reflets que la forêt estompe. Les vains vêtements du crépuscule se trouvent un maître dans la pupille réduite du lac bleu. Il y a des yeux d’araignée qui nous regardent à travers les fils de gros coton de son canevas. Et le drapeau des eucalyptus se dresse comme des antennes rouillées sur un toit de tuiles vertes. Par les temps qui courent, la barbe tropicale se prend pour la vedette d’un soir. Dans un soir où elle pousse, un soir de plus vers celui quand il n’y aura plus de matin. En direction des lendemains neufs où les arbres finiront à la ville ou dans des poêles à bois en forme de makaa. Je me trouve à une bordure physique qui ressemble à celle virtuelle d’un nouvel an. Normalement une grêle de bonheur devrait s’abattre sur moi, et jamais rien ne vient. Heureusement, les nuages glissent leurs cheveux sous les pagnes pâles. Paradis d’estampe, des nattes s’envolent dans la mesure d’un pan. Le blanc du brouillard paraît mal peigné. Sur le dessus, on a l’impression qu’un spécialiste a livré bataille à des langues en broussaille. Alors, armé de cuillère, une tempête tire avec mal les condensés humides vers la soupe des vallées. Les arbres ont des gestes comme pour retenir l’eau évaporée. Leurs feuilles lèchent les dernières gouttes. Le linge des plantes ne veut pas sécher. Je me promène dans ce concert transporté par des bouffées de sensations comme une machine à laver amoureuse d’un violon. Alors la terre s’en fout puisque l’air s’appuie sur le sol et tend des échelles au soleil qui s’abandonne. Sur chaque versant nu, l’ombre plombe des pastels. Ainsi, des lignes s’agitent, rondes comme un corps plein de sommeil. Des creux s’amoncellent autour d’un drap souillé. Des rivières coulent en cascade dans un lit que les collines balisent de leurs cuisses de pierre. Sur leurs gorges, sous leurs genoux, des oiseaux font leur nid. Des plantes vivaces s’accrochent aux caillasses. Je vois des bancs de sable dans des plis que l’on ne croirait pas finis. La campagne vive se confine à renouveler ses objets et masque toutes ses vies le nez dans des virus, des bactéries, dans des couches successives de ramure. Il faut la laisser faire, la loi fait bien des choses, il n’y a rien contre les couleurs chlorophylle, contre la pauvreté d’un fruit. C’est cette architecture merveilleuse et sauvage qui révolutionna la technique, cela se lie même au voyage à toutes autres offres de déséquilibre sentimental. La lune s’est finalement trouvé un oreiller. L’espace nage dans son remue-ménage. J’ai saturnisé mon penchant pour des coiffures d’encens. La fumée oublie les satellites. En bas du ciel, l’horizon frotte ses yeux et sort de son ivresse d’hier. Ses membres raides s’étendent et lorsqu’ils enlacent enfin le crépuscule, on entend des craquements d’os. Alors, les chiens cachés sous son paletot hurlent, ils mordent la main de la nuit et jappent après les étoiles. Les égarés deviennent fous. Ils partent par le train des illusions, celui qui culbute et tombe dans le jardin. Dans mes démences, je me souviens de mon tremblement, l’herbe, le foin, les odeurs que le sein bleu nous apporte à tout instant. Je reluque ce lait que l’enfance me tendit, et devant cette pièce que la nature virevolte c’est toujours la bonne face qui est cachée. Au cœur des hommes, les hivers sont longs. Au dernier moment, ils ont peur et travaillent d’insomnie à étudier la conduite de ce train. Finalement, c’est la lune qui tombe vite en décembre sur la ville noire. La couleur éternelle des noces du néant et de la vie dont l’histoire s’écrit à l’encre sympathique, avec un peu de salive, et que le zeste d’un espoir révèle. Te souviens-tu de ces racines qui descendent si profondément dans ton cœur ? Lorsque tu parlais, ta voix gorgée de sève bourgeonnait ce même début que l’aube promet. Lorsque tu changes de côté, tu livres en vrac à la nature tous les sentiments cachés. Tu as sacrifié au sommeil une fraction de ta conscience, mais je te regarde et je sais que tu sauves de cette partie de la jungle les serpents et les dingues. Tu préserves l’équilibre brut comme un frein sans inquiétude dans l’élément fragile et craintif, comme une grande enfant annonçant en même temps qu’elle est amoureuse.

 

95

Le soleil frappe sur les feuilles

Une petite magie attisée par le vent

Lorsque les couleurs se mélangent

Des battements, des ailes, des piafs

Des colibris cloués sur les fleurs

Leurs plumes bleues pédalent

Des nids de pétales pourpres

Où les pistils s’embourbent

Dans la chaleur des ventilateurs

Ce sont les matières qui demeurent

Les avocatiers jettent sur le sol

Leurs pavés de chairs molles

Les chemins se pavent d’indigo

Une main chalande se réserve

L’usure des terres et des mers

Et dispose minutieusement

De chaque côté du présent

Des joies ouvertes au futur

Des pépinières, des pots, des boutures

Tu soudes des fruits ensemble

Et chantes, et chantes tournement

Un souffle s’allonge aveugle

Comme un geste qui s’ébroue

Qui s’ébroue dans mon cœur

Et dans sa peau suspendue

Vergers de palmiers branlent

L’hiver est mort éternellement

La poussière rejoint le ciel

Et des grains de lumière montent

Montent aux murs le long des

Le long des fissures solitaires

Tous les reflets d’apothicaire

Oublient notre passé béni

Les sales voleurs sont partis

Nos pas s’effacent dans l’allée

Ce sont des sanglots qu’on m’a pris

Sous nos pieds le béton mouillé

Comme du sang chaud et bon

Nos serments éteints se calmeront

Je soutiendrai cette intuition

Ce goût uni d’estime et d'appétit

Je fuis le désespoir de ma vie

Entre une paire d’êtres et la physionomie

La souffrance viole le souvenir de notre joie

Éloigne-toi, éloigne-toi tu me manques

Laisse-moi tromper pour un peu la violence

Laisse-moi t’attendre et espérer

Laisse-moi mourir et revenir

 

96

Le printemps retisse

Les longs cheveux lisses

Des arbres de l’hiver

La couleur de panthère

Au format d’avril

Gardé par les vigiles

Les sapins, les ifs

Agents aux longs tiffes

Se repentent de nature

Sur les champs matures

Dans leurs hôtels

Perchés dans le ciel

Les oiseaux attendent

Sans qu’on leur demande

La clé des semences

Le service des sens

Ils volent la lecture

Broient la graine sûre

La différence des petits

Récoltant de la vie

Signe d’un verbe

Le braille est acerbe

Au dernier moment

Le ressentiment

De la terre est sage

Sa peur de l’orage

Si tu me laisses

Si tu me donnes

Que cesse

Abandonne

N’oublie pas

En partant

Le pire s’en va

Et pourtant

Encore forte

Un profond hâle

À ma porte

Frappe tout pâle

Pendu d’émotion

Un peu de douleur

Quelques inspirations

Un brin de hauteur

Assailli par le mal

Entre sa prose

Un trouble banal

Dans le chaos des choses

Savoureuse fange

D’où les spectres s’arrangent

Et de l’appréhension

Nous attendons pour savoir

Ce monde abscons

Où tout laisse à voir

Dans la pluie et le soleil

Le bord de son âme

Lumière de sommeil

Le brouillard s’émane

Où tout laisse suer

L’aspect d’un jour

Blême et lente clarté

Hostile à l’amour

Beauté paresseuse

Devant les choses

Larges et sinueuses

Mon cœur ose

Et toute la réalité

Du souvenir du vent

Je rêve de solidité

Irréelle je t’entends

Ce doux ton des songes

Où mon regard plonge

 

97

La motivation est une chose, mais il y a des choses que l’on se doit de faire. Cela arrive, la démotivation entraîne souvent le sentiment déplaisant de l’incompétence, parce que rien ne finit par compter. Alors il est temps d’acheter son billet, d’appuyer sur la sonnette de sortie et de changer de supermarché. Manifestement, on s’est égaré un peu trop longtemps dans un des rayons. Lorsque par hasard on se retrouve sur le parking, on sent l’écurie et tout se termine par un galop de fuite effréné. Bon vent, bonne fortune. Les espaces en général s’agrandissent lorsqu’il n’y a pas de vaisseaux. Le problème dans l’espace c’est qu’il n’y a nulle part où aller. Les voies qui nous restent sont trop dangereuses. Voilà pourquoi c’est immense, l’infini, puisqu’il n’y a pas de moyen de s’y rendre. Des millions d’années pour s’y acheminer. Donc la question reste ouverte : comment fait-on pour être responsable dans une civilisation où la nature n’a absolument aucune espèce d’importance ? La nage. La brasse, le crawl, comme on veut dans toutes ces eaux du ciel corrompues. Pour certaines personnes, l’importance n’existe pas avant la gravité. C’est sur la plus haute marche qu’on ne s’attarde pas aux détails. Et la capitale des marches, avec son président d’escalier qui quelque part accorde les étages avec son grand niveau à fumée. Alors chacun s’enfume, puisque chacun veut gouverner, à tour d’affaires et d’événements. Tout cela se mesure à la taille des réductions, dans la fabuleuse société du travail, de l’effort, des massacres et du dégoût. Tant qu’à faire les fumées, autant les pimenter. Sans être désespéré, je suis tout de même un peu déçu, car je découvre que toute sorte de gestion cohérente est absente. Et on s’amuse à dire que le développement ne marche pas alors qu’il n’existe pas. L’homme et sa morale se prennent la tête à trouver une éthique à leurs élans du cœur. Cela fait penser à la tentation involontaire de toujours vouloir se remplir un bon verre de vin. L’accumulation de richesses, le capitalisme, tout est basé sur le vol. Le grand casse des millénaires, il est là. La ruine des civilisations précolombiennes, la privation de leurs biens, de leur or, puis la traite, l’exercice exagéré du commerce, et la colonisation, tout ça c’est du pareil au même. Officialisation du vol, de la rapine, de l’extorsion de biens, justification de l’utilisation de la force, de la torture, du meurtre, ce sont toutes les méthodes du nazisme qu’on a bien montrées avant. Il ne faut pas croire que les choses aient changé. Et quand bien même nous découvririons un peuple dans les étoiles, je ne donne pas cher de leurs atmosphères et de leurs océans. Nous soumettrons les plus récalcitrants et achèterons les autres. Ils tueront leurs frères et vendront leurs sœurs. Ils finiront un monde où nous aurons notre place. Nous instituerons la haine politique et religieuse, inciterons les races à se déchirer les avantages de l’envahisseur. Nous constituerons un monde absolu où l’atteinte de toute forme de bonheur passera avant tout par l’acquisition de nos valeurs. Ainsi, lorsque chacun de cette race éprouvera un sentiment très vif de déception et de ressentiment, alors nous n’aurons plus qu’à mettre des armes entre leurs mains. Nous pourrons les appeler sauvages et intervenir en masse pour sauver ceux qui restent.

 

98

Un vain sentiment de tristesse

Partage mon sein en pièce

Comme un éclair déchire la nuit

L’hideuse tunique de ce jour gris

Ce feu sans joie qui souffle sur moi

Transforme ce que je bois

Et j’oublie toute foi

Un peu d’eau fraîche

Gerce une lèvre rêche

Et sur une paupière sèche

Un chien dent se pourlèche

Au beau jour du printemps

Avec son beau visage là-dessus

Regarde l’herbe en ruine périssable

Gazon parsemé de caveaux admirables

Tu vois bien ces édifices

Qui soumettent nos années

Comme des proies pour un sacrifice

Rituel de la dernière chance

Que le temps fait cruellement avancer

Car si tu dors au début de la mort

Par-dessus nos péchés

Et nos rêves oubliés

Et tant de merveilles

Car si tu te réveilles

Après avoir découvert

La nuit les linges de verdure

Décorant le jardin de l’univers

Et caressant ta chevelure

Demain l’outil

Pourrait bien faucher notre vie

Le temps est tant intimidé

Du cycle brisé des saisons

Dégainant sa mandille

Le jour tente par la campagne

De voir sur chaque brindille

Les larmes de la nuit sa compagne

Dans la prairie, la tête du matin

Souffle un doux refrain

Cette brise printanière

Sur la joue de la terre

Reprend les notes rosées

Et dépose avec beauté

Sur la robe des fleurs

Un élixir de couleurs

Le son de l’aquilon

Avec un verre de chanson

 

99

Nous avons entre les doigts le chant du vent

Cette mélodie illusoire qui s’en va

Ainsi que les choses qui n’existent pas

Et ce qui existe est emballé de noir

Si bien comme le désespoir

Nous portons dans nos mains

Les poussières restantes des amis défunts

Et d’autres pousseront nos cendres demain

La vie le torse bonde

J’ai beau danser sur le monde

Dans un jour de foire

J’ai usé la santé

Comme on brûle la chandelle

Mais aujourd’hui ma belle

Je ne sais pas si je suis plus éclairé

Après tant d’efforts

Je ne compte que des remords

Le poison, personne ne le sait,

Est dans le chagrin et la misère

Il n’y a pas plus à faire

Puisque c’est mon tour de vieillir

Et sur la mer nous sommes comme le pôle

La glace fond, fatale

Et nous précédons le mal

Voiles célestes

L’hiver remplace le printemps

Comme un oiseau permanent

Et lorsqu’il prend son vol

Une fois l’automne vaincu

Les feuilles pourries au pied de la mort

Changent le fond de la métaphore

Page après page

Lisant chaque présage

Devant la nuit d’une autre année

Qu’il advienne, ce temps oublié

Ce seul instant dont tu disposes

Je te regarderai comme une grande rose

En alternance et au futur

Ce lieu où se murmure

Pour nos âmes pures

Une nouvelle promesse de voyage

Et la tienne, et la mienne

Avec une paire de nos âges

Nous nous quitterons en poussière

Pour nous retrouver là-bas dans la pierre

 

100

Les étoiles fluo

Collées en haut

Elles s’effacent

Elles tombent dans l’eau

Les étoiles brillent dans la mer

Le printemps pose les affiches de l’été

J’ai pêché

Et marché dans les déserts sucrés

Teinturier de la lune

Le temps ne s’use pas

L’amour vole le réel

Et s’envole dans le rêve

De retour dans tes bras

Comme ils sont doux

Et tes bonbons et tes bijoux

Toi que le hasard a planté chez moi

Avant toi et moi il n’y avait pas grand-chose

Et le sable poursuit son cours

Partout il pose sur cette prière

La prunelle d’une pierre

Telle des graines il les sèmera toutes

La vieillesse rend le doute

Jadis fleuri, ainsi que notre teint gris

À présent jaune comme un coing

Le toit, les poutres et les fondations

Les membres disloqués de la maison

Tout comme l’eau du ruisseau

Sous le pont, un jour nouveau

Comme le vent dans le désert

Je ne m’en soucie guère

 

101

Alterner ton visage

En changer l’ambre

Et défaire ce qui est fait

De tout ce qui existe

Le palefroi de ton visage

Est enclin de destin

Nous n’avons jamais cessé

Et en faire un destrier

Le temps n’a de cesse

D’y tracer le bien et le mal

Nos efforts et nos chagrins

L’enfer est une poussière

Et nos peines perdues

N’aboutiront à rien

Une trace de nos larmes

Si les nuages recomposés

Des larmes évaporées

Il pleuvrait tous les jours

Même au cœur du désert

Des nuages traversent le ciel

Dans sa grande maison noire

La nuit infinie se dit chaque soir

Comment changer en étincelle

Mes longs cheveux amarrés

Des bijoux de ce regard

Mon cœur en a assez

De la course du ciel

De toute cette errance

Où le jour fut scellé

À l’échelle de notre vie

La coupe fut remplie

 

102

Histoires brillantes et terrifiantes ; hantant nos nuits ; conjurant les malheurs et les bobos d’enfants. Esprits de la paix de l’amour et de la prospérité, âmes des chambres, vous sonnez les tocsins et la cloche éloignant les hordes, chassant les démons. Dompteur du lion, du cheval, nous attendons au carrefour d’un autre soir qui se cabre au balcon balafré du petit matin des gueules de bois. Les histoires stupides de sorcière ont rassuré mon enfance, j’ai bravé la nuit, les forêts sombres, la terre enflammée, les cercles de feu. Enveloppé dans ma solitude, j’ai fait face au démon de l’air et des gouffres. Je criais sous les coups de fouet, mes membres engourdis glissaient sans bruit dans la boue, je voyais passer des anges tandis que le fouet s’évanouissait sur mon dos. Sur ma peau, le cuir dessinait des vaisseaux rituels gouvernés par des forces invisibles et dont les flancs battus par des vagues pourpres décrivaient certains contes que seuls des équipages de légende dans un châtiment divin auraient pu décrypter. Mais mon sacrifice d’enfant apaisait les colères malignes et les bateaux pirates s’éloignaient à toute vitesse dans la nuit. Le brouillard très haut blanchissait le monde et tirait toutes les ombres dans une torpeur de chaux. Les arbres comme des compas affolés essayaient de redonner une direction, mais la nuit obstinément dissimulait auprès d’elle le souffle des vents. Un centenaire entreprit de changer le degré des alizés, mais la pénombre en chiffons déchaîna quelque chose d’encore plus joli et se promena sous la lune jusqu’à tromper les montagnes et signer les collines d’hosties de reflets. La lumière de la lune passe au travers de nos âmes comme un manifeste sur la berge. Ce doit être ravissant une âme sur la berge sans ombre. Je voudrais bien en avoir une, d’ombre. Malheureusement elles n'existent pas. Ces habitants des tombes essayent aussi de démêler leurs fils enchevêtrés dans leur sommeil. Partout, sous la terre, au-dessus du ciel, dans leurs prairies, au bord du ruisseau. Au même endroit, là, au bord de la berge. Là où l’eau d’une gerbe plus fraîche a la taille des cyprès et où le pan de la rose danse. Ceux qui sont partis n’en savent pas plus aujourd’hui et comme on fait la queue, il y a de grandes chances que nous restions tous ignorants. Les nuages récurent le fond du ciel qui semble crier de tant de propreté. Si je pouvais me faire fantôme après ma vie, je n'y manquerais pas, pour ton plaisir et pour le mien. J’aimerais retourner à la foire et m’apercevoir en haut des montagnes russes des apparitions défaites et délinéées jouxtant les contours sous l'aspect d’un réel casuel. En apposition de ce qui n'existe que dans l'imagination, j’ai la sensation d’être là encore et je traduis inconsciemment la persistance de mon appartenance à la totalité. On pourrait très bien me sortir du lit et mettre à ma place une image, pas un moment vous n’arrêterez votre regard. Nous ne sommes qu’une empreinte, la trace d’un passage. Il ne m’appartient pas d’exister, et quoi que nous fassions nous ne sommes qu’un morceau de ténèbres entre mille autres arrachés à la montage. J’agite épileptique une quantité de souvenir, une odeur me poursuit comme un jet de pierre et je me retourne sans cesse. Lorsque ce n’est pas permis, des embruns redondent et parfois je m’allonge au fond de ton jardin, derrière tes meubles, sur tes vêtements. Et je sens ce sentiment que le corps d’un vieux bois ne me recouvre qu’avec ses sensations. Elle a raison. Les fantômes ne donnent des ordres qu’à nos âmes et la vraie vie est au fond d’une idée.

 

103

Ce berceau du ciel

Récidive, regarde

De plein cintre

Le monde est assis dessus

Saisis-toi si tu le peux

De cet ensemble déserté

Chaque instant de la vie

Est comme une industrie

Avant le grand saut

Le soir du banquet

Les verres seront vides

La course des lignes

Vient de nouveau

Changer la providence

Et son rêve d’éloquence

Une seconde sur le toit

Le soleil lança

Le lasso du matin

Ni chaud ni froid

Le jour de demain

Comme le midi d’hier

Le loin de la lune

A décliné sa cheminée

Le goitre de la nuit

Repose dans un pli

Un secret liquide

L’âme est un joyau

Qui coule des idées

Le corps sourit

Une larme se cache

J’ai jeté sur la dalle

Un reste d’espoir

Mon cœur est mêlé

Dans la poussière de henné

Le chagrin est venu

Je ne la trouve plus

 

104

En peine désormais je resterai là sur un rocher de l'île où jour et nuit je regarderai les récifs lapidés d’embruns et de vagues. Pour avoir eu une idée d’un drôle d’air, je m’en fus toujours à mauvaise école. Mon regard se perdait dans des rêveries. Il se complaisait des directions où l’horizon déferlant faisait monter en moi la violence des opposants. Et j’opposais à mes parents mon silence montant. Mon âme manquait la chaleur du soleil et le froid de l’hiver. Je faisais du mécontentement des creux dans le présent que je remplissais de nuages et de fines gouttelettes. Perles claires, et micro-bombe de jardins parfumés et pulvérisés des lilas, jades et mimosas et de ce que m’offrit la toute belle gente. Une gerbe de mer jaillit et s’étend comme un rameau pour mourir sur le lichen des pierres. Je marche sur des bouts de branches d’océan que le vent atomise parfois pour arroser mon visage. Et ce que je projette des essences de mon remords se mêle à la bruine, à d’autres tempêtes et mes yeux saignent encore de la flotte, car dans mes veines il n’y a que des larmes. Cette beauté artificielle ondoie délicatement comme un iceberg au loin. Des pans entiers d’eau solidifiée se rompent comme des parts de gâteau d’anniversaire et des bouches du sud et de Gulf Stream les engloutissent dans les ténèbres d’estomacs innocents. À la fraise ou à la pistache, je n’ai pas eu souvent ma part de dessert, mais j’ai toujours détesté les petits pots. Je ferais mieux de m’habituer, lorsque l’étendue salée demeure sans tain, des navires attendent serrés dans ses mains. Ainsi, quand la surface se tend pour chercher du relief là où le plat demeure son destin, elle recherche parfois des Himalaya et alors elle plie définitivement ses chagrins en broyant les marins dans son sein d’amante éternelle. Souvent prise dans la rage du sable ou de la neige, l’ivresse chante à la gloire d’un verre d’eau. Des profondeurs émergent parfois des souvenirs, des breuvages plus calmes, des bouteilles de lait ou de champagne. J’ai mis sur tant de lèvres des châteaux pétillants, et craché si souvent sur le limon des pensées. J’ai mangé cru du vide et puis du rien, et tant dévoré des choses annoncées, que je n’ai plus faim. J’ai inondé le monde de mes propres inventions et tout effacé d’un clin d’œil. Le souffle d’ouest passe des pommades sur le visage du village. En proie aux tremblements de voie, la vie en plein air a jeté l’homme à la mer. À bord, embarquez vos gros paquets, la marée basse attendra que le blanc sens du péché vous rattrape éméché. Pour ma part, un coup d’aller-retour me convient mieux que la montagne, que la plage, que ces destinations émaciées. Votre temps est épuisé et le mien heureusement est une succession de hasards tristes. Sur la berge maintenant, l’espoir est pareil à une bulle qui se gonfle du souffle de ma petite fille. Sur la monture de mes pensées, elle est rivetée. Sur la voûte des cieux, tandis que l’ombre culmine dans les vallées, des merveilles de ce monde nous faisons de la destruction. La nature ne procède rien de ce qu’elle ne dispose pas, plus on lui mettra du pain sur la planche, plus elle se jouera de nous. L’homme est entre ses mains, mais il ne le sait pas. Même si elle est de mon sang, je l’ai adoptée. Dans mon cœur de paysan, j’ai accepté qu’elle émigre, comme la dingue fille de sa mère elle emmène aussi son grand frère. Elle fait encore des jeux avec ses vêtements. À l’école, elle ne s’en fait pas. Elle s’est mise à la ferme comme Ève boit du cidre. J’aperçois ses petites mains faire passer de la joie pour de la perfection, modelant toutes choses ailleurs comme du désir d’être heureux. Je vois défiler le monde comme un cortège de fanfare avec des soldats qui font de la musique pour envahir des jardins. Tout à coup, tout s’arrête, nous pénétrons un éden rempli d’escargots amoureux qu’elle décolle un à un. Puis, quand elle les jettera, je m’endormirai en priant et en remerciant le ciel de ne pas avoir eu besoin d’un concours de circonstances, mais simplement de rien d’autre pour être heureux. Je m’amuse, chaque sourire est un pas vers le rire, les objets sont plus jolis et la vie aussi.

 

105

Je m’effondrerai trépassé

Soûl et prêt à parer

De l’arbitraire de la fatalité

 

Puisque le convexe de la vie

En tournant regarde par ici

Il pose une main maigrie

 

Sombre, sans pressage

La nuit saisit son message

Et finira par faire naufrage

 

Au petit minet du matin

Le ciel, ce cheval serein

Inonde de bon vin

 

L’univers dans un regret

Au fond de la mer un secret

Et par quel charme discret

 

Une simple goutte d’eau

S’unit à la mer aussitôt

Et aux poissons rigolos

 

Un grain de poussière

Virevolte, siffle en l’air

Il se marie à la terre

 

L’aube crie ses bourgeons

L’amour est comme une floraison

La vie pleure d’abandons

 

J’endurerai tous tes tourments

Sans sentir le poids du temps

Jusqu’au jour du jugement

 

106

Notre temps s’est épuisé

Quelque part c’est bien

N’aspire point à demain

La porte s’est refermée

Nous ne sommes pas ressortis

Un an, un mois, quelle différence ?

Maintenant nous savons

Nous n’avons plus rien à faire

Je regarderai les vêtements repassés

Ne regarde plus derrière

Nous sommes tombés

Comme les oiseaux, pris au piège

Nous en avons eu assez

De quelle façon le temps

Traite les autres gens

L’éclat de ton réveil

Comme un long vieil

Ma vie s’étale ce soir

À l’enfer de la lune

Nous errons sur un fil détendu

Sans désirs et sans buts

Il survole suspendu

Ni tendresse ni secours

Pour tout l’amour qui s’enfuit

Je subirai tous les soupirs

Et si je manque à mes paroles

J’en aurai des remords

À moins que la vie m’abandonne

Ton visage éclipse celui de la brume

Voici un pauvre sac rempli

Couleur de pourpre et de rubis

Tes rêves et tes images

Une ondée qui t’entend pleurer

Ton voyage est parti dans la vigne

Les buissons de joie chantent maintenant

Le chant lourd des feuilles des arbres morts

Le vent pleut

Qu'il lui semble écouter

Le chagrin des raisins

Les sanglots de ma peine

 

107

Les rêves sont par essence inaccessibles. Et ceux qui se réalisent, malgré la proximité des sens, malgré la proximité des gens, sont comme des mirages aplatis sur ce monde bouffi et sur lesquels le temps tartine des couches successives de chaos. De cette cacophonie générale, des principes originels se distendent entre les mains des hommes. L’ensemble admirable semblable parfait et la souffrante mortification agissent de notre spontanéité. La joie et le chagrin que nous réserve l’aventure, c’est un peu comme s’asseoir sur les marches de la sagesse. Ne faut-il pas que la conscience se dissolve, et perdre toute connaissance, et celle du monde, et de son existence ? Lorsque je situerai l’avenir quelque part entre solitude et liberté, je prendrai un chemin étroit et qui monte. Je rendrai la douleur et ferai des réserves de tristesse. Je laisserai des araignées qui volent tisser des toiles dans l’espace. Je n’aurai plus besoin de valise, ni de médecin, ni de malade. Je pousserai mes crochets, et suspendu à des fils d’étoiles, je parlerai au ciel mille fois plus malheureux que moi. J’entendrai le craquement des astres et leurs rôles infusés avec lesquels je me pique, mais je ne le dirai pas. Je ferai la charité à l’amour d’un air nostalgique et désintéressé. Je descendrai au fond de moi-même, là-bas avec mes mains blessées, pour trouver la loi du juste. Mais plus rien n’existera, plus même les périls ni même les sensations, car plus on va loin, moins la mémoire se souvient. Je consumerai mon oubli tombant de haut et tout sera fini. Il y aura toujours au fond de mon cœur un ciel étoilé et au-dessus de ma tête un soleil qui ne se lève pas pour la première fois. La nuit, je me mettrai aux cocktails de minuit. Je me prendrai des cuites en regardant à l’est. La morale tient dans un verre de vin. Je n’ai pas le sens de prendre le moindre engagement sur le plan de la douleur. La force est un conseil donné de très haut. Chaque chose personnelle de l’alcool à l’amour est une forme de résistance qui soigne les coups. Nous aimons la pluie et lorsqu’elle tombe, elle nous éclabousse de tous ses objets. Elle nous ressemble lorsque nous aspergeons tout de notre imagination et que nous naissons au détour de chaque chose. C’est notre condition sous le gouvernement de la nature. C’est ce qui nourrit nos âmes aux phénix des sensations, et une fois achevé le passé n’appartient qu’aux morts. Que reste-t-il dans le cœur de ceux qui aiment bien aimer ? Les limites de l’amour, c’est comme un métronome qui sonne toujours trop tôt. Les marchants n’ont pas encore de marchandises, gardons-nous loin de l’obésité de la modernité. En étant nous-mêmes et en appliquant un peu de vertu et de foi en la vie, c’est tout ce qui peut nous rester. Demain se situent les symboles et principes, mais si nous gardons nos valeurs, alors notre sang coulera encore pour cela, mais nous serons libres certainement, ou au moins frère et sœur. C’est un peu comme un jeu vidéo. Il n’y a pas de matière, à peine de l’équilibre. Ce n’est qu’une suite logique et tout s’enchaîne. Sauf que si l’on appuie sur le mauvais bouton, alors il faut tout recommencer. Si l’on pouvait séparer tout cela et défragmenter le virtuel pour retrouver les forces réelles, nous nous apercevrions que tout n’est qu’illusion d’optique. Regardez bien dans vos mains le miroir pâle de la solitude. Cette absence-là est égale à la durée entre deux silences. Pour ma part, je suis amoureux de la lune sous quinzaine, je n’ai pas besoin de chagrin. L’homme est le fruit de l’amour de Dieu avec tous les anges, et ces races emmêlées roulent dans l'éternel. Le comble, c’est que Dieu est une femme et qu’elle est mauvaise ménagère.

 

108

La vague du loin qui chante

Et celle qui dans ses romances

Danse dans mon cœur ses galantes

Ainsi que des corps en transe

S’allie à des mouvements étranges

Des formes d’arabesque et d’anges

Son écume déroule ses voiles

Sous le son puissant des embruns

Avec cette sobriété en forme de pain

Qui dispense ses volutes à la moelle

Et ses rouleaux rugissants de charme

Arrose ma fumée de gifles d’éclat

Avec ce mal émaillant ma flamme

Décorant mes fruits de flots nacarat

L’océan ouvrant sa palette aux cieux

Comme une erreur de l’eau sur le feu

Le temps brûlant le foin de l’hiver

Des jets de blanc trament l’univers

Et les couleurs de jais disparaissent

Des courants de chevaux fous paissent

Emportant aux allures de sable

La mer qui coule des portes de l’étable

Les mots courent dans la cour

Ils glissent sur les cercles des jours

Comme une goutte sur un sein

Comme une perle dans ma main

Tout secret doit l’être plus caché

La nuit ne dira pas sa vérité

Et je garde dans ma poitrine

Le précieux joyau d’opaline

Les secrets du monde imaginaire

Dans les profondeurs du mystère

Les eaux soustraites de l’aurore

Mouillé de rêves je m’endors
Sur moi, de son regard, la mer jeta

Un peu de plaisir puis s’en alla

 

109

Mon âme se calme

À l’épreuve du chagrin

J’ai fait le tour du monde

Et du néant pareil au vent

L’orage orne le temps

Ne sachant où aller

Avec la joie et nos péchés

On a pris ma poussière

Je suis né nu du désert

Revenu sous ton toit

Ma préférée assieds-toi

Prends ta part d’une tierce

Une sonate et me berce

Une note et deux mesures

Remets ton seul obscur

Cent ans ou un seul jour

Mon amour discourt

Et brandit ton espoir

Mes yeux pour voir

Du sein des nues

Le paradis est venu

La couleur envahit

Les nuages de la vie

On dirait des fleurs

Il pleut sur le bonheur

Rideau de pâquerettes

De jasmins, de violettes

Tombées des fontaines

Voiles d’odeurs sereines

Tout porte un autre appel

Tu dormiras tant ma belle

Entre nous, des images

Dans un autre langage

 

110

Notre monde et si triste, pourquoi ne serait-il pas encerclé par des entités cachées ? Pourquoi les chérubins, les esprits, les fantômes ? Imagineriez-vous un instant, réellement, l’espace intersidéral vide ? La chose intérieure et insaisissable censée présider toutes les autres, cette indescriptible alchimie, force du profond à laquelle nous avons substitué les anges, comment s’appelle-t-elle ? L’intelligence n’est pas entièrement écrite dans les livres, et ce qui nous anime est du même ordre que ces génies qui président aux divers destins du monde. L’ensemble de ces puissances secondaires qui régissent l’univers soumet les éléments aux divinités ou à la révolte. Pour elle ou contre elle, interviennent le bien ou le mal. Le plus ou le moins, c’est la perversion, comme toutes les échelles de valeur linéaire. On est toujours sur une droite d’où l’on regarde le cadran. Rien ne commence, rien ne finit, tout continue. Les esprits de la nature et d’autres êtres semblables sont des intermédiaires entre le rêve et la réalité. Leur fonction en tant qu'esprits au service d'une puissance supraterrestre, est caractéristique à mainte religion, et c’est ainsi que nous subissons leur influence et que nous espérons. Mais l’espoir n’a jamais rien arrangé. Dans l’espoir, on espère toujours que c’est réciproque. C'est-à-dire que l’espoir ne nous oubliera pas et que nous serons riches et célèbres. Il n’y a pas d’espoir pur. L’espoir est toujours perverti et tendu vers quelque chose. Tant qu’il en sera ainsi, on peut espérer et attendre la mort. Qui espère uniquement pour exercer une fonction du bonheur sans rien attendre en retour que le simple fait d’être heureux ? Qui regarde la nature voit l’avenir et comprend de quel mal il faut triompher. Nous devons tous croire que la vie vaincra, et que les petits esprits continueront à s’attacher à chaque existence. Prenez garde de toute chose. Notre âme fait partie de ces petits bonshommes. Elle existe le temps d’une sensation, de sentiments, et puis pff, elle disparaît. Mais cette disparition n’a rien à voir avec la mort physique. Souvent, l’âme a disparu bien avant le rendu du dernier souffle. Nos tout petits êtres s’évanouissent à cause de la matérialisation et de ses conséquences, de la production et de ses gâchis, de l’absence des sens et de la surconsommation. Le rêve a également perdu sa valeur suprême, il donne maintenant sur des fenêtres aux images virtuelles, et nous faisons de la réussite une expérience sociale. Peu à peu, le calme, le silence et l'obscurité retrouveront leur place dans les cœurs et enseveliront les futiles et aléatoires soucis et désirs des hommes. Les petits oiseaux blancs du coin des choses s’en retourneront frapper à nos portes. Campés sur nos paillassons, ils tiendront dans leurs mains des richesses discrètes. Du détour d’un coup d’œil, si nous les apercevons, ils interrompront le mal. Alors, nous nous mettrons en route sans plus avoir besoin d’espoir, notre course ne ressemblera plus à une fuite et nous serons fous de délivrance.

 

111

La lumière orangée des lampadaires éclaire le détroit des rues, et les voitures prêtes à lever l’ancre tanguent dans les flaques, les caniveaux, au gré des rafales de vent fouettant le visage des façades. Il y a des arbres et des oiseaux mis à part, ce bras de rue semble encerclé par des bouts de récif et de corail sous le goudron. Porté par la brise et la pluie, la ville a un parfum de pierre mouillée et d’herbe fanée. Des contours émergent du flot de la nuit, un immeuble solitaire, un abribus fluo sous le clair de lune, des poubelles en ligne… Les ombres et les silhouettes n’ont pas leur pareil pour transmettre alentour des impressions furtives d’imaginaire, et font revivre en nous le mystérieux qui sommeille. Avec ses plages urbaines en noir et blanc d’eau ruisselante, des détritus se dresse la toile parfaite de nos futurs jours tristes. On est loin des charmes aisés des quartiers chics de leurs belles eaux bleues, de leurs plages de sable blanc. On aimerait courir à demi-nu sur le sable, tirer derrière soi un cerf-volant plein d’étoiles, ramasser des mégots comme des coquillages, et jouer à saute-mouton avec les éclaboussures. Lorsque les heures de la marée approchent, nous ferons les asperges le long des comptoirs, accoudés sur un rocher de zinc. Et puis nous plongerons et nagerons dans des lagons souterrains, en faisant le poirier sur les bancs du métro, en construisant un château de sable avec l’aide des colleurs d’affiches. En s’avançant au bord du quai, pour nous divertir de ce chantier, nous regarderons les rails comme s’il s’agissait des bras morts d’une rivière coupant au couteau de la pierre calcaire et des bouts de roseaux tombés par terre. Lorsque le train dans ses marais flottants se dirigera vers nous comme un requin vers un véliplanchiste, porté par le clapotement du courant de fer, il nous avalera et nous emportera vers la baie. Tout le long du chemin, des goélands hydrauliques piailleront, grisés par les remous capricieux du lit de la trame. De la rivière agonisante au delta asséché, chaque liquide retourne à la mer comme chaque passant retourne à la foule. Arrivés à bon port au premier abord, ces côtes accores, ces escaliers touffus surmontés de flics, ces longues lignes droites étendues de tapis roulants où l’odeur rebute davantage que la pluie extérieure, cachent une beauté pas facile. Dehors, sortant de la station, nous retrouvons la surface grise et blanche et ses ronds-points en forme de lagune. Derrière chaque carrefour se détachent les silhouettes énigmatiques d’immeubles sombres des années soixante-dix. Dressés, ils ressemblent à d’immenses dolmens. Des dolmens bourrés de tranquillisants et au pied desquels s’étale un parterre de pauvres fleurs inondées par le brouillard. Tous ces éléments se joignent : odeurs, couleurs et formes, dans leur isolement. Tel que l’écho de la solitude rebondit sur chacune de leurs barrières. Tel que dans la grisaille, l’inodore, l’insipide, tout se rassemble. En réalité, non seulement on n’assemble que peu d’éléments intéressants pour les sens, mais en plus leur place n’a effectivement que peu ou pas d’importance. Architecte ivre de violence, cités altérées par la déprime de ses habitants, précipice dans lequel on jette la faim et la soif, tous les matins se lèvent de la même manière au-dessus des toits brouillés. En haut des arbres, la liberté ôte son chapeau, derrière les bosquets où il pleut toujours, la campagne aussi mène une existence triste. Une plage de sable doré, un lagon turquin aux eaux gainées de veines de corail blanc gris, et dans l’arrière-pays des plaines ombragées, des lacs d’eau pure et des arbres chargés de fruits.

 

112

Durant tous ces âges, ton immensité a procuré une protection avérée à tes eaux salées, à tes vastes étendues d’abîmes, berceau des gènes de l’univers avalant les espaces vides et couvrant tous les creux que l’apesanteur et l’air ont laissé inoccupés. L’infini et les continents que tu conjuguais jadis conféraient aux trois quarts de la planète un équilibre sauvage, un sanctuaire paisible aux dernières espèces sauvages et indomptées.

 

Longtemps ignoré, l’homme s’est débarrassé du tabou de la mer en te découvrant. Sur ta houle, les antiques marins se sont figurés les légendes divines. Les rêves imprécis des artistes t’ont inventé décoré de têtes couronnées de raisins et de pampres. Ils t’ont sculpté avec à tes flancs des dauphins, les joues soufflant l’alizé et des algues plein les mains. Ta barbe fut un banc de corail aux jardins sous-marins de poissons colorés et de fleurs immergées.

 

Du ponant au levant tu te distingues de tes filles Méditerranée, Noire, Rouge ou de Chine par l'importance de tes fonds abyssaux et par la chance que le ciel de ses pluies t’ait donné de conquérir ses territoires en contrebas. Les vaisseaux ronds de tes surfaces et les longs navires de tes profondeurs baignent de charme et de peur des plantations d'arbres, des plaines de blé et de verdure. Au profond de ton âme, il y a aussi des villages de maisons et des nuées de petits toits bariolés, des refuges de méduses, des cimetières de particules. La poussière n’existe pas et tout est tellement humide qu’il ne pleut jamais.

 

Les vignerons avec leurs barques de bois ne cueilleront plus sur le littoral les grappes de la raison. À travers les mers du Nord, le grand Boréal et la sauvage Baltique, six mille ans de batailles, de blocus, d'embargos, d'abordages, de captures sur toutes les parties liquides du globe, et pour finir, la pêche industrielle a eu raison aussi de l’équilibre des océans. Songez à cet enfer d'immensité vide, songez à tant d’angoisse devant ses eaux mortes et tourmentées par la peste des égouts.

 

L'antique univers n’avait jamais prédit ces changements. D'innombrables cercles calamiteux, dans le gisant visible et nébuleux, vibreront autour des ultimes montagnes. Nous retournerons dans le sein biologique de la soupe océane, et le soleil émergera un matin et plongera le soir avec l’eau du bain. L’océan du monde est mort, et ses roches et sa faune, rentrons nous coucher dans la nuit éternelle et le froid perpétuel.

 

113

Le vent emplit de plainte tout ce que je vois de paysage

Un cri remonte par les chemins et se hâte vers la montagne

Il imite la fièvre sur mon visage et le sommeil ne part plus

Des oiseaux sur les branches et la saison du réveil

Baisent les lèvres flétries de mes couleurs éteintes

Et comme les fleurs ne sortent plus, la terre soupire

En dénouant ses cheveux, ses mains bleues

On embaume la dernière rose à la gloire d’une larme

Tu ne viendras pas dans le jardin

Aux pieds des peupliers la source étend ses bras

Pour saisir une beauté dont les yeux font penser

Au soleil d’avant l’aube lorsqu’il se glisse au paradis

Il est entré partout mais je vais lui tordre le cou

Que ferai-je de mes souvenirs sans la chaleur de ton corps

Comment veux-tu que je tremble

Dans ce lieu obscur demeuré caché de tes secrets

La pluie pose à l’envers 100 000 baisers qui désespèrent

Mouillée d’hier soir, nous a séparé le front

Des nuages grondants ont surgi derrière les monts

L’aurore écoute l’horreur silencieuse

Ma voix déchirée, on voit dans l’air

Le sabre du bourreau dont tu tiens si bien ma belle

Au plus profond, la lame, la tourterelle appelle

Et 100 000 coups de cristal répliquent à chaque instant

La fin vers la prairie, mes étriers brisés

Ma morte blême de fer et d’airain

Ma morte dispose ses flûtes dans ma gorge

Ma pauvre âme tapissée de nuées de fractions

Comme on l’entend qui répète sa leçon

 

114

Le vent et ses orgues alphabétiques

Ploie dans les toutes petites choses

Le gel qu’il nous ramène

Suspend ses flots au gré du courant

Le froid retiré s’endort

En pleurant des sirènes

Ce théâtre tapi dans l’ombre

Nuit et jour nous encombre

Nous courons dans le pâturage

Essoufflés, tournant de rage

Fermons bien la porte

Au point du jour

Les étoiles se détournent

Nous nous retournons encore

Démontrant ainsi à ce jour

Les fléaux et autres démons du monde

Que la nuit s’achève là

Tenant pâtres et troupeaux

Parvenus à mi-chemin

Chassant avec nos mains

Les oiseaux voleurs de destin

Et les pauvres gens qui croient

Qu’il y a du bien qui se cache

Des fruits sur les branches des arbres,

La mort paisiblement des bois touffus

Nous ne voyons pas qu’ici-bas

Nous ne sommes que de passage

Dans cette maison nous ne résidons

Qu’un peu de temps

En partant d’ici nous ne savons

Toujours pas d’où nous venons

Il y a un lit fait

Vide et faisant sortir du jardin

D’autres oiseaux qui secouent leurs ailes

Aspergeons d’eau de rose

De fleurs la rue pesante

D’un monde à l’autre en supposant

Délié l’espoir du réel

Nous n’accordons pas d’importance

À leurs nids de connaissance

Nous recherchons l’éternel

Sur cette terre comme un modèle

De ce lien nous sommes contents

Entre deux mondes, un instant

 

115

Sous ta saharienne, une tiédeur offre une interaction fortuite entre des éléments simultanément précis. À même la peau, des effets de champs s’installent et présentent à chaque mouvement de tes hanches ou de tes épaules une interprétation globale de la géométrie des masses et des courbes. C’est une espèce d’impression de la rondeur pleine assez difficile à comprendre, focalisant tous les autres points de l’espace. J’aime ces sphères de demi-embonpoint que rien d’autre ne préserve et qui t’aident si bien à affirmer intimement ta présence. Les boutons-pression peuvent s'entrouvrir et donner un décolleté, ne montrant qu’un écart entre deux pesants frémissements. Ensemble, la valeur que peuvent prendre les vecteurs électriques de tes séductions est contenue là, le plus paisiblement du monde, près du champ magnétique de mes mains. Fermant les yeux, je me blottis le plus rapidement possible pour nidifier quelques œufs de tendresse dans tes odeurs de savon. Cette vallée extrêmement fine avec autour de ses monts doux, un visage sans lune, une gorge sans couleur, comme cousue de dentelle, et avec dans le creux de tes reins une source qui cherche son chemin, et c’est là qu’elle apparaît soudain, vivant au loin de la coupe. Dans ses flots presque absolument sphériques, des vagues jaillissent pour nous noyer sur nous-mêmes, pour nous donner une dernière constitution. Puisque vécu du dedans de l’eau fraîche, un sentiment nous préserve et fait de nous presque des hommes. Dans ses dérivées de massifs montagneux, ses dépressions gonflées, plus ou moins espacées et formées par un écartement, la lave subtile d’une caresse drainerait, superficielle et interrompue, les traces résultantes de l'action des passions. À l’intérieur de cette vallée charmante picotée par la brise, le paisible ruisseau de mes yeux parfois coule entre deux, au milieu de prairies fermes sentant la rose et le lis. Quand le doute te presse, tes contrées s'animent, c'est le commencement vivant où ton relief expose ses coteaux au soleil, en face des champs du ciel, selon des failles moins parallèles. Mais partout ailleurs, sous le dogme de ta chemise à carreaux, le charme court une ligne entre des arrêts de fraîcheur qui se succèdent, pareils à une marée de petits quadrilatères. J’imagine cette mosaïque un peu comme une spirale sur laquelle du bout des ongles, petit berger tatillon, je ramène ses troupeaux carrés vers les quatre centres du monde. À distance médiane, une suite de bassins plus creusés et décalés les uns que les autres se forme. À l'intersection avec des zones de jointure, des glaciers fondent et remplissent les interstices. Car ces lacs sont à peine comblés par des décennies de serments, que des périodes nouvelles s'ouvrent par de nouvelles invasions sentimentales, non plus cette fois comme par le passé, mais désormais définitivement émergées. Ton charme dévêtu révèle tout un coin de corail dont même la torsion de ton corps ne perturbe pas l’équilibre. Les éminences charnues qui s’élèvent vers le centre de la colline forment en arrondi la marque sereine d’une déesse à demi endormie. Un chat s’enroule autour de ton cou et montre sous ses pattes des coussinets pointus empruntant les crêpes adipeuses de tes vêtements humides. Tout ça prend du tangage et du flonflon avec une connotation quasi érotique. Toi qui dors au flanc d’un mont d’où peut surgir un torrent, je crains que tu ne te réveilles pas avant que l’eau ne me monte à la tête. Durant la nuit, tes mantilles se dessinent avec netteté, chacune avec son aspect propre et sa topographie. Elles montrent dans un reflet leurs futaies entre lesquelles se dessine nettement un vallon mouillé. Pendant ce temps, dans le ciel nocturne se reflète chaste et nu un astre de nourrice qui tend pour tous les songeurs son sein charnu. Son fiel inhibiteur du chagrin s’épanche dans la lenteur d’un soupir. De boire à sa clarté dans le flot de tes seins, les premières gorgées sont destinées par les lois du sucre à s'implanter perpendiculairement dans mon cœur. Aussitôt délivrées, les premières gouttes irisées plongent dans la chair, et elles y lavent même les pierres. Elles donnent à l’esclave un godet aussi longtemps qu’il le veut, et souvent ils sont déjà vieux qu'ils se régalent encore. La respiration au galop les soulève à peine, et lorsqu’ils prient dans leurs chaînes, ils lèvent leurs yeux clairs vers des voûtes à l’envers, vers des corniches, des sculptures, des gargouilles. Et ils voient une cathédrale hématite qui se dresse en haut des monts pâles, et lorsqu’on en pousse les portes, des cloches montent des révélations de sainte et de la grâce d’une vierge, nous dévoilant savamment le chemin jalonné pour que nos âmes qui s’échappent tentent seules à la pente du velours la descente éternelle.

 

 

116

L’amour a commencé l’histoire en ravissant le cœur des êtres. En y glissant du désir, et en révélant l’axiome invariable du secret des chiffres. Il en a fait une boule de nectar physique et mystique qu’il a soumis à la lumière du soleil et à son enivrante cuisson. Décrivant de telle sorte la beauté, il a enflammé les yeux des jeunes et des âgés. Il a renversé par terre tout le contenu du ciel, il a tendu à la raison le péché originel, mettant ainsi en mouvement toutes les Ève et tous les Adam. Il a suspendu la vie aux lèvres, d’un moment à l’autre, passant sous les vêtements. Et comme il n’a pas d’endroit où habiter, il demeure là, à l’insu de tous, sur la place publique, noyé dans ses fracas : il trace sur le sol des notes d’accordéons. D’un clin d’œil, il rend aveugle. D’un clin d’œil, il dit la vérité. Il inspire la perfection à tout ce dont nous rêvons. Il glace nos mains sous l'effet d'une émotion violente. Pour créer le doute, il a conçu les larmes et la mélancolie sur les jolis visages. Il a fait exprès de colorer de sa palette et le parfum des fleurs et le chant des oiseaux. Il étale ses secrets et met tout en évidence, mais n’en montre qu’un bout à la science. Il étend sur l’orphelin sa bonté tout en entreprenant ses ravages dans ce monde de trouble et de tumulte. Grâce à son courroux, l’âme de l’homme devient noble. Grâce à lui, nous ne restons pas captifs de cette humeur dévoratrice. Nous gardons patience et persévérance, au moindre contact de la flamme, la possibilité d’être éternel devient concevable puisque c’est le même soleil. Sans doute un jardinier viendra cueillir la fleur tôt où tard mais la peine s’assoupira enfin dans la poussière. Le cœur est le miroir où il se manifeste, à condition d’être malade, rien d’autre. C’est le seul endroit à travers lequel il nous regarde. Il faut toujours bien prendre soin de nettoyer cette surface pour que le reflet soit toujours réel et ce lieu vierge. Il n’y a pas de place pour quelqu’un d’autre. La douleur est aussi un remède qui doit nous aider à ne pas tout rejeter.

 

117

Reste avec moi un instant

Faisons et fléchissons ce temps

Laissons la part à cette chance

De s’arranger de l’existence

 

Et ta bouche emplie de pleurs

Celle qui du bouton de fleurs

Comme un refuge, une fête

Dont la lèvre rendue muette

Saisit le versant sain du midi

Tandis que le petit rossignol périt

C’est un songe qui vient se poser

Au bord du toit de cette soirée

Que son aile se moque donc

De celle d’un ange quelconque

 

Je vois des couleurs entre les astres

Je voudrais regarder tes contrastes

Laisse fléchir les ambres et les roux

Délace de ta coiffe les anneaux fous

Étendue sur le parcours du vent

Laisse ses doigts ajuster tes serments

 

De cette source de bonté

Tes cheveux ont emporté

Loin de moi conscience

Et entendement, l’enfance

Des flammes au sérail

Sur ces lèvres de corail

Ta pudeur en fait de proie

Je te serrerai dans mes bras

Et je guérirai par un don

Ce que j’ai alarmé de passion

 

Je regarde en arrière

Quoique je parcoure la terre

Et je ne sens pas mon pied

Je m’en vais de regret

En rodant de nuit, tout épris

Et dans le flot de ma folie

La reine des beautés

Porte atteinte à ma fidélité

Hors du nuage d’illusion

Le rêve renaît d’un pardon

 

118

Il y a quelque chose de sacré

À la commissure de tes lèvres

Amer et doux que j’ai trop désiré

Un baiser sur ta bouche livre

Si bien, tu en conviendras

Je déposerai un morceau

En descendant un peu plus bas

Et si je demande trop

Je demeure sur tes lisses

La goutte qui glisse

Pour une confidence

Je cherche ta présence

Lorsque tu as disparu

Un baiser m’a élu

D’un raisin à croquer

D’une plume pressée

Et qui remue ton sirop

Ton jus vient d’apaiser

Douleurs, chagrins et peines

Les secrets les plus intimes

Le feu dont j’étais consumé

Le ciel est à vendre

Regarde donc ta haute image

Mon regard sur ton beau visage

En jetant des milliers de regards

Dans mon œil comme dans un miroir

Au couvent tu passes

Afin que de toi je fasse

La plus individuelle

De toutes les vapeurs du ciel

Mais sans parvenir à ton but

Que de piège furent tendus

Et de soupirs, et de regrets

L’âme avide à la recherche d’un reflet

Des prisonniers torturés contemplent ces lieux

Et dans des anneaux pâles et sinueux

De ma bouche court un torrent brûlant

De mes yeux le flot du feu passe tranquillement

Dévorées d’écume, mes lèvres

Se couvrent d’ulcères et de fièvre

Mes pupilles choient derrière les flammes

Et je parle à cet ange le langage des larmes

Écoute bien le son de cette voix

Laisse couler, ces quelques pas

S’en sont allés avec le vent

Se sont perdus dans la cendre

Il y a des traits dans mes mains
Oh ! Pleure, fleuve du destin

 

119

Le vent d’Est répand encore

Sur les jardins et les prés son or

La campagne se réveille et s’aperçoit

Que l’ombre a déjà gâté tous ses trésors

La nature a déballé tous ses choix

Et des gardiens ailés piaillent

Montrant toutes leurs richesses au soleil levant

Venu étendre d’autres joyaux brillants

De nuages gonflés de pluie

Comme un lassis verni de pâtisserie

La rose prend en main le gâteau de l’hiver

Tu donnes à la terre un parfum de rosière

Blanche et resplendissante

La voix étendue et charmante

Comme des serpents, les flocons

Se transforment au gré des tourbillons

Avant que ce voile ne serve à personne

Le linceul et la neige de nos pas sonnent

Le jardin est souffrant

Le roi la nuit se transforme en croissant

La lune avoue le tremper dans le café

Et de son sein fendu laisse couler

Comme un rouleau de papier

Au-dessus des cimes, regarde

Le sang sur son flanc malade

De cette verdure et de ces larmes

Les perles grises que les arbres pleurent

Les vois-tu à l’aube, pleines de terreurs

À trembler sans relâche

Elles sont toutes là, prêtes et lâches

Nous glisserons sur leur squelette

Et des astres tomberont des paillettes

Pour changer le pavillon de la vapeur

Et orner de nimbe la couronne des hauteurs

La rouille se prend à briller

Comme un éclair dans l’obscurité

Comme un bris dans un miroir

Et on dirait que le désespoir

En donnant un empire aux ignorants

A aussi déchiré leurs vêtements

De ton désir replie-moi

Je te couvre la nuit du drap

Afin que le temps dans ses sécrétions

Me poursuive de ses confusions

Dans l’éclat du feu sacré du matin

Le vent plisse l’onde dans le bassin

À l’horizon des nouveaux amants

Et à partir du soir

Elle se couvre d’un voile noir

Le ciel a ouvert sa tunique

Tu es unique

 

120

Dans un chagrin ceint de résine

L’aurore enfin vient d’achever l’œuvre de la nuit

Et, saupoudrée de fumée de charbon de bois

Parfume encore de cendre

Une plainte odieuse qui monte du sol, silencieuse

Comme des jets de pierre d’une foule en colère

L’impatience du jour ouvre lentement les cases

Prenant pour cerf-volant

L’armée des âmes cédée aux charmes du néant

Et des ténèbres sans espoir

L’aube forte de soleil étend ses ombres abjectes

Les petits semblent comme sous une aile

Réfugiés à peine éclos du charnier d’une mère

Ailes de bananier dans lesquelles, ouverte aux vents

Les parents éloignés imaginent leurs enfants

Contraints par une guerre, armés jusqu’aux dents

Ils connaissent le prix de leur peine

Et cachent comme un trésor les souvenirs les plus précieux

Des moribonds couchés au bord des routes

Des étrangers résignés au fond des fosses

Les indigents devant une porte close

Et des blessés qui pissent dans leur sang

Les étoiles résonnent comme des bombes

Elles ne peuvent plus supporter tant de peur

Et aident à achever, de ce monde, l’espoir des implorants

Les jeunes abandonnés terrorisés

Les vieillards qui ne peuvent plus parler

Et ceux qui restent loin dans la douleur

De la sueur des larmes de ceux qui pleurent

La lumière fouille les esclaves

Pitié pour les innocents

Il reste encore des prières à exaucer

Pitié pour ses mains ensanglantées

Je perds toutes ces images

Ma voix bave au sommeil de la terre

Sexe mutilé tombé dans la boue

Enfants criant, dont on cuit les membres

Les corps des filles décapitées

Se tordent, gisant au fond des puits

Et leurs têtes au bord du mur

Pendent accrochées aux barbelés

Le bétail gisant au pied des arbres morts

Forge de la haine ou du minerai de gangue

Où nul secours, où nulle joie

Où nul nul, et le reste est néant

La prairie se couvre de poussière

Les nuages se cachent à l’horizon

Et dans un grand naufrage

Le jour meurt aussi

 

121

Passe tes bras autour de mon cou

Un point c’est tout

Un instant je t’en prie

Sous peine d’en porter le prix

Ou je rendrai tout ce que je peux

Désir aux draps somptueux

De mon âme en peine

Aux amitiés lointaines

Ma vue se trouble au centième de tes pas

Le dais sombre aux larmes jaunes

Des arbres pour cheveux des aunes

Des vapeurs de ton cœur

Brûlant les parfums des heures

Tristesse enroulée de soupirs

Répandue sur ma gueule

La couleur s’étire

Tu tiens dans ton linceul

Les bourreaux de mon martyre

C’est la teinte de nos noces

Et dont la terre est le négoce

Tu es vêtue comme une fée

Que je te sois remis, moi l’exilé

Mais tu choisis un exil aussi

Alors je viendrai, je sais

Cherchant un astre ici

Et ne le trouvant jamais

Poussière, que tu ne sois qu’un souvenir

Je resterai un étranger en devenir

Tu le verras gémir de douleur amère

Mon amie, mon amie ô combien chère

Aime-moi comme toi

Fais-moi encore le récit que je crois

Je lâcherai le fil de ce voyage

Et ce séjour de déplaisir

Cessera de pincer ses gages

Pour que l’oiseau puisse revenir

Plein d’un prénom coincé dans son bec

Aux rires suspects, aux yeux secs

Aujourd’hui sous le voile de la misère

Je suis malade de te désirer hier

Je t’attends sur le seuil de ma porte

L’œil fixé derrière le chemin qui m’emporte

Je guette, la tête tournée

Sans tarder va me délivrer

Au moment où tu paraîtras

Je vais me jeter dans tes bras

Passe tes bras autour de mon cou

Un point c’est tout

 

122

De ce jour où l’hiver étendit ses draperies

Le temps et la matière se sont établis

Comme sous une autre couleur

De ma face la terre a pris la blancheur

Le brouillard est devenu aussi froid

Que mon souffle, que mes dix doigts

La glace dépouille ses soies multicolores

On entend le son d’une rivière qui dort

La colline se revêtit d’un vêtement

De lin et de coton d’argent

Elle s’est envolée ce matin

Et évacua la plaine et le jardin

L’armée des beaux oiseaux

S’emplit de teignes et de corbeaux

Le soir dans ses attaches enrubannées

Regarde leurs soubresauts éructés

Du fond de la nef l’horizon vomit

De petits cercles et de larges saillies

Tandis que l’onde de tes lèvres jaillit

Une source immense de joyaux délicats

D’une goutte j’en tirerai mille éclats

Le corps est un bouton de rose

Dans un jardin persistant il s’impose

L’âme est son soleil et sa romance

De la tige aux racines elle danse

Dans le lit du matin la lumière est profonde

Le printemps viendra dans une ronde

 

123

Je t’ai vu au bout de la nuit

D’un soupir au sein d’un sommeil froid

Je voudrais mettre un peu plus dans ton âme

Un peu de braise et de graine

Au-dedans de ton noir nocturne

Au désir subtil comme l’eau pure

Et que tu t’y fondes comme une ombre

De caresse en caresse

Et sur ta peau délicate la brise frissonne

Des odeurs flottent dans l’air

Comme la pluie d’une cascade

Il s’étend ton nuage

Dans tes yeux le feu fait rage

Cette lueur en son plein

Qui s’accroche à mon sein

C’est ton visage comme un phare qui s’approche et qui vient

Des ajours bleus laissent couler la face du soleil

Et de nouveaux arcs-en-ciel

Mes yeux ont effacé ce que je viens de lire

Tu berces de ta flamme

Le bonheur de calligramme

Tu construis des symboles, des pages en forme de palais

Souvent tes fautes d’orthographe

Répandent des syllabes chaudes

Grisant à la faveur d’un murmure

Au travers de la soie tes architectures

Je suis de mes lèvres les accords

De ta lettre, de ton corps

Bien loin de toi l’encre invisible verse ses romans

Sous une paupière, tendrement

La larme pure est celle du devenir

Rêves détrempés noyés dans l’avenir

Regarde comme j’essaie encore

De t’offrir ces mots tandis que je pleure

Chaque souvenir est un chagrin perpétuel

Notre histoire est comme un parfum cruel

Le poing du givre se ressert

Dans mon ventre comme un organe de l’hiver

Temps engourdis gerçant ma joue

Portant leurs cristaux au fond du puits

Figeant, immobiles, les cils et les fruits

Jaillissant mort-né entre chaque sanglot

Chaque goutte est un tourment de l’eau

La glace prend possession de ces lieux

Et conquiert mon repos pour ainsi dire adieu

Chaque regard congelé erre

Monstre de banquise livré à la mer

Saisissant au moindre instant

La moindre pitié flottant à découvert

Donneras-tu à mes yeux pétrifiés

Le pouvoir de changer le solide en amitié

 

124

Au milieu de ma chambre pousse un arbre de tristesse

Dont les fruits et les gousses grossissent et m’oppressent

Sa verdure brûle si fort l’ensemble des astres

Qu’elle accroche un flambeau sur ce désastre

Pris de court, le clair de lune a compris

Rien ne te retient si je te rends visite la nuit

Fuyant mon antre que je déteste

Les étoiles suspendues en grappe à l’ouest

Ta beauté est si précieuse

Et les saisons sont si fragiles

S’effacent dans la mer silencieuse

Les pluies battantes et la foudre agile

Avant, toute durée courte

Laisse une nuit qu’on écoute

Et d’oublier sur ces charbons

Les feux morts de notre passion

Dans ta chevelure bleue pluie

Un arc, un croissant qui luit

Mes pas sont sur la route

Le désir me presse de doute

Le moment où les choix se font à regret

En vue de cet hymen simplet

Dans la nuée tremblante

Embryonne des jardins alicante

Un jour entre les branches

Suivant leurs ressemblances

J’ai vu les étoiles toutes blanches

Le temps m’avait piqué leurs essences

Ouvrant la porte de mon âme

J’ai déchiré le voile de mon drame

Et le deuil de mes entrailles

Mon cœur au rendez-vous défaille

L’aventure éclate les mots

Le vent s’ébroue, projette les morceaux

Des feuilles de demain sur le parterre

Bientôt tu marcheras au-dessus du désert

Tandis que les gens dorment d’un lourd sommeil

La nuit tombe tout autour

Filtrée par les persiennes blanches

Palmes bruissant dans les alizés

Lagons fragiles suspendus dans l’océan

 

125

Un calme si profond règne que l’on croirait la mort à sa porte. Déguisée des cendres de l’enfer, avec ses tessons d’os tenant la poignée de porte ; prête à sonner de ses doigts de boutons de roses fanées. Le calme est une tempête qui gronde. Drôle de récolte en perspective, où la faux s’arrange de quelques méprises. Loin des grands événements bibliques de la surface, d’autres nuages se composent sans pour autant attirer la foudre. C’est dans le ciel et au milieu de la terre que s’est humecté le peu de vie qui nous anime. Au sein d’une étoile qui prétendait être si grande, au cœur d’une poussière, à des années-lumière dans l’humus et l’étron, se formait le prince de l’arbitraire. Les liquides sont apparus bien avant et ils influencent le temps. En tout cas, nous serons vaporisés dans sa main en un instant. Et celle qui frappe à notre porte, la mort, mourra le jour où nous ne serons plus là. Tout périra et nous ne saurons toujours rien. Et l’on se rattache à ce qui reste, et à toutes ces questions sans réponse. La terre est cet espace physique qui nous porte et supporte, où l’on loge et où l’on habite. Cet espace physique socialisé par la présence d’un groupe de personnes qui y résident, et auxquelles s’oppose l’inconnu. La terre contenant son propre inconnu, l’espace reste la perpétuelle plus grande découverte. Entre les deux, entre le connu et l’inconnu, se situe l’espace mis en valeur ou détruit par les hommes. La terre, c’est aussi l’espace sociologique divers et varié de tous les êtres humains qui y subsistent ensemble ou les uns contre les autres. La race humaine est un ensemble de gens d’une même famille vivant dans un espace physique déterminé. La terre, c’est enfin l’espace religieux de tous ceux qui nous ont précédés à cet endroit, sur cette planète et qui sont morts là. Les contes se finissent par « ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants », c’est bien cela les gens de la même famille, ceux qui sont là, marqués par une indélébile continuité, vivants ou défunts qui ont donné des lois bonnes ou mauvaises. Ces trois aspects physique, social et religieux ne font qu’un, car c’est la terre qui nous nourrit, c’est elle aussi qui reçoit les restes des défunts. La terre, c’est donc une communauté de vivants et de défunts cependant toujours présents, communauté dans laquelle s’insère tout individu, qu’il le veuille ou non. Regardez bien autour de vous, ce que vous pensez voir c’est du réel, comme vous penseriez voir des anges au ciel ou des démons en enfer. L’espace terre n’est qu’un possible, en ce sens on ne peut rien en deviner encore. Du moins pas tant qu’on fera la guerre à la matière. Le désordre est un facteur dominant dans le sentiment, ce que renferme ma main continue à pousser et l’esprit, lui, perçoit ce qu’il veut bien. Il est possible de repousser les limites de cet espace si on peut simplement ne pas voir que la matière et toutes les conquêtes n’arriveront pas davantage à changer notre perception. N’oubliez pas l’horizon dont nous verrons seulement au bout la vraie nature.

 

126

De tous les points de la terre, nous cherchons un contraire à cet espace formant au-dessus de nos têtes une sorte de voûte circonscrite par l'horizon. L’infini dans lequel se noie le pointillé du ciel. Tout autour de ces rayons qui pétaradent et défilent sur les avenues du sombre dôme, le vide le plus insaisissable digère sans fin tous les plus gros rochers flottant bon gré mal gré, pareils à des navires sans voilure. Et il a toujours faim. Le chyle sédimentaire entre en contact avec les villosités nébuleuses, et là se produisent d’étranges phénomènes d’intégration. Cette forme de création très lente consiste à laisser une substance solide en contact avec du vide à une température la plus inférieure possible. La matière s’entremêle au-delà de notre piteuse atmosphère. Cet appétit sans borne, qui dévore ses enfants, devient obscur et mélancolique et seul le silence berce ses rots cosmiques. Au bout de son appétit, les records les plus fous en temps et distance, procurent parfois une sensation agréable de connaissance, ou de vérité. Dans les registres et les annales du temps, l'ordre et le nombre établissent pourtant des références toujours plus précises et de toutes les sphères de l’univers on en explique même la rotation. La première des sphères était supposée recevoir tous les mouvements de l'attraction sidérale de tous ses gouffres béants enveloppant l'univers, de tous ses monstres et légendes. Mais ses fichiers sont bien rangés et, indifférente, elle fait des choix. Elle les ouvre et les détruit en une force aveugle qui dans des situations convenables peut former, de leurs débris, d’autres combinaisons. Son ciel est nuageux et parfois couleur de muraille comme une morsure de pomme. Il nous masque ces entrelacs inextricables de bulles et d’anneaux, ces chocs de cristal, ses bracelets de gaz et perles de méthane. Les astres se recherchent, se rapprochent, se mêlent avec un désir inégal. Une union, résultante physique, peut voir se désagréger son principe d’attraction par le simple fait de la présence de corps étrangers.

 

Au-delà du toit céleste, seule la lune se présente comme la fenêtre allumée la nuit, alors que tous les autres sont au lit. Comme une voisine un peu calmée qui du haut de sa mansarde jette ses mégots allumés et capture en plein ciel un mince filet de notre nature. Si cette machine si compliquée devait bientôt être hors service, la providence nous absorberait dans son rayonnement éternel. Le temps serait plus doux avec ses raies opaques, féeries de fanaux et d’ombres sur les reliefs et platitudes océanes. La terre offrirait aux sélénites tous ses regards inutiles et cet espoir qui monte également très haut. Toute cette bonté monte vers les dais incertains où elle rebondit avant de se disperser, car rien jamais ne tombe du ciel. L’espoir n’avait pas la vocation d’habiter la terre, c’est pour cela qu’il s’envole. Il a été créé pour habiter le ciel, par sa faute nous avons toujours l’impression d’habiter un enfer. L’espoir est l'air ténébreux près de nous pour nous tenter.

 

127

Balançant sa hanche à chaque pas

Sous sa tunique, elle danse je crois

Tangue aussi souple qu’un jonc

Et son corps ondoie, penche selon

Retombe encore vers moi en épanchant ses dons

Car je demeure et je renonce

La vie dépend d’un coup de semonce

Les oiseaux ramènent des pastels

Couleurs dans l’aquarium du ciel

Les poissons immobiles scintillent

Les larmes que tu partages brillent

Elles n’ont pas encore coulé

La pluie aussi s’en est allée

Le vent qui vient des arbres embaume

Les champs pleins d’œillets et de chaume

Sur les bords verdoyants des fontaines

La vigne vierge bourgeonne et se peigne

Les eaux coulent comme du beurre

Les fleurs de toutes les couleurs

Les étangs, les coteaux sont fleuris

Chantent comme une mélodie

Tout ce qui vit à chaud

Sa danse l’emmène très haut

Elle danse je crois

Marche dans la joie

Qui réchauffe le cœur

Et les mille petits bonheurs

Le rire lui gonfle les joues

Qui illuminent ses yeux doux

Elle arrive jusque dans les étoiles

Elle m’emmène avec elle

 

128

Je m’apprêtais à quitter la terrasse pour le cœur même de mon repaire, lorsque la bière posée sur la table en plastique et que j’avais à peine touchée retient ma main et tout le reste du corps. Pendant ce temps, un ballon rebondissait dans un coin. Sur le court de tennis, le son bifurquait en échos sirupeux. Une équipe de petits apparut. Certains à pied, d’autres à vélo. Déjà, les cyclistes en bermuda étaient à terre, ajustant leurs lacets, les bicyclettes couchées dans les coins. Ils ne faisaient plus leurs courses incessantes autour du camp. Ils se concentraient maintenant sur le ballon. Le ciment noyé et détrempé tous les ans par les pluies, me semble-t-il, rendait une résonance bien insolite. Les sons n’étaient pas entremêlés comme souvent lorsque les enfants jouent, mais plutôt saccadés. Cela me fit penser que peut-être un semblant d’organisation s’établissait. Et que peut-être un match allait avoir lieu. Je mis mon verre au frigo et allai traîner du côté du jeu. Dans ces terres lointaines où vit l’humanité, la solitude me fut soudainement arrachée par quelques enfants qui jouaient au foot.

 

La matière généralement agricole des terrains de football laissait ici place à un ciment vert, rouge, délavé et torturé dans l’étau sec de la terre et du feu. Les craquelures et les fissures avaient envie de quitter la terre euphémique. Dans leurs tentatives balistiques, certains de leurs mouvements imparfaits créaient des reliefs prêtant à gages tous les faux rebonds du voisinage.

 

Une petite princesse blonde se trouvait là avec son frère. Trois autres garçons sud-africains tous pieds nus montraient une extrême ardeur à taper dans la balle. Anita, la princesse, s’exprimait dans un français parfait. Son frère semblait préférer l’anglais, les autres également. Ils firent tous preuve d’une commune et vive spontanéité à m’inviter à jouer au foot. Un peu comme si l’occasion ne leur était pas donnée souvent. Je faisais équipe avec les plus petits. Les plus grands, qui devaient avoir aux alentours de 12 ans, formaient la deuxième équipe. Le jeu me procurait un d’asile dans lequel s’engouffraient et disparaissaient toutes ces nouvelles idées et sensations battues. Un haut grillage s’élevait tout autour du terrain de tennis, reconverti pour l’occasion en parc des Princes des tout-petits, pour le plus grand plaisir de Saint-Exupéry, si bien que l’on pouvait s’aider du grillage pour faire des passes. La balle collait des pains au passage à de drôles de plantes fines qui sentaient la bruyère cuite. Des foulons de glaise noire jonchaient le sol des jardins individuels comme une poterie d’ombre végétale. Je me devais de garder les pieds sur terre. Afin sans doute de mieux jouer, car il n’était pas facile de trotter après tous ces enfants. Nous avons joué une bonne heure. J’étais content. Je ne pouvais pas souhaiter une plus ravissante soirée de départ.

 

Par-delà la campagne, les océans, le monde, pour trouver un tel cadeau à la boutique du terrain de tennis. Offert de bon cœur. Les bals du théâtre quotidien m’ont toujours fait arpenter de petits dangers. Mais dans ce cocktail de poussière, nul ne veut courir aucun risque, toutes les histoires sont bonnes à prendre et les penaltys s’articulent comme des devinettes. Dans les buts, il y a un petit lièvre tout blond. Il rigole lorsque les chasseurs de l’attaque lui envoient des pralines. À travers le court, à coup de pointus alors il dégage son camp.

 

Ses orteils ratatinés hurlent à l’aide mais il ne les entend pas. Puis il retourne dans son but en faisant la roue. Et nous, grandes personnes, nous avons toujours cru avoir la forme. Il court après la balle comme si c’était le grand prix du Japon. Son athlétisme en voiture sans nom de marque remplace ce jeudi soir le Paris Turf du dimanche après-midi. D’ailleurs il court tout le temps. Il court toute la journée, sans arrêt, au secours de quelque chose qu’il évite toujours de justesse. Au secours de ses rêves, de la faillite de ses songes. Même quand un chien le poursuit en essayant de le mordre, c’est une arrière-pensée qui traîne et qui lui dit qu’il ferait mieux de se dépêcher. Car ainsi il peut tout faire sans discontinuer, puisque le temps n’existe pas. On cherche toujours après quelque chose ou quelqu’un. Je pense que c’est ainsi qu’il appréciait la vie comme d’autres aiment ou détestent le chou. Il se laissait séduire par des galipettes et des acrobaties de torrent de montagne. En passant au travers et en entendant les clapotis, il refermait ses doigts sur lui-même. Sur tout un ensemble de choses qu’il sentait se mouvoir rapidement vers quelque chose qu’il n’était pas encore. Il changera définitivement après être tombé des nuages et être passé au travers des flammes.

 

Je ne me souviens plus du score. Il ne m’arriva plus de jouer au foot sur un terrain de tennis avec une meute de petits lapins. Les enfants comme de petits expatriés finiront par quitter le pays. D’autres viendront, mais moi non plus je ne serai plus là.

 

Le plus dur dans le voyage c’est l’accoutumance, à tel point que parfois je ne sais plus si je dois dire bonjour ou au revoir. Je ne sais plus ce que je dois voir et ce qu’on veut me montrer. Lorsqu’un pas en suit un autre, la connaissance arrive toujours par une gifle, mais pendant qu’on avance on oublie aussi ce qu’on avait appris. Je me fais toujours une île bleue d’un demain trop proche, si près que je sens des immondices et des légumes pourris qu’on lance à ma face. J’ai passé les castes, les richesses, les classes et les églises. Je me suis frotté à n’importe qui et j’attends encore que d’autres arrivent. Je suis un fantôme et lorsque j’ouvre les bras, je disparais. Je ne reviendrai pas.

 

[1] USK : United States and Kingdoms.

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