1
La fiction est excusable
Toutes les vérités s’imaginent
Mes constructions de sable
Se buttent aux aiguillots
De la douce mer clandestine
Ses embryons de songe pâlot
Crachent des petits poissons marins
Ou bien des ventres de chèvre
Qui crèvent dans mes mains
Deux chimères malheureuses
Caressent la queue d’une guivre
À cette vision venimeuse
L’univers attend l’hypothèse
Comme un conte nouveau
Tout cela en parenthèse
La moindre construction de l’univers
Les aigles croient aussitôt
Ils forgent une vision solitaire
À partir de cellules supérieures
Dans la profondeur d'immersion
De l’évolution du seigneur
À supposer qu’un fantasme
Fait songe au portail du bon
Le mal est un pléonasme
De vains et de fous mirages
Une hallucination naissante
Ce sang servant évolue sage
D’un procédé qui consiste
À renier que gorge hante
Les confessions non inscrites
2
Il pleure des abîmes à la racine des cheveux perdus
Arrosoir vexé des temps gâchés
Végétation émoussée, bestioles et autres raz de marée
Le sable roulette en cercle vicieux
Sur la plage ou grain de peau
Lance des rêves de jardin aux sirènes
Simple exercice de coiffure en apparence
Maladie de l’âge de pommade
Sur un tempo d’arthrose
Maquillage d’une richesse d’années
Mes mains comme une robe de dentelle
Noire pauvre d’ajours dans une nuit
D’une mauvaise lune grise
Mon corps aime l’élan
Refuse une démolition annoncée
Dans le théâtre du bâtiment
Nous goûtons au vin démodé
Par un ensemble de bon sens
On oublie que les grands s’amusent aussi
Chevaliers des jeux stupides
De batailles en nouveaux jouets
Comme un talent d’assemblée
Maison établie depuis longtemps
On apprend ce qui est essentiel
Et s’éloigne un peu plus au nord
Au grand froid d’antan
Les insignifiantes joies
Qu’un imbécile tirait parfois
Au siècle dernier de son arc d’or
Docteur n'importe quelle roulotte
Quelle cravate fera l’affaire
Dites-moi ma voix s’en va
Pourtant une remarque d’attitude
Je l’ai bien là au bord des yeux
Une mort ce n’est pas très important
On n’a pas peur de l’inutile
Et tant que celui-ci battra
Il faudra bien rester
3
Se mettant derrière provisoirement
Au loin de la pluie des températures relevées
À couvert météo nous disséquons l’avenir
Courir à l'abri d'un mur
Solide d’une humidité, d’une erreur
Antiaérien d’un accident
Antiatomique des adversités
De tous ses regains de relent
Des affameurs de bonheur
La télé qui marche
Le son toujours à fond
Comme enfin quitter son armée
Délaisser tous les services d’opium
Traiter comme du poisson pourri
Tous les fous de la propagation
Et je regagne ma sociologie
Cette résistance face aux intrigues
Surtout quand les enfants crient
Et que je rencontre leur mère
Aux rendez-vous des cheminées
Aux dîners de brochettes aux empilages d’assiettes
Source de convergence physique
Au domicile je regagne
Contre l’œil du mauvais sort
Toutes les rébellions mathématiques
La lecture éteint l’incendie d’Astrapi
Étudiants au club conjugal
Les résidences fondées des arts ménagers
La propagation des patates sautées
Et leur cinéma exempté
Des affres des brûlures de la vie
Des hôtels bondés, âgés et seuls
Les graines de tournesol sur le sol
Ça ne pousse pas sur le plancher
Mais fondent sous nos pieds
Des bruits d’insectes écrasés
Messager contre les coups de couple
J’entends leur son porter des lunettes
Du foyer les portes sont ouvertes
Et même virtuel il ne sort plus ce soleil
4
Sans manger devant je te rejoins à pied
Tu pars déjà en ville à bicyclette
Cinq minutes de stop et encore en voyage
Fâchée avec un autre aéroport
Sans laisser d'adresse en courant
À destination d’un pays lointain
Une semaine d’observation très simple
Pour que commence la pêche de tournée
La flèche réplique au bouchon
Le compte d’une retraite pour réussir
Nous sommes bien mal partis
Avec la récession se ficher de quelque chose
Tu es tellement en croisière
Que le coup part tout seul
Le sentier d'ici tout près
Favori concurrent à une course
Des branches du tronc
L'entreprise a des faux airs en bémol
Il faudrait qu'il fasse beau
Voilà il pleut et je suis bien
Du principe que dure
Le mauvais temps expédié d’un graffiti
La saleté part bien mal
L'étiquette lance son monologue
Au coin de l’âtre mourir
Dans l'espace du feu tout a basculé
Dans le pays où tu résides
Supérieur ou égal dans le temps
Les enfants ne sont admis
Fabriqués à partir de chimie
Et l’exemple a démontré que
De ces chiffres possibles
Un échantillon représentatif
D’un certain chemin figuré
Marques de digressions apparentes
Écart par rapport à un lit
Les avenues de la place de l'Étoile
Donne un ordre battu d'avance
La troisième de la gauche d'un fait divers
Se lancer quand tu es partie
Ca ne t’arrête pas d’enfer
D'une bonne intention, d'un bon sentiment
J'ai beau frotter, ça ne part pas
5
Un verbe de table entre par un souffle
Assis sans projet au bout du bar
En théorie son groupe est plus facile
Des trois dans le premier ils finissent par ER
Mais je ne cherche plus, je m’essouffle
J’ai pris mes habitudes de vieillard
Alors dans sa déclinaison juvénile
Il se termine sans en avoir l’air
Pourtant son action sans arrêt ni espoir
N’excluant pas la chance ni le courage
Ou davantage lorsque tout est fini
Il laisse une drôle de matière
C’est de la solitude, cessez de croire
Que cette douleur s’ajoute à l’orage
Solitude lorsque personne ne doit
S’en retourner aux jardins des sens
Le sommeil prend bien soin d’expliquer
Qui confie sa passion d’une main
Perd son cœur en chemin
6
Il y a un bonbon sur mon dessert
Comme un chou en chef ou un ange en enfer
Ou pour ainsi dire ton littoral
Ce fruit doux, cette mer douce
Acidulé, sucré, un peu ouvert
Cidre doux et camembert
Ta part de faire pure et fraîche
Un vinaigre tassé silencieux
Au fond de ce bol
Ce dégradé d’épice bonhomme
Sucre ce vin poivré qui gomme en bouche, sourit gentil
Une agréable nature et sa voie qui part, qui sonne
L’eau sent la transpiration
Et sa chanson à l’huile
Pour que cela frémisse
S’étend, s’étire et sincère
Susurre des douceurs à l'oreille
Un animal vermeil
Adorable et vieil
Chasse au goulot au croûton
Pour que ça recommence
Et pour que ça s’amadoue
Avec un bon béguin
Sans en avoir l’air, la culotte à l’envers
Aimer ce qui est amer
7
Un chien aboie
Et la pluie qui griffonne
Pardessus pour tout éclabousser
Cette nuit le ciel est aveugle
Et les nuages paisibles
Ne sont qu’un flou d’atmosphère
Par endroits dans la journée
On aurait pu se douter
Déjà que l’altitude à couvert
Cachait des regards vitreux
Et tous vivants d’agitation
Pensant bien par-dessus le marché
Saisissent peu les célestes tic-tac
À moins la courbe des chaussures
Et l’oubli enlève ce plat sanctuaire
Comme la brume approche
Je renifle un regard
En fait un appel au plus léger
Au plus léger nébuleux
C’est un esprit qui miaule
À la lune et au bourdon
La maison de la tempête déménage
Et sous ma casquette d’agitation
Elle pense vivre encore au chaud
Compote sentimentale de circonstances
Servante d’une sérénité nautique
Et l’environnement règne
Ses dynasties de tours grises
Ou des trônes mis jadis
Se soulagèrent de tous les Robespierre
Et pissent dans mon siège arythmé
Le sang du mauvais temps
La pluie ronfle comme un vieux chat
Et ses larmes m’envahissent
Caresses d’aspiration ce soir
Dans ma belle fourrière noire
8
Juchés tout en haut de l’horloge
À la place des réverbères
Cyclope, le céleste œil
Regarde bien tout
Et ces nouveaux airs rubicans
Et ces mains raves et canues
Je m’en vais
À mon moral semé de poil blanc
Ses yeux tintés de tourmaline
Et des idées
Il en existe aussi de bleues et de vertes
Les chambres à coucher des femmes
Entrent dans la biche ruelle
Et tiennent salon entre mes aisselles
La rue vivace où elles passent
Comme un vent entre les fleurs
Les façades perdent leurs pétales
Des insectes écument de neige
Et ressemblent aux pollens
De bas, de gris puis de caniveaux
Elles emmènent la semence en poussière
Dans une drôle de promenade
À la cime des songes
Vers les sous-bois vipérins
Canopée où cantonne l’ourdissoir
Qui croît parmi les décombres
Le vert végétal, vieux voleur
L’oublié ouf des crotales
L’heure du soir pré-tissée
J’ai ma chaîne qui sonne
Avec un nom de constellation
Ainsi donc copine du matin
T’as des bourgeons dans le ciel
Et moi bon-papa aubère
Dont le feu précéda l’ode
Je souffle ohé concentré
Sur ces graines en capsules
Une chanson ouille à l’est
Sans esses ma voie trouée
Lynche le pain de ma jeunesse
Je m’habitue à l’ombre
Sur les trottoirs c’est là
L’orée de tes courants d’air
Regagné du regard la bise
Je la fume en papillon
Ma roulée des visions
9
Elles jouales qui jamais bien bavardent
En aval des chevaux blancs hennissent
Quand elles s’enferment sur la feuille
Des plumes aux pieds mes sabots glissent
Une petite recette lorsque les Muses
Aux bains chauds repassent d’ouïe
Les chemises ternies dont les songes
Comme bouffis se parent la nuit
Elles sont c’est pour de bon muettes
Émettre loin d’un coin de nourrice
Une proposition tournée en rond
Voir là-bas l’amant des indices
De toutes ces choses épuisées et nues
Considérer ces semeuses moyennes
Atténuées à peine par l’excès d’une mue
Respirant souvent des habitudes anciennes
Le farniente rouvre ses labres à balance
Et des heures durant peigne la girafe
Auquel l’abus arctique frotte sa présence
Le non-rai produit doux des erreurs
Dotée on ne sait comment d’un trait
Une forme faraude d’insecte libre
Paysan à musette et gris d’alphabet
Au baragouin dépourvu d’émotions
Comme des mots noyés dans un verre
« Labbe » inversé qui fuit ses collines
Je vois défiler mes rêves sur la mer
Et mes larmes perdues chandelinent
10
Selon ses sobres sentiments
Tout contre nous tout retenu
Pâleur ou rougissements
De l’unité centrale au dévolu
L’emploi du temps d’artichaut
Donne de drôles d’idées
Des quatre organes capitaux
Aux éthers solubles et variés
Chaque jour la leçon verte
L’on s’émeut du bois mort
Évanescence d’âme en alerte
Agitation collective d’un corps
Lorsque l’alcool des fiels
Saisonne le long des nerfs
Le blouson de l’arc-en-ciel
En art contraire de rivière
Trouble les genres inactifs
C’est une forme ici confuse
Là un sens vain alternatif
Qui ne sert ni ne s’use
Aucune chose, aucune qualité
Même humide du tempérament
En affecte la naïveté
Séreuse, triste, protégeant
La mécanique d’anti-matière
Maintenue à un fil élastique
Échappée d’aplomb désaltère
Grogner d’entrain thymique
Client d‘une vile allégresse
Aux souhaits de forme d’onde
Qu’il existe ou non en l’espèce
Un objet qui lui corresponde
Le parfum s’évapore si saint
Air d’une catégorie de vision
La vie entraîne sur son chemin
Les caresses déliées de la passion
11
Oblitérer son ticket en ligne
Et ses clous et ses nèfles
Dans n’importe quel ordre
Que dalle un peu de finesse
Editeur manifeste de fierté
Envers un objet hi-tech
Une émission, un film
Rillons indivisibles de l’ensemble
Saumure plus ou moins grave
Bonheur décomposable
Multipliable à l’infini
Exposant des machines
Et de la production facile
Avec une honnêteté naturelle
Celebret de consommation
Ça c’est du bon cochon
Vouée à la ramassette
12
J’ai la blouse en paletot. Les muscles toujours un tantinet durs, incapables de se relâcher. Je ressens trop, pas une fatigue mais comme une douleur ne voulant pas venir. Comme un éternuement qui n’explose pas. Je tords sur les barreaux de la chaise, mes orteils qui me donnent froid aux pieds. Les épaules ne veulent pas tomber. Je me dispute avec ma nuque histoire de faire craquer les seuls os peut-être endormis. Alors je me demande qu’est-ce que je fous ici. Il est bien tard pour taquiner la corneille de bâillements mouillés. Mais je continue à pousser un peu plus loin le rythme regain pour faire l’appoint et rendre et acheter quelque rédemption. À quoi, à qui, si ce n’est à tout peut-être. À rien juste pour rédimer. Pas un insecte pour troubler mon ennui, moi la friandise des moustiques. Ce soir, c’est pas festin, et si même eux m’abandonnent, alors l’automne est bien avancé. En fait les saisons m’indiffèrent. Je rêve souvent de leur absence. Je rêve qu’il fait beau tous les jours et qu’il pleut la nuit. Qu’il neige lorsqu’on va à la montagne si on veut skier et que le soleil brille pour se baigner n’importe où. Je rêve que le temps n’est pas un problème. Évidemment vu la tournure des événements c’est plutôt mal parti. On finira par utiliser les abris atomiques pour se protéger des ouragans. Quelle dérision et quel manque de planification de la part de Bruxelles. La tête a jeté l’ancre et se dirige dangereusement vers le dessus de la table. Je vais encore finir avec une marque qwerty sur la figure et me réveiller dans une heure avec deux maux de crâne. Voilà qu’une goutte de nez s’invite dans l’attente. Je crois que le rhume est aussi au rendez-vous. Tout cela arrive un peu comme un cheveu sur la soupe. Cela serait bien différent chez un médecin, un coiffeur ou un avocat. Parce qu’il faut faire des efforts pour voir un spécialiste. Ils ont besoin d’efforts, ça les rassure et les réconforte. Moi j’aimerais bien leur donner des rendez-vous aussi plutôt que de discuter avec mes gouttes de nez. Rendez-vous demain matin à la station de métro ou à minuit sous les ponts d’en bas. Moi je dis qu’il n’y a pas de raison, qu’on est tous malades et qu’eux aussi ils ont bien besoin de rendez-vous, alors je peux bien leur en donner des consultations. Recevoir les malades, c’est pas si compliqué, souvent on le fait même sans s’en rendre compte. Il y a tant de choses que l’on aimerait rencontrer : le beau temps, la croissance, la santé, la fortune ? Et quoi d’autre ? Ah oui, l’amour mais dans une réunion professionnelle c’est pas facile. Ou éventuellement à deux en fin de journée. Vous avez deux rendez-vous cet après-midi avec vos représentants d'Asie et de Scandinavie. Lequel choisissez-vous ? Ca dépend du lieu de rassemblement, de l’endroit du café. Je dirai les deux en même temps. Réponse lors de notre prochain rendez-vous sur les ondes. J’ai faim de décor. Je manque de soleil comme une lune en éclipse. J’ai besoin d’édifier mon intérieur de dessins, de motifs de tissu à fleurs. Surtout pas de papier peint. Plus particulièrement pas de celui qui commence à pourrir, vous savez au-dessus du lit. J’ai besoin de champs, de patates douces et de figurer un lieu représentant de ma raison de vivre. Sans faux-semblant ni trompe-l’œil. J’ai demandé à ma banque de m’envoyer des enluminures et des arcs-en-ciel en dur afin de m’aider à choisir. Faut bien se distraire. Un inspecteur est venu me contrôler. C’est déjà moins drôle, et il m’a tenu tout un discours sur les notions de fondamentalisme religieux pour les jeunes sans convictions politiques. On a été hippie maintenant on est terroriste. Avouons, tout de même, qu’on était plus tranquille avec les babas cool. Même les soixante-huitards en groupe étaient plus efficaces. Les p’tits gars d’Alamut butaient des individus. Dorénavant les gens importants sont bien en sécurité, comme on ne peut pas les toucher on bute les gens à tous vents. Moi je trouve ça dégueulasse et que ceux qui ont ouvert le robinet doivent assumer leurs responsabilités. USK[1] inch’allah.
13
Tes yeux brillent de gaieté
Mes songes sont remplis de joie
Et en rêves éblouis je te vois
Sans tes mèches dénudées
Et toutes les comètes en cheveux
Aucune étoile ne s’habille
Et comme mes assauts s’encanaillent
De certains soupirs valeureux
Alors parfois mon souffle est d’airain
Rien ne nous éloignera
Un brin de fin en nous là-bas
La mort ne nous partira point
Un sac de sentiments à la rivière
Pièces d’effroi balayées dans la gloire
Nous aurons moins peur de nous émouvoir
Aucune de tes chansons en arrière
Aussi parcimonieuse la pluie à la suite
Que si peu de gouttes changent tes sonnets
Ainsi assurés mes pas sur le parquet
Mes deux pieds rouges en fuite
Un filet d’échappée sur le sol
Je remplis l’océan seul je rame
Avec des courants cloués sous l’âme
Pour des humeurs ma barque s’envole
Symphonie de ton paysage
Je ne connais pas ton relief
Et reste un ensemble sans chef
Comme nul total en images
Et nos chaleurs au rayon X
Nos froids sans comptabilité
Complet désir étendu comme vérité
Ma soif marquée de tous les astérisques
Ces larmes de renvoi comme évidence
Voient un soupçon d’inclinaison sur le lit
Entière gouttelette d’un tableau d’apprenti
Le bleu sur la couche de l’engeance
Mi-myope floue ma vue est saoule
Le regard semblable aux arrêts de rigueur
Du fond de ma prison de jeûneur
Plus de rires brisés sur la houle
Tant de sourires sur tes flancs
Tes broderies disent au grand large
Il reste ton corps dans la marge
Tous les côtés sur mon versant
Et des empans d’amour en perspective
Arrière-pays donné aux coopératives
Zéro alliance flottant dans la brume
Et le brouillard plus ne fume
Comme si chacun de tes gestes zizanie
Divisent toutes les ordonnances
Un monde régenté suivant ta danse
Défaut de musique sous abris
Hospices blessés de crachats
Bave souillure mais tes notes respirent
Négatif du calme le bonheur transpire
Et exhale de fugaces entrelacs
Lacis d’ange qui n’ont pas de silence
14
Le froid rouleau de la nuit dévale les toits de la ville comme une vague en furie. Un ouragan du coucher lorsque le soleil s’enfonce viril, sans la faire bouger, la terre se rassasie de feu. Dans la bataille inondée pendant que les soldats de l’obscurité achèvent les derniers soudards de lumière, d’obscurs poudrins éclatent sur le pont des terrasses. Dans la pénombre soudain, coulent un à un les derniers restaurants et ils s’enfoncent alors aspirés par les lames du calme derrière les derniers coups de torchon et de rideaux métalliques.
Tout serein de gisants malgré les ultimes tentatives du vivant, le tableau décidément se cale sur le dessus du tourbillon d’un siphon et les flots ténébreux sans aucune accalmie l’avalent, le déglutissent et soudain touchant les fonds opaques le jour trépasse. Le pauvre bougre a des funérailles de carnaval et les cafés soudain sans marins restent pour célébrer l’hallali de la clarté. Les confettis de la joie ondulent à la surface noire et ponctuée de rires, le tintement des verres s’entrecoupe des aboiements de chiens errants, poissons maugréant aux fils du rets de la rue. Leurs bras pêchés sur l’étal de zinc, le coude vers le godet du voisin, les attardeurs de serveuses persistent et signent leur sous-bock de taches de vin. Dans leur flegme de sortie de pub, mal debout, le pied sur la barre du comptoir, ils dédicacent en même temps le bout de leur manche et parfois un pantalon à côté marchant pressé pour aller pisser.
Dans les allées des forêts, frayant leur chemin au milieu des troncs de jambes, quelques enfants tannés courent après leurs aînés. Réfléchis sur des coins de table, des bacs mortuaires circulaires regorgent de cendres déposées en volutes par des mains détachées. Comme se consument les rêves, les cigarettes disparaissent, laissant des impressions photo douleur de leur canevas de cancrelat au culot des êtres. Quand l’heure des bourres arrive, pareils aux bancs de calamars, attirés par les ampoules, épandant leur gyrophare ils chassent les cigales. Puis les derniers insectes détalent en zigzags, dessus dessous leurs cuites fracassent chaque réverbère de mal de tête et demain ils ignoreront les cicatrices de la rue. En second certaines chaloupes s’en vont arrimées à la façon d'une solution terne. La dynamique inférieure ne doit apparaître qu'une fois dans les préliminaires. Tandis que la conclusion formule le rapport entre l’imputable et l’estimable, de sorte qu’en synthèse la nidification témoignage d’expertises foudroyantes d’aventure. Les insomniaques, après avoir fait l’entrée, feront la sortie des boîtes et de tous les autres endroits où on ne me laisse jamais rentrer.
Mais déjà l’ami Maldoror, l’océan, se calme extasié et le ciel aquilin regarde vers le levant. Les vaguelettes de la nuit laissent leur écume sur le sable tiède, et le blanc de la plage appelle le soleil de ses crabes. Le calme retrouvé chante un poème, sorte de haïku, hymne à l’aurore blonde qui explose inlassable à l’Est.
15
Mon plus doux à la façon dont était le jour
Une fine mine ici je crois et très froide
Dans ce lieu similaire au donjon dragon
Par grâce que nous irons hors d’ici bientôt
Aucun maintenant à qui parler
Pendant que tous couraient loin de l’incendie
Bonne église de bible de nouvelles
Puisque nous sommes venus ici
Je vis dans la pension des leurres
Et toi tu veux aller de nouveau à mes recueils
Parce que j'ai seulement concouru
Je vous enverrai mon dernier certificat
Elle a déposé un certain montant
Ayez un beau jour et pensez à nous
Le nôtre pour toujours à l'esprit
Ainsi nous nous aimerons à aider
Elle a gardé ce secret pour le peuple
À la lumière du dessus
Je t’aimerai à tout sauver de nous-mêmes
J’ai peur de desserrer ma vie
Les gens finissent par savoir à notre sujet
Cette information due à la confiance
Que nous avons déposé sur l'amour
Toi honnête de l'arrangement
Avec de la vision et du cœur doux
Ma langue de favori attendant pour recevoir
Des nouvelles de toi à chaque instant
Je serai avec toi pour plus d'amour et d’union
16
Il faut écrire des souvenirs
Ce qui reste des sensations égarées
Maigre cadeau rapide à mourir
Ces bribes de vents et de nuits
Que l’on a souvent domestiqué
Toutes les couleurs passées d’envie
S’en retournent un jour à la lumière
Fine et sauvage à l’état de poussière
La fenêtre au cours languissant
Manque beaucoup de perception
À flanc de verre ailleurs j’entends
Absence de sens et de passion
Lorsque mes chagrins m'enveloppent
Le sommeil fractionne la conscience
Et l’œil collé manie sa défiance
Il arrive parfois que la pensée s’éveille
Tentée peut être par un souffle trop fort
Portion d’oubli lors de rêves trop faibles
Muscles mous blasés par tant d’effort
Consumés, réduits, myriades, particules
Et les articles vont de mes formules
Ainsi balbutié au péril j’envoie l’étoupe
Rafistoler et maquiller ma soupe
Patients outils sur le bord du lit
Deux condés attendant des aveux
Un crayon à papier sans gomme
Un calepin à carreaux bleus
Un chemin plat sans spirale
Disposé à consigner les effluves
De ses projections toutes banales
De ma gorge jusqu’à mon pas je cuve
Une soif étanche étend ses goupillons
Mon jus d’orange arrête la houle
D’une traite je bois les papiers brouillons
Les rires les fêtes maintenant coulent
Qui s’expansent pour me grouper les sens
La vieille maison en effervescence
17
Quelque chose mais de chanceux
Semblant pousser, quelque fortune
En outre sans doute de l'armée de la lune
Sans titre dans tout l'ennuyeux
Je cherche une naissance royale
Formelle astuce comme un asile
J’assassine dans mon journal
En remorque, rivière fragile
Les endroits de cette société
Pour la plupart de taille déterminée
Qui se font passer pour des coins légitimes
La redevance pour voler des rimes
Soutenues sans ailes d’estafette
Les filles ont rencontré leurs amants
Les jeunes simultanées se toilettent
Dans le septième ciel au devant
Tandis que des mots sont prescrits
Pour compenser leur permis
Les princesses volent au loin
Abandonnant les anges du soin
Un rituel à voilure ne pourrait
Prendre parti dans un tel essai
Mais pour l'or entier de carnivore
Une attaque de la sorte dort
Prince charmant semble peu probable
Parti pour une course durant la soirée
Pour une couronne confortable
La nuit roule sur lui cintrée
Distillateur je pourrais faillir
Dans les rues je vais m’évanouir
Près des étapes du trône justement
Mendiant à peine son renoncement
Mon cœur, pauvre diable, attend
18
Le lieu où l'on se trouve dans le temps comme si l’on se rendait à la campagne.
Des mèches de vent bousculées par le ciel aux cheveux gris et l’automne au manteau marron avec ses airs loués à la pluie.
Il est à plaindre le temps et sans cesse on court derrière les feuilles.
À moi celles que j’attrape. Les autres, cerfs-volants des fourmis, fournissent à la nature l’humus dont nous aurions bien besoin.
Nous avons fait le travail, on a tout attrapé.
Nous tous on devrait y arriver, pas trop serrés c'est impossible.
Les instants clés qui succèdent au soleil et précèdent les neiges.
Le déclin du temps en bel équinoxe, brumes fragiles picorant les labours avec sur les champs de roses d’autres esquisses.
Traiter l’affaire comme si personne ne méritait aucune attention.
Nous nous en prions maintenant, jouons en marquant l'appartenance en menant un à zéro à cent kilomètres/heure.
Rue de la bourrasque à quatre kilomètres d'ici des bananes pas chères poussent au milieu des millions de timbres qu’on prétend toutes zones.
À trop vouloir se dépêcher on risque de faire ce qui arrive.
Nous, notre projet en levant son verre.
Un règlement de comptes à couper le gâteau.
À demain dans la plupart des cas, dans une prochaine dédicace.
À nos chers disparus les gens pressés.
Aujourd’hui les arrières de l’automne ont des allures de devant d’été.
Le va-et-vient sans cesse entre extérieur et intérieur comme des mouvements entre basse et haute pression alimente des chagrins, des ivresses, du grisou et d’autres catastrophes dont les prédicateurs se régalent.
Des coups de vin assassins qui collent des gugusses partout dans les paniers à salade.
Je suis des manœuvres lorsque le flot d’idée commence à s’agiter dans le filet.
Des injonctions récurrentes détergentes allongées sur la table de mes pensées.
La beauté que confère l’ignorance et qui n’a pas d’autre agrément que l’innocence.
19
Les premiers bleus rayons vierges du printemps
Fécondent des verges orange toisées d’olifant
Sur les chaumes cuivrés déjà-vu de carte postale
De petites notes de couleur, la nature orchestrale
Crayonne des accords aux tournures sybarites
Le vent aumône une chanson dans sa fuite
Un astre pâle encense de nouveau les avenues
D’un bocage géométrique, engourdi et nu
Le moindre perce-neige saignant vert sur blanc
Et ces chants chatouillant d’un autre tympan
Des oiseaux imposteurs sortent leur quolibet
Mon âme écope de ces embarras douillets
Et au lieu de se réveiller d’un regard de feu
Vapeur d’humeur tiédissant autour des yeux
Mon souffle de quelque langue d’amblyope
Se contente de paillettes de rêves de cyclope
Déposant sa pirogue d’émotion de crocodile
Comme un hibou ripailleur entouré d’îles
J’ai révisé risquant au large un jeu d’élingues
La copie d’une sorcière repue de bastringues
Sur la route j’ai dormi dans sa tente saturne
Quand un fond de lumière se morfond diurne
Un grand papillon de nuit posé sur son pissoir
S’accroche pour voir si c’est libre cette histoire
Tiré au hasard d’un fleuve brun d'aplombs
Secret sorbet d’amande auquel ma vie répond
Mon amour sale dans des cadences plagales
Nage, fétu de plaisir comme un canon a l’escale
Tandis que lentement le calme plat se croque
Crampes mêlées de graines d’absence ad hoc
Sur mon marbre flétri le soleil mou à l’horizon
Cède et se signe bouquet de fleurs d’oraison
20
Vivre rire et attendre là dans l’heure
L’union du temps comme un sacrifice
Faire des affronts de sable lisse
En musique aux déménageurs effrontés
Qui bougent les notes et le piano ensorcelé
La vitesse sur un balai à 1 000 durées
Longtemps centenaire et cessant les révolutions
Dans la crainte d’une chambre à contre-courant
Ermite en pyjama de l’espoir couvert de l’air
En guise d’éternité l’annonce d’un repas
Que je ne prendrai pas sans divorce fatal
Des applaudissements dans le public
Entendre des éclats nerveux s’appuyer
Sur l’épaule bonne de la plaisanterie
Je me dispute, il faut bien dire quelque chose
Elle me fait partir en vacances avec ses idées
De son chapeau bleuté elle a les yeux
En soupirs enregistrés jusqu’au dernier
Mon riz s’amenuise dans un jardin chinois
Les boutons d’oranger passent dans tes cheveux
Caresses effeuillées lentement le soir
Laissent debout les lys et leurs encensoirs
Lorsque la fleur embusquée étirera
Ses fruits de substance et de bigarade
Traînant inlassablement vers le vif
Chauffée d’orpaillage et de liqueur
Le rouge et le feu alcoolo pointeront
Un doigt sur la mer, le nez en vert
Tremblant sous cette ramure luisante
Labellé de sépale au vase d’oreillon
Pansement d’allaitement d’une vierge orante
Mon antre est un trou à poil qui tète
Ainsi pourvu d’outil, agir sur l’énergie
Et sur le manche l’essence néroli
D’en haut la mort nous voit sur les flots
Et même au quotidien les nécropoles
Statue de pierre sphinx faux des moulins
On redécore encore les sangs des noces
Seconde juste de nos premières nuits
Tout un cortège de promesses villageoises
Drap blanc sans gêne passé par nos champs
Irrigué en dentelle de canaux d’aquarelle
Ou de saintes nixes penchées sur nos têtes
Par pincées éparpille la poudre d’escampette
21
Du récréatif ou du pittoresque
On ne cesse sur le long chemin
D’éprouver de l’amusement ou de la défiance
Il est drôle mais mal égal
Et ses quelques soucis cachés
Ne se sentent pas toujours comme d’habitude
À une telle longue distance
Je ne peux rester immobile
Un genre de colonie de vacances
La vie se clôture, abandonnant ses armes faciles
Le choix rabote ses contours
Et l’accès virtuel illimité réduit notre mobilité
Le contenu n'est pas important,
La chose importante était de revoir la mer
La blanche, la noire, la rouge et ses visages et d’être ici tellement
Extrêmement lointain du temps
Apprécier énormément ce vécu
Ce que j'ai pour faire face encore
Avec ce charabia et ma toux qui pétarade
Sera toujours créolingue dans ce cercueil
Et dans mon esprit un bac filant sagement
En silence sur les eaux de la peine
Inflige à l’opaque violée cent fois
Les dernières caresses des aborigènes haleurs
Ça part comme une grande ligne droite entre les murs
Bien, oui j’ai manqué ton appel téléphonique
Il était grand temps pour imaginer tout le monde
Là, appréciant le vin et envoyant de bons mots par câbles
Les pluies ont commencé à tout inonder
J'ai une grande maison où je vis seulement
Protégé par des gardes austères pendant la nuit
Et qui confère au jour une drôle de boiterie
J'ai un jardin où j'espère planter de belles fleurs et quelques légumes
Pour préserver une certaine variété au régime monotone
Basé sur les poissons discours et la viande de mensonges
Avec du riz, de la patate douce ou la banane frite
Mais les fruits sont magnifiques, aliénés, curieux, différents,
Venez donc voir mon anamousse et ma mangorine
Moitié si moins cher, vous n’avez jamais essayé
Dont tous les fromages apprécient l’image
La survie est à ce prix chaude
Charger d’humeur de la nature de l’eau
À chaque effort perlant, transpirant, jaillit cet espoir
Suant toujours sur mon dos
Vers le bas de mes bras mon front
Que je puisse sentir tomber
Au goutte-à-goutte chaque sensation
Je la trouve belle la vache de Fernandel
22
Vague indolore et transparente
L’onglet à substrat, on ne l’attend pas
Émotionnel, incolore et inodore lorsqu’il est pur
L’organe saisissant des ondes et des pôles
Porte chacun des angles aux extrémités du cercle
Idée de figures que l’espace réglemente
En faisceaux de vide et d’apparat
Mon rêve d’ancien flotte comme du bois
Pointant la nue sur le parcours des songes
Au-delà des brumes le rivage s’éponge
Sous le coup des collines un incendie
S’attarde avec un demi-cercle en colis
Je tartine sur mon regard de changeantes vestales
Qui gèlent mes logiques et mes mots obliques
Mon contenant papille des quelques degrés
Jusqu’à une ligne maritime et ses points de butée
Déguisées en limaces au fond des douces vallées
Les bavures du ciel coulent mécaniques
Captives de montagnes épileptiques
Et de leurs léchées qui s’engueulent sans attendre
Le corps des rivières verse sur les cendres
Ainsi qu’un flot d’oubli des poignées de pièces
Que le vent incapable d’activer stresse
La magnificence des pluies finie dans la vase
Insiste sur le prix tout au fond de sa base
De source de roche mon repas ruisselle
Ration naturelle coincée sous une passerelle
Des nuages jusqu’aux prés le maigre et le gras
S’unissent et s’offrent des championnats
C’est le cadeau de la maison et sous la table
Comme une bombe menteuse et détestable
Mon âme dégage ses émanations
Étendue maintenant sous les ponts
Au-dessus d’une zone où la mer, moulin à parole
Entrouvre son imperméable et ses paraboles
De ses doigts longs éborgne le ciel et ses clairs de lune
Les reptiles demeurent sous les feuilles brunes
Dans mes yeux secs ils chassent des tempêtes
Solution approchée au milieu du parc, je reste
Cascades et autres larmes vers les étoiles renaissent
Et leur rosée lustrale relisse ma promesse
23
Le voyage en avion ne fut pas des plus aisés, bien que nous ne soyons que très peu nombreux. Les différentes escales font paraître le temps long. Il s’agit de ce genre de vol intercontinental où les publicités s’éternisent en longueur sur l’écran de projection. Elles cèdent la place à des dessins animés déjà vus puis à un long-métrage style de comédie américaine bon marché pour enfant. Les journaux piétinés dans les allées, pressés comme des citrons dont on a extrait tout le jus. Bref, le tout fait un tableau à peine pittoresque de gens qui s’ennuient. Au sommet de tout cela, l’inconfort de regarder les hôtesses pas très jolies et un livre inintéressant. Le tout aboutit à ce sentiment où, confiné dans un lieu clos, un espace réduit supporté par les airs, on éprouve une indifférence totale au grondement des moteurs et au brouhaha des voyageurs. C’est le moment où généralement on décide de s’émanciper dans d’autres airs à l’aide d’un moteur à trois temps que l’on appelle bière-vin-cognac. Le corps généralement flotte quelques instants avant de retomber mollement sur le siège. L’aide de camp du sommeil s’assied à côté de moi et l’on reste à bavarder pendant des heures dans les limbes du rêve. Alors commence la procession, toutes les images que l’on connaît, que le songe permet enfin de regarder. Toutes les images nouvelles défilent emmêlées, comme si c’était au gré des oscillations bâbord-tribord. Certaines s’échappent et atterrissent en vrille sur le tarmac du cauchemar. Je me réveille avec une idée d’aller me regarder dans la glace, entouré de petites bouteilles vides. Le jour va se lever bientôt. C’est quelque chose que l’on attend parce que cela vibre dans un diamètre assez restreint, mais on ne peut ni voir ni entendre encore. Dans une conjonction bizarre, les odeurs et les choses de ce caisson pressurisé laisseraient à penser que quelque chose va se passer. Comme si un tintement interne des choses et des êtres retentissait en même temps pour se préparer à recevoir la perpétuelle naissance du jour. Progressivement, des changements se prescrivent dans l’univers 30 000 pieds au-dessus de la terre. Des odeurs de café, des bruits de fourchette. La nuit ne se couche pas en hurlant et le jour vient toujours sans force. C’est la culture des cartes postales qui revêt nos cœurs d’émotions fausses sur l’acte le plus ancien du monde. Le passage d’un astre n’a rien de plus ni de moins grandiose qu’une pierre qui tombe, sauf dans l’Himalaya. Au début, ce n’est pas tellement par l’apparition de la lumière, mais par l’effacement des prémices de pénombre que le matin préambule sa copine la nuit pour un brillant roulé-boulé. Imperceptiblement, les choses changent et on le sait, mais on jurerait que cela a toujours été comme cela. C’est un bras qui remonte le drap, un corps qui se tourne sur l’autre oreiller. Petit à petit, voilà que toutes choses se comblent d’ombre. Alors seulement après, le jour tape timidement aux portes et aux fenêtres. À l’intérieur, la nuit feint de résister, elle fait tout voler en éclat pour le laisser rentrer. On n’arrive jamais à dire qui a commencé, lorsque c’est fini on a un bref souvenir sans se rappeler. Du noir au jaune, après des phases de couleurs sans intérêt, tout ressemble à des draps froissés. Le ciel, les visages, les objets, tout sort une nouvelle fois de sa boîte. Au milieu, nous humains, pauvres diablotins affranchis retournons creuser la terre de nos péchés. Et tous les jours que Dieu fait on se répète : jusqu’ici ça va. Nous prenons un large virage à bâbord. On survole l’aube, mais depuis un bout de temps on sent bien que l’on est au-dessus de la mer. L’avion commence sa descente, je remets mon blouson parce que j’ai froid. Quelques minutes et secousses plus tard l’avion se pose délicatement avant d’embarquer son train dans les nids de poules de la piste. Cela rebondit bien et l’on se demande vraiment pourquoi il n’y a pas quelqu’un pour donner un grand coup de balai sur tous ces volatiles. À partir du moment où l’avion fut garé, l’évacuation de l’appareil par les voies normales de sortie, du fait du peu de passagers, ne prit que quelques minutes. Au passage, les membres d’équipage par des sourires verticaux semblaient demander pardon. J’eus envie de dire : « mais de rien je vous en prie, soyez les bienvenus » comme si c’était pour moi l’occasion de placer ce que je voulais entendre. Immédiatement sur le seuil de l’avion, je me suis tout de suite demandé pourquoi j’avais remis mon blouson. Dès le pied sur la première marche du débarcadère, je fus convaincu inconsciemment que je me trouvais à l‘intérieur d’un sauna avec les copains. Je me suis mis à chercher la piscine d’eau froide, où parfois quelque petit malin jette la bouteille de vodka pour que l’on plonge en ayant moins de questions à se poser. J’eus impitoyablement envie d’un massage, ce qui n’aurait pas été superflu pour déconstiper toutes les parties de ma face cachée. Une chaleur étouffante et pesante s’abattit sur nos épaules, je sentais déjà des rouleaux de sueur naître sous les habits. Lesquels n’auraient pas tardé à se transformer en vagues frémissantes pour des mouches new wave surfeuses s’il n’y avait pas eu dans le bus venu nous chercher un peu d’air conditionné. Entre-temps, je tiens à signaler que je n’avais aucune raison particulière d’embrasser le sol comme d’autres encanaillés d’église auraient pu le faire. Ce que je regrette d’ailleurs, cette bonne terre méritait bien qu’on l’embrasse. Après le tamponnage et la vaccination des passeports et autres fiches d’immigration, me voici devant l’officier en gants blancs qui vérifie ma valise. J’aurais personnellement préféré qu’il ne porte rien sur les mains, ce qui peut donner une idée de l’état de la couleur mentionnée auparavant. Mais comme on ne me demanda pas mon avis et qu’il était aussi entendu que le règlement ne m’autorisait pas à le donner, je me tus, assistant paresseusement à une vérification peu motivée et langoureuse. Je tirais mes pieds de leurs flaques jusqu'à la sortie de l’aéroport. Karibou !
24
Au-dessus d'une jungle épaisse
Par le passage sinueux des cieux
Dégagé, majestueux et magique
Le fleuve souvent de notre adolescence
Qui a peuplé les anges et les poésies
Augmenté d’un léger clair de nuit
Il y a un passage secret à l’intérieur du sol
Dans lequel on peut voir les rêves de l'aventurier
Cette espèce de plante cachée sous l’orage
Les différentes espèces végétales
Essayent toutes leur sortie vers la lumière
Et vu d’au-dessus elles offrent le spectacle du fardeau
La flore sur le même bord du fleuve
Les maisons et la dispersion des fumées
Pour ce qui semble être le noyau amazone
Les rues sont de sable rouge,
Et les constructions orchidées en état d’abandon
Alternent les cris des singes et des casinos
Avec du ciment, de la brique et de la poussière d’astic
Après n'importe quelle tragédie de forêt
Un arbre qui tombe, un sol qui s’écroule
Néanmoins il s'avère être gentil
Le désordre dans son chaos ignoble
Le voyage de personnes de la ville
Les produits divers qui sont dedans portés
Des ustensiles en plastique, des cigarettes
De grands seaux, des boîtes de conserves
Un bazar équilibré à deux balles
Tandis que le reste de leur affaire d'extrémité
Les hommes et leur service inimaginable
Des plateaux d’oranges en sarcophage
Pyramides faites avec l’élégance des chats
Le progrès continuant sa marche de pédalier
Une bicyclette avec ses gosses sur son dos
Ou prenant d'autres objets dans ses mains
Elles montent, descendent sagement
Amenant probablement tous ces pauvres
Vers ce soin infini de l’oubli
Pour soutenir la charge au péril
Forcer dès l'enfance cette manière de tourner
Lentement et terriblement le corps directement
La tête à l'avant, le cou droit, et un mouvement
Sans bras pour soutenir l'équilibre difficile
Le fruit chocolat de tes yeux
L'intérieur est formé de pépins
Couverts par un chapeau de saveur
Un pomelo délicieux a la forme d’un sein
De raisin transparent au grain nu
Manioc dur à cuire comme les épinards
Ananas rôtis où on fait frire des vers
Bananes à peine passées sur le gril,
Les douces pommes de terre de saison
Des tomates et d'autres légumes
Dans cette région les poissons
D'énormes quantités d’eau
Préparent normalement l’humidité
Dans des feuilles de brume
À la paume des collines un plaisir.
Que la saison des pluies menace d'écrire
Démuni toujours de tout l’été incapable
D’état d'esprit satisfait, triste, effrayé
Maintenant vivre goutte à goutte
Et à peine pensez à un moment
L'extrait du tout, cela, ce qu’on obtiendra
L'expérience trop tôt pour donner
Arrivé à l'endroit dans lequel je vivrai
25
Mes amies du sud saignent de cinq cents ans d’accidents. De choc frontal, de corps en mouvement lancés à toute allure, détaillés au scalpel stroboscopique. Les points d’impact sous l’œil expert de la balistique. Et on les répertorie par d’infâmes coordonnées : d’abscisse génocide, et famine d’ordonnée. Le dépiècement analytique d’une fonction bien carrée d’inconnue pognon, intérêts et autre pétrole. Nous aimons les énergies fossiles. Le sang en parure, en anneau de boucle d’oreille, en broche. Et ça dégouline, c’est de la peau même qu’on arrache à la terre.
À tous les éléphants blancs du libéralisme. Nous sommes dans une phase de profanation continuelle de nos jouets spirituels. Toutes les choses sales comme les voitures, le téléphone, l’argent, la technique, la consommation sont devenues sacerdoce.
On croit la religion morte, en fait on ne l’a pas tuée mais simplement transformée en quelque chose de plus sournois, car caché et inidentifiable. La consommation est vue comme un acte final permettant la réalisation de soi à travers un objet, dans le bonheur que procurent sa possession et son utilisation. L’idéal du bonheur doit être une certitude, et grisé de consommation au cœur de l’axiome « je consomme, donc je suis », l’accoutumance à la consommation rend infertile toute critique et stérile chaque hasard.
La science ne repose plus sur des incertitudes ni sur le désir de savoir, mais sur des croyances avec ses adeptes et ses églises de scientifiques. L’inversion des valeurs facilite le pouvoir de vendre et vise à l’ascension suprême de quelques-uns, et ainsi se renforce la puissance de ceux qui détiennent l’argent.
La lutte contre la sale pauvreté rouge permet d’aider les faillites pour pouvoir s’enrichir et étendre la coûteuse liberté à tous. L’opérationnalisme des classes politiques s’accorde dans la manipulation médiatique. L’art de la politique est d’empêcher les citoyens de se mêler de ce qui les regarde. L’image est devenue le nouvel opium et remplace les icônes. Face à ces modifications importantes du sacré, la religion n’a rien d’autre à proposer que du fondamentalisme.
L’image en elle-même n’est pas coupable, c’est sa lecture qui pose problème car rare sont ceux qui en possèdent les outils. Diminuer le décryptage pour augmenter la projection et la séquence des images est dangereux. Et lorsque les foyers semi-illettrés allument leur télévision dans leur petit loyer, alors les politiques ont gagné. Aucun peuple démocratique ne saurait se passer d’une lecture appropriée de l’image. Toutes les valeurs de solidarité, de partage, de tolérance, d’amour qui ont fait notre survie, le sens critique, la réflexion, l’analyse, tous les repères de la pensée qui ont mis des siècles à se mettre en place afin de nous permettre d’identifier ce qui est important et ce qui ne l’est pas sont balayés d’un coup d’image par la télévision et par les médias. Les journalistes sont les nouveaux prêtres, qui veut rester laïc paye sa redevance ou jette sa télé.
Toute surconsommation des riches se fait au détriment des pauvres. C’est la sur-richesse qui crée la pauvreté. Si l’on réfléchit bien, il n’y a aucune raison qui justifie que quelqu’un vive dans la misère, sauf si c’est un choix personnel.
Dans ce sens aussi il faut maigrir, ce qui signifie se débarrasser de cette boulimie de croissance et de ce dogme qui énonce que stagner c’est périr. Les ressources viennent à manquer et 20 % seulement profitent de 80 % des richesses, donc si la tendance se confirme on tend vers un tout petit nombre d’infiniment riches et beaucoup plus d’extrêmement pauvres, et par extension, la réduction en esclavage économique de la majeure partie de la population mondiale.
Il nous faut toujours tout, tout de suite, et nous avons intoxiqué nos enfants. Nos maisons sont plus grandes mais nos familles plus petites. Tout est devenu plus facile, mais nous n’avons pas le temps. Nous avons de plus en plus d’éducation, de diplômes, mais aucun sens de la réalité. Plus de connaissances, mais une perte des valeurs et des responsabilités. De plus en plus d’ordinateurs pour traiter l’information, mais plus personne ne dit la vérité.
La civilisation mondiale inédite n’a pas de périphérie, donc il n’y aura pas de transfert du centre vers l’extérieur et l’histoire se finira là, en plein milieu, lorsque nous serons tous morts.
26
Ces traces énormes
Au sommet d’une grosse colline
Ces explorateurs voyagent par cinq
Ils glissent à toute vitesse
Où sont les freins d’une caresse
Une baleine souffle au-dessus de la mer
Les gens la suivent
Et par dix maintenant
Je te plumerai marionnette
D’un p’tit tour, d’un baiser
Mes mains sautent à la corde
Et s’il fait nuit très tôt
On pourra faire de la luge
Sans neige, je slalomerai tes îles
Il pleut bergère, mon âme est légère
Maugréant contre le temps
Je me régalerai chaque jour d’herbe et de sous-marins
Dans une eau d’azur
Aux derniers jours d’école
Chaque chose à apprendre
Institutrice devant moi
Je ne m’éloigne pas
Jusqu’au récif où bourgeonne en pirouette
Un clavier de soie et de cacahuète
Demain c’est les vacances
Une bataille de boules de neige
Et de duvet d’écume, de bûches de Noël
Dans la cour trempe ton pain ma mie
Nuages serpents dans le ciel s’étirant
Vire lof ta collerette d’amant
Aux trois Pâques ou à la douzaine de Trinités
La nuit couleur de sapin pan-pan
J’ai perdu le do de ma clarinette
Au pays du froid divin, du frais satin
Il y a tant de coins encore
Et tes lèvres de miel
Font la course aux enfants
27
Franchis le lit de l’air
Sauter la joie sur son élan.
Les voiles sont soumises
Au vent par défaut
Un instant d'incertitude
La rue change d'amure
Et tous ses passants regardent
Vent debout les détours
La couche des visages
Est une sorte de mur
En équilibre sur la crête
Comme à l'allure du pré
Quand on remonte le temps
En coiffant les toiles de misère
Engourdies par le mal de mer
Aujourd’hui nous naviguons
Demain on abat pour prendre
Sur la pointe des pieds
Les absents se mettent à porter
Et la soif à contre-courant
L’amour et la mort louvoient sous l’océan
La musique s'épuise et la traille se brise
Progresser au pas
Portant les vêtements de saison
Que des fous faseyent
Et si cette ère est insuffisante
En agissant ainsi
On sacrifie la patience
Détériorer ses épices
Et ses safrans, lover d’interstice
Comme pour d'autres manœuvres
L’aulofée nuancée de principes
Énonce le cap de travers
En fumée ou en biture
L'ampleur et les conséquences
Au son d’un hiatus
Les bières sont brassées
Le banc du large passé
Il prend à contre et oblige
Le chemin tue l’autre augure
Plus il fait frais à l’ample gisant
La bise d’un cil sec
Sur la corde des larmes
Où mon masque s’essouffle
28
Zigzag, tsunami, tempête et rafale
Qu’il fasse moins beau dans la salle
Chauffe mon croissant
Assis sur mon après, pâte à gâteau
Cuivre et tambour il fait moins chaud
Lâche tes rampants
Oreilles de crapaud et langue de vipère
Habillent notre fête d’anniversaire
Fond mon sentiment
Barbe à papa et poil aux bras
Qu’elle me donne du tralala
Pour provoquer des dents
Une séquence prévue surréaliste
Par quelque parole d’idéaliste
S‘acquiert-elle mystérieusement
D’une jolie voie dite écrite ou de vent
Des paroles transcrites ou prononcées
Réalisent-elles directement leur portée ?
S'agit-il d'un moyen fantastique
D’obtenir les requêtes colériques
Pour chasser une infecte décision
Une prière illogique, admet-on
Se soumet au joug des répètes
Gouffre éternel des préceptes
Répéter une formule de désir
Dans un état second de plaisir
Jusqu’à ce qu'elle vous plonge
L'océan linéaire elle éponge
Dissemblance totale s’abonde
Le sentiment fond avec le monde
29
Des verrous gris forment des bulles sur le ciel
Et piquent l’azur ondin de hublots d’hôtel
Sèment le commode service de la bruine
Une percée plus belle chauffe et ruine
Les ardeurs humides d’un été de glas
La voûte en derniers traits d’éclat
Vibre équilibrée et circulaire
Aménagée dans l’atmosphère
Pour atteindre le sol véritable
Une nappe de sable à peine arable
S’arrache d’un éclair de savoir
Au creux du désert un peu d’espoir
Un peu d’amour et de bonté
De vitesse et d’embardées
Qui illumine ce sombre cimetière ?
Combustible qui dessine cette lumière ?
Chose d’Orient cachée comme une nuit
Seul effet du hasard enfoui
L’esprit qui habite la bouteille
Se fait avouer d’une marque d’abeille
Au moyen de courts signes impourvus
De mot de passe, murmures obtus
Il se fait une carte d’état-major
Catcheur quadrillant ton corps
Flambeau qu'il envoie à quelqu’un
Aruspice pour trouver son chemin
Et de se faire reconnaître tout aussi
Sentir et voir troublant carcel
La voie court et le souffle chancelle
Oasis où mon torse s’abreuve
La branche s’est cassée veuve
Les jours descendent des arbres
Nos cœurs dessous évaporent
Ensemble ce précieux trésor
Je tousse et crache des yeux
Couleur répandue sous nos pas
Blondin psautier sur mon nez bleu
Cassandre nous n’irons plus au bois
30
Il y a des changements se façonnant au-dessus, comme une nappe qu’on froisse dans un murmure de tissu, de toile cirée qui frissonne ; et contenant certaines convulsions de redressement et d’affaissement, figurant tout l’irrationnel d’un mouvement presque imperceptible.
Lorsque le temps est au beau, tout découle de cette absence de souffrance où l’espace semble seul sans éléments déterminés. L’ensemble du feu incluant celui du magma pourrait mourir ici dans cette mer précise, momentanément elle aussi sans compagnie. Flot, matelot abandonné, infini volume d’écume, équilibre de vaguelette surplombant le chaos, les lames, les tremblements, les éruptions. Mare bouillante et volcanique avec tes grands pans de falaises et de glaciers, ce soir mal fait m’apporte tes galets. J’ai pris pour amie une serviette et j’en lis l’étiquette. Lecture distraite par des maillots de bain en goguette, je vois sous mon bras des attisements pâles s'avorter sur la bande de sable que petit à petit l’eau installe. Mon regard chute là, sous-marin, provoquant d’austères dégâts sur cette côte gracile. Platitude quand elle déferle sur une côte, a qui appartiennent les océans ? Plaidoirie frivole et qui ne s'intéresse qu'à des choses insignifiantes. Mon esprit se querelle pour des motifs sans portée. Bien à l’abri sur ma paillasse, en toute sécurité, je donne asile à des idées. Je me transforme en une contrée aujourd’hui calme, protégée et reconnue où se réfugiaient jadis, comme dans un lieu inviolable, tous les sentiments et les indices. Je me souviens de signaux recouvrant une immense production d’hormones et de larmes ainsi que d’autres agissements dévêtus de toute complication. Mes chères voisines connaissent bien cette rivière d’humeurs et de perceptions dans laquelle on assiste inconscient à la naissance de l’émotion et où l’on s’aperçoit. Le sentiment rend accessible à l'intelligence et au cœur, ce qui revient au même d’ailleurs, et marque simplement le début du harponnage de la représentation du monde. J’aimerais tellement réconforter toutes les croyances soumises à des punitions tous les jours, en leur déployant leur constellation de vide et de rien à foison capable d'assumer toutes les fonctions du désespoir et tant synonyme de « quelque chose ».
À la fin, ce qui reste dans la vitrine de cette sensitivité aux impulsions électromagnétiques reçues en externe est un éloignement principal que l’on devine quand il est celui d'êtres proches, mais bien plus de toute chose réelle. Nous souffrons, mes sœurs, de deux confusions et nos actions sont chargées, pareilles à un fusil de chasse, dans un tube le jugement et dans l’autre la passion. Et ces deux se sont retrouvés là en forme de cartouches à cause de manques représentés par l’indifférence, la peur, ou le désordre, généralement suivis par la douleur et le malheur. Mais ces ressources sont bien pourtant là, quelque part au fond de nous ? L'absence a pour caractère d’être éternelle, il y a simplement des moments où on la ressent moins que d’autre. Lorsqu’on a touché le fond et vu toute cette merde, on comprend pourquoi en fin de compte le monde est régi par l’affectif.
La constance des choses nous masque la réalité intrinsèque du vide. La non-présence de quelque chose révèle l’insoutenable insistance du rien, et cela crée toujours une certaine nervosité. Nos émanations élucubrées restent comme des tissus auxquels nous devons porter atteinte. Chacune de leurs fibres est un organe qui ne perd rien à être trop tendu et à provoquer une sensation parfois pénible de raideur, semblable à un condenseur qui se décharge. Les signes communs du spasme avant-coureur ne sont pas faciles à repérer. Il faut user d’une grande application et d’efforts continus dans cette recherche électrique du survoltage. Il faut faire attention à tous les souffles, même si chaque fibre menace de se rompre. La matière sert à ioniser le synthétiseur à pulsions, malgré la difficulté de mouvement des nombres. Un peu de raideur se manifeste dans certaines parties des cordes des instruments de musique. On gave l’existence de travail et l’on consomme avec l’impression que le chrono marchera moins vite. L’existence est une batterie à plat, ou si elle ne l’est pas tout à fait, elle le sera bientôt. Comme le nom d’un défunt qui resterait dans les boîtes e-mail de ses amis, je vais toujours prendre quelques photos de ces touristes, curistes et baigneuses.
31
Comme les clairières laissées par la lessive dans une forêt de linge sale, j’ouvrirai des jardins publics. Mon métier est de cultiver des assentiments et de présenter des traces d’amour, de jalousie et de choses encore plus dégueulasses. J’ai un potager sur le compte d’autrui. J’agence des dessins de paysages à la face des parcs d’attractions.
Je leur mets bien ornementales mes fleurs d’intérieur, et lorsque tout ça brûle mes jardinières de chimères en disparaissant marquent au flanc mon œil de sempiternels coups de pinceaux. Affable garniture composée d’un mélange d’impressions cuites à l’alcool, contenant essentiellement des larmes et des sourires, et sur laquelle des insectes de parchemin viennent essayer leurs patins. On a tous des courtilières sur le terrain vague de nos pépinières.
Ce sont les rêves de mes fleurs qui dorment. Et il y a aussi une petite musique qui dégobille au rythme de la pluie. Le fait de ne pas connaître et de ne pas tenir quelque chose dont on pourrait se souvenir un jour. Mes qualités de pratique dans le domaine de l’insuffisance, c’est toute une botanique aménagée pour l’étude de mes janotismes ridicules qui se répandant durablement en solitude, identique à une île immergée dans les eaux d’un volcan. Orifice béant crachant et beuglant venin à tous vents. L’écorce me fait mal et c’est difficile de réconcilier la croûte et le jus de la pulpe sanguine. Il y a des régions internes que la surface ignore. Chaque roche en fusion finit sa course par une volée de flèches. Vendange et semailles, aujourd’hui je vais à l’enterrement de l’arrière-saison.
Le zèle spécifique du néant, dans l’absurdité du désir et l’appropriation, nous fait tout oublier. Il faut qu’on se cherche et qu’on finisse par se mettre des points sur les i. Tout est basé sur le désir et nos choix masqués derrière le paravent des médias cachent leur laideur à la publicité. La capacité de désirer est la fonction importante de la vie. La définition de soi-même par rapport à des choix téléguidés de nos récepteurs. Décider simplement d’agir ou de s’abstenir, en pleine connaissance de cause et après réflexion est impossible. La liberté est morte et enterrée. Nous nous imposons notre domination dans la dépendance absolue du virtuel. Ce qu’il y a de pratique, c’est que nous refermons nous-mêmes la porte de notre cellule et nous délectons de notre captivité. La réalité est remplacée par une autre. Pour que l’illusion soit parfaite, on ajoute des substituts psychotropes dans la plupart des divertissements. Restent seulement des précis de rigolade électronique retranscrits des raves hominoïdes.
32
Pourquoi l’âme sœur est-elle toujours vouée à être célibataire ?
Tous ces efforts investis dans la rencontre de l’autre et dans les étoiles, aussi on envoie des suppositoires aux planètes cachées. Avec des bandes sonores dessus et des représentations ne laissant aucun doute du corps et de la femme et de l’homme. Fabriqués en Chine nos efforts. J’ai un ami l’autre jour qui s’est rendu compte que l’âme sœur était un frère.
Traduction en ligne de la lettre d’un chat.
Clafoutis aux réalisations faciles.
Gâteau d’essentiel pour personne.
Préparation de vaine cuisson à four plein environ pendant toute la vie.
Apports que taraudent les lentes et le suc de hargne de la jalousie.
Un petit verre de résurgence d’abcès et puis sept cents futaines pour des fioles à demi de liqueur de flirt et de fleurs d'arrachés.
Guignes dénoyautées au cœur du livre
Une pincée d’imagination
Tiédissez ce creuset à collage et châtiez les germes
Dans une jatte, que le mélange blanchisse.
Ajoutez-nous petit à petit avec une pincée d’ecchymoses.
33
C’est comme décider des couleurs
Et chaque corps devant s’habiller bien
Avant de peindre dans sa maison
De cette couleur il possédait toutes les bicyclettes
Et l’on surnommait tous les villages
Ainsi la vie se lavait chaque matin
Dans les bois il prenait sa scie
Et marchait sur son petit monde de copeaux
Un jour que la fille des bois lui arrangeait une tartine
Buvant du ciel le cidre des cils
Elle lui donna quelques tapes sur les pampilles
Avec ses cerises et ses guêtres
Goulus le soir même ils se trouvèrent inséparables
Les oiseaux se mirent à les suivre partout
Criblant de jolis chants les rêves de pâquerettes et d’alezans
Sous son manteau vert le grand chef
Le cascadeur de dépareiller toutes les maladies et les désordres
Classa à grands coups de passoire arc-en-ciel
Tous les brefs griefs et le chef
Encore parti pris de leur fripouillerie
Au-dessus du village disposa
Des paravents et envola un peu
De tout ce qui planait à l’extérieur
Il déclara qu’il se ferait coiffeur
En échange, on interdit tous les bacs à poisson
Les sèche-cheveux et autres indispensables ustensiles
Ceux qui le soir gardent à revers certains élans
Repiquent des braises boréales
Portant leurs larmes sous les fumigènes du ciel
Et comme chacun trouvera cette solution à celer sous son torchon
Ce sera jouer en deux coups de cuiller à pot
Mais tous ces chacun avec leurs cœurs d’aquarium
Entreprirent de rêver d’idéal aussi
Et ils s’engrainèrent et ils s’échangèrent tous leurs sentiments
Avec des chapeaux, des robes
Des sous-vêtements, des paires de chaussettes
Et ça gastéropode comme des laves qui grondent
Alors fatigués ils s’applaudirent
Dans des bourrasques le coiffeur emporta sa barque de paille
Dans une banque de roses bleues
Vert de colère pour la première fois
Toutes les mamans du monde avec leur visage de vin blanc
Toutes amoureuses et accrochées à leur corsage
Joyeuses comme un linge à l’étalage
Des pots de peinture qui débondent
De leurs mains, de leur rampe rembrante
Toutes ces gouaches sur les habitants
Au sol s’aérosolent du pays du grand choc
34
Regarde dans quel état se trouve un être
Au matin avec un peu d’altitude
Le brouillard taffe, l’herbe transpire
Ce frisson lorsqu’il est tard, vivant
Dormeur vital se balançant dans la salle
La nature a des oiseaux perçants de grâce
Et qui percent bien même l’hiver la glace
Refroidie et mourir pendant un certain temps
Inconsciemment quelque chose de banal
Ma vie considérée comme unité bancale
Et mon destin se déraidit sur les aires de repos
Je suis un logeur sans scrupule mégolard
Offrant d’indésirables paillasses de logis
À des affres épuisées de mauvaise condition
Par les années de caves sombres et selon
Quelques chimères démunies aux enchères
Chignole mon âme en situation irrégulière
Où les réchauds allumés menacent d'asphyxie
Bras et efforts migrants des sanglots
À quinze dans une pièce, dans huit lits bercent
De jour et de nuit parfois entassés mes enfants
Le sommeil et ses trois mâts liés entre eux
Et dont chaque vent sèche les pages
La deuxième recèle des mystères sûrs
Une colonne de nombreux autres rôles
La veille semble faire disparaître la fatigue
Un état de vigilance particulier par rubrique
Et dont la fonction essentielle est nécrologique
Voit sa régulation de sa raison d'être, je sais
En particulier la mémoire s’envoie des crèmes glacées
Las des lents apprentissages de cornets
Je cherche à dormir debout, paradoxal
Ça grignote sous mes pieds comme un feu
Et des insectes allument des gargouilles enquises
Mes yeux de marmotte à langer des souches
Talquent des noyaux surins au fond de mes couches
S'étendre pour frémir de rosée et laisser ce brasier
Piétiner sexuel tous les pores de ma peau
Paisible chez les végétaux et leurs germes absurdes
Et passer la nuit au bel hôtel
Quelque part comme une cruche
Sa fine anse qui fait du gringue
À la reinette du ciel qui me coasse
Boule de pus ses cratères dégueulasses
Pleins de son panier, jusant de sécurité
Planer de son dernier jet de pavé
Des capitaux lourds qui ronflent
Il est aux arrêts le développement
Je n’ai pas fini ma literie purée
Les camions traversent le bourbier
Ma pauvre caravane de baumes
Le Sahara mène mes bêtes de somme
Mes oreilles et sirènes de caravanière
Voyager cette magnifique dédicace
35
Plus rien du tout qui vaille
Tout haut à l’abandon je bâille
Frapper pour oublier le froid
À bout j’aligne quelques pas
Une étoile compte ses copines
En haut du tas de brillantine
Avec l’énergie dans les plis
Pâles du rideau de la nuit
Cette théorie façon dégringole
Voussure des fragments vole
Avec la corniche de la lune
Tout seul le vent se hume
La salive joue dans les mares
Où des paillettes s’amarrent
Poussière, la vie continue
Sein saignant, ouvert et nu
Errant sur ces plateformes
Instar que l’absence gomme
Sorti tout droit d’un buisson
Drôle de membrane en hérisson
En été ma noisette s’effeuille
Mon thorax de ville en deuil
Que fait-il, l’arbre du désert
Les rubans tombés par terre
36
Le chauffeur de taxi, un petit homme le sourire continuellement à la bouche, s’en allait apparemment jovial sifflotant et chantonnant je ne sais quel air du coin. Bien qu’il ne fût pas très grand, il me fit malgré moi l’impression d’un échassier tant il était fin et élancé. Il est venu vers moi, sortant de l’aéroport, en parlant français et il est resté collé à moi. Je lui ai bien fait comprendre qu’il n’avait aucune chance, qu’une voiture venait me chercher et que je ne ferais pas appel à ses services. Cependant je représentais une chance qu’il devait évidemment essayer de prendre. Je ne me rappelle plus ce qu’il chantait, ce sont les premiers mots distincts que j’ai entendus ici. C’était très joli, cela aurait très bien pu être un petit chant d’oiseau. J’avais l’impression que tous les autres humains étaient étonnés de le voir chanter ainsi. De fait, tout le monde aux alentours nous regardait. Je tenais très bien sur mes jambes et ma braguette était fermée. Nous avons commencé à bavarder de rien tranquillement lorsque le second personnage est apparu.
Le mendiant. Son anglais était un peu moins bon que le français du premier. Disons que le discours était basé sur des « okay, all right, what’s you’re name ? » En fait ce n’était pas tellement le contenu du discours mais bien plutôt la forme de la tronche à adopter qui devait servir à modifier la communication dans un sens ou dans l’autre. C’était plutôt mal parti vu que je n’avais pas d’argent. De plus, les yeux tournés vers nous me faisaient comprendre que filer une aumône en dollar paraissait un mauvais début pour mon futur tout proche. C’est alors que des questions judicieuses nous permirent de gagner du temps. L’âge, le nom, le pays de provenance, etc. Cela put même faire gagner jusqu'à dix minutes. À cette occasion je voudrais tirer mon chapeau à tous les chauffeurs de taxis et mendiants du monde. Je dis tirer mon chapeau, je devrais plutôt dire lever mon verre. Ce sont les deux seules valeurs internationales du voyageur. Je dis valeur avec respect car ce sont eux qui font la partie du voyage la plus dure.
Cependant comme on n’est pas malhonnête avec un mendiant, je me suis mis à expliquer simplement que je n’avais pas d’argent. Le gars n’avait pas l’air méchant du tout, seulement il continuait drôlement à parler. Nous nous sommes resserré la main une bonne douzaine de fois. C’était un petit homme d’un âge indéterminé mais plutôt jeune avec de gros yeux de serpent dont un ne fonctionnait plus. Des membres noueux et rouillés qui lui donnaient un air bancal. De mon point de vue, l’animosité des regards s’intensifiait, exprimant le dégoût et la répulsion. Il est vrai que mon hôte semblait passivement ne pas vivre à côté d’un point d’eau. Entendez qu’il n’était pas tellement propre et probablement saoul. Le chauffeur de taxi rodait autour de nous toujours avec la même petite chanson entre les dents. J’ai senti un genre de conciliabule entre les gens conviés à la scène. Le chauffeur de taxi vit donc le mendiant sur son éventuelle course. Avec un air de se dire : « C’est tout de même incroyable qu’un type sans argent puisse attirer un homme sans voiture ». Le soleil était haut dans le ciel, mais cela ne semblait pas influer sur le cours des événements et j’étais toujours avec mon blouson sur le dos. Le chauffeur s’en retourna faire un petit tour et imperceptiblement les gens alentour lui soufflèrent des chuchotements dans l’oreille, parfois même jetés de loin d’un vague geste de la main. À un certain moment le regard extraordinaire de l’échassier conducteur traduisit une immobilité figée de stupeur. Notre autre ami, le serpent quémandeur répétait pour la vingtième fois son nom que je ne comprenais toujours pas. À cet instant, je crus que l’oiseau consultait l’oracle au fond d’un panier à gri-gri et que son avenir de tabernacle ne résisterait pas à ce divin cri que les illuminés reçoivent quelquefois pendant leur transe spirituelle. Alors il s’en retourna près de son hypothétique client autour duquel le serpent entourait ses anneaux. Il refit trois ou quatre fois le même scénario. Cette fois-ci, sans transe et en affichant un air plus sûr de lui. Un suspense insupportable, vous l’avouerez, soudain il vint se placer un peu plus près de nous sans que le serpent veuille le croquer. Il resta là un bon tour de cadran à nous regarder. Je ne peux pas dire que sa présence me rassurait ou bien m’importunait, cependant puisque nous le connaissions il était normal qu’il s’invite. Soudain, il se mit à chanter une autre chanson. Cette fois-ci, elle ne ressemblait pas à un chant de petit oiseau mais plutôt à un message morse de gros bateau. Il n’y avait pas de brouillard, pas de récif et apparemment aucune raison de sortir les tambours de guerre. Je fus surpris de ce changement de ton. Dès la corne de brume lâchée, le mendiant immédiatement déroula ses anneaux et il s’en fut ni moins ni plus ! Je n’ai pas très bien compris pourquoi mais ce n’est pas incroyable, ça ? N’est-ce pas une marque de complaisance ? Je crois que j’aurais pu avoir en eux deux une parfaite confiance.
Mais bientôt, la voiture que j’attendais arriva, le chauffeur ne faisait déjà plus attention à moi. Je m’engouffrai dans les embruns bretons de boîte de conserve délivrés pas la clim. J’oublierai les chansons, j’oublierai les discours, j’oublierai leurs visages. Je ne sais même pas ce qu’a bien pu vouloir dire exactement la chanson de gros paquebot. En tout cas j’étais très heureux de l’accueil que le destin avait bien voulu me réserver.
37
L'abduction grandeur nature gaspillée
Vient adopter un étroit jardin comme un sifflet
Un harmonica de diplomate sortant de sa berline
Aux tôles fausses de matronyme
Piéger dans la tapisserie de l’électorat
La zoologie croissante de placoplâtre
Avec ses os secs scellés dans l'espièglerie d’un divan
Le pinceau d'existence dans soudain des fentes
Par la même occasion des bulletins pollués
Dont l'imperfection pisse rapidement au loin
À la permanence de sécession du cosmos
Un type d’effroyable blasphème de tabagisme
Dans un feston de la récréation de caravane
Grossiste d’identité sous franchise
Comme le manque de tranchant du placebo avec le gui qui
Entrelace l’émail, le bel autour de mes tenues de cloître
Hermétique la chapelle minable sur scène
Imitatrice de bavardage, de faiblesse, d’hystérie, de rien
De noyaux de mes courroies d'ecclésiastique
Principe de jacasseur médusé de poudre illico
À la sortie de places que personnes ne prend
Puritaine que le portier préserve
Lors de soirées de périscope secoué en l’air
Comme une sécurité sociale fauchée
Qui a explosé au mont-de-piété
La chaudière à pression en mai
Son secours volé par la nuit vicieuse
De passage de chaume aux azalées
Empiriques des beaux-pères à la mononucléose
D’ouragan, d’eau de première main
De breakfast, d'entraîneur de vanterie
Retourne la courgette comme un atlas guérisseur
Sur ce vêtement en haut du syndrome,
L'interdiction dit en tant que nouage
En face de l'alignement des règles
De déviations on se regarde pantois
On ne devient qu’une famille d’itinérants
Sans possessions, sans libération
38
En outre sans doute de l'armée d’une reine
Semblé coudé pousser quelle souveraine
Quelque chose mais de chanceux déballe
Vaines recherches d’une naissance royale
Formelle astuce comme un héros
Toutes les fourmis dans un recto
Mais sans titre dans tout l'empire
D’une position qu'elle puisse tenir
Toi tu t’es abandonnée pour glaner
Des princes de primevère dans leur élan
Ils s’accrochent à tes rubans de cerf-volant
Leurs compagnons les mains sur les yeux
Dans le ciel sont allés au-devant d’eux
De pierre de taille, de bois de coupe
Ceci cela, la redevance de charpentier
Tu leur as bien coupé leur droite nacelle
Le seul accès qu‘ils soutenaient sans ailes
Pendant leurs mariages, hélices de tulle
Des sourires aux yeux collés de bulle
Des brises, épouses toutes plantées
Les vœux échangés se font enlever
Dans le ciel les frasques en fraxinelle
Loin commence une nouvelle chandelle
Le feu change le vent sur le feuillage
De goutte de cire et d’origan sauvage
Dans une bouffée tu es déjà repartie
Au royaume où tu loges durant la nuit
Le bonheur savant est à la table quiète
Et les midinettes en rallyes se toilettent
Des paladins sans chaîne font la course
Pour la presse des coupeurs de bourse
Je suis venu ici sous l’or du monde
Capitaine de la garde près de la ronde
Au siège le signe de la reine attendu
Appelé au château d'un état déchu
Treize papes sont apparus sur le balcon
Quelqu’un qui connaît le palais à fond
Promit que ton altesse prenait l'air de nuit
Et le dos de ta tunique alèse ta silhouette
Ainsi les jupes larges de ta robe violette
Une goutte de pluie tombée à la baille
Une tunique simple ceinte à la taille
Tu porterais folâtré entre balustrades
Tes airs d’accent pointu et de ruade
Tu montes à plat sur les côtés de la vie
Deux chaudrons cyclopes et qui rient
Moulent ton ombre au-dessus du marché
Et ton trône allumé avec sa salle meublée
Jette une lumière fraîche au bois unique
Du creux du cou de celui qui s’astique
Les murs couverts du papier de la chambre
Femme d’une fume centripète et d’ambre
Brasille d’une belle tapisserie vermeille
Tu t’es dégagé la gorge ronde de ce miel
Comme deux tessons brodés de bannière
Formée d'herbe fine et de gentilhommière
Et encadrée de sommations de ton anatomie
À l’amende mes mains de croyance saisie
Leurs huches de chrysalides attendant le détour
D’une bogue lointaine dans la bataille d’un jour
39
Le soleil, cet ami de silence
Chaque fois de ses lances
Au bas de l’escalier bleu
Vise l’horizon pané de feu
Noyé de cendres et décombres
Sombre et paisible, sombre
Son chemin au pas de la mer
Ploie, tend vers le large amer
De doux regards hypocrites
De retour, pâle le jour acolyte
Avec la poussière de la route
Décor que l’aurore shoote
Lui ayant tout donné des mots
Pour qu’il s’abreuve au broc
Lui joue l’oasis de la sorte
Le garde à la première porte
Et cette énergie qui s’entasse
Sous des tubes papotasse
Les nuages s’apprêtent dare-dare
À changer d’air leur pétard
Le ciel scintille déjà d’émoi
Prêt pour le grand jeu de l’oie
Finalement tout est en place
Mais mon regard est de glace
40
Il fait bien plus frais et l'ombre s'endort
Des rais obscurs passent entre les stores
L'oiseau gris est posé sur le bord de mon lit
Des lianes et des lichens pendent de ses abris
D'un espace interdit, d'un creux qui sidère
Le silence et l'immobilité règnent dans l'univers
Avec ses dartres bleues en forme de méprises
Mon âme est à la traîne et hurle qu'on la frise
Ange flegmatique regagnant l'étable en godiche
Les maisons se regardent décorées de liche
Bonne pâte, les chevaux piétinés de pépites
Du chocolat dégouline dans leurs jointures
La grande spécialiste des aumônes joue d'aventure
Un peu timide et concentrée de véritables amanites
Elle adore jouer et grimper aux barricades du malheur
D'ailleurs, sur le toit il y a des survêtements de rappeurs
L'inventrice de l'incroyable régnant sur la brioche
La prairie des supplices et des sacs dans ses poches
De ses yeux bigles elle soupire tristement
Une grosse larme coule de temps en temps
Sur la tête d'un mat qui se trouve au-dessous
Au-dessous, un chêne puzzle de belettes
Un amour fait tranquillement la sieste
J’apprends à voler d'un pas mûr
À l'ombre soudain à cheval sur
Les boursouflures d'un oiseau de pis
Tombe sur un bec, sur un nez cochevis
Comme un beignet pelé réveillé dans un saut
Je pense aux choses qui arrivent sitôt
Ève étrillée passée sous quelque gant
Sur ton chemin tu parles aux champs
La douleur vomit, comble et déglutit
Et laisse pantoise des arabesques d'église
D'or mon âme est un étain qui en vain vise
Elle se torture alors, caresse, respire gothique
Tu éprouveras des béatitudes fantastiques
Tu triompheras en l'acceptant médiocrement
De la peur de cette façon qu'on a tous devant
Tu la supporteras et t'en tireras bien mieux que nous
Offre à la mortification ton intellect de gourou
Attise bégayeur le génie que le feu en sorte
Bande tes nerfs et sauve les plantes mortes
Pour embrasser le ciel et culbuter les novas
La mort est une autre étoile, mais tu ne la connais pas
41
Trois coups de crayon,
Quelques points de couleurs,
Des phrases laconiques
Et mamie réglisse frappe à la porte
Un grand soleil de fin de foire
Fait péter les feuilles des arbres
Des contours se décollent sur le gris du crépuscule
Une grosse étoile remonte en haut des rives boueuses
Et le fleuve s'attache à mes semelles
Toutes autres choses aussi nagent autour
Et l'eau joue ses cache-cache de chienne
L'inappétence décide qu’il fait beau dehors
Et mes hyènes sont mortes de rires
L'ouest illumine les baliveaux d'une lumière d'avant-poste
Et la journée mondiale de la nuit revient
Des odeurs grasses parfument l'air démis
Des idiots font la roue entre les feuilles
Et leurs couleurs passent comme des lignes
Des lucioles vibrent et déploient leurs ailes
Jaunes et bleues comme des étincelles
La lune se couche sur un sentier de flaques
Et de grandes fleurs blanches flottent à la surface
Je n'ai pas mis de chapeau et ça mouille
Les barbotières coupent leurs épis d'orge
Et ça pleure au nénuphar des poussières
Ambré, le vent énorme les promène
Volatile de ses godillots d'atmosphère
Et je ressens, aplati, le voisinage
L'ombrage beugle les erreurs de mon âme
Et déclame ses ivresses entre les feuilles
Entre les feuilles une pluie fine,
Une petite pluie d'argent abat
Sa moue déconfite dans sa fuite
Les reflets de tous les miroirs
Les antilopes aux jambes juste fines
Se régalent de grands gratins rouges
Des lianes moussues oscillent dans la brume
Disséquer tous les éléments du mélange
La séparation, l'absence, la mort
Et les sentiments de manque qui en découlent
Certains manèges stoppent nus
Un peu de pluie ne fait de mal à personne.
42
Là-bas, les paysages n'ont qu'une seule papille
Souvent à peine sensible hors du temps
Ayant de loin l'éclat et l'apparence de l'or
Vasculeuse, située à la frontière du cloaque
Il ne peut se produire d'autre irritation
Que celle qui doit résulter de la bouche
Des yeux de l'effleurement du monde
Et qui est l'érection et l'accouchement
L'accouchement des arbres, des herbes
Des rivières, et je regarde toutes ses fourmis
Ses fourmis de paradis sous péridurale
Éminence conique du derme de certaines
Plus ou moins saillante à la surface de la terre
On marche sur les muqueuses des rêves
Et certains organes qui correspondent
A des terminaisons vasculaires ou nerveuses
Comme des mamelles sensorielles
Généralement sous les collines gustatives ou tactiles
La glaise allonge son tronc et recouvre
La couche intermédiaire, la partie centrale
Et tout ce qui viendra ensuite, destiné à la sécrétion
Organe propre laminé de vert, de bleu et de blés
Protégé à l'entrée d'écharpes et de Gore-Tex
Les vents sont là et veillent au grain
De leur voile de palais ils réagissent
Avec le seuil de leur voix et sèment
Gospel printemps et d'autres développements de grande itinérance
Comme un ébarbage clair de pierre précieuse
En flaques courantes de mélisse de bergamote
Et aux formes primeurs impudiques
Boule de cristal au fond des amygdales
Planète et du système solaire abyssal
Enveloppée de gaz, dormeuse à ce jour
Un an tournant et vingt-quatre heures environ
Ton corps aplati hurle aux pôles
Céleste d'eau connue où se manifeste la vie
De la naissance à la mort tu changes de chants
À la différence que dans la nature, la parole
On ne sait pas l'écrire et il faut vivre ensemble
Un cri s'élève et s'infléchit bien davantage
En roulant sur les différents airs de l'échelle
Accessibles au registre des ténors d'opérette
Un beau ciel d'une durée régulière
En une suite d'intervalles tendus et vibrants
Et cette force rendue sensible par le retour
C'est un repère, c'est une trouée périodique
Ou bien une fonction, un jeu d'esthétique
Mais aussi d'un caractère psychologique
L'amour du soir, du orange et du feu
43
Par rapport à un point de repère
Ou bien loin d’une fable inventée
Et se dessine de quelques notes orchestrées
Dans l’intervalle de ce qui est situé ailleurs
Un solfège composé d’accords de couleurs
Pas une marque, pas un nul
Une arborescence déguisée de cumul
Espèce de givre lâchant ses racines
Respiratoire dans mon livre j'hallucine
Le flot et la partie vivante de la sève
Comme un petit tas de feuilles brèves
Un jus substitut assurant la circulation
Troublé ce sang fluide d'une émotion
Ça fait beaucoup pour un seul écureuil
Une écume couchée le long de mes écueils
Ma vie traîne sa savate de béton usé
Assortiments et métabolites éculés
Tout qui n'est plus rien
Regarde ce bateau de désir
Roulis bénévole sur ton sein
Épuisé au rouge limé de plaisir
Éclaire le noir de mes insomnies
La mer repousse sous la nuit
Avec tes attributs d’ange dingue
Tes éléments d’harmonique
Et cet essentiel qui te distingue
De mes formalités prosaïques
Tes dispositions régulières
Mes césures fixées sur ton derrière
La poésie et la prose qui se fondent
Et qui se fondent sur l’accotement
Sur le besoin de bouffe d’onde
Sur le retour qui impose ses temps
Forts des accents et du combientième
Des syllabes en dormance je t’aime
Ma farde d’alangui comme un vestige
Sert de suif à l'écoulement des eaux
Et que les pluies empreintes dirigent
Sur le sol, le pied dans le caniveau
Tu m’as dénoyauté de la noyade
Lorsque tes poissons sur la pierrade
Sautant du sable vers mes mains
M’ont donné recueilli tous leurs pépins
Je déglutis des lits que tu bordes
Bordure des trottoirs et des hordes
Soupçon d’engeance d’un canal
De l'homme ou de l'animal
Je demeure ce que tu laisses
44
Si vous saviez combien notre monde a peur de la clairvoyance qui opère de façon occulte sur les forces et les esprits du bien, et qui permet à l'homme d'utiliser ses pouvoirs de comprendre et d’aimer. Tiens, vous n’avez pas entendu parler de ça au journal télévisé ? Vous cacherait-on la vérité ? On vous fait miroiter les bienfaits de l’ignorance à cause de la peur du manque à gagner.
Et tous ces postulats peuvent être utilisés par souci d'efficacité pour produire, pour créer, pour faire, pour développer – à l’aide de formules mathématiques. J’aurais tellement voulu que Dieu ne nous torde pas les idées avec sa politique. Je préférerais tant des textes rituels parfois et puis des actions symboliques méthodiquement réglées avec leurs effets qui semblent réglés comme du papier toilette irrationnel. Un peu comme la vitrine des choses indescriptibles ayant des effets que la science ne peut expliquer et qui n'ont rien à voir avec l'ensemble des opérations qui dépendent de la connaissance.
La théorie secrète des péchés procède du secret et de phénomènes sortis tout droit de notre bréviaire de l'imaginaire que tous ces siècles de culte fébrile nous enseignèrent patiemment. Et moi dans mes prières, j’aime un endroit où l’on ne parle pas anglais et ou en parlant d'un effet, d'une qualité physique ou morale alors l’influence charme et provoque quelque chose qui est profondément ressenti sans toujours être raisonné par la force, l'intensité du sentiment, du plaisir, de la satisfaction qu'il procure.
Lorsqu’on ouvre les yeux au-dedans de soi et que par un jeu du sort, on réussit à s’extraire du dolmen et des autres mégalithes qui nous guettent en éveil bien sûr. Lorsqu’un roulé-boulé donne suite à des galipettes sempiternelles, il y a un vent de matelas déchirant des coupures de pantalon.
Avec cette bohémie de produire des choses qui ne sont pas prévues par tous les moyens, par tous les procédés, finalement on se surprend à s’éterniser. Ça court tout le temps dans toute la maison. Inlassablement, des événements inexplicables se produisent, tous accompagnés de cris et d’apparitions d’enchantement. Une pâte à pain fondée montre alors la présence dans la nature de forces immanentes et donc non surnaturelles, bien loin de toutes ces doctrines et croyances qui nous ont tant exploités.
Ensemble, nous procéderons des activités d'une nouvelle constitution d'arbre et de recueil. Sur un peu d'herbe fauchée et bien sous tous rapports, nous fondrons d'estime en souriant, nous sachant existants dans un même réel et dans une civilisation naturelle.
45
Lorsque le chagrin passe
Le corps tremble de ses fenêtres
Et de ses feuilles les objets bougent
Les vers de terre frémissent de bris de verre
Leurs anneaux font des petits bruits
Qui crissent quand ils tombent
Sous les pas d’un bonheur qui ne commence pas
Même dans la nuit véhiculaire et ses terribles nouvelles
Le monde souffle dans des ballons de poussière
Tous les soirs, assise dessus, la lune ne dort plus
Ni le sommeil ni la halte prochaine
Aux pieds des cratères et des servantes
Abruti d’appels j’ai besoin
De cajoler cette peine-là
Mais il n’y a pas de fortune
Et il faut des tempêtes de malchances et des chemins
Des eaux qui débordent tous les matins
Des heures tardives et des sommes
Des caisses de fanfares, la page suivante
Ouverte comme une main tranchée
Des montagnes de chariots vides
Et le vent dessus qui pellicule
Le vide encore de toutes les routes
Des cabines remplies d’ambroisie
Comme une jeune fille belle dans le bruit
Un bouillon de ville cogne au carreau
Mon amas de gouttelettes masque
La surface du sol ou des eaux
Laissent de plus en plus opaque
La brume en pause dans l'air
Fluide pachyderme d’un ton élastique
Dont la masse ancienne forme un vœu
Une évidence invisible d’un chaos
Devant la lumière et ses charmes
Tu prends ton bain d’émanance
Mon pain sur la croisée d’un chien
Pesant soleil de décembre
Les neiges célèbrent leur danse
Dans un énorme silence d’étoile
Une troupe constellée dans ta tente
Ce soir je dors à l’opéra
46
Les paradis gênés qui n’ont pas de chapeau parsemé de couronne meurent parterre dans une pustule de l’âge. Mourir à la surface des eaux, à côté des lotus et des boutons d’orangeade, à côté des sonnettes qui sifflent aux effluves de nos amours pensées. Appuyer sur cette petite drupe ronde et lisse à la porte du potager. Sous les averses sauvages, marcher et à chaque rang glaner, tisane de petits détails, des rubans verts de légumes et de sursis. Dans des marasmes composés de farine de lys embellis d’escapade s’ajourne le poids, le rire et l’idée mousseronne de l’automne. Cette dilution systématique noyée de cymbale et de moulin à soleil tend inlassablement à tout effacer. De ma disparition progressive de la nuit complète en devisant les couleurs, les formes et le goût, rompus aux fouets du jour gris, poche un œil de sensations homéopathiques. Je souffre du bleu de la peau des tiers espoirs et mon terrain s’enlise de doléances aux sujets vagues. Aux griefs d’un an un char d’assaut roule sur mes cahiers. Espérons que le mois ne soit pas trop pluvieux et qu'il n'y ait pas de retour de gel, ce sera ainsi gage d'une bonne récolte. Au printemps, un déluge d’ornements du temps décore les buissons, les arbres, les plantes et toute leur marmaille. De longs épis d’un bleu rougeâtre s’éprennent et flagellent leurs pollens avec des mouvements d’encens. Une haute tige droite et polie sur quelques bulbes où s’entassent par centaine des fourmis engouées de parabolique. De longues feuilles lancéolées, engainantes, et de grandes vasques terminales, généralement se font la moue solitaire. Évasées en urne, le point du ciel leur jette des votes que d’insensibles arrosoirs panachés de soir, et garnis de pommes en manque, ne comptent ni ne trient. Une démocratie de gros pistils et d'étamines se distingue d'une liaison d’avril, et la vigne rayonnante décoche ses filets de chlorophylle déroulant vers Amon Râ ses replis de bourgeon qui brident certaines de ses terminaisons. Jacinthe muscat qui chavire nos sens de déliés barrique à pitance, en mai fabrique ce qu'il te plaît. À la maison ou dans la véranda, faites les semis de vos annuels caprices si bien appréciés pour l'ornementation. Les offrandes de mélodie formées de six divisions vivement colorées, des oiseaux qui chantent aussi avec des couleurs. Des chevaux qui hennissent culbutant des régiments dans leur départ de galop massif. La chevalerie des arts est à contre-courant vers des marais profonds. Les iris fétides à gorges de démons poussent sur des antres à dôme d’église, à bulbe de plate-bande. D’autres amours recueilleront dans le sillage du voyage le souffle de la longue course, le grain des semelles à fusain.
47
Au fin fragment de l’univers, avec ses structures de gruyère, des variations et des courbures nous regardent faire. Accessible à l’œil nu et aux instruments d’optique, le visible a un âge et explore à notre place le cours du temps. Les étoiles nous donnent le vertige, on ne sait pas combien de millions se barrent dans le ciel tous les jours. On a le vertige de la hauteur et de la vitesse, de l’aspect curieux que cela donne aux choses. De leurs extrémités combustibles comme des allumettes de la terre qui resteraient pantoises dans l’océan, elles mettent leur chimie inflammable au service d’admirables observateurs. Et les observateurs dans leurs observatoires ont de nombreuses idées qui restent à ce jour pour le moins obscures. Ainsi parfois on les licencie et on envoie leurs télescopes dans l’espace espionner le vraisemblable grand nombre de planètes analogues à tant d’autres. Alors on dit que les conditions nécessaires à l'apparition d'une forme de vie peuvent ne pas être réunies, tout cela à une vitesse inimaginable. Quelle drôle de notion nouvelle nous avons de la matière en frottement ou non. Dans l’eau, dans l’air, il est difficile de trouver une matière qui ne soit pas enduite d'une composition chimique. Le scintillement lumineux a ceci de bien qu’il appartient à tout le monde. Du moins en dehors de la nuit, on ne paye pas encore pour ça. Qu’elle nous parvienne de la lune, d’un geste du pouce ou d’un regard, tout cela n'est-il pas que de la lumière ? Tous les hommes naissent, même dans le noir, illuminés. Illuminés d’une lumière, une et identique comme une bouture astronomique jouant sur les vaisseaux vautrés du soir. Et il s’en revient continuellement, le soleil, chaque jour border mes restes et tâter mes cernes d’un pouce de sonnette. Ouvrons donc toutes nos portes au vent, au point de lueur au bout du tunnel. À cette resplendissante clarté qui on ne sait comment joue de l’orgue et chante des refrains hautains. Nos sensations vieillissent-elles ? La plus courte, la plus grosse, la plus forte a cinq doigts, opposables aux autres et jouant, grâce à ses aptitudes, un rôle essentiel dans la compréhension. Mais où résident-elles dans cet empaillage confus, dans ses maquettes de vie imposées par GPS ? C’est bien au-dessus de nos têtes que l’on espère, mais s’il n’y avait rien, puisqu’enfin il n’y a rien ? Nous cherchons des grands frères pour nous casser la gueule ! Le seul sens que les dieux arrachèrent de nos têtes un soir de fête est tombé dans nos mains et je te le plaque partout où il y a de quoi. Et il y a de quoi ! Des dos, des seins, des organes même qui rêvent de caresses. Des ressacs de plaisir s’abattent sur des poissons mous et la disposition de leurs nageoires m’exaspère. Par-delà le mur du jardin, des phénomènes naissent et s'amplifient avant de retomber selon un mouvement qui rappelle celui des tempêtes. Comme un train se laissant emporter par ses ondes, échappant au rapprochement progressif de la butée. Guidé par son mouvement oscillatoire dessinant des crêtes et des creux qui affectent les cordes à lignes. Des forces irrésistibles prennent naissance loin dans le temps et dans l'espace. Transportons-nous dans d’autres fièvres pour voir cette solidité du vague à l’âme.
48
Un puits de clarté entre les palmes
Inonde le sable de silice nos âmes
Tout en piquetage laissé là
Dans un ciel de champagne ça
Pétille mon amie bien la mer
Un bardeau d’éclat au travers
Les étoiles ce soir consolées
Comme les filles amères gagnées
À la surface et brille en crevant
Bulles brèves de gâteaux blancs
Glace auprès de ma blonde
Des démangeaisons opérandes
Ses flambeaux de mélèze
Derechef assis sur une chaise
Calcineront en contremont
De la peau mes inclinaisons
J’exige au parloir de se masser
Ainsi que d’autres billevesées
Calculées d’opérations identiques
Des violons de bouleaux chics
À coup de jurons choquent
Tes envies folles et provoquent
Le changement des vagues
Le sens, la remontée des algues
Noient notre solitude ce soir
Comme un linge au lavoir
49
Voici, cuit et suant le jour
Le soleil de droite à gauche
Passe lourd la nature au four
Et de haut en bas l’air fauche
Lentement comme des rôtis
Des humains et des bêtes agatis
Visage aux papillons rouges
Couleur des lilas gouges
Qui se découpent bambous
Craquelée d’ancienne boue
La terre reçoit ses images
La fange, poussière allongée
D’argent et de paysage
Par contrastes sensibilisés
Lauriers de régions tropicales
Trace de terre médicinale
Légumineuse de la famille
Des pigments, des chenilles
Plante de mille douleurs
En déshabillé de fleurs
Équilibre de sages brûlures
Photos parsemées de lésions
Sèches inscrites en blessure
Violente chaleur de légions
Au fond du désir et du sens
Alors litanie de mes rances
A la flore chimérique ou nue
Sur les cases, lanières de néant
Coulis de sable de la rue
Les cailloux pilent un tourment
Perré minéral ou moins vif
Tarlatane à faible giboulée
Aigre dont mon compas se griffe
J’ai mal de la perte
De la rupture manifeste
Des hâtes du bien-être
Aux sites fonctionnels
Et des allées désertes
50
Le roi des gribouilles
Perché, pendu au son
Au comptoir des gidouilles
Des ténèbres à talons
Toujours il y a de l'eau
La piscine à temps chaud
Même en avançant d’un pas
Le placard trébucha d'un fa
Une branche de doux trésor
Contre quelque chose d'un caillou
Chronique dans le noir or
Ne voit que la nuit
Et ses airs de physionomie
Satine ses longues jambes absides
Pince la chorale, je reconnais
De grandes plumes du soir
Sur ton bassin d’arrêt
Collines d’alangui, mon marais
Des palmes et des guichets
En quelques coups de bec
Avala toutes les princesses
Regarde là-bas dans la remise
Mais l’éphémère se met à bouger
Et s’envola soudain
Au bord d’une mare, même dans le noir
Si fatigué aussitôt, sans avoir bu
Il s’endormit d’une goutte
À la lueur des feux ronfle
Ton ventre, lourd équilibre
Un cri remonte le long de ton cou
Grand ouvert ton cœur qui s’échappe
J’attrape le lendemain
Comme le soleil se leva
51
Quand la voiture elle aussi eut atterri, je me suis trouvé seul dans une grande maison meublée. Tout autour, d’autres maisons meublées, avec pour les encercler tout un réseau d’allées dans un camp surveillé. Une maison, bien qu’elle ne soit pas là, pour ma famille et moi. Il est étrange comme l’ensemble de toutes les choses qui définissent un être peut se mettre en conjonction totale avec les gens du même sang, du même amour. Un noyau permanent qui s’articule autour des enfants. Pour ce coup-ci, je ne m’enfuis pas. Dans ce monde aussi bas, il y a une place entre deux palmiers sur un bout de plage, je m’en vais nous la donner. Sur le voilier des airs, en reconnaissance je suis parti. Dans un monde étranger je revois des objets familiers, des tables, des chaises, des meubles extrêmement bien rangés. Comme les pièces sur un échiquier avec chacune leur case et leur façon de bouger, prêtes au jeu de stratégie attendant mon premier mouvement sur le carrelage en damier. Mais il n’y a rien qui remue, c’est une partie sans aucun coup. Je passe au milieu des pions immobiles, à côté du fauteuil roi, de la reine armoire. Des meubles en bois verni représentant tout le savoir-faire de fabrication industrielle du lamellé-collé suédois. Des murs blancs très clairs et impartialement à l’équerre. Avec la touche impersonnelle d’une station de métro après le passage de la société de nettoyage, tout était vide, bien propret et statique. Cette tanière abritait soudainement un ours non averti qui apportait pour son goût beaucoup trop de choses du passé. Les fenêtres sans rideaux me renvoyaient mes traits tirés de fatigue, où chaque compartiment de chair refusait de communiquer avec le voisin. Si bien que le tout produisait l’effet d’un patchwork désordonné que maltraitait encore l’effet de la gravité. Dans un brouillard de plus en plus faible, ce sont les choses du présent qui ont commencé à s’éloigner de moi. Je ne comprenais pas le fonctionnement d’un lieu aussi simple. J’ai mis deux jours à me rendre compte qu’il y avait des toilettes au rez-de-chaussée. Un tourbillon interne était né où tout ressuscitait, balancé attentivement au pas des rythmes atlantiques. Comme la feuille d’un palmier poussée par un vent léger. Je n’ai pas depuis longtemps eu l’opportunité d’entendre le bruit de mes propres gestes. J’ai retrouvé, sur le pont du bateau, dans une cabine de pilotage, au fond de la brousse sous une moustiquaire imprégnée, dans l’étuve des containers surpris par l’écho de ma propre voie, j’ai retrouvé partout des traces de vous. Maintenant comprenez-vous, étendu dans le hamac fainéant de la solitude, comment j’ai pu sentir toute la progression de la bruine du désespoir entrant dans ma peau par les trous des piqûres de moustiques ? Comment le printemps de Tbilissi se transforme en stérilisateur de chewing-gum fade et brûlant de l’été austral ? Comme si les passagers d’un navire naufragé se mettaient tous en même temps à chanter faux. Avec par-dessus le marché, la sensation de cuire à petit feu. Je suis comme cette maison esseulée sanglotant dans un coin, contemplant des palmiers et les gens passés. Pas beaucoup de différence à voir avec un désert plat. Un champ de pierre qu’un géant maladroit aurait semé en jetant ses crottes de nez. Un désert sans rideau ou les tempêtes n’effleuraient même pas les carreaux. Je m’imaginais ainsi tous les jours, comme arrêté à un feu rouge avec le visage des vendeurs de rues aplati sur la vitre et qui m’observent. Alors, inostensiblement, une panoplie de tableaux sans accusé de réception flottait à la surface de mon idéal. À l’image des nénuphars qui se rattachent à un point essentiel sous l’eau. Je me transformais en grenouille sautant de l’un à l’autre avec parfois une grande plongée en apnée jusqu'aux racines. Mais je n’avais jamais assez d’air pour les atteindre. Tout juste avais-je le temps de remonter pour m’apercevoir que rien n’avait subsisté. Je me demandais comment j’avais pu prétendre à me faire le poumon aussi grand que celui de la vache des nouveaux temps.
Je pars m’asseoir sur la terrasse, une étendue de dalles de béton posées sur la terre. Il y avait là une grande table ovale avec quatre chaises rebattues dessus. Tous ces objets de PVC semblaient étriqués, se serrant les uns contre les autres dans un spasme immobile, sans vouloir se défaire comme après une orgie de poussière. L’indécence était si grande qu’il était difficile de venir s’y asseoir. Alors je repoussais la première chaise à ma main d’au moins deux mètres seulement, ensuite je me posais dessus. Un réverbère blafard dispensait sa lumière entre deux feuilles de palmier. L’éclairage extérieur de la maison était commandé par la société de protection. Ainsi s’arrêta-t-il à neuf heures précises, d’où je pus découvrir davantage la lune et ses gros fardeaux de rayons fantômes aux ombres diurnes. Le petit jardin qui s’installait là, veuf de tout gazon et père de quelques arbres, se limitait à gauche et à droite par une haie mi-haute. Au loin, un bruit de ballon qui rebondit rythme le positionnement du présent. Les feuilles du jardin s’inclinaient doucement de haut en bas dans un dernier refrain de salut. Lorsque la bise fut passée, tout retrouva sa triste inertie. Il ne me reste plus qu’à dormir. La soirée fut des plus calmes, le sommeil m’emporta dans une sirupeuse angoisse tremblotante.
52
Irriguer d’un nouveau regard
Et aux écoutes du changement
Avec ma boîte aux lettres fondante
J’envoie ce message d’hier et d’aujourd'hui
Amie, ma tendresse d’apprenti
Mon bel amour à l’agonie
Au cours ordinaire de la pensée
Sur une causalité directe de la nature
Je fais des expériences avec ton parapluie
La brise renouvelle sa chimie de branche d’arbre
Des oiseaux s’amoncellent en précipité
Leurs chants changent les cours de physique
Sur les grains de la main ta peau différentielle
En forme de nuage de la cause formelle
J’entends déjà des océans qui râlent
Leurs vagues ont des allures de bateaux qui parlent
D’une magie, d’un principe fondamental
Dans ces rêves de plage et de cage
Ma case s’oppose vaine à celle
Que la connaissance harcèle
Gisant ton souffle haletant encombre
Mon âme désaltère une boisson sans lait
Le doux poison des papillons
Ferme un œil, on continue à demi
Une nuit tendue d’arsenic et mon oubli
À la faveur d’un deuil, ce matin est parti
53
À quatre pattes, à tracer des tremblements
Des spasmes, des allégories Parkinson
J’organise des maladies, des ventres ronds, des signes souffreteux
Je tousse des membres, crache des doigts
Trois traits raides sur le miroir
Ferme la porte et sa ligne, et ses traces rapides
Laisse le vent arracher ses pans, qu’elle pleure de la pluie
Qu’elle saigne avalanche toutes les trousses et les nécessaires
Je biffe du rimmel sur des rayures tendres
Gravées au corps et qui ne s’effaceront jamais
Des formules en majuscule et des dates repues de chiffres qui n’en peuvent plus
Des nombres épuisés illisibles se regardent avec soin
Remplissant fatigués des épreuves de calligraphie, des songes griffonnés à la va-vite
En gros à la fin il y a toujours le même mot
Un crayon de poussière tape doucement ce refrain
À l’encre, à la machine j’orthographie des alphabets
Ça reste coincé quelque part comme un chat en haut d’un arbre
Et ça met des heures à redescendre
Ça ne s’écrit jamais comme ça se prononce
Chaque fois qu’on essaye, ça change toujours d’adresse
Appelez ça comme vous voudrez
Avec des perles enfilées sur une page
Sur mon carnet je te dessine des colliers
Et sur le recto il y a des fleurs aussi
Quand on les met ensemble ça fait des cartes postales
Mes bouquets à moi sont faits de correspondance
J’inscris, je marque, je note comme un fleuriste
Des compositions de feuilles à envoyer
Dans mon panier, j’ai tout mouillé de larmes
Les timbres sont là, occupés à la brasse
Tu les verras bien arriver dans ta boîte
Comme un bourrage papier
Tu les liras en buvant ton café
Oui tu liras la traduction de mes angles allumés
Je t’informerai des transferts du registre
Un verbe de contrôle pour ma mémoire
Tu prendras jusqu'à la lie mes déboires
Longuement s’infuser des sonorités
Je te composerai des prières de théâtre
De pauvres acteurs en cheville réciteront
Des bulletins comme aux informations
Hâtivement, les critiques rédigeront leurs articles
Attends qu’on les lise en public
Il me semble déjà voir ton rire
Sur tes lèvres il se cache un sourire
Je suis là pâlot sur ma toile de bulle
Mon ouvrage à la main pour te plaire
Au courant de la plume et du roseau
C’était d’antan que des manies plus saines
Revivaient des œuvres et des âmes sereines
L’antique providence c’était éternel
Comme une opération d’utilité personnelle
Ce transfert plumitif de l’unité globale
La manière galop technique de cheval
Ça se conduit comme sur le périphérique
Tout s’inverse, s’invente pour toi seule
Le noir et blanc c’est la couleur
La gauche à droite, les tournants à l’envers
Ne vois-tu pas toutes ces taches de couleur ?
Mes empreintes de doigt en palette de frimeur
Style pour forger des idées sur la cire
Ma vie est un morceau de soliste
Mon rêve est aux étoiles
S’illumine comme une toile
J’écris cette flamme d’espoir
Elle est sur ton écritoire
54
Le printemps breloqué de diamant
Pose sa toge des lumières du temps
Faites de la toute première des chaleurs
Du soleil malade, de ses toux de lueur
Dans l’air des justaucorps d’éclipse
Sertis des braises du Brésil et d’épices
De sa langue fragmente de violet
Un décolleté ultra d’une rosée
C’est avec des rayons de flèches
Que ton sourire roux me lèche
Et qui circonflexe pâmée cette gorge
Cette hirondelle des primeurs forge
Un beau sourire sur ton visage de saison
Tes cheveux filant au vent s’en vont
Dans la nuit je suis le brasero d’un ange
Et j’attise de mes mains ses vendanges
Mais oui, elle tourne, elle file cette étoile
Ses vignes alignées comme des poils
Dans son lit d’éther, champ de vide
Ses coteaux et ses oiseaux placides
Dont les chants jaillissent, inutiles
Façonnent le silence de bavardages subtils
Un loin mauve monte véhément
Des signes s’y promènent lentement
Les arbres y voient leurs derniers instants
Les branches applaudissent de brocart
Je plonge dans la forêt des oscars
Où nagent les vacillements des tonnelles
Sifflet propice aux automnes éternels
Je vois du feu dans le verger des châtaignes
À chaque fumée d’humus des odeurs saignent
Et l’amour qui part à ce chuintement
Accable le désert de mon écran
55
À l’issue des fantasmes que crache le matin tôt
Tournant dans ce lit de gouttes et vidant le seau
Mi-sombre, un juge m’envoie des prisons
Où des citrons blancs de la jointure des horizons
De leurs yeux d’artichaut avec leurs ondes en colère
En roulé-boulé révulsé louchent de travers
Renverse ces torrents humides
Battant mes verses limpides
Averse sous les toits penchant
La pluie tombe à torrent
Une de ces couches diluviennes dépose
Sur l’autoroute que les songes explosent
Des mouvements imperceptibles et pieux
Et que le compte change en barreaux d’essieu
Départis, ses sentiments perlés
Divisant mes parts volées
À part sur le siège de l’orage
Le temps est un otage
Les péages lâchent des tickets d’alcali
Et les vaches se changent en gabarits vernis
Le destin provient de la suite en glissières
Nuages sur la terre, ma charrette solitaire
56
Un calme matin d’été, il faisait beau
Dès leur envol en spirale, des jets d’oiseaux
Chantaient puis en se levant le vent
L’écho de la rivière, ses vagues d’anniversaire
Et toutes ces musiques en descendant de l’esquif
Trébuchèrent, se foulèrent le front plaintif
Leurs rameaux de chevilles sur les pavillons verts
Leurs drôles de parures courant les sous-bois
Elle est toute seule l’ivresse des javeaux
De sa joie de jeune fille, remplissez mon tonneau
Puisqu’elle cire je lui tiendrai compagnie
Un peu plus haut il fallait marcher un peu
Sur la rivière, l’herbe sentait bon
Arrivé dans la petite cabane des cieux
Je me suis allongé de tout mon long
Mirant la toiture grande ouverte
Le lit en pagaille et la couche offerte
La table et les chaises par terre
Les draps sur le sol de la clairière
Je suis venu adorer ce panier de praires
De fruits de la gaze et d’autres locataires
J’ai sorti des échelles dans les plis de mon gîte
En marée, voilà les fleurs qui s’agitent
Et le blanc du corail de ce climat théâtral
Pique des pointes sous les phrases du mistral
Suivi à la trace par des bourgeons d’argent
Sous les mains, des rameaux dégoulinant
De grosses empreintes qui avaient remué jadis
Du fond des océans, le ciel des abysses
Cette ravissante et douce émotion spontanée
Avec sa mélancolie et son murmure entrecoupé
J’ai suivi les impressions, elles allaient deux par deux
Elles descendaient le chemin qui menait à la rivière
Un pied gauche et un pied droit
On retrouve avec les changements nécessaires
La coulée du flot que l'on remonte à l'envers
Alors j’ai couru, sauté, galopé
Plus vite que le soleil faisant scintiller l’eau
De grosses bosses, alors des castors bondissant
Enfin j’ai retrouvé mes chutes d’enfant
Elles avaient été abandonnées sur la berge
Entre les fougères il y avait de nouveau des cicatrices
Et mes genoux ruisselaient de sang
Deux par deux ils allaient dans les petits bois morses
J’ai regardé encore les jasmins, les arbres féroces
Avec leurs chapeaux, leurs grands manteaux noirs
Ils m’ont jeté sur leurs épaules et emporté le soir
Un autre cri comme une patte cassée
Les nuages sont de plus en plus grands
Même les talus étaient plus hauts que moi
Grisés et pleins de mousse molle
Mes pieds rechapaient de la colle
C’est le géant qui s’amuse à tout lancer en l’air
Et tout bouge, et tu me bouges aussi
Et c’est tellement dur de tout garder en vie
Et tout finit par passer de l’autre coté
De toute façon c’est normal
De toute façon il faut étriller la mort
C’est comme ça que l’on voit grand
Tout autour de lui
Il a aussi tout plein d’écueils et d’alluvions
Avec ses petites ficelles préférées
Il joue à couteaux tirés
Nous sommes dans la maison aussi
Nous n’attendons pas
Alors nous sommes bien contents
Puisque la source s’entend
57
Tu sais quoi ?
Quoi ?
T’as perdu !
Pourquoi ?
Parce que c’est un jeu !
Ah ! C’est le casino ?
Non, mais toi t’as des coups de soleil !
Tu vas devenir un autre papa ?
Mais non voyons !
Alors on joue ?
On va construire un train !
Et on va cueillir une fleur pour montrer à maman.
Ah ! D’accord, et je fais quoi avec ça ?
C’est quoi tous ces petits bouts de papier ?
C’est rien, c’est comme dans Adibou.
Touche pas !
Mais qui c’est qui va ranger ?
C’est pas très gentil ça !
Je serai gentille s’il te plaît !
Je veux des fleurs !
Il n’y en a pas !
Alors on lit Momo ?
Momo il est parti sur une île déserte
Il n’a pas son papa, il n’a pas sa maman ?
Ben non puisque c’est désert.
Il ne connaît personne ?
Si, mais pas sur l’île déserte !
Pourquoi ?
Ben parce que… personne n’est venu avec lui !
Toi tu viendras avec moi et tu m’aideras ?
Évidemment !
Me donne un bisou ?
Bien sûr mon coucou !
Il va sur une île déserte où il ne connaît personne
Et où personne c’est un peu sa liberté
Et où la liberté ne s’accorde même pas de palmier
Il aime les couleurs, et l’après-midi il aime les formes
Il ne comprend pas pourquoi on continue à lui donner des mouchoirs
L’île est son établissement public à lui
Comportant des salles de réunion, de spectacle, de danse
Et où même les jeux d’argent sont autorisés
Et il parie sur la mer, sur le vent
Avec des coquillages et avec ses pieds nus
Dans son casino de l’horizon
Il lit à la lampe lunatique
Il peint avec ses empreintes de doigts
Dans le sable ça ne se voit pas
Seulement peu de soldats viennent par là
Et ce matin pas de voiles
La petite magicienne a encore frappé
Elle a fait disparaître les goûts salés
Avec des petits doigts joufflus
Agiles comme des chenilles
Coupe du monde d’asticot
Quelle élégance madame la môme
Jolie panthère de mercurochrome
Émonder de l’impureté des grands
Sur ce tas et dans les autres
Dans un lieu où on ne l’attendait pas
Ce matin elle sentait le chocolat
Avec ses petits pieds tout froids
58
Lorsque je redescends la rue
Je vois des silences pendus
De grands chemins les bandits
S’acharnent au respect de la nuit
Du démêlant dans les yeux
La brume a laissé sa chevelure
Et sur mon cœur en son creux
En brosse dépose sa gelure
Mes chères veines de refrain
Mèches suintées des paradis
Avec les affres perlimpinpin
Cette écartelée, cette étourdie
Elle grelotte et va pieds nus
La soif retournée s’en fout
Et avec ses versos trempés
Elle touche le ciel du genou
59
Après tant de combats internes
Me voici à la retraite du mercenariat sensible
Et comme toutes ces troupes oisives flambèrent leurs pécules
Leur patrimoine émotionnel en quelque goulot de bouteille
Elles restent d’active et occupent l’espace de médiocres forfaits
Que le pouvoir central utilise déstabilisant les oppositions des rancœurs
Mes rebelles rapinent et se payent sur la population des songes
Je prends un mot en otage
Et je lui applique l’ensemble des tortures obligées pour le faire parler
C’est sale oui je sais
Tous les moyens sont bons
Et lorsqu’il me livre son magot
J’écris « vérité » pour avoir mon accent aigu
Et tous ceux qui m’accusent d’avoir remis là une couche
Je les vois bien dans le coin de la pièce
Sur cette chaise brisée j’ai mes papiers
Une petite lampe, je relis mes encadrés
Une étoile de mer collée à une pierre
Ma main cuite à l’anse d’une tasse
Ta résistance est mon antidote
Mon gîte mouvant passe par là
Si on pouvait ramasser les morceaux
Si on pouvait regarder un peu au fond de ce lac
Des bulles de soufre, des sacs en plastique
Et des souvenirs ce soir
Des pêcheurs trop fatigués
Et leurs pirogues enchevêtrées
Sur la rive, de côté, on a tout laissé
Une situation différente
Ou la réalité crachant des flammes
Barre à pression ou greffe par fécondation
Rend même l’utopie efficace
Connaître ou apprendre à abandonner
Sur mon lit en boucle je vautre mes rosées
Le jour pique sa barbe mal rasée
Beaucoup d’enfants qui n’ont pas de silence
Sont laissés informes au fond de la forêt
Jusqu’aux nus terminus des grandes personnes
Et ils sont laissés là malheureux
Comme autant d’assemblages cartilagineux
Je rêve d’un monde sans les adultes
Revers du sort des maladies nouvelles
Ils mouraient tous à leur arrière-saison
Distingués par la forme de leurs fesses
Et la gestuelle de leurs bouées d’obèses
Bruant fou
Bruant jaune
Bruant lapon
Bruant des roseaux
Je cherche un livre sur les oiseaux
À l'infusion des feuilles et des fleurs
D'une saveur et d'un parfum délicieux
Leur vol c’est de la nourriture
Qui procure l'infini à ceux qui en mangent
À cause de l’eau liquide qui entre dans les bouches
Liqueur faite avec un peu de pluie
Du vent blanc macéré de violence
De clous de gargote et de treillis vert
Auxquels on a ajouté un peu de teinture de muscle
De l'eau et de la canne à sucre vocifère
Les ambrines créées artificiellement,
Par ce rêve lent des temps petits
Des églises figeant l’humanité
Leur cri se répand comme une sève
Vos récoltes on les a déjà ramassées
Lentement comme un enterrement
Et vous vous laissez faire
Et vous prenez les armes
La nuit, cette nuit ressemble à un pansement sale
Mes illusions en rangées bien serrées
Comme une lignée de fusées
Dans ta voix, il y a des petites fées qui chancellent
Avec toutes leurs richesses en pactole
La mort caresse le sol
60
Nous sommes vendredi, et je ne puis décrire ce flot de sensation haletante frappant à la porte de mes sens. Ce que j’apprécie le plus, c’est la voiture. Le seul instrument relâchant mon attention sur des futilités de rue et sur des malheurs de trottoir. De longues ribambelles de grandes filles lascives parcouraient les rues nonchalamment, comme pour aller à une fête. Le cahier sous le bras, la blouse blanche en étendard, battant le pavé, certainement discutant du dernier soap brésilien. Le soleil distribue un flash permanent, amplifiant l’effet de la poussière en fusion. Assis sur la banquette arrière, portières et vitres fermées à déguster un climat tempéré coordonné par le moteur six cylindres du 4x4. En poussant l’autoradio un peu plus fort et en admettant que le soleil se mette à clignoter, tout aurait pu ressembler à une grande discothèque désordonnée. Le passage des autres dans une foule de nuits articulées, de pluie de détritus. Des gens qui ont des têtes pilotées par des motivations que l’on ne comprendra jamais. Le vent balaie tout ça, sans apporter la moindre fraîcheur. La rue avec ses airs d’activité énergique n’en est pas moins un ronfleur endormi agissant inconsciemment, comme dans un sommeil tourmenté. Des files de voitures bloquées aux feux rouges. Tout autant de notes absentes du lexique des couleurs s’enchevêtrent indépendamment, dans les carcasses de voitures au métallisé centenaire, au fluo des pare-chocs. Dans toute peinture, la couleur s’emporte grâce au pinceau, objet en fait représenté par la robe grise des fumées d’échappement vieillissant le visage des personnes et plus particulièrement leurs joues congestionnées par les flashs du soleil crépusculaire. En bref, la fumée se balade les yeux écarlates, les cheveux gingembre votant à droite et à gauche des bulletins blancs sur tout ce qui passe et sur tout ce qui peut s’adverbiser. Un adjectif femme cela ne va pas à tout le monde, dans la gamme des origines végétales la ville a oublié son fard, elle fait plutôt dans les cosmétiques de type dentifrice ou mousse à raser. Avec ses automobiles, ses transports paraplégiques, l’incandescence imaginaire, la nuit de ses lampadaires, elle finit dans ses colères quotidiennes par troquer son charme pour de la honte. Sous son ciel flamboyant, elle a le coup de rouge mauvais.
61
Une brique d’idiomes attachés au cordon de la soutane d’un cardinal à poil devant ses tomates. Après avoir couru longtemps, une poule lui apporta coincé dans son bec un coquelicot. Le sang de l’ecclésiastique ne fit qu’un tour, il écrabouilla le cerveau de cerise du cher ovidé dédaignant l’invitation botanique, jetant sa robe sacrée tachée dans le trou d’un égout. Deux mètres plus bas, comme un obus réfugié les loques font leurs malignes alors que les fibres se déchirent et se percent de signatures de mites. Rien ne marche correctement. La perforation biaisée des passoires, le chat de l’aiguille bouché, il ne peut rien créer, même le trou de la couche d’ozone, il n’aurait pas pu l’inventer car on lui vole jusqu'à sa pollution. J’ai un manque dans mon emploi du temps. Généralement, à l’école, j’en avais beaucoup, c’est peut-être là que j’ai commencé à m’intéresser aux déficits sans le savoir. Sous les tropiques, les gens n’ont pas tendance à se casser la tête, mais là il n’y a pas de danger que ça arrive. La population est mise en prison, il n’y a pas d’aération, l’air ne circule pas. Seulement les balles, les mines, et les bombes assistent à des réunions avec les anatomies. Des décisions sont prises et l’on tue, ampute ou déplace. On pratique le graissage de mémoire et la digestion de l’astronomie afin de faire croire que la terre est plate. Comme un chat borgne qui pue la cigarette et souffre de ses instruments de musique. Une serrure étrangère est mise sur la flûte du pétrole et sur les souffleurs de diamants. L’opéra est pourri de vers et les souris galopent dessus.
62
Est-ce que l’on se souvient
Le long du sentier
Les bois et les prés ?
Sur tous les sujets ce feu dévorant
Laissant un vacarme assourdissant ?
La composition ou plutôt la friction
Sur le clavier des touches de la passion ?
Les voleurs courent toujours
Les lignes sur la paume labourent
Ce n’est qu’une autre sorte de ride
Notre trajectoire est aussi vide
Vide et aléatoire que celle
D’une plume laissée recèle
Au gré du vent et qui tombe exprès
Le temps ne s’écoule pas après
Il se propage dans tous les sens
Et contamine avec décence
La plume se pâme en l’air
Laisser courir, laisser faire
Une vie, c’est pas une ligne
C’est un peu pareil la vigne
Chaque ramille des veines
Et des capillaires de la peine
La jambe, la jambe en surface
Avec ces varices vivaces
Derrière un long bail
Payé d’artères brailles
Pour être en vigueur
De ses intérêts de labeur
Fermer les yeux puis respirer
Respirer
63
Avec toutes ces vapeurs de Cologne, le chaud nous lave avec du dentifrice. Une mer minérale et gazeuse, au naturel de plate-bande oxygénée. Un parfum piquant de Javel, comme une rose plate et lourde. Un savon de Seltz pour sucrer le tonic des forêts. Ô ma nature, je vais te dessiner un joli bec-de-lièvre pour ton ciné. Nous sommes de la même eau. Voici notre souterrain, notre sang thermal quotidien, notre territoire usé, notre égout. Un verre sans pluie, au bord du robinet je vois, la goutte au nez, à la surface de la boue, une source jaunâtre qui sort sa tête. Ça coule, alors je tousse un peu. Nettoyer tout cela à grande vitesse, en trois centimètres d’émeraude de la plus belle rage. Là-dessus, tissez la détresse et mon âme, dommage, reste à la centrale. Dehors, les fleurs ressemblent aux couleurs des chaussettes blanches le soir. Les arbres sont comme des incisives malnutries dressées sur les ponts de navire mat. Obèses barcasses en mal de devenir, les voiles ballantes dans des ports chauves ou mal cousus. Alors le ciel est mort, sa patte-de-loup prise dans un piège de sa race. On lui a aussi fait un trou du cul au milieu du ventre. Les hommes ont finalement dominé leur innocence. Avec leur réputation sanglante dans leur cellule, ils n’additionnent pas à la fin la somme au total des calculs. Je pleure les vierges verdures aux pages embroussaillées. Je pleure à la quinzaine du blanc parce qu’il faudra laver jusqu'à ce qu’il gèle, et nos mains crépies finiront en vrac dans un baril de lessive. C’est triste comme du Tipp-Ex. Le temps est mort lui aussi. Le sablier disperse cette moisissure saupoudrée, sorte de neige botanique qui dans tous les sens frappe à locution armée de ses projectiles offensifs. Et de cette musique de baleine microscopique, notre peau ne cicatrise pas et se couvre de rides. Cela se déploie comme une toile d’araignée entre les pores, un peu comme un vêtement que l’on porterait constamment. Lorsqu’on se regarde, parfois, on a un peu le même sentiment qu’en lisant un polar qui tire à sa fin.
64
Rester là, quoi, en s’abstenant du meilleur comme du pire, et n’exprimer que de flegmatiques preuves de toutes les occasions perdues. Il y a belle lurette que la tristesse ne s’exprime plus. Garde la rancœur de ta douleur dans ton cœur. Le pacte est scellé, levons nos verres ! Je partirai des lampants de terre, je menacerai la lumière et sa violence. Et son regard vu d’ici comme un disque, un cercle enflammé de dompteur affamé. Fauves nourris des croissants du matin, vos nouveaux rugissements s’entonnent à la face toute ronde et distraite de la réalité. Avec son caractère de chose et d’invention et ses manifestations se déroulant à la place de la mort. Poliment, gênée, pesant ses longs moments d’hésitation après tant de siècles à travailler, marcher et souffrir. Des faits divers pathétiques et d’autres dramatiques à garder, à réduire, à empêcher de s'exprimer ou bien tuer, réduire, bouillir. J’en ai marre du mal, ça me fait peine aux doigts des mains et des pieds. Dans bien des cas, la réalité est sans importance parce qu’on oublie toujours qu’on peut la changer. Mais ce qu’il y a de bien avec la réalité, c’est que garder les mains en l’air permet de ne pas trop avoir les pieds sur terre. Le réel s’évapore comme un paquet perdu dans la nature, sa matrice affinée. Les lois des choses n’aident pas à comprendre toutes leurs longues complications. Même lorsqu’on ouvre les bras infiniment, qu’on tend les oreilles à foison contre une merveilleuse couleur que l’on trouve au contact vivant d’une architecture grimpante bien intégrée au climat hostile ou sauvage, en pleine passe d’une découverte généreuse et impulsive équatoriale à révolutionner la technique, à rassurer par ses propositions, et je te vois passer. C’est anxieux, robuste et à la fois fragile. Cela tient au voyage même et toutes ses offres déséquilibrées d’aventures colorées d’après le plus petit dénominateur commun, plus petit, plus vrai, plus rapide aussi. La vraie nature, nous n’y pouvons rien, et je vois bien là l’intérêt à te voir passer. Ton petit sac de cuir qui revenait tambouriner à demi additionné du tact de tes rubans de parfum, comme des suivez-moi-jeune-homme que l’on voudrait connaître et effleurer du museau. Tu es passée pendant la pause, la conversation fut entrecoupée de musique. Et dans tes yeux qui me parlent, j’ai vu dans tes propos mon développement personnel et toute mon intuition. Je sais, tu as considéré mon âme dans sa partie la plus fine. T’as fait tes études comportementales au clair des enfants du monde et tu reviens changeant de refrain en nous barbant de tous les phénomènes de l’amour. Tu as les signes distinctifs de certaines espèces rares chez qui il existe l’une des plus élégantes subjectivités des sentiments. Toi qui connais la nature ; par le fond de ta paume lisse sans fin, jusqu'à la fin de ton bras, camp de base de ton sein ; tout comme ton existence. Toi qui connais la nature et la matière propre, dis-moi donc la manière de présenter des états de conscience. Et comment faire pour que l’ensemble de mes idées accumule l’aptitude à aimer ? D’un crémeux mon féminin se glace, et ton suc que l’on appelle laiteux, de plomb, de zinc, m’empoisonne tendrement les terminaisons nerveuses. Te montrerai-je que j’ai du vague à l’âme et que je suis malade de ses nombreux puzzles ? Las de jouer avec des fils qui lâchent, tu m’as montré des recettes neuves de tisserand et j’asticote les pelotes de ta peau au bout passé d’acier comme un amant d’argent que tu aurais mal regardé. Tu es ma dégustation culinaire de volaille rehaussée d’eau-de-vie de céruse et tu as fait revenir tes envies de poireau, de bœuf battu. Et tu dévales la cuisine en tirant à coup chargé, à nom masculin singulier dans tous les jeux d’échecs où les héros se suicident à grands coups de retard. J’aime les dames qui gagnent au billard, je me retourne et je vois que j’ai acheté ton livre et ton manuel d’intimidation des bars. La nuit restera ouverte et je lirai tes accents dans le fond des verres, j’irai pêcher de mes doigts jusqu’aux rondelles de citron. Je sucerai ton nom et tes rimes jusqu'à la soûlerie. Lorsque j’aurai bien bu de tes feuilles, je fermerai délicatement tous les folios. Je garderai le tien bien au chaud dans ma poche revolver. Et j’y remettrai ma main bien souvent afin, comme dans un buisson de fleurs, d’en extirper les vides malsains et tous les dogues du matin. J’y reviendrai demain et puis le jour d’après, et le suivant encore, et ainsi de suite jusqu'à la fin. Jusqu'à la fin, lorsque le sol épuisé de nos efforts communs ne pourra plus présenter à nos racines, encore tenaces, que des pierres lâches et des regrets et des remords de tous ces instants que l’on ne demandait qu’à fleurir. Puis enfin l’aridité nous emportera dans la mort, et la légende des abeilles qui transporteront nos amours dans des boissons délicates perpétuera à l’infini de la mémoire noire notre dernière note dans le jus de fruit de la vie.
65
C’est juste ce que je conserve d’un grade horrible que ces années, comme une garde pas encore très claire, m’ont donné de tant de captivité, d’école, d’armée. De l’enfance qui se cherche sans le savoir et qui ne reviendra jamais, de ne devoir qu’un souvenir confus sinon se perdre, s’effacer. Ôter un nom d’une liste, une trace de tout un passage. Les instants s’inscrivent en une flopée d’images dans la mémoire. On ne peut que rester de quelques faiblesses, de quelques répits dont on ne devrait pas douter. Se rappeler, envoyer une carte de temps en temps, le voyage, croyez-moi, donne des boutiques fidèles et offre les meilleures plongées, insolentes, sur mesure, à la dimension de ce qu’on est prêt à accepter. Un peu comme un poste radio ou de télévision qu’il faudrait régler afin d’avoir en projection de cinéma toutes les prises de vues au bon moment, lorsque le vieux couple photographique et électroménager copule sur le carrelage pornographique de nos pays oubliés. Si l’on imagine ce qu’on pourrait faire avec un téléphone, on hésiterait à mettre les dents dessus. Une bonne veille virée, ça nous passe des digestifs de conscription sous la table, ça nous envoie des dodécaphonies circulatoires un peu partout dans les capteurs phonatoires. Avec les yeux, les oreilles, le nez aussi, je l’ai déjà dit, on respire. Avec parfois des critiques de notes funèbres, on s’attachera à de petites chambres sous les palmiers interdites d’entrée. L’hôtel sous les tunnels du firmament où avec l’aide d’un peu de souffle des méridiens et à la lueur des carrefours de David et du berger, filante, jaune, de mer ou polaire on peut observer les belles inconnues à cinq branches et plus. Précisément les paupières closent, on brouillonne vite fait avant le grand décollage paradoxal, des cartes suspendues sous d’autres Dali plus cléments peut-être de Toscane ou de Guadeloupe. On s’imaginerait toutes les choses claires et dégagées d’Afrique mais aussi les supers orages qui font bouger la plaine et trembler les portes du train. Tout est là. Le royaume de notre Père qui est ouvert tous les jours et surtout le dimanche, est témoin de tant de remerciements, de carrières réussies et de remue-ménage sur terre. Il met son grand chapeau à rebord, ses lunettes noires. Il prend son verre à boire, des allumettes de cow-boy, il ouvre son paquet de clopes, et là c’est sûr, on s’en amasse plein la poire. Qu’il pleuve, qu’il vente, par beau temps ou qu’il fasse froid, les prévisions se font en un instant. Un beau gris sale, merveilleux comme un cochon, nous empêche de sortir. Puis tout se met à l’orage vu qu’il faudra par mauvaise vue sentir tous les tours de son désir. Tous les sens tourneront de grêle et dans leur fuite, des mains effaceront les charmes avancés à la poupe. Debout sur le pont, aux trois-quarts du chemin seulement je t’en parlerai. Tu comprendras bien que l’installation a été plus longue que prévu et que la fouille a paru interminable. J’ai dû ranger mes affaires pour ne pas disparaître. Je n’ai plus beaucoup à me retourner. En un rien ça existe l’espoir en pleine lueur, faible de trouver une solution et de te lire bientôt. Sans de grands renouveaux, au top tu es la seule musique de jeunes. Tu descends de l’ambiance du haut bassin du fleuve et tout est réglé classique avec ta sacrée frite folklorique. Juste avoir tout juste dix fois, cent fois pour déjeuner des enfants qui prennent à mi-temps toute la lumière qu’on leur remet. Mais rien n’est prêt. Un hamac se balance doucement pendant les longs après-midi d’un week-end. Déjà on s’imagine sur cette couche bivitelline. Deux silhouettes fines et comme un jumeau sortant du nid, siamois qui se dévêtit, courant larve et poli vers l’océan infini. Et ça nage avec précaution comme les poissons dans l’opulence et le bonheur entre deux eaux. Tu cueilles des tomates que tu essuies avec ta robe transparente à contre-jour. Tu fais ta petite algèbre dans le jardin et je te regarde jusqu’au matin.
66
À toutes sortes de plaisirs
Il y a un bac à gage
Des balançoires de désirs
Et un petit tunnel sage
Une cage à pensées
Dépôt de beaux cajous
Ses ailes au tourniquet
Et des toboggans doux
À escalader des rondins
Des gros et des p’tits
Nos amours moyens
On glisse on se salit
On saute on rampe
Que peut-on emporter ?
La raison qu’on trempe
On grimpe pour s’amuser
Une cruelle et son seau
Des pans satins à roulette
Un falot sur son vélo
Ou était-ce une trottinette ?
Que fait le jardinier ?
Il ramasse les feuilles
Traînant dans les allées
Des papiers en deuil
C’est lui qui arrose
Bien propre le square
Les pelouses et la rose
Aussi reste aussi noir
Mie, pourquoi périr ?
L’automne tu cours
Tu te sens mourir
Le vent au secours
Tu fais bouger tes bras
Mieux ça te détend
Tes jambes entrelacs
Et miennes lentement
Au loup à chat perché
Bise des hirondelles
Tu aimes bien jouer
Aux règles naturelles
67
Comme ça bouge
Chaque branche avec son corps de feuille
Développant son frémissement
Comme des vagues au fond
C’est le vent qui continue son souffle
Il respire sur les eaux
Et fait sortir les oiseaux
Des fleurs qui ne fanent jamais
Ont retrouvé leur mansuétude
Les gouttes donnent des sous neufs
À leur mouvement de lots
Glissant sur les pétales
Comme des draps en plis
J’incline des chaises
Et la terrasse s’inonde
Cette grande nature adulte
À des gadgets de faune
Et des rêves d’ozone
La puissance dans les brindilles
Et toutes les brindilles chantaient
Des baleines, le volcan sur un banc
Son blazer de pierres et sa belle coiffe
Sous ses cheveux feu
Le chauve fait ce qu’il veut
Il s’en va à l’école des millions
Des millions d’années de fumées
Les cendres sur la mort
Une boutade pour conjurer le sort
Les nuages adossés à ses boutons dorés
Le temps passe au galop
Sur sa route un chien sot
Abandonné sur la chaussée
Le malheureux protège son ventre
La pluie le bat seul
Les toits soulagent leurs larmes
Un ange affligé dans le pan d’une robe
Les bidons jaunes débordent
L’orpailleur et son maillot du Brésil
Les munitions repassent le bruit
Éliminer les ourlets d’une vie
À chaque pas le mouvement de la danse
Sa rengaine de laverie qui s’intensifie
Le lac se réveille sans snel
Les femmes sont belles
On dirait qu’elles sont enceintes
Tu as ré-imaginé mon dictionnaire
Derrière la fenêtre
68
Femme de marée
Ta houle hurle
Voix des vêtements
Ton corps mouille la vie
Et tes rêves qui la font
Devenir comme un métier
Des années de tours
Mentir très près je le fais
Objet d’active sainte
Des enfants aux amants
La charge de la barbe
Un cœur dans une chambre
Ce sont mes allantes
Des affaires entretenues
Ses faciles mouvées
Fatale joncée galante
Une lettre d’intérieur
Foule descendante
Une journée cueille
D’écueil palissandre
Accueil d’écorchés
Des coquillages pointus
Ce regard de fruits
Cette louange sur ta joue
Ton visage au tamis
Ou ce jus d’antan
De pomme ou de citron
Comme un long rond
Le vrai familier
Découvert de lit
Le frai léger défait
Mijote une question
Tu poses remerciée
De je ne sais qu’elle
De cuisson, de principe
Réapparaissent les temps
Le goût du bon sens
De ne devoir comment
Arpenter la maison
Le joli quartier
Le comptoir argenté
Se bombe de la scène
L’examen de l’ordre
Alphabétique remisé
Et la crasse bille
Sur ce croissant de classe
Joule fil ligne
Et des paquets par terre
Mon ambroisie file
Des feuilles à poil ras
Que l’Orient nettoie
Haute laine au quelconque
Oh mécanique de baignoire
Prière roulante et rouge
Nec oh mon âme
La pierre se joint
Les notes froides
Congèle ce refrain
Mes mains sur vingt
Droite gauche se laver
Marcher dans les poches
Saluer quelqu’un d’un signe
Elle est arrivée la preuve
Je te l’ai redit ce matin
De ma plus belle
De ma première
De ma seconde
De mon infini
69
Derrière la lorgnette
Les cyprès dans la pénombre
Immobilisent leur silhouette
Masque, rideau des ombres
De l’air ou de la lumière
La nuit ne laisse pas le choix
Le soir ma froideur réitère
La gaieté ne précède pas la joie
Et artificiel le bonheur
Somnambule de mon cœur
Soutenant la cadence
Dans la rue à contresens
Déambule, va sans recours
Je n’entends bientôt plus
Ces cris d’enfants dans la cour
J’en ouïrai d’autres, perclus
J’entendrai d’autres silences
Les doigts gratuits posés
Devant tant de souffrance
Comme un visage prostré
Le vent alléluia repasse
Tous les jours le maillot
Mon âme est une impasse
Le monde est un salaud
70
La faculté de développer la science reste un organisme de pensée in vitro. La surveillance de près de la réalité est une affaire d’entreprise en voie de pays. Des événements connus pour leur fort développement de l’expansion de l’économie influèrent sur ces années de pleine industrie où les villes et universités, faiseuses de chômage, mentent à leur adage. Dans l’absurdité de la croissance de mouvement, de fraude, et in fine d'investissements du regard voilà de beaux bla-bla-bla stratégiques, produits techniques du mensonge institutionnel. Croyez-vous au développement de produits nouveaux, aux détails apparus ? Simple réduction du sujet ? Le thème en question est d’entrer dans une oasis comblée de remblais. De solides fonctions mathématiques d'expression de distance, comme une simplification algébrique du cynisme. Ce n’est pas nous le vendeur d’eau, ce n’est pas nous qui marchons dans la brousse, qui poussons le chariot, qui tendons la main, dormons dans les égouts, faisons la queue et crevons de petits creux. En cyclisme, la révolution, c’est qu’avec un petit développement, on grimpe mieux. Dans la réalité, c'est impossible car cela fait partie de notre quotidien ; d’où le problème dans le caractère du réel qui indique que la marche, faite de boucle, est un projet de rêve. Une autoroute, pas une voie royale. C'est déjà une autoroute, toujours devant, sans tenir compte de toute autre considération. Être confronté à la confiance, en face, déterminera bientôt l’audimat de nos émissions préférées. Lorsque la branche ou le premier os furent levés, l'embryon du langage édifia son chemin. Mais voici maintenant que la passion du silence m’oblige à baisser la main. Le silence des sens. Rien, l’absence fondatrice de l’insignifiant. Ce trou noir, ce chaos est en fait un espace si méthodiquement organisé qu’il n’implique aucunement de formulations pour le fonctionnement de l’entendement. C’est pour cela qu’on ne le comprend pas et qu’on peut lui faire tout dire. Oui, comme unité de valeur c’est un peu différent. En d’autres termes, le temps, l’homme se mesurent sur des échelles de poussière. Tout cela n’a pas la même valeur. La valeur, ailleurs, a un autre sens. Le bien, le mal sont des données bien naturelles. C’est l’homme qui les nomme. Le mal n’existe pas dans la nature. Le bien, lui, s’arrange toujours de la vie et de l’amour. Deux notions naturellement toujours sincères et simples, se déclinant infiniment au bon gré des us et coutumes des espèces. S’unir, se désunir n’a que bien peu d’importance puisqu’il faut bien perpétuer la race. Nous, on a tout de même la chance de ne pas toujours être obligés de se reproduire. On vit un monde intéressant.
71
Qui aime bien châtie bien.
Qu’est ce que ça veut dire ?
Ça veut dire que parfois,
Lorsqu’on aime bien quelqu’un,
Il arrive que l’on passe plus de temps
À l’embêter qu’à lui dire qu’on l’aime.
Pourquoi ?
Parce que parfois, l’émotionnel l’emporte sur le rationnel.
Et c’est grave ?
Non, ce qui n’est pas grave c’est que l’émotionnel l’emporte toujours.
Mais alors, ça ne veut rien dire ce dicton ?
Non, ça ne veut rien dire, mais on le dit lorsqu’on n’a rien d’autre à dire.
Pourquoi tu te tais ?
Je ne me tais pas.
Et je te parle, car le silence est là
Et dans la nuit, la manifestation du bonheur
Se déroule tranquille comme
Des chants d’oiseaux qui explosent
Dans le contre absolu de la mort
Un peu s’il te plaît de ce pôle
De cette gêne pesante des mois
Garder dans un mouvement ta passion
Passée sous quelque chose de l’été
De longues conversations entrecoupées
Des idées frivoles étendues
Au coin d’une cheminée
Ce ton léger.
72
De ton féminin pérenne
L’homme aspire son dépit
Immense faire-part du bonheur
Parsemé de couronne de bijou
Gésine de fleur amarante
Et le bal du décès gisant
Du côté des eaux artificielles
Un désert d’attention, chute de pierre
Tes champs composés se portent
Comme un chapeau de jeune fille
Avec ses volatiles, ses avions, ses vergers
Tu broies des farines de lys
De soufre, de palmier
Abstrais ta galerie hébergée
Crée des parfums en consommé
Et la manière s’exprime de nuances
De convaincre, de plaire
De parler pour ne rien dire
Le mime compromis
La solution s’étreint
De plaisir affairé
Dont la tendresse cache
Les pots-de-vin des yeux
Des scandales d’amants mariés
De leur faim éclatée qui arrive
De leur opposition à la presse, à la bourse
Les gens qu’on étouffe
Tu lis mon charme dans un journal
Au bord des matins intimes
Des soirs à la mode
Traité officiel du futur
Pensée de la vie quotidienne
Des fonctionnements comiques
Avec tes coloris entrecoupés
À la cuisine végétarienne
Comme un dialogue passager
Oui je te suis
Je te biffe tous les jours
De jus d’orange, d’amour
Sanguine fardée de lumière
Le jour un doigt levé
Talque ses membres et te demande
Car tu souris, l’ombre s’enfuit
Et se soulève de tout un soleil
À l’arraché c’est aujourd’hui
Que s’ouvre l’heure du réveil
73
J’ai trop partagé de rêves avec des gens inconnus
Des airs en retard, des mimiques pas très belles
J’essuie des ardoises
Et des tableaux de plastique blanc
Du genre de ceux que l’on a dans les écoles maintenant
J’ai mes comptes, ça ne s’arrange pas
J’ajoute mon addition de tout un calcul d’émotion
Et sur mon billet je n’ai ouï aucune destination
Je me retrouve sous des patios ventilés
Des paillotes dans des paroisses calmes
Et ça chante toute la nuit
Je n’ai pas pu avancer vers elle
La lune parfois est un astre dépassé
Il est des fois où la nuit n’est pas nocturne
Et où la poésie dépend des cornes d’argent
Du front du flambeau où les reines croissantes
S’endorment au terminus, à l’orée des fois
Des fois la ceinture ambrée des palefrenières
La foi se dépend du son des étoiles
Il n’y a pas plus de phrase que de nouvelles aurores
Aussi plus rare déclin de la lune
Cette dichotomie quadrilatère au décan
Et dans son premier quartier nouménal
Je ne comprends pas bien ma phase
Un quartier de pomme mais tout inégale
Des quatre parures de certains fruits
La division naturelle de mon ressentiment
Comme les cuisses de la cavalière
Des ensembles ascendants
Des deux pièces de la tige
La botte qui entoure le pied
Lumière cendrée de décours
Intercalée d’années caves, je vois
Les vieux satellites d'autrefois
Car de nuit, de clair de nuit sans rousse
Gibbeuse et périsélène
Alysse interstellaire de ton pagne
Et de ton âge, épacte du nombre d'or
Depuis que ta naissance mesurée
Cycle d’éclipses, les lignes d’évection
Et de sentiments très intenses
La tendresse éprouvée
De relation, de mouvement
Et ton goût très marqué
D’un ensemble régulier
Indéfiniment sans dépense d’existence
De manière à se mouvoir, à se vivre
Un produit de geste, de vitesse
Au point de non-retour
Les parties de ton corps
Comme un soulèvement
C’est la colère généreuse et vive
Et dans ta dynamique
Mon arbre à lait s’invite
Que la forme, substance blanche
En se découpant du monde
Sur le ligneux hâle
d’un débouchoir d’air et de soleil
De branches et de feuilles
Le vent de l’automne ronfle
74
Ce cri annonce beuglant
Le ton vieilli de la chaleur
Les couleurs crevotent
C’est un cri de douleur
Puisqu’elle donne sa parole
Les sens nus sous les fragments
Sur l’œil telle absorbée ou réfléchie
Au prétexte de disposer du jour
Lassée de toutes les épreuves
L’avènement des nuages
COMME ECRIRE EN MAJUSCULE
Les promesses du linge de maison
Des tubes tombent et se brisent
Des boîtes explosent en néon
Des crayons se plantent
Dans la campagne à voix basse
Elle prend du bronze et colorie
De son tarot bien gardé
Des atouts cachés d’apparence
Brillant d’un éclat, d’une rivière
Son doux cœur perçant, rougi
Et à voix très haute
Elle crache ses clameurs
Ce soir avec sa gamme alizarine
Dans sa grisaille de kérosène
Elle passe frigide, rare
Le canard s’apprête onglé
Borée de cryptogramme
Sa frilosité tangible
Comme un uppercut glissant
Sur la glace du lac
Voilà qu’elle t’entrelace
Tremblement de crevasse
Sous tes hautes latitudes
Sous tes charmants angles
La verticale s’installe
Et ses voisines détalent
C’est un primat conseil
D’équerre le climat
Complète vers le sud
Un peu plus d’excuse
Mais tout était prévu
De la peine ou de sa suppression
Juste là pour ne rien faire
La fenêtre rempart de l’hiver
Remonte, remonte
L’édredon garni des rêves
75
Les rêves se séparent hagards
De leur coquille de buvard
J’ai eu par cœur le bonheur
À reconnaître la patience
D’un visa d’expérience
À se servir de l’amour
Lorsque ton téléphone sonne
Ce n’est pas si facile
La joie carne et vile
Les halos sont percés
Et comme un grand char
Réjoui, opulent d’une quête
Tes petits paniers à claire-voie
Au carnaval des fêtes
Et les dates qui correspondent
Tu as des mages dans ton calendrier
Ils se servent des vieux refrains
Ils font avancer dans mes allées
Des rois du manifeste mannequin
Des extravagances grotesques
Au point d’épiphanie là-bas
Tant de particules pulvérulentes
À la grande ruine couverte de cendre
Sourdement le jour avant d'éclater
S’empile en strates meublées
Tu n’es pas triste
Je n’ai plus froid
Le chaud transpire dans un sourire
Et dans cette sensation profonde
Je sèche tes larmes, moires
Ton corps d’ébonite
Passion brève dans le rite
Foule le grain des étoffes
Une goutte de café noir
76
Savoir comment l’encre
Bâille des poivres de mouche
Un mot mieux que mal
La lave gèle le soufre
S’écoule de forme certes
Mais aussi des signes toujours
Avec leur petite hermine
Leur réalité qui passe
Comme une caresse à abstraire
Ou la conjugaison d’un cheveu
Je te ferai des picotis en latin
Oh ! Tant liée la neige
Le temps s’en va et blanche
Forme des cavales
D’autres abatis parvenus
Tomber au bar de la plage
L’eau se gratte et me crache
S’isoler maintenant et n’être plus
À certains emplois impersonnels
Utiles ou bien conventionnels
Et dans ma chute d’inattention
Je souffre ma perte et convulse
Un moment de mémoire
Un arrêt pendu dans son théâtre
Ou dans sa lumière ordinaire
Une nouvelle brutale et brève
Les prisonniers du boulevard
Avec leurs marionnettes en plein air
Qui se servent d’ombre de verdure
Et dans leur bière qui mousse
Fermente quelques racines
En attendant que les tiges
Et la tourmente agassine
Contre le mors soudain
S’en prennent à la raison
L’amour s’ingambe
Des activités de la cour
L’absurde classique
Aune antique et burlesque
De la corne la dernière goutte
Glisse cuite comme seine
Et mon sang souvent
Se pêche, racler les veines
Les poissons du corps
C’est au-dedans la peine
77
Elle rit
Sa voix fondue
Respire chaude
Histoire de rire
Les ongles faciles
Je suis tombé des yeux
C’est mon corps café filtre
J’ai mal au crocodile
Et les roses aux clos de ses cheveux
Car son chiffon d’enclos
Avec ses troupeaux au galop
J’ai suivi des arbres
Accroché mes câbles aux branches
Giflé des antennes aux cimes
J’avais sa chevelure encastrée
Comme un souvenir déployé
Aux yeux tirés de charme
Sur ses épaules, sur ses argots d’ange
Et ça roule et ça coule
À remettre un navire sur mon dos
J’ai figuré des bungalows
Inondé les voisins d’estragon
Le soleil de lumière
Couvre de sueur le sang
Le visage comme un bain public
Et ton joli marché
Des commerçants du fleuve
T’as des produits écrits
Choisi de pluie ton parapluie
Le torrent fin du jour
Vagit incertain de tremblotine
Battantes les saisons du temps
Jettent le riz, l’orage fini
Dans des bouillons sales
Et c’est du bord chambard
Je regarde mes mains pâles
La tête dans tes seins
Je me noie vantard
Je ris comme le tien
78
Au milieu du jour, lacet de résine
Le spectre sensationnel de ma voisine
Fleurs de neige et poussière de lait
Pellicule de larme suave ou duvet
Son châle de raisin jaune au dos
Ambré son torse ouvre le rideau
Qui porte un rein sur ce tracé
Je bois mon mal bon marché
Et je vois ma nuit vers ce cépage
Dans son métal pâle le mariage
A l’extrémité rousse d’un fruit
Coquelicot mâle cherchant une amie
Les braises encore chaudes manifestent
Les tissus foncés aillés de sa silhouette
Comme une incandescence encore
Vol dit-on des cheveux dans l’effort
L’aurore demi-sèche pétille en brûlant
Des petits bruits d’alcools amusants
Fraîchement débouché et rose
Les oiseaux passent moroses
Matin d’eau douce dans le ciel
La nature dépourvue de sel
Flatte des saisons rythmées
Chantant d’un long vif éclaté
Là où un fleuve délicat lèche
La plaine de sa laine sèche
En cachette des souvenirs
S’étirent avant de mourir
Sur les pentes où frémissent
Des rêves caves qui obéissent
Aux vêtements de sable mouillé
À ce climat de vapeur déguisée
Un endroit frais de lampions
Noix de légumes ou saucisson
Les mets pavoisent une lueur
Bruit mou comme du beurre
Un claquement résonne perdu
Une impression vive, un œil ému
Des avances de goules recluses
Que ton tranchant merci refuse
Une paire de guitares à l’air ouvert
Aux prises avec l’adversaire
La musique ce matin toussote
Dans ta peau le pain perdu grelotte
Les bras longs de ta robe Venise
Sa coque rebondie de marchandises
Sombre avec son équipage, ses passagers
Flotte au loin, se moquant du danger
Avec ses campaniles ronds et calleux
Reliés des gaines d’or de l’ambitieux
Pigeonnant presque muse en bouche
À cette sensation d’une escarmouche
À celle du corps, le soleil est à midi
Il risque de se produire un conflit
Alerte, le printemps s’attend à des grèves
Profond dans ton manteau qui s’achève
Sous tes mélanges différents d’alcool
Cahiers cousus d’avance, ton apprêt fol
Crapaudine de luxe en demi-deuil
L’étuve que ton charme veuille
Entretenir à voix basse entre deux
Deux grands minuits pour les chanceux
Dont les actes commémorent la coda
Comme une lumière qui s’éteint pas à pas
Petite ronde luciole d’envie bien faite
Aimer les plaisirs de la cuisson d'assiette
À langer des nuits au chevet des matins
Dans des criques dégarnies, des baladins
Glapissent sous des chapiteaux de drape
Volée de loups dans la chambre s’attrape
Passé léger aux chœurs des concours
Viens dansons ensemble mon amour
79
Une pêche, une gousse
Ma mie, les graines
Salades raides, les drupes
Fraîches des saisons
Puis séchées lentement
Arrosées de sucre
Croquantes, cuites
Légèrement paisibles
Confit d’espèce qui rouspète
Les pommiers nouveaux
Que les choses donnent
Presque toute l'année
À la grâce des possédés
Dire les mille et les unes
Des mers égyptiennes
Mes grands vingt dieux
Sur les terrains secrets
Vêtement des éléphants
Ventre chaud de la danse
Portemanteau géant
Il pleut sur les planches
Le man blanc dérange
Lorsque tu t’en vas
Ton parfum reste là
Le secteur des fleurs
Un flacon de sorbet
Agréable arôme
Atome oiseau
Et vingt-cinq ordres principaux
Beaucoup d'entre eux
Couvent leurs œufs
Dans des nids
Arbres, sol et marécages
Divers bavardages
La parole dans tes yeux
Regarde qui s’envole
Le vent agile
Les mots en l’air
Le bon évangile
Mais tu es fragile
Mon petit colibri
Qui calibre la nuit
Dans le ciel
Un mélange de fruit
Une cueillette
Mange le soleil
80
Bouge, tu dessines ton âge
Sur les draps, huile, coloriage
Carte de femme tu dors auprès
D’un paysage de bien malgré
Cette basse humblement dans ton corps
Cadavre mou au-dessous de nos airs
Tu gardes ta haute figure toute mouillée
Tu me lances des entrechats d’en bas
Avant d’être suspendu à ton ronron
Me gratter la voix, la voir rasée, sortir nue
Sans rien sur la face, dire d’un coup
Salut p’tite bille abyssine
Tomber sur le lit, être tombé là
Visage d’une bonne sale matinée
Tu fais ton mauvais caractère
Chercheuse de lecture ou firmament
Avec tes projets pleins ta hotte
Avoir envie de faire, être
Ton visage vêtu de secrets
Poser ma lèche, cacheter des enveloppes
Dénoncer des aveux en rongeant
Regarder avidement prononcer les mots
Des yeux abîmer les morceaux
Cette affaire longue comme ça
Tu as une si belle brasse
Si tu avais vu ta vie
Tirant d’eau t’en fais pas
Une drôle de nouvelle
A changé ta mauvaise mine
D’ailleurs il a truc dans le temps
Passer au-delà de la seconde
Tu fais perdre la mort
À la suite d’une mise à prix
Avec ton immense fortune
De déjà-vu, écho de bruits
Mes lèvres qui forment la procession
Au championnat des tas de gens viendront
Cortège d'arbres, de mâts, d’affiches de cinéma
Je t’envoie des chapitres à claques
Et tes épingles de linotte du quartier
Me répondent moderne
La poste nous a vus, que va-t-elle faire
Longue chair ahanée de mots magnifiques
Avec ta philatélie je tourne ta peau
Comme des pages de papier soufre
Quelle année ton almanach de galette
Je collectionne tes guérisons, c’est rare
Je n’ai qu’un amour à sparadrap
Peinture qui brille devant l'icône
Rehaussée de fragments récités
Des panneaux de bois ardent
En face du bleu encore visible
Toutes les lumières du salon
Les verres répartis sur les tables
Les jonctions de leurs éclats brillent
Un fin croissant dans ta pupille
Dans le creux de tes mains
De jeunes pousses apparaissaient
Des bouquets d'étoiles invisibles
Du feu ruisselle en cascade
Poussé par des sentiments aveugles
Nos douleurs sont des armes
Devenir d'un œil de naissance
Casoar dans tous les sens
Cette nuit n’a jamais autant brillé
Les autres brillent aussi, mais ce n’est rien
À côté de tes petits bouts tous naturels
Juste au-dessus d’une étable
Je me suis arrêté là, non loin du village
Je devine encore beaucoup de voyages
Que les autres relisent par cœur
Le jour ne veut pas se lever
Et toi dans le reste du soir
Le bout de ton nez et tous les émois
C’est l’avenir ou simplement
L’arrivée d’un autre temps
81
Ma vie est comme un vieux tam-tam
Avec sa vieille peau trouée
Rester dans une pauvre case ajourée
Pieds nus sur la plage j’ai passé ma vie
Errant à ramasser des fruits
Dont toutes les parties sont lues
Deux grands repos, médianoche
Repos traçant malheur au chaland
Sept ans de chahut, trois pas de géant
Brindezingue, je peux venir chez toi
Je te rendrai le hasard sur ton lit
Il y a des couleurs à chaque vocabulaire
Dans mon latin grec avec ta gorge
Un ange passe, un chant s’étend
Une harmonie neuve sur ton buste
Comme un régiment qui défile
Mes pas, c’est pas très sérieux
Prennent des pomelos, mais oui si tu veux
Comme un tango fort des formes aussi
En tout cas il y a un vin
Auquel on pense rarement
Et qui s’appelle tout simplement
Une joie sur la paille après la messe
L’ensemble des dunes robusta
Ballot de fesses changeant de danse
Les yeux qui piquent s’enfoncent
Mais le sable n’a pas d’ombre
Fantasia de cavaliers et de dromadaires
Innombrables grains de mirage
Négociant le blanc d’un ton
On montrera mon effigie en statue
Avec du vert-de-gris sur le cul
J'ai appris des futiles de ce pays
Toutes mes histoires apprivoisées
Et leurs peaux se vendent bien
D’un comptoir l’autre en face des cabarets
Avec l’air maussade d’un jaguar fidèle
Le pinceau humide
La spatule halitueuse
Mes animaux sentimentaux
Les courses de chevaux
Le divertissement a changé le chagrin
Piétiné la grisaille
En remplacement du divin
La vie se remplit de tristesse
Comme celle d’un chien
Qui s’affale sur un tombeau
Refusant toute nourriture
Traversé par un sacrifice
Cette pierre angulaire
Elle n’est pas vraiment jolie
Comme un genre de reprise
Avoir mauvaise bohème
Tu relevas tes cheveux
Tu nouas tes grands yeux
Par-derrière et tu coiffas
Les longs moments que je portais doucement
Le désert s'illumine la nuit
À l'éclat de la lune
Les tuiles qui brûlent au milieu
Des rayons pleins de crin
Des étoiles parmi les semeurs
Des galaxies dans mon cœur
82
Quand j'allais le long, calme
Le long de la jeune femme
De la rue, une m'a arrêté et a dit
Pourrais-je te servir de petite amie
Je l'ai interrogée sur la vie éclose
Elle a commencé à dire de telles choses
Vraies, de sujets même que je ne connais pas
Alors elle a insisté pour me causer tracas
Où je mets mes sentiments sales
Combien de fois je souffre du mal
Elle a dit que quelqu'un est malade
Que nous avons tous besoin d'accolades
J'ai noté tous ces torts pour dire la vérité
Avec nos êtres cassés et maculés
Nous avons décidé de nous réunir
Je lui ai demandé de ralentir
Près du magasin des deux heures
Toutes les femmes ont les yeux de la même couleur
Et leurs mains sont longues et fines
Je devais apporter des photos alpines
Quand je vais sur le balcon
Je change ma fin ou alors une déception
Mais toujours intéressé par l’histoire
Elle m'a dit de revenir le soir
Et d’apporter de l’eau de mon appartement
Je me suis senti comme dans un roman
Elle a promis de me nettoyer
Elle était si drôle, j’ai pleuré
Je suis retourné à la maison et j'ai décidé de vivre
Le jour suivant de l’aurore le timbre vibre
Une onde dangereuse et des rêves de sentinelle
De ceux pour lesquels on arrête les criminels
Les rêves recherchent toujours
Ils suivent des personnes idiotes d’amour
Et jettent tous les vêtements et bijoux au loin
Le bon temps a constamment faim
Certains d'entre eux m’ont appelé
Je leur ai dit que je t’avais rencontré
Et je suis resté une minute plusieurs fois
Seul comme autrefois
83
Verre de source rempli
Des robinets de pluie
Au bord, à la surface
Le cendrier tout chaud
La glace, colle des fraîcheurs
Pluie de pastis de l’intérieur
Des laques ambrées sur la peau
Avoir la tête en dehors
Prendre la rivière et le lac
Chaussures de barque
Et ma piscine à stylo
Je nettoie le sol aux objets
Tout le monde perd ses clés
Chamade courante dont le froid coupe
Et consomme des centimètres d’émeraude
À la criée, à la pétanque, au badminton
Les poissons qui remontent
L’argent d’avril
Se grillent sur un arc de cil
Petit perroquet rouge
Comme sur un fil
Pour que tout le monde te voie
L’arbre est juste là
Couché dans un lit de feuilles
Rentré sous l’air
Les amis cornichons
Les copines cacahuètes
Le fait est
Il n’y a pas
Ni de plus commode
Ni de plus propice
Au coup d'œil
Cette place d’à côté
Où les palmiers respirent
L'imagination prend le bus
Les après-midi omnibus
84
Ça fait vingt ans que je te cherche
Vingt ans que l’on se croise
Ça fait cinq mille ans que tu te caches
Cinq mille ans que tu fouilles et ronges la terre
Dans ton trou morne et vil
Aujourd’hui je te retrouve
Les enfants sont couchés sur le sol
Les hirondelles les survolent
Leurs loques se soulèvent et leurs rires
Font au vent des pieds de nez de martyres
Et maintenant nous sommes
Comme des orphelins
La route est un repas
Que l’on nous sert très tôt le matin
Et sur cette table
Où l’on se tient courbé
Les estomacs errants
S’estompent dans les fougères
L’enfant pendu au pis des jeunes filles
Le bébé niché sur le dos de sa petite sœur
Un pagne pour deux
Le froid aide la fatigue
Le sommeil bande ses muscles
La marche fuit la faim
La pluie s’obstine dans des rivières de soif
Sous les coups c’est la guerre
Le pouvoir, et le pouvoir gâche
L’amour ne signifie pas plus que la haine
Et l’on se réfugie
Dans l’ordre commun des forêts
Dans le ventre vert
La mort rythme le désespoir
Dans l’attente du soir
La peur des voleurs
La solitude supprime la tristesse
Pour résister encore
Il faut plus de force
De ce puits avili la retraite déprave
De cette vallée une terre d'humiliation
La route est plane, elle est là tout près
Avec sa désolation imbécile de ver de terre
La misère ne fait plus peur à personne
Parce qu'elle est l'abaissement
L’ennui des monstres du chaos
Quel sujet de conversation
Quelle chimère d'adversités
Prodige qui juge de toutes choses
Dépositaire de la vérité
Cloaque d'incertitude et d'erreur
Gloire et rebut de l'univers
L’ami, rien ne dure
Que les blessures
85
Dans la maison de la fortune
Il faut disposer du mérite
Et savoir se présenter altier
Avec certaines caractéristiques
Par exemple avec les cheveux bruns
Comme si au fond du jardin
Grâce à un certain état moral
Une relation de parenté avec la nature
Rendait sensible par la contraction
Le besoin de sensation que ce besoin produit
Un peu comme si nous nous imaginions
Avoir un corps reposant sur les genoux
En présence de la pensée d'un danger
Les diverses parties de la rue
Constituent un ensemble indivisible
Les gens qui y dorment
Sont une harmonie d'ensemble
Et de gestes qui se suivent
Les trois unités entre nous
Prises comme des grandeurs de même espèce
Simplifient certaines formules physiques
Il n'y a pas d'unité de vue
C’est une grandeur finie dans ton cœur
Dont la répétition engendre des nombres entiers
Dans les années de terre et d'air
Oui, il y a des gens dans la rue
Qui dorment depuis si longtemps
Il y a des gens qui dorment
Soulevant soudainement et avec force
Les tendances sous-jacentes
Qui semblent venir du fond du corps
Et dont le fond est si éloigné de la surface
Qu’en parlant d'une faculté
Ou d’un objet de la franche réalité
La réalité abstraite dans son intuition sensible
Que les échanges d'information
Du milieu extérieur brut et classique
Se fondent sans signification
La circulation ne s'effectue
Que dans une seule direction
L’évidence domine dans l’acquis
Cette passion d'être qui suggère
Contrairement à la simple raison
Des opinions dominantes
Et des sociétés dominées
C'est avoir la sensation de l’ordre
En dehors de toute contrainte
Si l’on pouvait retirer de ces siècles
De toutes classes les bases
Qui conservent inéluctablement
Le sceau des références choisies
On se dégagerait du rétrograde
En dépit de la folie
Alors mes amis
La liberté signifierait
Ramener nos sens à la force
L’amour n’en finirait pas
L’égalité se choisirait des fleurs
Et nous n’aurions plus jamais peur
86
Dans le ciel il y a un homme et une femme
Ils ont volé toute la nuit et ils sont endormis
Au milieu des canopes éclairés
Soudain la pluie attend un bébé
C’est vraiment très important
Il y a une foule de champs qui attendent
La nuit le bébé naît
Les épis de blé sont là, tout près
Cette manne de retour du désert
Ils attendent comme principe de fortune
Alors le moulin du meunier plaît
Le plus fort qu’il peut
Et celui qui acquiert cette allergie d’éther
Récolte à souhait ton domaine
Tartiné sur ces nuages
Et qui allonge l’oblongue les corps
Donne ta main transparente
Comme tes cheveux retrouvés partout
Une aide semblable à celle
D’une colombe d'appui
Je me ferai apprenti
Ainsi que quelqu’un l’a dit
Je multiplierai tes caresses
Faute de clôture, l’âme est une femme
Et ses sentes de divan livrées au hammam
Emploie mon exactitude languie de dérive
Tu fabriqueras des perles
Nous dominerons des bijoux
Et la convoitise te poussera vers moi
Et je te donnerai tout aussi
Les cajoleries du buisson
Parfaite, voici, je te trouverai
Par le chemin des écoliers
Larme de bas prix
La rosée ment ce matin
Le ciel bise ton ventre
Avec moi ton ami
87
Les peines viennent à cheval
Dans leurs galops qui piquent
Je te tenais serrée contre ma serre
Ma chère en forme de pain bénit
De cette opération à bras ouverts
J’ai prélevé des cellules
Sur des restes d’animaux
Dans cette faune d’humeur
Le cœur à demeure
De cheville ou d’autre tasseau
Étend sa main qui se forme
D’avoir mal, d’avoir pâle
Soulever un bœuf
Un revers de l’été, l’hiver
La nuit pénètre jusqu’au noyau
D’une plante fidèle qui grimpe
Amoureuse, c’est de naissance
Comme un souvenir je caresse
Le merveilleux que le peu de ta peau me laisse
Lisse, ô ma divine promesse
Nous sortons de notre enfance
J’ai eu la chance de ta présence
Des fois qu’on ferme la dernière danse
Et de saisir que l’esprit se satisfait
Je t’embrasse comme
Le propre de l’homme
Et notre histoire est finie
J’ai éteint mon téléphone
Que maltraitent les sabots
Le crottin s’en mêle
Virevolte, idée de toi
Sauvage dans ta joie
La promenade s’est tenue
Sur ton dos nu
Entre deux pays
Comme un mur sur la route
La différence écourte
Empaquetée, la course
Je gagne un royaume
Domaine de rouge et de violet
Les principes, les bonnes manières
Et trois décennies d’horaires
Tu es libre mais rien n’est prêt
Tout le temps que ça met
La lumière à nos chais
Comme lance l’ivresse
Et lorsque je manque
On se resserre, je bois
Liqueur d’ambre aux yeux de saints
La vase à venir résonne
Boisson de ton sein
De tes yeux, ta tonne
Comme lance l’ivresse
La liqueur nous appartient
88
À quel point je couine
Sur cette ombre qui passe
D’un souhait qu’on devine
Où il n'est de grâce
Où les saisons perdues
De l’invention d’un maître
Que ses étudiantes tuent
L’ogre va naître
Attention, va, fuis
Loin de moi
Et emmène-nous avec lui
Avec toi
Une fois morte
Tout cela en éternité
Se transforme de la sorte
Et j’ai mesuré
Seulement ton absence
On a fait fondre l’eau
La vie et son errance
Mourir de nouveau
Et détruire au futur
La terre et ses photos
D’un aigle qui dure
L’eau fond
Une âme s’étire
La terre lui répond
Le jour veut sortir
Et je lui ouvre la porte
Le temps de venir
Il se transforme de la sorte
Puis fait son affaire
Et sur laquelle on dort
Grande première
Comme des porcs
Immonde précieuse
Donne la générosité
À la nuit cette pisseuse
Égarant sans compter
Entre tes guibolles
Foutu climat brisé
Le chagrin dégringole
Les vêtements du vent sont partis
Déchausse-toi
Et tes soutiens de pluie
Les lacets du froid
J’ai vu tout à l’heure
Tracent tous les décors
Dont toutes les chaleurs
Rehausseront ton corps
Pour marquer ton manteau
D’un ange se levant et beau
89
C’est trop dur d’avoir une vie qu’on ne peut pas consommer. C’est trop dur de n’être jamais seul. Seul avec toi, avec un être et un seul. Avec dans tes yeux cérulés ma propre solitude et le silence qui s’étire dans une larme qui coule. Lorsque je prends ta main, c’est une ligne dans mon cœur. Je regarde toutes les lignes et les étoiles qui passent sous ta tente. Je lis dans ce bleu la seule écriture qui compose aussi mon histoire, je te comprends même après ces quelques heures. Je sais qui tu es, ça se voit, tu es claire. Claire comme les eaux du bord du lac et le clapotis des vaguelettes de ta maison du bord de l’amour. J’aurais bien envie d’être avec toi, mais voilà, c’est difficile de vivre une vie qui n’est pas la sienne. Je préfère que tu ne m’appelles pas, je préfère t’envoyer des sms auxquels tu ne répondras pas. Je viens juste de me rappeler ton odeur, mais cela ne sert à rien de respirer car elle n’est pas dans l’air, elle flotte ailleurs, dans un autre univers. Alors les étoiles ne sont pas pour nous. Tu me verras le nez en l’air, le menton saillant avec le regard passant au-dessus de ta chevelure. Je ne te regarderai pas, peut-être pour continuer à avancer. Trottiner de certains rêves de plus, tandis que des lèvres que j’imagine déposeront des baisers au siège de ton cou. Comme des fiches, des sentiments épinglés, tous ces problèmes ne font qu’errer nos affaires. Nous nous évertuons comme des otages de minuit à entretenir le mystère. Et je m’accuse d’émotions corrompues. Mais que puis-je faire ? Mon âme anarchique et volontaire déclame cette drogue drôle et criminelle dont j’ignore tout. Je ne comprends pas cet héritage et cet argent sale m’a pris beaucoup de temps. Tu la vois, cette petite lessive mince, qui ne changera rien et qui se présente plutôt mal ? C’est la même mousse entre tant d’hommes et de femmes, mais pas la nôtre ! La mécanique est sourde, tu y feras des soudures ma belle spécialiste, et à ce prix-là on ne fera plus beaucoup les marchés aux puces. Je t’ai acheté cette belle robe en solde, oui je sais c’est une question de goût donc de temps. Mais l’or est fait de tous petits riens. On n’est pas sorti de l’auberge. Finalement, nous avons des conclusions qui changent tous les jours. Et tous les jours nous avons des quarts d’heure plus purs que les autres. C’est tout ton caractère qui brille comme cela avec des carats, avec tes paroles roulantes cousues sur tous les fils du monde. L’automne est dans tes cheveux et les champs blancs vacillent comme le vent entre les monts éclatants émergeant sur le dos front à front. Quand les orpailleurs avec leur froid nous font des arbres de collision, ça se grave sur les feuilles. Tu vois ? Tu vois, dans tout le pays il n’y a que tes richesses déployées. Tu donneras un teint de beauté à toute cette laideur intérieure. Je regarde un diamant que le temps a bien voulu me mettre sous la dent. Un instant, donnez-moi un instant avant que je meure. Les aisés me font douter de ma santé. La même dose, la même donne pendant de longues chroniques. Les poumons toujours à la bourre, ça me tord le ventre d’avoir mal au dos. Mais lorsque tu me prends la main, à chaque fois, je dépose un mot sur ta bouche. Alors il y a un de tes organes qui pâtit de mes lèvres et comme ton accent British est trop bon, je me mets en quatre pour que tu trébuches. Tu tombes sur les genoux, je te ramasse aux doigts et à l’œil. Tu as mal à la tête, je te lèche du cou jusqu’aux oreilles. La règle du corps, c'est qu'il n'y a pas de règles. Dans le paysage idéal d’une femme éblouissante, je me suis rendu compte de ce que c’était que de sourire. Timidement, avec bonté, au milieu de sanglots notre complicité flottait sur leurs pauvres marigots de désolation. L’âme n’est rien sans la pauvreté, notre pauvreté à nous c’est de ne pas pouvoir nous aimer. Ce qui dénote de notre infortune, ce n’est pas notre manque de sentiments. Le problème, c’est que tout appartient aux autres. Notre temps, notre vie, et les enfants éventuellement que l’on pourrait faire. Tout ça c’est dans des placards, chez les autres, personne n’en fait rien, et ça pourrit dans des coffres. Pourquoi prenons-nous tant de malignité à être malheureux ? Au désespéré appartient l’amour que tu restreins, à l’insensible la tendresse de tes caresses, au malheureux tout le bonheur que tu détiens.
90
C’est amusant
Que tu aies pu donner
Lentement tant de temps
Et de fragments découpés
À ce jeu de patience
Fait de joie et de science
Et dont la résolution exige
Un nombre suffisant de litiges
Qu'il faut lier comme une image
Pour obtenir un souvenir
Problème précieux, volage
Les mains doivent s’unir
Pour reconstituer l’équilibre
Rassemblé d’éléments épars
Que la parole soit libre
Qui traduit et tes regards
Je vois tonic ta figure
La fin du jour qui dure
Des langages et du réglisse
Tu me rappelles
Comme la vie est belle
Aujourd’hui se réjouit d'être
Je trouve qu'il a bien raison
Les lettres impaires dans l’âtre
L’air est semé de rayons
Qui se réjouissent
Dans chaque petit moyen
Et qui rebondissent
Sur les lueurs du serein
Tout est semé d'anges
Je suis gourmand
Je te vois
Ma résultante vive
Féminine, comme tu attises
Les hommes se lèvent et disent
Alors qu'ils regardent sans la voir
Dans tes yeux miroir
Comme la vie est parfois si belle
91
L’envie me prend d’aller vers le lac
De te prendre par la main et de descendre vers le quai
L’envie me vient de prendre sur la table du jardin la nappe
Et de l’étendre sur l’herbe
L’ombre d’un nuage qui passe
Sa bruine qui nous bondonne quelques gouttes
De petites gouttes
Au milieu de tant d’excursions inaperçues
C’était tant de gouttes d’eau dans le bonheur
À laisser pénétrer les avaries
Ça fuit de partout et nous sombrons tendrement
Là sur ce tapis de gazon
Nous nous arrêtons à la limite de ces eaux
Et de ton torrent de neiges perdues
Rien que des flocons qui tombent
La moitié de la guerre derrière nous
Je roule ces canots lourds entre mes rives basses
Notre cœur planait sur les vaguelettes
Nous sommes comme les pirogues qui flottent là-bas
Et dans nos antres que recouvrent nos mains
À l’abri du naufrage nous marchons
Nous marchons entre les villages
Passant des fleuves, des quartiers de pailles
Tu mets tes bras autour de moi juste pour dire
Que je suis quelqu’un d’autre
Et j’aurai tendance à te croire
Quand nous aurons bien bu de nous
Nous nous sécherons par monts et par vaux
Auprès de tissus de literie
Nous nous rappellerons les flammes de la soie
De cette luminescence d’orage
Brûle devant toi ce petit tas de bois
Ces parcelles fines et minces
Enlevées avec la tranche d’un espoir
Pendant la mi-temps ce soir
Un regard trahit un soupir
Regarder l’autre retour du noir
Au creux des âmes en liesse
Dans leurs toilettes blanches
Des fleurs
Des sapins comme à Noël
C’est ton anniversaire de bouquet
Le soleil se filtre à travers les volcans
Le lac infuse comme un corps couché
Il tombe de l'eau du ciel, du vent et du temps
Joins tes mains, serre bien les doigts
Ne laisse pas couler éthérée
La source, le robinet
Des amants, des amoureux
À ces jours jadis ainsi faits
De petits déjeuners sous l’auvent
Ta grâce comestible
Riche de substance déductible
À regarder les trois milans
Marauder au-dessus de l’arbre mort
Nous nous plaisions au bord de l'eau
Les sentiments ne fleurissent que la nuit
Et je dirai à ceux qui ne comprennent pas
Que les paradis n’existent pas sur terre
Mais tu en as inventé des morceaux
Autour de toi avec tes meubles, tes gestes
Tes histoires d’amour mal barrées
S'élèvent sur la colline en face
Éminentes à la surface des objets
La seule lune que ce plateau profile
Comme un paysage qui avance nivelé
L’âme éprise a besoin de nos corps
Et l'astre offre son décor
Jusqu’au bout de la semaine
Elle exhibera ses toiles peintes
Et ce bien-être qui continue
Propulsant la fin du dimanche
La fin de la journée
Vers des sommets d’attrait
Et ceux solitaires qui créent
Des figures et des images au loin
Comme un projet qui pose le soin
De grands dieux distants des hommes
Les uns dans le ciel
Les autres dans les gouffres de la mer
Le soin de dessiner des emblèmes
Et dont l’esprit se goinfre
Nymphéa d’argent comme toi
Sur un océan d’ombre
Tu n’as pas de mari
Tu n’as que ta maison
Alors je te donne des rendez-vous
Moi je n’ai pas à me plaindre
Tu sais bien la place que tu as là
Tu joues de mes manques
Tu remplis tout ça avec des verres de vin
Quand je me vois bien là dans le matin
Je suis habillé et ça sent comme sur ton sein
Le soleil nous poursuit entre les branches
Avec ses chaînes magnifiques
Qui défont leurs cliquetis
Éblouis après chaque partie
Au zénith dans ton château
Nous vivons, sosies des dominos
Tous les désirs se succèdent
Ma belle reste au rêve
Étoile de ta propre lumière
Lèvre en un ciel prospère
Ignoré des promesses nouvelles
Astre dans un jardin d’aveugle
Tu fais du cristal scintillant
Dans ta longue et large robe
Tu fabriques comme une fée
Le miroir des légendes dorées
Un de tes clins c’est le sort
Tu me regardes quand je dors
92
Le temps manque
De bonne volonté
Brillant comme la pierre
Parqué de trous noirs
Sous la forme d'un point
Sans mouvement apparent
La brume troc
Ses fils d’argent blanc
Au balcon remet son capuchon
Costume de bal masqué
Ouverte par-devant de plain-pied
Le ciel se transforme en ciel
L’eau devient de l’eau
Au cabaret des oiseaux
Ta douceur sur les fleurs
C’est ce qui fait que les étoiles
Se tiennent ensemble pâles
Le nombre pair plaît à l’amour
Et la fin de la nuit au jour
93
L'axe de l’illusion a toujours un œil
Un impact sur notre évolution, surtout
Lorsqu'elle passe sous notre signe
Comme c’est le cas pour cette journée
Je dois profiter de son influence
Pour réfléchir à ton destin
Et prendre tes chemins nécessaires
Afin de cueillir notre vie
Dans le sens que le verger
Et les fruits que tu souhaites
Gonflent et te conseillent
Dans tous les domaines
Mais aussi sur la vigne
Que tu auras cette fois
Dans un billet de bon choix.
Cette année la vie,
La qualité du temps
Se déplacent et j’entends
Attaché de mot d'ordre
Le coup de vivre
Gagné dans le vent
Les promesses du vide
Nous nous surprendrons d'avoir oublié
Qu’au travers de ces pages nous vivons
Nos récits auront un charme particulier
Et nous en nouerons de nouveaux
Nous serons nos amis
Et nous nous apprécierons
Nous accueillerons avec joie
Toutes les occasions de nous voir
Tous nos nouveaux visages.
Cela ne nous empêchera pas
De rassembler nos proches
Et nous jouerons notre famille
Avec ses membres et ses après-midi
Dans des dimanches transit
Et des gigots pourris
Nos aventures seront livrées sans frasque
Nos élans imprudents
Ne coûteront pas cher
Nous aurons des chances
Dans nos relations personnelles
Et dans de grands voyages substantiels
Où nos affaires exotiques
Et leurs astres traditionnels
Favoriseront le rythme passionnel
De nos cœurs écornés
Que nous serons très occupés à relier
Par l’entremise des planètes
Nous ferons des rencontres
Utiles et intéressantes
Tu mettras en valeur
Ton sens de l'esthétique
Et certains autres talents artistiques
La tendresse est une priorité
Tu es aussi fidèle en sensualité
S'il y a un tremblement volage
Bonjour les scènes de ménage
Une force te caractérise et tu es
À la recherche de joies fraîches
Aussi t’efforces-tu d'ajouter
Un piment de nouveauté
Et de dire ses quatre vérités
À chaque nouvelle querelle
94
À côté de moi, le jour dort sur son côté. Celui embaumé dans des brumes de toiles, où son simple appareil se révèle toujours pareil. Comme une pâture où se baignent des essences et où le baiser d’effluve de lumière jette des ancres, des ponts sur la mer et de moires reflets que la forêt estompe. Les vains vêtements du crépuscule se trouvent un maître dans la pupille réduite du lac bleu. Il y a des yeux d’araignée qui nous regardent à travers les fils de gros coton de son canevas. Et le drapeau des eucalyptus se dresse comme des antennes rouillées sur un toit de tuiles vertes. Par les temps qui courent, la barbe tropicale se prend pour la vedette d’un soir. Dans un soir où elle pousse, un soir de plus vers celui quand il n’y aura plus de matin. En direction des lendemains neufs où les arbres finiront à la ville ou dans des poêles à bois en forme de makaa. Je me trouve à une bordure physique qui ressemble à celle virtuelle d’un nouvel an. Normalement une grêle de bonheur devrait s’abattre sur moi, et jamais rien ne vient. Heureusement, les nuages glissent leurs cheveux sous les pagnes pâles. Paradis d’estampe, des nattes s’envolent dans la mesure d’un pan. Le blanc du brouillard paraît mal peigné. Sur le dessus, on a l’impression qu’un spécialiste a livré bataille à des langues en broussaille. Alors, armé de cuillère, une tempête tire avec mal les condensés humides vers la soupe des vallées. Les arbres ont des gestes comme pour retenir l’eau évaporée. Leurs feuilles lèchent les dernières gouttes. Le linge des plantes ne veut pas sécher. Je me promène dans ce concert transporté par des bouffées de sensations comme une machine à laver amoureuse d’un violon. Alors la terre s’en fout puisque l’air s’appuie sur le sol et tend des échelles au soleil qui s’abandonne. Sur chaque versant nu, l’ombre plombe des pastels. Ainsi, des lignes s’agitent, rondes comme un corps plein de sommeil. Des creux s’amoncellent autour d’un drap souillé. Des rivières coulent en cascade dans un lit que les collines balisent de leurs cuisses de pierre. Sur leurs gorges, sous leurs genoux, des oiseaux font leur nid. Des plantes vivaces s’accrochent aux caillasses. Je vois des bancs de sable dans des plis que l’on ne croirait pas finis. La campagne vive se confine à renouveler ses objets et masque toutes ses vies le nez dans des virus, des bactéries, dans des couches successives de ramure. Il faut la laisser faire, la loi fait bien des choses, il n’y a rien contre les couleurs chlorophylle, contre la pauvreté d’un fruit. C’est cette architecture merveilleuse et sauvage qui révolutionna la technique, cela se lie même au voyage à toutes autres offres de déséquilibre sentimental. La lune s’est finalement trouvé un oreiller. L’espace nage dans son remue-ménage. J’ai saturnisé mon penchant pour des coiffures d’encens. La fumée oublie les satellites. En bas du ciel, l’horizon frotte ses yeux et sort de son ivresse d’hier. Ses membres raides s’étendent et lorsqu’ils enlacent enfin le crépuscule, on entend des craquements d’os. Alors, les chiens cachés sous son paletot hurlent, ils mordent la main de la nuit et jappent après les étoiles. Les égarés deviennent fous. Ils partent par le train des illusions, celui qui culbute et tombe dans le jardin. Dans mes démences, je me souviens de mon tremblement, l’herbe, le foin, les odeurs que le sein bleu nous apporte à tout instant. Je reluque ce lait que l’enfance me tendit, et devant cette pièce que la nature virevolte c’est toujours la bonne face qui est cachée. Au cœur des hommes, les hivers sont longs. Au dernier moment, ils ont peur et travaillent d’insomnie à étudier la conduite de ce train. Finalement, c’est la lune qui tombe vite en décembre sur la ville noire. La couleur éternelle des noces du néant et de la vie dont l’histoire s’écrit à l’encre sympathique, avec un peu de salive, et que le zeste d’un espoir révèle. Te souviens-tu de ces racines qui descendent si profondément dans ton cœur ? Lorsque tu parlais, ta voix gorgée de sève bourgeonnait ce même début que l’aube promet. Lorsque tu changes de côté, tu livres en vrac à la nature tous les sentiments cachés. Tu as sacrifié au sommeil une fraction de ta conscience, mais je te regarde et je sais que tu sauves de cette partie de la jungle les serpents et les dingues. Tu préserves l’équilibre brut comme un frein sans inquiétude dans l’élément fragile et craintif, comme une grande enfant annonçant en même temps qu’elle est amoureuse.
95
Le soleil frappe sur les feuilles
Une petite magie attisée par le vent
Lorsque les couleurs se mélangent
Des battements, des ailes, des piafs
Des colibris cloués sur les fleurs
Leurs plumes bleues pédalent
Des nids de pétales pourpres
Où les pistils s’embourbent
Dans la chaleur des ventilateurs
Ce sont les matières qui demeurent
Les avocatiers jettent sur le sol
Leurs pavés de chairs molles
Les chemins se pavent d’indigo
Une main chalande se réserve
L’usure des terres et des mers
Et dispose minutieusement
De chaque côté du présent
Des joies ouvertes au futur
Des pépinières, des pots, des boutures
Tu soudes des fruits ensemble
Et chantes, et chantes tournement
Un souffle s’allonge aveugle
Comme un geste qui s’ébroue
Qui s’ébroue dans mon cœur
Et dans sa peau suspendue
Vergers de palmiers branlent
L’hiver est mort éternellement
La poussière rejoint le ciel
Et des grains de lumière montent
Montent aux murs le long des
Le long des fissures solitaires
Tous les reflets d’apothicaire
Oublient notre passé béni
Les sales voleurs sont partis
Nos pas s’effacent dans l’allée
Ce sont des sanglots qu’on m’a pris
Sous nos pieds le béton mouillé
Comme du sang chaud et bon
Nos serments éteints se calmeront
Je soutiendrai cette intuition
Ce goût uni d’estime et d'appétit
Je fuis le désespoir de ma vie
Entre une paire d’êtres et la physionomie
La souffrance viole le souvenir de notre joie
Éloigne-toi, éloigne-toi tu me manques
Laisse-moi tromper pour un peu la violence
Laisse-moi t’attendre et espérer
Laisse-moi mourir et revenir
96
Le printemps retisse
Les longs cheveux lisses
Des arbres de l’hiver
La couleur de panthère
Au format d’avril
Gardé par les vigiles
Les sapins, les ifs
Agents aux longs tiffes
Se repentent de nature
Sur les champs matures
Dans leurs hôtels
Perchés dans le ciel
Les oiseaux attendent
Sans qu’on leur demande
La clé des semences
Le service des sens
Ils volent la lecture
Broient la graine sûre
La différence des petits
Récoltant de la vie
Signe d’un verbe
Le braille est acerbe
Au dernier moment
Le ressentiment
De la terre est sage
Sa peur de l’orage
Si tu me laisses
Si tu me donnes
Que cesse
Abandonne
N’oublie pas
En partant
Le pire s’en va
Et pourtant
Encore forte
Un profond hâle
À ma porte
Frappe tout pâle
Pendu d’émotion
Un peu de douleur
Quelques inspirations
Un brin de hauteur
Assailli par le mal
Entre sa prose
Un trouble banal
Dans le chaos des choses
Savoureuse fange
D’où les spectres s’arrangent
Et de l’appréhension
Nous attendons pour savoir
Ce monde abscons
Où tout laisse à voir
Dans la pluie et le soleil
Le bord de son âme
Lumière de sommeil
Le brouillard s’émane
Où tout laisse suer
L’aspect d’un jour
Blême et lente clarté
Hostile à l’amour
Beauté paresseuse
Devant les choses
Larges et sinueuses
Mon cœur ose
Et toute la réalité
Du souvenir du vent
Je rêve de solidité
Irréelle je t’entends
Ce doux ton des songes
Où mon regard plonge
97
La motivation est une chose, mais il y a des choses que l’on se doit de faire. Cela arrive, la démotivation entraîne souvent le sentiment déplaisant de l’incompétence, parce que rien ne finit par compter. Alors il est temps d’acheter son billet, d’appuyer sur la sonnette de sortie et de changer de supermarché. Manifestement, on s’est égaré un peu trop longtemps dans un des rayons. Lorsque par hasard on se retrouve sur le parking, on sent l’écurie et tout se termine par un galop de fuite effréné. Bon vent, bonne fortune. Les espaces en général s’agrandissent lorsqu’il n’y a pas de vaisseaux. Le problème dans l’espace c’est qu’il n’y a nulle part où aller. Les voies qui nous restent sont trop dangereuses. Voilà pourquoi c’est immense, l’infini, puisqu’il n’y a pas de moyen de s’y rendre. Des millions d’années pour s’y acheminer. Donc la question reste ouverte : comment fait-on pour être responsable dans une civilisation où la nature n’a absolument aucune espèce d’importance ? La nage. La brasse, le crawl, comme on veut dans toutes ces eaux du ciel corrompues. Pour certaines personnes, l’importance n’existe pas avant la gravité. C’est sur la plus haute marche qu’on ne s’attarde pas aux détails. Et la capitale des marches, avec son président d’escalier qui quelque part accorde les étages avec son grand niveau à fumée. Alors chacun s’enfume, puisque chacun veut gouverner, à tour d’affaires et d’événements. Tout cela se mesure à la taille des réductions, dans la fabuleuse société du travail, de l’effort, des massacres et du dégoût. Tant qu’à faire les fumées, autant les pimenter. Sans être désespéré, je suis tout de même un peu déçu, car je découvre que toute sorte de gestion cohérente est absente. Et on s’amuse à dire que le développement ne marche pas alors qu’il n’existe pas. L’homme et sa morale se prennent la tête à trouver une éthique à leurs élans du cœur. Cela fait penser à la tentation involontaire de toujours vouloir se remplir un bon verre de vin. L’accumulation de richesses, le capitalisme, tout est basé sur le vol. Le grand casse des millénaires, il est là. La ruine des civilisations précolombiennes, la privation de leurs biens, de leur or, puis la traite, l’exercice exagéré du commerce, et la colonisation, tout ça c’est du pareil au même. Officialisation du vol, de la rapine, de l’extorsion de biens, justification de l’utilisation de la force, de la torture, du meurtre, ce sont toutes les méthodes du nazisme qu’on a bien montrées avant. Il ne faut pas croire que les choses aient changé. Et quand bien même nous découvririons un peuple dans les étoiles, je ne donne pas cher de leurs atmosphères et de leurs océans. Nous soumettrons les plus récalcitrants et achèterons les autres. Ils tueront leurs frères et vendront leurs sœurs. Ils finiront un monde où nous aurons notre place. Nous instituerons la haine politique et religieuse, inciterons les races à se déchirer les avantages de l’envahisseur. Nous constituerons un monde absolu où l’atteinte de toute forme de bonheur passera avant tout par l’acquisition de nos valeurs. Ainsi, lorsque chacun de cette race éprouvera un sentiment très vif de déception et de ressentiment, alors nous n’aurons plus qu’à mettre des armes entre leurs mains. Nous pourrons les appeler sauvages et intervenir en masse pour sauver ceux qui restent.
98
Un vain sentiment de tristesse
Partage mon sein en pièce
Comme un éclair déchire la nuit
L’hideuse tunique de ce jour gris
Ce feu sans joie qui souffle sur moi
Transforme ce que je bois
Et j’oublie toute foi
Un peu d’eau fraîche
Gerce une lèvre rêche
Et sur une paupière sèche
Un chien dent se pourlèche
Au beau jour du printemps
Avec son beau visage là-dessus
Regarde l’herbe en ruine périssable
Gazon parsemé de caveaux admirables
Tu vois bien ces édifices
Qui soumettent nos années
Comme des proies pour un sacrifice
Rituel de la dernière chance
Que le temps fait cruellement avancer
Car si tu dors au début de la mort
Par-dessus nos péchés
Et nos rêves oubliés
Et tant de merveilles
Car si tu te réveilles
Après avoir découvert
La nuit les linges de verdure
Décorant le jardin de l’univers
Et caressant ta chevelure
Demain l’outil
Pourrait bien faucher notre vie
Le temps est tant intimidé
Du cycle brisé des saisons
Dégainant sa mandille
Le jour tente par la campagne
De voir sur chaque brindille
Les larmes de la nuit sa compagne
Dans la prairie, la tête du matin
Souffle un doux refrain
Cette brise printanière
Sur la joue de la terre
Reprend les notes rosées
Et dépose avec beauté
Sur la robe des fleurs
Un élixir de couleurs
Le son de l’aquilon
Avec un verre de chanson
99
Nous avons entre les doigts le chant du vent
Cette mélodie illusoire qui s’en va
Ainsi que les choses qui n’existent pas
Et ce qui existe est emballé de noir
Si bien comme le désespoir
Nous portons dans nos mains
Les poussières restantes des amis défunts
Et d’autres pousseront nos cendres demain
La vie le torse bonde
J’ai beau danser sur le monde
Dans un jour de foire
J’ai usé la santé
Comme on brûle la chandelle
Mais aujourd’hui ma belle
Je ne sais pas si je suis plus éclairé
Après tant d’efforts
Je ne compte que des remords
Le poison, personne ne le sait,
Est dans le chagrin et la misère
Il n’y a pas plus à faire
Puisque c’est mon tour de vieillir
Et sur la mer nous sommes comme le pôle
La glace fond, fatale
Et nous précédons le mal
Voiles célestes
L’hiver remplace le printemps
Comme un oiseau permanent
Et lorsqu’il prend son vol
Une fois l’automne vaincu
Les feuilles pourries au pied de la mort
Changent le fond de la métaphore
Page après page
Lisant chaque présage
Devant la nuit d’une autre année
Qu’il advienne, ce temps oublié
Ce seul instant dont tu disposes
Je te regarderai comme une grande rose
En alternance et au futur
Ce lieu où se murmure
Pour nos âmes pures
Une nouvelle promesse de voyage
Et la tienne, et la mienne
Avec une paire de nos âges
Nous nous quitterons en poussière
Pour nous retrouver là-bas dans la pierre
100
Les étoiles fluo
Collées en haut
Elles s’effacent
Elles tombent dans l’eau
Les étoiles brillent dans la mer
Le printemps pose les affiches de l’été
J’ai pêché
Et marché dans les déserts sucrés
Teinturier de la lune
Le temps ne s’use pas
L’amour vole le réel
Et s’envole dans le rêve
De retour dans tes bras
Comme ils sont doux
Et tes bonbons et tes bijoux
Toi que le hasard a planté chez moi
Avant toi et moi il n’y avait pas grand-chose
Et le sable poursuit son cours
Partout il pose sur cette prière
La prunelle d’une pierre
Telle des graines il les sèmera toutes
La vieillesse rend le doute
Jadis fleuri, ainsi que notre teint gris
À présent jaune comme un coing
Le toit, les poutres et les fondations
Les membres disloqués de la maison
Tout comme l’eau du ruisseau
Sous le pont, un jour nouveau
Comme le vent dans le désert
Je ne m’en soucie guère
101
Alterner ton visage
En changer l’ambre
Et défaire ce qui est fait
De tout ce qui existe
Le palefroi de ton visage
Est enclin de destin
Nous n’avons jamais cessé
Et en faire un destrier
Le temps n’a de cesse
D’y tracer le bien et le mal
Nos efforts et nos chagrins
L’enfer est une poussière
Et nos peines perdues
N’aboutiront à rien
Une trace de nos larmes
Si les nuages recomposés
Des larmes évaporées
Il pleuvrait tous les jours
Même au cœur du désert
Des nuages traversent le ciel
Dans sa grande maison noire
La nuit infinie se dit chaque soir
Comment changer en étincelle
Mes longs cheveux amarrés
Des bijoux de ce regard
Mon cœur en a assez
De la course du ciel
De toute cette errance
Où le jour fut scellé
À l’échelle de notre vie
La coupe fut remplie
102
Histoires brillantes et terrifiantes ; hantant nos nuits ; conjurant les malheurs et les bobos d’enfants. Esprits de la paix de l’amour et de la prospérité, âmes des chambres, vous sonnez les tocsins et la cloche éloignant les hordes, chassant les démons. Dompteur du lion, du cheval, nous attendons au carrefour d’un autre soir qui se cabre au balcon balafré du petit matin des gueules de bois. Les histoires stupides de sorcière ont rassuré mon enfance, j’ai bravé la nuit, les forêts sombres, la terre enflammée, les cercles de feu. Enveloppé dans ma solitude, j’ai fait face au démon de l’air et des gouffres. Je criais sous les coups de fouet, mes membres engourdis glissaient sans bruit dans la boue, je voyais passer des anges tandis que le fouet s’évanouissait sur mon dos. Sur ma peau, le cuir dessinait des vaisseaux rituels gouvernés par des forces invisibles et dont les flancs battus par des vagues pourpres décrivaient certains contes que seuls des équipages de légende dans un châtiment divin auraient pu décrypter. Mais mon sacrifice d’enfant apaisait les colères malignes et les bateaux pirates s’éloignaient à toute vitesse dans la nuit. Le brouillard très haut blanchissait le monde et tirait toutes les ombres dans une torpeur de chaux. Les arbres comme des compas affolés essayaient de redonner une direction, mais la nuit obstinément dissimulait auprès d’elle le souffle des vents. Un centenaire entreprit de changer le degré des alizés, mais la pénombre en chiffons déchaîna quelque chose d’encore plus joli et se promena sous la lune jusqu’à tromper les montagnes et signer les collines d’hosties de reflets. La lumière de la lune passe au travers de nos âmes comme un manifeste sur la berge. Ce doit être ravissant une âme sur la berge sans ombre. Je voudrais bien en avoir une, d’ombre. Malheureusement elles n'existent pas. Ces habitants des tombes essayent aussi de démêler leurs fils enchevêtrés dans leur sommeil. Partout, sous la terre, au-dessus du ciel, dans leurs prairies, au bord du ruisseau. Au même endroit, là, au bord de la berge. Là où l’eau d’une gerbe plus fraîche a la taille des cyprès et où le pan de la rose danse. Ceux qui sont partis n’en savent pas plus aujourd’hui et comme on fait la queue, il y a de grandes chances que nous restions tous ignorants. Les nuages récurent le fond du ciel qui semble crier de tant de propreté. Si je pouvais me faire fantôme après ma vie, je n'y manquerais pas, pour ton plaisir et pour le mien. J’aimerais retourner à la foire et m’apercevoir en haut des montagnes russes des apparitions défaites et délinéées jouxtant les contours sous l'aspect d’un réel casuel. En apposition de ce qui n'existe que dans l'imagination, j’ai la sensation d’être là encore et je traduis inconsciemment la persistance de mon appartenance à la totalité. On pourrait très bien me sortir du lit et mettre à ma place une image, pas un moment vous n’arrêterez votre regard. Nous ne sommes qu’une empreinte, la trace d’un passage. Il ne m’appartient pas d’exister, et quoi que nous fassions nous ne sommes qu’un morceau de ténèbres entre mille autres arrachés à la montage. J’agite épileptique une quantité de souvenir, une odeur me poursuit comme un jet de pierre et je me retourne sans cesse. Lorsque ce n’est pas permis, des embruns redondent et parfois je m’allonge au fond de ton jardin, derrière tes meubles, sur tes vêtements. Et je sens ce sentiment que le corps d’un vieux bois ne me recouvre qu’avec ses sensations. Elle a raison. Les fantômes ne donnent des ordres qu’à nos âmes et la vraie vie est au fond d’une idée.
103
Ce berceau du ciel
Récidive, regarde
De plein cintre
Le monde est assis dessus
Saisis-toi si tu le peux
De cet ensemble déserté
Chaque instant de la vie
Est comme une industrie
Avant le grand saut
Le soir du banquet
Les verres seront vides
La course des lignes
Vient de nouveau
Changer la providence
Et son rêve d’éloquence
Une seconde sur le toit
Le soleil lança
Le lasso du matin
Ni chaud ni froid
Le jour de demain
Comme le midi d’hier
Le loin de la lune
A décliné sa cheminée
Le goitre de la nuit
Repose dans un pli
Un secret liquide
L’âme est un joyau
Qui coule des idées
Le corps sourit
Une larme se cache
J’ai jeté sur la dalle
Un reste d’espoir
Mon cœur est mêlé
Dans la poussière de henné
Le chagrin est venu
Je ne la trouve plus
104
En peine désormais je resterai là sur un rocher de l'île où jour et nuit je regarderai les récifs lapidés d’embruns et de vagues. Pour avoir eu une idée d’un drôle d’air, je m’en fus toujours à mauvaise école. Mon regard se perdait dans des rêveries. Il se complaisait des directions où l’horizon déferlant faisait monter en moi la violence des opposants. Et j’opposais à mes parents mon silence montant. Mon âme manquait la chaleur du soleil et le froid de l’hiver. Je faisais du mécontentement des creux dans le présent que je remplissais de nuages et de fines gouttelettes. Perles claires, et micro-bombe de jardins parfumés et pulvérisés des lilas, jades et mimosas et de ce que m’offrit la toute belle gente. Une gerbe de mer jaillit et s’étend comme un rameau pour mourir sur le lichen des pierres. Je marche sur des bouts de branches d’océan que le vent atomise parfois pour arroser mon visage. Et ce que je projette des essences de mon remords se mêle à la bruine, à d’autres tempêtes et mes yeux saignent encore de la flotte, car dans mes veines il n’y a que des larmes. Cette beauté artificielle ondoie délicatement comme un iceberg au loin. Des pans entiers d’eau solidifiée se rompent comme des parts de gâteau d’anniversaire et des bouches du sud et de Gulf Stream les engloutissent dans les ténèbres d’estomacs innocents. À la fraise ou à la pistache, je n’ai pas eu souvent ma part de dessert, mais j’ai toujours détesté les petits pots. Je ferais mieux de m’habituer, lorsque l’étendue salée demeure sans tain, des navires attendent serrés dans ses mains. Ainsi, quand la surface se tend pour chercher du relief là où le plat demeure son destin, elle recherche parfois des Himalaya et alors elle plie définitivement ses chagrins en broyant les marins dans son sein d’amante éternelle. Souvent prise dans la rage du sable ou de la neige, l’ivresse chante à la gloire d’un verre d’eau. Des profondeurs émergent parfois des souvenirs, des breuvages plus calmes, des bouteilles de lait ou de champagne. J’ai mis sur tant de lèvres des châteaux pétillants, et craché si souvent sur le limon des pensées. J’ai mangé cru du vide et puis du rien, et tant dévoré des choses annoncées, que je n’ai plus faim. J’ai inondé le monde de mes propres inventions et tout effacé d’un clin d’œil. Le souffle d’ouest passe des pommades sur le visage du village. En proie aux tremblements de voie, la vie en plein air a jeté l’homme à la mer. À bord, embarquez vos gros paquets, la marée basse attendra que le blanc sens du péché vous rattrape éméché. Pour ma part, un coup d’aller-retour me convient mieux que la montagne, que la plage, que ces destinations émaciées. Votre temps est épuisé et le mien heureusement est une succession de hasards tristes. Sur la berge maintenant, l’espoir est pareil à une bulle qui se gonfle du souffle de ma petite fille. Sur la monture de mes pensées, elle est rivetée. Sur la voûte des cieux, tandis que l’ombre culmine dans les vallées, des merveilles de ce monde nous faisons de la destruction. La nature ne procède rien de ce qu’elle ne dispose pas, plus on lui mettra du pain sur la planche, plus elle se jouera de nous. L’homme est entre ses mains, mais il ne le sait pas. Même si elle est de mon sang, je l’ai adoptée. Dans mon cœur de paysan, j’ai accepté qu’elle émigre, comme la dingue fille de sa mère elle emmène aussi son grand frère. Elle fait encore des jeux avec ses vêtements. À l’école, elle ne s’en fait pas. Elle s’est mise à la ferme comme Ève boit du cidre. J’aperçois ses petites mains faire passer de la joie pour de la perfection, modelant toutes choses ailleurs comme du désir d’être heureux. Je vois défiler le monde comme un cortège de fanfare avec des soldats qui font de la musique pour envahir des jardins. Tout à coup, tout s’arrête, nous pénétrons un éden rempli d’escargots amoureux qu’elle décolle un à un. Puis, quand elle les jettera, je m’endormirai en priant et en remerciant le ciel de ne pas avoir eu besoin d’un concours de circonstances, mais simplement de rien d’autre pour être heureux. Je m’amuse, chaque sourire est un pas vers le rire, les objets sont plus jolis et la vie aussi.
105
Je m’effondrerai trépassé
Soûl et prêt à parer
De l’arbitraire de la fatalité
Puisque le convexe de la vie
En tournant regarde par ici
Il pose une main maigrie
Sombre, sans pressage
La nuit saisit son message
Et finira par faire naufrage
Au petit minet du matin
Le ciel, ce cheval serein
Inonde de bon vin
L’univers dans un regret
Au fond de la mer un secret
Et par quel charme discret
Une simple goutte d’eau
S’unit à la mer aussitôt
Et aux poissons rigolos
Un grain de poussière
Virevolte, siffle en l’air
Il se marie à la terre
L’aube crie ses bourgeons
L’amour est comme une floraison
La vie pleure d’abandons
J’endurerai tous tes tourments
Sans sentir le poids du temps
Jusqu’au jour du jugement
106
Notre temps s’est épuisé
Quelque part c’est bien
N’aspire point à demain
La porte s’est refermée
Nous ne sommes pas ressortis
Un an, un mois, quelle différence ?
Maintenant nous savons
Nous n’avons plus rien à faire
Je regarderai les vêtements repassés
Ne regarde plus derrière
Nous sommes tombés
Comme les oiseaux, pris au piège
Nous en avons eu assez
De quelle façon le temps
Traite les autres gens
L’éclat de ton réveil
Comme un long vieil
Ma vie s’étale ce soir
À l’enfer de la lune
Nous errons sur un fil détendu
Sans désirs et sans buts
Il survole suspendu
Ni tendresse ni secours
Pour tout l’amour qui s’enfuit
Je subirai tous les soupirs
Et si je manque à mes paroles
J’en aurai des remords
À moins que la vie m’abandonne
Ton visage éclipse celui de la brume
Voici un pauvre sac rempli
Couleur de pourpre et de rubis
Tes rêves et tes images
Une ondée qui t’entend pleurer
Ton voyage est parti dans la vigne
Les buissons de joie chantent maintenant
Le chant lourd des feuilles des arbres morts
Le vent pleut
Qu'il lui semble écouter
Le chagrin des raisins
Les sanglots de ma peine
107
Les rêves sont par essence inaccessibles. Et ceux qui se réalisent, malgré la proximité des sens, malgré la proximité des gens, sont comme des mirages aplatis sur ce monde bouffi et sur lesquels le temps tartine des couches successives de chaos. De cette cacophonie générale, des principes originels se distendent entre les mains des hommes. L’ensemble admirable semblable parfait et la souffrante mortification agissent de notre spontanéité. La joie et le chagrin que nous réserve l’aventure, c’est un peu comme s’asseoir sur les marches de la sagesse. Ne faut-il pas que la conscience se dissolve, et perdre toute connaissance, et celle du monde, et de son existence ? Lorsque je situerai l’avenir quelque part entre solitude et liberté, je prendrai un chemin étroit et qui monte. Je rendrai la douleur et ferai des réserves de tristesse. Je laisserai des araignées qui volent tisser des toiles dans l’espace. Je n’aurai plus besoin de valise, ni de médecin, ni de malade. Je pousserai mes crochets, et suspendu à des fils d’étoiles, je parlerai au ciel mille fois plus malheureux que moi. J’entendrai le craquement des astres et leurs rôles infusés avec lesquels je me pique, mais je ne le dirai pas. Je ferai la charité à l’amour d’un air nostalgique et désintéressé. Je descendrai au fond de moi-même, là-bas avec mes mains blessées, pour trouver la loi du juste. Mais plus rien n’existera, plus même les périls ni même les sensations, car plus on va loin, moins la mémoire se souvient. Je consumerai mon oubli tombant de haut et tout sera fini. Il y aura toujours au fond de mon cœur un ciel étoilé et au-dessus de ma tête un soleil qui ne se lève pas pour la première fois. La nuit, je me mettrai aux cocktails de minuit. Je me prendrai des cuites en regardant à l’est. La morale tient dans un verre de vin. Je n’ai pas le sens de prendre le moindre engagement sur le plan de la douleur. La force est un conseil donné de très haut. Chaque chose personnelle de l’alcool à l’amour est une forme de résistance qui soigne les coups. Nous aimons la pluie et lorsqu’elle tombe, elle nous éclabousse de tous ses objets. Elle nous ressemble lorsque nous aspergeons tout de notre imagination et que nous naissons au détour de chaque chose. C’est notre condition sous le gouvernement de la nature. C’est ce qui nourrit nos âmes aux phénix des sensations, et une fois achevé le passé n’appartient qu’aux morts. Que reste-t-il dans le cœur de ceux qui aiment bien aimer ? Les limites de l’amour, c’est comme un métronome qui sonne toujours trop tôt. Les marchants n’ont pas encore de marchandises, gardons-nous loin de l’obésité de la modernité. En étant nous-mêmes et en appliquant un peu de vertu et de foi en la vie, c’est tout ce qui peut nous rester. Demain se situent les symboles et principes, mais si nous gardons nos valeurs, alors notre sang coulera encore pour cela, mais nous serons libres certainement, ou au moins frère et sœur. C’est un peu comme un jeu vidéo. Il n’y a pas de matière, à peine de l’équilibre. Ce n’est qu’une suite logique et tout s’enchaîne. Sauf que si l’on appuie sur le mauvais bouton, alors il faut tout recommencer. Si l’on pouvait séparer tout cela et défragmenter le virtuel pour retrouver les forces réelles, nous nous apercevrions que tout n’est qu’illusion d’optique. Regardez bien dans vos mains le miroir pâle de la solitude. Cette absence-là est égale à la durée entre deux silences. Pour ma part, je suis amoureux de la lune sous quinzaine, je n’ai pas besoin de chagrin. L’homme est le fruit de l’amour de Dieu avec tous les anges, et ces races emmêlées roulent dans l'éternel. Le comble, c’est que Dieu est une femme et qu’elle est mauvaise ménagère.
108
La vague du loin qui chante
Et celle qui dans ses romances
Danse dans mon cœur ses galantes
Ainsi que des corps en transe
S’allie à des mouvements étranges
Des formes d’arabesque et d’anges
Son écume déroule ses voiles
Sous le son puissant des embruns
Avec cette sobriété en forme de pain
Qui dispense ses volutes à la moelle
Et ses rouleaux rugissants de charme
Arrose ma fumée de gifles d’éclat
Avec ce mal émaillant ma flamme
Décorant mes fruits de flots nacarat
L’océan ouvrant sa palette aux cieux
Comme une erreur de l’eau sur le feu
Le temps brûlant le foin de l’hiver
Des jets de blanc trament l’univers
Et les couleurs de jais disparaissent
Des courants de chevaux fous paissent
Emportant aux allures de sable
La mer qui coule des portes de l’étable
Les mots courent dans la cour
Ils glissent sur les cercles des jours
Comme une goutte sur un sein
Comme une perle dans ma main
Tout secret doit l’être plus caché
La nuit ne dira pas sa vérité
Et je garde dans ma poitrine
Le précieux joyau d’opaline
Les secrets du monde imaginaire
Dans les profondeurs du mystère
Les eaux soustraites de l’aurore
Mouillé de rêves je m’endors
Sur moi, de son regard, la mer jeta
Un peu de plaisir puis s’en alla
109
Mon âme se calme
À l’épreuve du chagrin
J’ai fait le tour du monde
Et du néant pareil au vent
L’orage orne le temps
Ne sachant où aller
Avec la joie et nos péchés
On a pris ma poussière
Je suis né nu du désert
Revenu sous ton toit
Ma préférée assieds-toi
Prends ta part d’une tierce
Une sonate et me berce
Une note et deux mesures
Remets ton seul obscur
Cent ans ou un seul jour
Mon amour discourt
Et brandit ton espoir
Mes yeux pour voir
Du sein des nues
Le paradis est venu
La couleur envahit
Les nuages de la vie
On dirait des fleurs
Il pleut sur le bonheur
Rideau de pâquerettes
De jasmins, de violettes
Tombées des fontaines
Voiles d’odeurs sereines
Tout porte un autre appel
Tu dormiras tant ma belle
Entre nous, des images
Dans un autre langage
110
Notre monde et si triste, pourquoi ne serait-il pas encerclé par des entités cachées ? Pourquoi les chérubins, les esprits, les fantômes ? Imagineriez-vous un instant, réellement, l’espace intersidéral vide ? La chose intérieure et insaisissable censée présider toutes les autres, cette indescriptible alchimie, force du profond à laquelle nous avons substitué les anges, comment s’appelle-t-elle ? L’intelligence n’est pas entièrement écrite dans les livres, et ce qui nous anime est du même ordre que ces génies qui président aux divers destins du monde. L’ensemble de ces puissances secondaires qui régissent l’univers soumet les éléments aux divinités ou à la révolte. Pour elle ou contre elle, interviennent le bien ou le mal. Le plus ou le moins, c’est la perversion, comme toutes les échelles de valeur linéaire. On est toujours sur une droite d’où l’on regarde le cadran. Rien ne commence, rien ne finit, tout continue. Les esprits de la nature et d’autres êtres semblables sont des intermédiaires entre le rêve et la réalité. Leur fonction en tant qu'esprits au service d'une puissance supraterrestre, est caractéristique à mainte religion, et c’est ainsi que nous subissons leur influence et que nous espérons. Mais l’espoir n’a jamais rien arrangé. Dans l’espoir, on espère toujours que c’est réciproque. C'est-à-dire que l’espoir ne nous oubliera pas et que nous serons riches et célèbres. Il n’y a pas d’espoir pur. L’espoir est toujours perverti et tendu vers quelque chose. Tant qu’il en sera ainsi, on peut espérer et attendre la mort. Qui espère uniquement pour exercer une fonction du bonheur sans rien attendre en retour que le simple fait d’être heureux ? Qui regarde la nature voit l’avenir et comprend de quel mal il faut triompher. Nous devons tous croire que la vie vaincra, et que les petits esprits continueront à s’attacher à chaque existence. Prenez garde de toute chose. Notre âme fait partie de ces petits bonshommes. Elle existe le temps d’une sensation, de sentiments, et puis pff, elle disparaît. Mais cette disparition n’a rien à voir avec la mort physique. Souvent, l’âme a disparu bien avant le rendu du dernier souffle. Nos tout petits êtres s’évanouissent à cause de la matérialisation et de ses conséquences, de la production et de ses gâchis, de l’absence des sens et de la surconsommation. Le rêve a également perdu sa valeur suprême, il donne maintenant sur des fenêtres aux images virtuelles, et nous faisons de la réussite une expérience sociale. Peu à peu, le calme, le silence et l'obscurité retrouveront leur place dans les cœurs et enseveliront les futiles et aléatoires soucis et désirs des hommes. Les petits oiseaux blancs du coin des choses s’en retourneront frapper à nos portes. Campés sur nos paillassons, ils tiendront dans leurs mains des richesses discrètes. Du détour d’un coup d’œil, si nous les apercevons, ils interrompront le mal. Alors, nous nous mettrons en route sans plus avoir besoin d’espoir, notre course ne ressemblera plus à une fuite et nous serons fous de délivrance.
111
La lumière orangée des lampadaires éclaire le détroit des rues, et les voitures prêtes à lever l’ancre tanguent dans les flaques, les caniveaux, au gré des rafales de vent fouettant le visage des façades. Il y a des arbres et des oiseaux mis à part, ce bras de rue semble encerclé par des bouts de récif et de corail sous le goudron. Porté par la brise et la pluie, la ville a un parfum de pierre mouillée et d’herbe fanée. Des contours émergent du flot de la nuit, un immeuble solitaire, un abribus fluo sous le clair de lune, des poubelles en ligne… Les ombres et les silhouettes n’ont pas leur pareil pour transmettre alentour des impressions furtives d’imaginaire, et font revivre en nous le mystérieux qui sommeille. Avec ses plages urbaines en noir et blanc d’eau ruisselante, des détritus se dresse la toile parfaite de nos futurs jours tristes. On est loin des charmes aisés des quartiers chics de leurs belles eaux bleues, de leurs plages de sable blanc. On aimerait courir à demi-nu sur le sable, tirer derrière soi un cerf-volant plein d’étoiles, ramasser des mégots comme des coquillages, et jouer à saute-mouton avec les éclaboussures. Lorsque les heures de la marée approchent, nous ferons les asperges le long des comptoirs, accoudés sur un rocher de zinc. Et puis nous plongerons et nagerons dans des lagons souterrains, en faisant le poirier sur les bancs du métro, en construisant un château de sable avec l’aide des colleurs d’affiches. En s’avançant au bord du quai, pour nous divertir de ce chantier, nous regarderons les rails comme s’il s’agissait des bras morts d’une rivière coupant au couteau de la pierre calcaire et des bouts de roseaux tombés par terre. Lorsque le train dans ses marais flottants se dirigera vers nous comme un requin vers un véliplanchiste, porté par le clapotement du courant de fer, il nous avalera et nous emportera vers la baie. Tout le long du chemin, des goélands hydrauliques piailleront, grisés par les remous capricieux du lit de la trame. De la rivière agonisante au delta asséché, chaque liquide retourne à la mer comme chaque passant retourne à la foule. Arrivés à bon port au premier abord, ces côtes accores, ces escaliers touffus surmontés de flics, ces longues lignes droites étendues de tapis roulants où l’odeur rebute davantage que la pluie extérieure, cachent une beauté pas facile. Dehors, sortant de la station, nous retrouvons la surface grise et blanche et ses ronds-points en forme de lagune. Derrière chaque carrefour se détachent les silhouettes énigmatiques d’immeubles sombres des années soixante-dix. Dressés, ils ressemblent à d’immenses dolmens. Des dolmens bourrés de tranquillisants et au pied desquels s’étale un parterre de pauvres fleurs inondées par le brouillard. Tous ces éléments se joignent : odeurs, couleurs et formes, dans leur isolement. Tel que l’écho de la solitude rebondit sur chacune de leurs barrières. Tel que dans la grisaille, l’inodore, l’insipide, tout se rassemble. En réalité, non seulement on n’assemble que peu d’éléments intéressants pour les sens, mais en plus leur place n’a effectivement que peu ou pas d’importance. Architecte ivre de violence, cités altérées par la déprime de ses habitants, précipice dans lequel on jette la faim et la soif, tous les matins se lèvent de la même manière au-dessus des toits brouillés. En haut des arbres, la liberté ôte son chapeau, derrière les bosquets où il pleut toujours, la campagne aussi mène une existence triste. Une plage de sable doré, un lagon turquin aux eaux gainées de veines de corail blanc gris, et dans l’arrière-pays des plaines ombragées, des lacs d’eau pure et des arbres chargés de fruits.
112
Durant tous ces âges, ton immensité a procuré une protection avérée à tes eaux salées, à tes vastes étendues d’abîmes, berceau des gènes de l’univers avalant les espaces vides et couvrant tous les creux que l’apesanteur et l’air ont laissé inoccupés. L’infini et les continents que tu conjuguais jadis conféraient aux trois quarts de la planète un équilibre sauvage, un sanctuaire paisible aux dernières espèces sauvages et indomptées.
Longtemps ignoré, l’homme s’est débarrassé du tabou de la mer en te découvrant. Sur ta houle, les antiques marins se sont figurés les légendes divines. Les rêves imprécis des artistes t’ont inventé décoré de têtes couronnées de raisins et de pampres. Ils t’ont sculpté avec à tes flancs des dauphins, les joues soufflant l’alizé et des algues plein les mains. Ta barbe fut un banc de corail aux jardins sous-marins de poissons colorés et de fleurs immergées.
Du ponant au levant tu te distingues de tes filles Méditerranée, Noire, Rouge ou de Chine par l'importance de tes fonds abyssaux et par la chance que le ciel de ses pluies t’ait donné de conquérir ses territoires en contrebas. Les vaisseaux ronds de tes surfaces et les longs navires de tes profondeurs baignent de charme et de peur des plantations d'arbres, des plaines de blé et de verdure. Au profond de ton âme, il y a aussi des villages de maisons et des nuées de petits toits bariolés, des refuges de méduses, des cimetières de particules. La poussière n’existe pas et tout est tellement humide qu’il ne pleut jamais.
Les vignerons avec leurs barques de bois ne cueilleront plus sur le littoral les grappes de la raison. À travers les mers du Nord, le grand Boréal et la sauvage Baltique, six mille ans de batailles, de blocus, d'embargos, d'abordages, de captures sur toutes les parties liquides du globe, et pour finir, la pêche industrielle a eu raison aussi de l’équilibre des océans. Songez à cet enfer d'immensité vide, songez à tant d’angoisse devant ses eaux mortes et tourmentées par la peste des égouts.
L'antique univers n’avait jamais prédit ces changements. D'innombrables cercles calamiteux, dans le gisant visible et nébuleux, vibreront autour des ultimes montagnes. Nous retournerons dans le sein biologique de la soupe océane, et le soleil émergera un matin et plongera le soir avec l’eau du bain. L’océan du monde est mort, et ses roches et sa faune, rentrons nous coucher dans la nuit éternelle et le froid perpétuel.
113
Le vent emplit de plainte tout ce que je vois de paysage
Un cri remonte par les chemins et se hâte vers la montagne
Il imite la fièvre sur mon visage et le sommeil ne part plus
Des oiseaux sur les branches et la saison du réveil
Baisent les lèvres flétries de mes couleurs éteintes
Et comme les fleurs ne sortent plus, la terre soupire
En dénouant ses cheveux, ses mains bleues
On embaume la dernière rose à la gloire d’une larme
Tu ne viendras pas dans le jardin
Aux pieds des peupliers la source étend ses bras
Pour saisir une beauté dont les yeux font penser
Au soleil d’avant l’aube lorsqu’il se glisse au paradis
Il est entré partout mais je vais lui tordre le cou
Que ferai-je de mes souvenirs sans la chaleur de ton corps
Comment veux-tu que je tremble
Dans ce lieu obscur demeuré caché de tes secrets
La pluie pose à l’envers 100 000 baisers qui désespèrent
Mouillée d’hier soir, nous a séparé le front
Des nuages grondants ont surgi derrière les monts
L’aurore écoute l’horreur silencieuse
Ma voix déchirée, on voit dans l’air
Le sabre du bourreau dont tu tiens si bien ma belle
Au plus profond, la lame, la tourterelle appelle
Et 100 000 coups de cristal répliquent à chaque instant
La fin vers la prairie, mes étriers brisés
Ma morte blême de fer et d’airain
Ma morte dispose ses flûtes dans ma gorge
Ma pauvre âme tapissée de nuées de fractions
Comme on l’entend qui répète sa leçon
114
Le vent et ses orgues alphabétiques
Ploie dans les toutes petites choses
Le gel qu’il nous ramène
Suspend ses flots au gré du courant
Le froid retiré s’endort
En pleurant des sirènes
Ce théâtre tapi dans l’ombre
Nuit et jour nous encombre
Nous courons dans le pâturage
Essoufflés, tournant de rage
Fermons bien la porte
Au point du jour
Les étoiles se détournent
Nous nous retournons encore
Démontrant ainsi à ce jour
Les fléaux et autres démons du monde
Que la nuit s’achève là
Tenant pâtres et troupeaux
Parvenus à mi-chemin
Chassant avec nos mains
Les oiseaux voleurs de destin
Et les pauvres gens qui croient
Qu’il y a du bien qui se cache
Des fruits sur les branches des arbres,
La mort paisiblement des bois touffus
Nous ne voyons pas qu’ici-bas
Nous ne sommes que de passage
Dans cette maison nous ne résidons
Qu’un peu de temps
En partant d’ici nous ne savons
Toujours pas d’où nous venons
Il y a un lit fait
Vide et faisant sortir du jardin
D’autres oiseaux qui secouent leurs ailes
Aspergeons d’eau de rose
De fleurs la rue pesante
D’un monde à l’autre en supposant
Délié l’espoir du réel
Nous n’accordons pas d’importance
À leurs nids de connaissance
Nous recherchons l’éternel
Sur cette terre comme un modèle
De ce lien nous sommes contents
Entre deux mondes, un instant
115
Sous ta saharienne, une tiédeur offre une interaction fortuite entre des éléments simultanément précis. À même la peau, des effets de champs s’installent et présentent à chaque mouvement de tes hanches ou de tes épaules une interprétation globale de la géométrie des masses et des courbes. C’est une espèce d’impression de la rondeur pleine assez difficile à comprendre, focalisant tous les autres points de l’espace. J’aime ces sphères de demi-embonpoint que rien d’autre ne préserve et qui t’aident si bien à affirmer intimement ta présence. Les boutons-pression peuvent s'entrouvrir et donner un décolleté, ne montrant qu’un écart entre deux pesants frémissements. Ensemble, la valeur que peuvent prendre les vecteurs électriques de tes séductions est contenue là, le plus paisiblement du monde, près du champ magnétique de mes mains. Fermant les yeux, je me blottis le plus rapidement possible pour nidifier quelques œufs de tendresse dans tes odeurs de savon. Cette vallée extrêmement fine avec autour de ses monts doux, un visage sans lune, une gorge sans couleur, comme cousue de dentelle, et avec dans le creux de tes reins une source qui cherche son chemin, et c’est là qu’elle apparaît soudain, vivant au loin de la coupe. Dans ses flots presque absolument sphériques, des vagues jaillissent pour nous noyer sur nous-mêmes, pour nous donner une dernière constitution. Puisque vécu du dedans de l’eau fraîche, un sentiment nous préserve et fait de nous presque des hommes. Dans ses dérivées de massifs montagneux, ses dépressions gonflées, plus ou moins espacées et formées par un écartement, la lave subtile d’une caresse drainerait, superficielle et interrompue, les traces résultantes de l'action des passions. À l’intérieur de cette vallée charmante picotée par la brise, le paisible ruisseau de mes yeux parfois coule entre deux, au milieu de prairies fermes sentant la rose et le lis. Quand le doute te presse, tes contrées s'animent, c'est le commencement vivant où ton relief expose ses coteaux au soleil, en face des champs du ciel, selon des failles moins parallèles. Mais partout ailleurs, sous le dogme de ta chemise à carreaux, le charme court une ligne entre des arrêts de fraîcheur qui se succèdent, pareils à une marée de petits quadrilatères. J’imagine cette mosaïque un peu comme une spirale sur laquelle du bout des ongles, petit berger tatillon, je ramène ses troupeaux carrés vers les quatre centres du monde. À distance médiane, une suite de bassins plus creusés et décalés les uns que les autres se forme. À l'intersection avec des zones de jointure, des glaciers fondent et remplissent les interstices. Car ces lacs sont à peine comblés par des décennies de serments, que des périodes nouvelles s'ouvrent par de nouvelles invasions sentimentales, non plus cette fois comme par le passé, mais désormais définitivement émergées. Ton charme dévêtu révèle tout un coin de corail dont même la torsion de ton corps ne perturbe pas l’équilibre. Les éminences charnues qui s’élèvent vers le centre de la colline forment en arrondi la marque sereine d’une déesse à demi endormie. Un chat s’enroule autour de ton cou et montre sous ses pattes des coussinets pointus empruntant les crêpes adipeuses de tes vêtements humides. Tout ça prend du tangage et du flonflon avec une connotation quasi érotique. Toi qui dors au flanc d’un mont d’où peut surgir un torrent, je crains que tu ne te réveilles pas avant que l’eau ne me monte à la tête. Durant la nuit, tes mantilles se dessinent avec netteté, chacune avec son aspect propre et sa topographie. Elles montrent dans un reflet leurs futaies entre lesquelles se dessine nettement un vallon mouillé. Pendant ce temps, dans le ciel nocturne se reflète chaste et nu un astre de nourrice qui tend pour tous les songeurs son sein charnu. Son fiel inhibiteur du chagrin s’épanche dans la lenteur d’un soupir. De boire à sa clarté dans le flot de tes seins, les premières gorgées sont destinées par les lois du sucre à s'implanter perpendiculairement dans mon cœur. Aussitôt délivrées, les premières gouttes irisées plongent dans la chair, et elles y lavent même les pierres. Elles donnent à l’esclave un godet aussi longtemps qu’il le veut, et souvent ils sont déjà vieux qu'ils se régalent encore. La respiration au galop les soulève à peine, et lorsqu’ils prient dans leurs chaînes, ils lèvent leurs yeux clairs vers des voûtes à l’envers, vers des corniches, des sculptures, des gargouilles. Et ils voient une cathédrale hématite qui se dresse en haut des monts pâles, et lorsqu’on en pousse les portes, des cloches montent des révélations de sainte et de la grâce d’une vierge, nous dévoilant savamment le chemin jalonné pour que nos âmes qui s’échappent tentent seules à la pente du velours la descente éternelle.
116
L’amour a commencé l’histoire en ravissant le cœur des êtres. En y glissant du désir, et en révélant l’axiome invariable du secret des chiffres. Il en a fait une boule de nectar physique et mystique qu’il a soumis à la lumière du soleil et à son enivrante cuisson. Décrivant de telle sorte la beauté, il a enflammé les yeux des jeunes et des âgés. Il a renversé par terre tout le contenu du ciel, il a tendu à la raison le péché originel, mettant ainsi en mouvement toutes les Ève et tous les Adam. Il a suspendu la vie aux lèvres, d’un moment à l’autre, passant sous les vêtements. Et comme il n’a pas d’endroit où habiter, il demeure là, à l’insu de tous, sur la place publique, noyé dans ses fracas : il trace sur le sol des notes d’accordéons. D’un clin d’œil, il rend aveugle. D’un clin d’œil, il dit la vérité. Il inspire la perfection à tout ce dont nous rêvons. Il glace nos mains sous l'effet d'une émotion violente. Pour créer le doute, il a conçu les larmes et la mélancolie sur les jolis visages. Il a fait exprès de colorer de sa palette et le parfum des fleurs et le chant des oiseaux. Il étale ses secrets et met tout en évidence, mais n’en montre qu’un bout à la science. Il étend sur l’orphelin sa bonté tout en entreprenant ses ravages dans ce monde de trouble et de tumulte. Grâce à son courroux, l’âme de l’homme devient noble. Grâce à lui, nous ne restons pas captifs de cette humeur dévoratrice. Nous gardons patience et persévérance, au moindre contact de la flamme, la possibilité d’être éternel devient concevable puisque c’est le même soleil. Sans doute un jardinier viendra cueillir la fleur tôt où tard mais la peine s’assoupira enfin dans la poussière. Le cœur est le miroir où il se manifeste, à condition d’être malade, rien d’autre. C’est le seul endroit à travers lequel il nous regarde. Il faut toujours bien prendre soin de nettoyer cette surface pour que le reflet soit toujours réel et ce lieu vierge. Il n’y a pas de place pour quelqu’un d’autre. La douleur est aussi un remède qui doit nous aider à ne pas tout rejeter.
117
Reste avec moi un instant
Faisons et fléchissons ce temps
Laissons la part à cette chance
De s’arranger de l’existence
Et ta bouche emplie de pleurs
Celle qui du bouton de fleurs
Comme un refuge, une fête
Dont la lèvre rendue muette
Saisit le versant sain du midi
Tandis que le petit rossignol périt
C’est un songe qui vient se poser
Au bord du toit de cette soirée
Que son aile se moque donc
De celle d’un ange quelconque
Je vois des couleurs entre les astres
Je voudrais regarder tes contrastes
Laisse fléchir les ambres et les roux
Délace de ta coiffe les anneaux fous
Étendue sur le parcours du vent
Laisse ses doigts ajuster tes serments
De cette source de bonté
Tes cheveux ont emporté
Loin de moi conscience
Et entendement, l’enfance
Des flammes au sérail
Sur ces lèvres de corail
Ta pudeur en fait de proie
Je te serrerai dans mes bras
Et je guérirai par un don
Ce que j’ai alarmé de passion
Je regarde en arrière
Quoique je parcoure la terre
Et je ne sens pas mon pied
Je m’en vais de regret
En rodant de nuit, tout épris
Et dans le flot de ma folie
La reine des beautés
Porte atteinte à ma fidélité
Hors du nuage d’illusion
Le rêve renaît d’un pardon
118
Il y a quelque chose de sacré
À la commissure de tes lèvres
Amer et doux que j’ai trop désiré
Un baiser sur ta bouche livre
Si bien, tu en conviendras
Je déposerai un morceau
En descendant un peu plus bas
Et si je demande trop
Je demeure sur tes lisses
La goutte qui glisse
Pour une confidence
Je cherche ta présence
Lorsque tu as disparu
Un baiser m’a élu
D’un raisin à croquer
D’une plume pressée
Et qui remue ton sirop
Ton jus vient d’apaiser
Douleurs, chagrins et peines
Les secrets les plus intimes
Le feu dont j’étais consumé
Le ciel est à vendre
Regarde donc ta haute image
Mon regard sur ton beau visage
En jetant des milliers de regards
Dans mon œil comme dans un miroir
Au couvent tu passes
Afin que de toi je fasse
La plus individuelle
De toutes les vapeurs du ciel
Mais sans parvenir à ton but
Que de piège furent tendus
Et de soupirs, et de regrets
L’âme avide à la recherche d’un reflet
Des prisonniers torturés contemplent ces lieux
Et dans des anneaux pâles et sinueux
De ma bouche court un torrent brûlant
De mes yeux le flot du feu passe tranquillement
Dévorées d’écume, mes lèvres
Se couvrent d’ulcères et de fièvre
Mes pupilles choient derrière les flammes
Et je parle à cet ange le langage des larmes
Écoute bien le son de cette voix
Laisse couler, ces quelques pas
S’en sont allés avec le vent
Se sont perdus dans la cendre
Il y a des traits dans mes mains
Oh ! Pleure, fleuve du destin
119
Le vent d’Est répand encore
Sur les jardins et les prés son or
La campagne se réveille et s’aperçoit
Que l’ombre a déjà gâté tous ses trésors
La nature a déballé tous ses choix
Et des gardiens ailés piaillent
Montrant toutes leurs richesses au soleil levant
Venu étendre d’autres joyaux brillants
De nuages gonflés de pluie
Comme un lassis verni de pâtisserie
La rose prend en main le gâteau de l’hiver
Tu donnes à la terre un parfum de rosière
Blanche et resplendissante
La voix étendue et charmante
Comme des serpents, les flocons
Se transforment au gré des tourbillons
Avant que ce voile ne serve à personne
Le linceul et la neige de nos pas sonnent
Le jardin est souffrant
Le roi la nuit se transforme en croissant
La lune avoue le tremper dans le café
Et de son sein fendu laisse couler
Comme un rouleau de papier
Au-dessus des cimes, regarde
Le sang sur son flanc malade
De cette verdure et de ces larmes
Les perles grises que les arbres pleurent
Les vois-tu à l’aube, pleines de terreurs
À trembler sans relâche
Elles sont toutes là, prêtes et lâches
Nous glisserons sur leur squelette
Et des astres tomberont des paillettes
Pour changer le pavillon de la vapeur
Et orner de nimbe la couronne des hauteurs
La rouille se prend à briller
Comme un éclair dans l’obscurité
Comme un bris dans un miroir
Et on dirait que le désespoir
En donnant un empire aux ignorants
A aussi déchiré leurs vêtements
De ton désir replie-moi
Je te couvre la nuit du drap
Afin que le temps dans ses sécrétions
Me poursuive de ses confusions
Dans l’éclat du feu sacré du matin
Le vent plisse l’onde dans le bassin
À l’horizon des nouveaux amants
Et à partir du soir
Elle se couvre d’un voile noir
Le ciel a ouvert sa tunique
Tu es unique
120
Dans un chagrin ceint de résine
L’aurore enfin vient d’achever l’œuvre de la nuit
Et, saupoudrée de fumée de charbon de bois
Parfume encore de cendre
Une plainte odieuse qui monte du sol, silencieuse
Comme des jets de pierre d’une foule en colère
L’impatience du jour ouvre lentement les cases
Prenant pour cerf-volant
L’armée des âmes cédée aux charmes du néant
Et des ténèbres sans espoir
L’aube forte de soleil étend ses ombres abjectes
Les petits semblent comme sous une aile
Réfugiés à peine éclos du charnier d’une mère
Ailes de bananier dans lesquelles, ouverte aux vents
Les parents éloignés imaginent leurs enfants
Contraints par une guerre, armés jusqu’aux dents
Ils connaissent le prix de leur peine
Et cachent comme un trésor les souvenirs les plus précieux
Des moribonds couchés au bord des routes
Des étrangers résignés au fond des fosses
Les indigents devant une porte close
Et des blessés qui pissent dans leur sang
Les étoiles résonnent comme des bombes
Elles ne peuvent plus supporter tant de peur
Et aident à achever, de ce monde, l’espoir des implorants
Les jeunes abandonnés terrorisés
Les vieillards qui ne peuvent plus parler
Et ceux qui restent loin dans la douleur
De la sueur des larmes de ceux qui pleurent
La lumière fouille les esclaves
Pitié pour les innocents
Il reste encore des prières à exaucer
Pitié pour ses mains ensanglantées
Je perds toutes ces images
Ma voix bave au sommeil de la terre
Sexe mutilé tombé dans la boue
Enfants criant, dont on cuit les membres
Les corps des filles décapitées
Se tordent, gisant au fond des puits
Et leurs têtes au bord du mur
Pendent accrochées aux barbelés
Le bétail gisant au pied des arbres morts
Forge de la haine ou du minerai de gangue
Où nul secours, où nulle joie
Où nul nul, et le reste est néant
La prairie se couvre de poussière
Les nuages se cachent à l’horizon
Et dans un grand naufrage
Le jour meurt aussi
121
Passe tes bras autour de mon cou
Un point c’est tout
Un instant je t’en prie
Sous peine d’en porter le prix
Ou je rendrai tout ce que je peux
Désir aux draps somptueux
De mon âme en peine
Aux amitiés lointaines
Ma vue se trouble au centième de tes pas
Le dais sombre aux larmes jaunes
Des arbres pour cheveux des aunes
Des vapeurs de ton cœur
Brûlant les parfums des heures
Tristesse enroulée de soupirs
Répandue sur ma gueule
La couleur s’étire
Tu tiens dans ton linceul
Les bourreaux de mon martyre
C’est la teinte de nos noces
Et dont la terre est le négoce
Tu es vêtue comme une fée
Que je te sois remis, moi l’exilé
Mais tu choisis un exil aussi
Alors je viendrai, je sais
Cherchant un astre ici
Et ne le trouvant jamais
Poussière, que tu ne sois qu’un souvenir
Je resterai un étranger en devenir
Tu le verras gémir de douleur amère
Mon amie, mon amie ô combien chère
Aime-moi comme toi
Fais-moi encore le récit que je crois
Je lâcherai le fil de ce voyage
Et ce séjour de déplaisir
Cessera de pincer ses gages
Pour que l’oiseau puisse revenir
Plein d’un prénom coincé dans son bec
Aux rires suspects, aux yeux secs
Aujourd’hui sous le voile de la misère
Je suis malade de te désirer hier
Je t’attends sur le seuil de ma porte
L’œil fixé derrière le chemin qui m’emporte
Je guette, la tête tournée
Sans tarder va me délivrer
Au moment où tu paraîtras
Je vais me jeter dans tes bras
Passe tes bras autour de mon cou
Un point c’est tout
122
De ce jour où l’hiver étendit ses draperies
Le temps et la matière se sont établis
Comme sous une autre couleur
De ma face la terre a pris la blancheur
Le brouillard est devenu aussi froid
Que mon souffle, que mes dix doigts
La glace dépouille ses soies multicolores
On entend le son d’une rivière qui dort
La colline se revêtit d’un vêtement
De lin et de coton d’argent
Elle s’est envolée ce matin
Et évacua la plaine et le jardin
L’armée des beaux oiseaux
S’emplit de teignes et de corbeaux
Le soir dans ses attaches enrubannées
Regarde leurs soubresauts éructés
Du fond de la nef l’horizon vomit
De petits cercles et de larges saillies
Tandis que l’onde de tes lèvres jaillit
Une source immense de joyaux délicats
D’une goutte j’en tirerai mille éclats
Le corps est un bouton de rose
Dans un jardin persistant il s’impose
L’âme est son soleil et sa romance
De la tige aux racines elle danse
Dans le lit du matin la lumière est profonde
Le printemps viendra dans une ronde
123
Je t’ai vu au bout de la nuit
D’un soupir au sein d’un sommeil froid
Je voudrais mettre un peu plus dans ton âme
Un peu de braise et de graine
Au-dedans de ton noir nocturne
Au désir subtil comme l’eau pure
Et que tu t’y fondes comme une ombre
De caresse en caresse
Et sur ta peau délicate la brise frissonne
Des odeurs flottent dans l’air
Comme la pluie d’une cascade
Il s’étend ton nuage
Dans tes yeux le feu fait rage
Cette lueur en son plein
Qui s’accroche à mon sein
C’est ton visage comme un phare qui s’approche et qui vient
Des ajours bleus laissent couler la face du soleil
Et de nouveaux arcs-en-ciel
Mes yeux ont effacé ce que je viens de lire
Tu berces de ta flamme
Le bonheur de calligramme
Tu construis des symboles, des pages en forme de palais
Souvent tes fautes d’orthographe
Répandent des syllabes chaudes
Grisant à la faveur d’un murmure
Au travers de la soie tes architectures
Je suis de mes lèvres les accords
De ta lettre, de ton corps
Bien loin de toi l’encre invisible verse ses romans
Sous une paupière, tendrement
La larme pure est celle du devenir
Rêves détrempés noyés dans l’avenir
Regarde comme j’essaie encore
De t’offrir ces mots tandis que je pleure
Chaque souvenir est un chagrin perpétuel
Notre histoire est comme un parfum cruel
Le poing du givre se ressert
Dans mon ventre comme un organe de l’hiver
Temps engourdis gerçant ma joue
Portant leurs cristaux au fond du puits
Figeant, immobiles, les cils et les fruits
Jaillissant mort-né entre chaque sanglot
Chaque goutte est un tourment de l’eau
La glace prend possession de ces lieux
Et conquiert mon repos pour ainsi dire adieu
Chaque regard congelé erre
Monstre de banquise livré à la mer
Saisissant au moindre instant
La moindre pitié flottant à découvert
Donneras-tu à mes yeux pétrifiés
Le pouvoir de changer le solide en amitié
124
Au milieu de ma chambre pousse un arbre de tristesse
Dont les fruits et les gousses grossissent et m’oppressent
Sa verdure brûle si fort l’ensemble des astres
Qu’elle accroche un flambeau sur ce désastre
Pris de court, le clair de lune a compris
Rien ne te retient si je te rends visite la nuit
Fuyant mon antre que je déteste
Les étoiles suspendues en grappe à l’ouest
Ta beauté est si précieuse
Et les saisons sont si fragiles
S’effacent dans la mer silencieuse
Les pluies battantes et la foudre agile
Avant, toute durée courte
Laisse une nuit qu’on écoute
Et d’oublier sur ces charbons
Les feux morts de notre passion
Dans ta chevelure bleue pluie
Un arc, un croissant qui luit
Mes pas sont sur la route
Le désir me presse de doute
Le moment où les choix se font à regret
En vue de cet hymen simplet
Dans la nuée tremblante
Embryonne des jardins alicante
Un jour entre les branches
Suivant leurs ressemblances
J’ai vu les étoiles toutes blanches
Le temps m’avait piqué leurs essences
Ouvrant la porte de mon âme
J’ai déchiré le voile de mon drame
Et le deuil de mes entrailles
Mon cœur au rendez-vous défaille
L’aventure éclate les mots
Le vent s’ébroue, projette les morceaux
Des feuilles de demain sur le parterre
Bientôt tu marcheras au-dessus du désert
Tandis que les gens dorment d’un lourd sommeil
La nuit tombe tout autour
Filtrée par les persiennes blanches
Palmes bruissant dans les alizés
Lagons fragiles suspendus dans l’océan
125
Un calme si profond règne que l’on croirait la mort à sa porte. Déguisée des cendres de l’enfer, avec ses tessons d’os tenant la poignée de porte ; prête à sonner de ses doigts de boutons de roses fanées. Le calme est une tempête qui gronde. Drôle de récolte en perspective, où la faux s’arrange de quelques méprises. Loin des grands événements bibliques de la surface, d’autres nuages se composent sans pour autant attirer la foudre. C’est dans le ciel et au milieu de la terre que s’est humecté le peu de vie qui nous anime. Au sein d’une étoile qui prétendait être si grande, au cœur d’une poussière, à des années-lumière dans l’humus et l’étron, se formait le prince de l’arbitraire. Les liquides sont apparus bien avant et ils influencent le temps. En tout cas, nous serons vaporisés dans sa main en un instant. Et celle qui frappe à notre porte, la mort, mourra le jour où nous ne serons plus là. Tout périra et nous ne saurons toujours rien. Et l’on se rattache à ce qui reste, et à toutes ces questions sans réponse. La terre est cet espace physique qui nous porte et supporte, où l’on loge et où l’on habite. Cet espace physique socialisé par la présence d’un groupe de personnes qui y résident, et auxquelles s’oppose l’inconnu. La terre contenant son propre inconnu, l’espace reste la perpétuelle plus grande découverte. Entre les deux, entre le connu et l’inconnu, se situe l’espace mis en valeur ou détruit par les hommes. La terre, c’est aussi l’espace sociologique divers et varié de tous les êtres humains qui y subsistent ensemble ou les uns contre les autres. La race humaine est un ensemble de gens d’une même famille vivant dans un espace physique déterminé. La terre, c’est enfin l’espace religieux de tous ceux qui nous ont précédés à cet endroit, sur cette planète et qui sont morts là. Les contes se finissent par « ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants », c’est bien cela les gens de la même famille, ceux qui sont là, marqués par une indélébile continuité, vivants ou défunts qui ont donné des lois bonnes ou mauvaises. Ces trois aspects physique, social et religieux ne font qu’un, car c’est la terre qui nous nourrit, c’est elle aussi qui reçoit les restes des défunts. La terre, c’est donc une communauté de vivants et de défunts cependant toujours présents, communauté dans laquelle s’insère tout individu, qu’il le veuille ou non. Regardez bien autour de vous, ce que vous pensez voir c’est du réel, comme vous penseriez voir des anges au ciel ou des démons en enfer. L’espace terre n’est qu’un possible, en ce sens on ne peut rien en deviner encore. Du moins pas tant qu’on fera la guerre à la matière. Le désordre est un facteur dominant dans le sentiment, ce que renferme ma main continue à pousser et l’esprit, lui, perçoit ce qu’il veut bien. Il est possible de repousser les limites de cet espace si on peut simplement ne pas voir que la matière et toutes les conquêtes n’arriveront pas davantage à changer notre perception. N’oubliez pas l’horizon dont nous verrons seulement au bout la vraie nature.
126
De tous les points de la terre, nous cherchons un contraire à cet espace formant au-dessus de nos têtes une sorte de voûte circonscrite par l'horizon. L’infini dans lequel se noie le pointillé du ciel. Tout autour de ces rayons qui pétaradent et défilent sur les avenues du sombre dôme, le vide le plus insaisissable digère sans fin tous les plus gros rochers flottant bon gré mal gré, pareils à des navires sans voilure. Et il a toujours faim. Le chyle sédimentaire entre en contact avec les villosités nébuleuses, et là se produisent d’étranges phénomènes d’intégration. Cette forme de création très lente consiste à laisser une substance solide en contact avec du vide à une température la plus inférieure possible. La matière s’entremêle au-delà de notre piteuse atmosphère. Cet appétit sans borne, qui dévore ses enfants, devient obscur et mélancolique et seul le silence berce ses rots cosmiques. Au bout de son appétit, les records les plus fous en temps et distance, procurent parfois une sensation agréable de connaissance, ou de vérité. Dans les registres et les annales du temps, l'ordre et le nombre établissent pourtant des références toujours plus précises et de toutes les sphères de l’univers on en explique même la rotation. La première des sphères était supposée recevoir tous les mouvements de l'attraction sidérale de tous ses gouffres béants enveloppant l'univers, de tous ses monstres et légendes. Mais ses fichiers sont bien rangés et, indifférente, elle fait des choix. Elle les ouvre et les détruit en une force aveugle qui dans des situations convenables peut former, de leurs débris, d’autres combinaisons. Son ciel est nuageux et parfois couleur de muraille comme une morsure de pomme. Il nous masque ces entrelacs inextricables de bulles et d’anneaux, ces chocs de cristal, ses bracelets de gaz et perles de méthane. Les astres se recherchent, se rapprochent, se mêlent avec un désir inégal. Une union, résultante physique, peut voir se désagréger son principe d’attraction par le simple fait de la présence de corps étrangers.
Au-delà du toit céleste, seule la lune se présente comme la fenêtre allumée la nuit, alors que tous les autres sont au lit. Comme une voisine un peu calmée qui du haut de sa mansarde jette ses mégots allumés et capture en plein ciel un mince filet de notre nature. Si cette machine si compliquée devait bientôt être hors service, la providence nous absorberait dans son rayonnement éternel. Le temps serait plus doux avec ses raies opaques, féeries de fanaux et d’ombres sur les reliefs et platitudes océanes. La terre offrirait aux sélénites tous ses regards inutiles et cet espoir qui monte également très haut. Toute cette bonté monte vers les dais incertains où elle rebondit avant de se disperser, car rien jamais ne tombe du ciel. L’espoir n’avait pas la vocation d’habiter la terre, c’est pour cela qu’il s’envole. Il a été créé pour habiter le ciel, par sa faute nous avons toujours l’impression d’habiter un enfer. L’espoir est l'air ténébreux près de nous pour nous tenter.
127
Balançant sa hanche à chaque pas
Sous sa tunique, elle danse je crois
Tangue aussi souple qu’un jonc
Et son corps ondoie, penche selon
Retombe encore vers moi en épanchant ses dons
Car je demeure et je renonce
La vie dépend d’un coup de semonce
Les oiseaux ramènent des pastels
Couleurs dans l’aquarium du ciel
Les poissons immobiles scintillent
Les larmes que tu partages brillent
Elles n’ont pas encore coulé
La pluie aussi s’en est allée
Le vent qui vient des arbres embaume
Les champs pleins d’œillets et de chaume
Sur les bords verdoyants des fontaines
La vigne vierge bourgeonne et se peigne
Les eaux coulent comme du beurre
Les fleurs de toutes les couleurs
Les étangs, les coteaux sont fleuris
Chantent comme une mélodie
Tout ce qui vit à chaud
Sa danse l’emmène très haut
Elle danse je crois
Marche dans la joie
Qui réchauffe le cœur
Et les mille petits bonheurs
Le rire lui gonfle les joues
Qui illuminent ses yeux doux
Elle arrive jusque dans les étoiles
Elle m’emmène avec elle
128
Je m’apprêtais à quitter la terrasse pour le cœur même de mon repaire, lorsque la bière posée sur la table en plastique et que j’avais à peine touchée retient ma main et tout le reste du corps. Pendant ce temps, un ballon rebondissait dans un coin. Sur le court de tennis, le son bifurquait en échos sirupeux. Une équipe de petits apparut. Certains à pied, d’autres à vélo. Déjà, les cyclistes en bermuda étaient à terre, ajustant leurs lacets, les bicyclettes couchées dans les coins. Ils ne faisaient plus leurs courses incessantes autour du camp. Ils se concentraient maintenant sur le ballon. Le ciment noyé et détrempé tous les ans par les pluies, me semble-t-il, rendait une résonance bien insolite. Les sons n’étaient pas entremêlés comme souvent lorsque les enfants jouent, mais plutôt saccadés. Cela me fit penser que peut-être un semblant d’organisation s’établissait. Et que peut-être un match allait avoir lieu. Je mis mon verre au frigo et allai traîner du côté du jeu. Dans ces terres lointaines où vit l’humanité, la solitude me fut soudainement arrachée par quelques enfants qui jouaient au foot.
La matière généralement agricole des terrains de football laissait ici place à un ciment vert, rouge, délavé et torturé dans l’étau sec de la terre et du feu. Les craquelures et les fissures avaient envie de quitter la terre euphémique. Dans leurs tentatives balistiques, certains de leurs mouvements imparfaits créaient des reliefs prêtant à gages tous les faux rebonds du voisinage.
Une petite princesse blonde se trouvait là avec son frère. Trois autres garçons sud-africains tous pieds nus montraient une extrême ardeur à taper dans la balle. Anita, la princesse, s’exprimait dans un français parfait. Son frère semblait préférer l’anglais, les autres également. Ils firent tous preuve d’une commune et vive spontanéité à m’inviter à jouer au foot. Un peu comme si l’occasion ne leur était pas donnée souvent. Je faisais équipe avec les plus petits. Les plus grands, qui devaient avoir aux alentours de 12 ans, formaient la deuxième équipe. Le jeu me procurait un d’asile dans lequel s’engouffraient et disparaissaient toutes ces nouvelles idées et sensations battues. Un haut grillage s’élevait tout autour du terrain de tennis, reconverti pour l’occasion en parc des Princes des tout-petits, pour le plus grand plaisir de Saint-Exupéry, si bien que l’on pouvait s’aider du grillage pour faire des passes. La balle collait des pains au passage à de drôles de plantes fines qui sentaient la bruyère cuite. Des foulons de glaise noire jonchaient le sol des jardins individuels comme une poterie d’ombre végétale. Je me devais de garder les pieds sur terre. Afin sans doute de mieux jouer, car il n’était pas facile de trotter après tous ces enfants. Nous avons joué une bonne heure. J’étais content. Je ne pouvais pas souhaiter une plus ravissante soirée de départ.
Par-delà la campagne, les océans, le monde, pour trouver un tel cadeau à la boutique du terrain de tennis. Offert de bon cœur. Les bals du théâtre quotidien m’ont toujours fait arpenter de petits dangers. Mais dans ce cocktail de poussière, nul ne veut courir aucun risque, toutes les histoires sont bonnes à prendre et les penaltys s’articulent comme des devinettes. Dans les buts, il y a un petit lièvre tout blond. Il rigole lorsque les chasseurs de l’attaque lui envoient des pralines. À travers le court, à coup de pointus alors il dégage son camp.
Ses orteils ratatinés hurlent à l’aide mais il ne les entend pas. Puis il retourne dans son but en faisant la roue. Et nous, grandes personnes, nous avons toujours cru avoir la forme. Il court après la balle comme si c’était le grand prix du Japon. Son athlétisme en voiture sans nom de marque remplace ce jeudi soir le Paris Turf du dimanche après-midi. D’ailleurs il court tout le temps. Il court toute la journée, sans arrêt, au secours de quelque chose qu’il évite toujours de justesse. Au secours de ses rêves, de la faillite de ses songes. Même quand un chien le poursuit en essayant de le mordre, c’est une arrière-pensée qui traîne et qui lui dit qu’il ferait mieux de se dépêcher. Car ainsi il peut tout faire sans discontinuer, puisque le temps n’existe pas. On cherche toujours après quelque chose ou quelqu’un. Je pense que c’est ainsi qu’il appréciait la vie comme d’autres aiment ou détestent le chou. Il se laissait séduire par des galipettes et des acrobaties de torrent de montagne. En passant au travers et en entendant les clapotis, il refermait ses doigts sur lui-même. Sur tout un ensemble de choses qu’il sentait se mouvoir rapidement vers quelque chose qu’il n’était pas encore. Il changera définitivement après être tombé des nuages et être passé au travers des flammes.
Je ne me souviens plus du score. Il ne m’arriva plus de jouer au foot sur un terrain de tennis avec une meute de petits lapins. Les enfants comme de petits expatriés finiront par quitter le pays. D’autres viendront, mais moi non plus je ne serai plus là.
Le plus dur dans le voyage c’est l’accoutumance, à tel point que parfois je ne sais plus si je dois dire bonjour ou au revoir. Je ne sais plus ce que je dois voir et ce qu’on veut me montrer. Lorsqu’un pas en suit un autre, la connaissance arrive toujours par une gifle, mais pendant qu’on avance on oublie aussi ce qu’on avait appris. Je me fais toujours une île bleue d’un demain trop proche, si près que je sens des immondices et des légumes pourris qu’on lance à ma face. J’ai passé les castes, les richesses, les classes et les églises. Je me suis frotté à n’importe qui et j’attends encore que d’autres arrivent. Je suis un fantôme et lorsque j’ouvre les bras, je disparais. Je ne reviendrai pas.
[1] USK : United States and Kingdoms.