Ma galerie de fantômes

Notes de l’auteur : Texte écrit dans le cadre d'un atelier d'écriture.

Ma galerie de fantômes

La nuit tu arpentes des couloirs vides où éclosent les toiles d'araignées.
Les pieds nus sur le sol froid, à la lueur de tes battements de cœur, tu vagabondes dans les artères de ton palais, les vallées souterraines de tes souvenirs, les veines bleutées de tes angoisses.

Les étoiles sont mortes ce soir, on ne les pleurera pas.

Il y a chez toi, dans la pénombre, un monde sur le point de naître tandis qu'un autre disparaît.

Tu vas et viens sous les regards de tes ancêtres, alignés comme des cierges sur les murs nus de ta demeure. Ils te fixent des yeux, derrière les couches de peinture qui les séparent de toi, les strates bleues et grises étouffées par des cadres qui ne sauraient trahir qu'un soupçon de toutes les choses qu'ils ont été ou se sont refusés à devenir. Leur sang coule dans tes veines, ils sont tiens autant que tu es leur, et sous leur poids tu ploies, tu te fragmentes, te multiplies ou te dissous. Tu es né pour ça.

C'est une longue galerie, que celle de ta mémoire, une mosaïque de moments arrachés à d'autres, de rires esquissés à la craie, de larmes ravalées par la peur. Des éclats de miroir sont fichés entre tes ongles, des monstres tapis dans ta trachée. Ils te murmurent des chansons douces, des mots d'amour, des cris de guerre. Ils t'appartiennent.

Tes peurs sont des spectres vivaces, tes désirs des phantasmes fugaces. Où vont-ils aux heures claires ? Déambulent-ils dans ton château revêtus de leurs vieux idéaux ? Ou se glissent-ils entre les fentes de l'univers, grains de poussière balayés par le vent ?

Au crépuscule, avant, après, quand tes pas te mènent sur les sentiers des rêves, ils bourgeonnent dans ton sillage, se pressent contre tes flancs, et glissent leurs doigts gelés entre les tiens. Tu les aimes autant que tu les détestes car tu n'as jamais su faire autrement.
L'amertume et tes chagrins ont le goût des oranges déposées sous le sapin, du sucre roux fondant sur le bout de ta langue, de fin du monde crissant entre tes dents.

Ils t'accompagnent, tu sais, tes fantômes. Une marée de visages calcinés par l'oubli que tu te refuses à enterrer tout à fait. Et lorsque le soleil se lève et que l'aube poudroie dans le ciel, ils te prennent dans leurs bras, et sur tes paupières lourdes d'enfant malade, déposent un baiser de tendresse ou d'effroi.

 

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