Maman peut voler

Ils nous disent beaucoup de choses. Ils disent que c'est simple, qu'il n'y a rien de compliqué et qu'avec de la bonne volonté on peut y arriver. Il n'y a rien de facile dans toute cette folie. Et si ma seule volonté c'est d'être heureuse, ils trouveront un moyen pour me dire que c'est simple alors qu'ils commençeront à peine à placer des obstacles. Seulement, aujourd'hui je ne souhaite qu'une chose: que mes enfants restent en vie.

Si j'ai bien compris quelque chose qui est effectivement simple c'est que la nourriture a un prix et je n'ai pas d'argent. Pourtant la nourriture est à quelques centimètres de mon sac. Je l'ouvre, je prends, mes enfants vivent, c'est tout. Voilà quelque chose de simple. Cette fois-ci j'ai pu partir: le vigile a fait semblant de n'avoir rien vu. 

J'ai pourtant essayé d'aller dans leur sens mais aucun travail ne me permettait de vivre convenablement. Un enfant a besoin de beaucoup d'attention et de soins sinon ils nous les prennent, comme ils ont pris mon mari. Lui a bien essayé de leur faire plaisir: il servait leurs plats, cirait leurs chaussures et nettoyait les sols de leur palace. Le grand lustre en cristal qui était pendu dans une pièce lointaine lui ait tombé dessus. Je ne l'ai su qu'à la fin de la journée quand j'ai vu qu'il ne revenait pas. Ils ne connaissaient même pas son nom, comment aurait-ils pu prévenir sa femme?

Alors un soir venu, je tentais de noyer mon chagrin dans l'alcool et tout était une catastrophe: le dîner brûlé, les enfants pleuraient et une pluie torentielle frappait les fenêtres. Avant de coucher les enfants je leur ai lu leur histoire préférée "Petit moineau peut voler". Une fois endormis je suis retournée dans le salon et la pluie s'était calmée. J'ai ouvert la fenêtre, le bord était encore glissant mais j'ai réussi à m'y tenir debout sauf que Maman ne peut pas voler.