Julien sortait du boulot. Il se précipita dans la première rame du métro à Miromesnil. Une
masse compacte de corps, de souffles, de sueurs et d’odeurs emplissait l’espace. La foule se
fit plus dense encore pour permettre à Julien d’entrer.
Au fil des stations, il se retrouva au milieu du wagon, s’accrochant à la barre suintante pour ne
pas perdre pied. Son regard fut attiré par un mouvement régulier, dont les va-et-vient obscènes
eurent raison de son attention. Une main agrippait la barre d’en face. Lentement d’abord, elle
descendait et remontait, puis la cadence s’accéléra. Gêné, Julien glissa son regard vers le
visage l’auteur de ce spectacle lubrique.
Un homme d’âge mûr le fixait intensément. Sa poitrine se soulevait rapidement, Julien
comprit qu’il haletait. Il tourna le dos, mettant fin à cette vision sordide.
* * *
Serge vit le garçon d’en face se retourner. Il avait vu son visage s’empourprer, sans doute
d’excitation. Il considéra sa rotation de 180° comme une invitation. Il profita d’un
mouvement de foule pour se coller à l’objet de ses désirs. Il soufflait sur sa nuque, et
commença à bouger ses reins au rythme des ballotements du métro. Il sentit son corps se
contracter, et cette tension ne faisait qu’accroître son désir.
* * *
Céleste était installée sur l’une des quatre places assises. A Miromesnil, elle avait levé les
yeux de son roman pour observer les passagers. Elle remarqua un beau brun qui rougissait.
Avec curiosité, elle suivit le regard de ce dernier et vit un homme aux tempes grisonnantes qui
astiquait la barre métallique.
Choquée, elle ne quittait pas des yeux les deux protagonistes. Elle vit que l’asticateur de barre
se rapprochait dangereusement du beau brun. Elle percevait la raideur dans la nuque du jeune
homme lorsque la proximité avec le prédateur se fit trop grande. Céleste voulait lui venir en
aide. Mais elle fut incapable de bouger. Elle scruta les autres passagers afin de mobiliser leurs
forces pour lui porter secours. Plusieurs personnes regardaient ce corps à corps non consenti.
Certains avec amusement, d’autres avec dégoût. Aucune ne semblait décider à mettre un
terme à cette agression.
Lorsque Céleste se décida à ouvrir la bouche pour protester, elle aperçut le nom de sa station
sur le quai. Elle descendit de la rame, soulagée.