Mauvaise Nouvelle

Par Anna369
Notes de l’auteur : Une jeune mère reçoit un coup de fil lui annonçant une mauvaise nouvelle, derrière laquelle se cache une nouvelle encore pire que la première.

 

La mauvaise nouvelle arriva comme le font toujours les mauvaises nouvelles : sans prévenir.

Elise était sur le point de rejoindre des collègues pour déjeuner lorsque son téléphone portable sonna. C’était le numéro de l’école. Elle répondit aussitôt :

  • Allô ? dit-elle avec un début de panique dans la voix.
  • Madame Mellier?
  • Qu’est-ce qui s’est passé ? Laurent va bien ? s’enquit Elise sans préambule.
  • Il s’est fait mal à la cheville. Il est à l’hôpital. Il…
  • Quel hôpital ?

Une fois l’information obtenue, Elise fonça à toute vitesse rejoindre son fils, son amour, sa vie. Pendant le trajet, elle retenait ses larmes de toutes ses forces. Elle voulait garder une mine présentable.

        Vingt minutes plus tard, elle franchit les portes battantes du service orthopédique et courut en direction de la chambre 306.

  • Maman ! s’exclama le petit garçon, le visage lumineux.

Elise fut soulagée de constater que son fils avait l’air plutôt en forme.

  • Mon amour ! Je suis là, répond-elle en se penchant pour l’embrasser.

Elle s’assit délicatement au bord du lit et le regarda tout en lui caressant les cheveux. Il lui sembla tout petit dans ce grand lit tout blanc, si frêle qu’Elise sentit de nouveau les larmes lui inonder le cœur et la gorge. Visiblement, Laurent, lui, n’était pas d’humeur à s’apitoyer sur son sort. Bien au contraire.

  • Maman ! Si tu m’avais vu ! J’ai grimpé à un arbre pendant la récré et j’ai sauté ! Si je n’étais pas tombé sur un caillou et tordu la cheville, je suis sûr qu’il ne me serait rien arrivé !

Elise tira d’un coup sec le drap pour dévoiler les pieds de Laurent : sa cheville droite était bleue et enflée. Le cœur serré, elle posa doucement sa main dessus. Elle était très chaude.

  • Mais mon chéri, qu’est-ce qui t’a pris de grimper à un arbre ? Je t’ai déjà dit d’éviter de faire ça.
  • C’est Valentina qui me l’a demandé.

Les yeux du petit garçon s’écarquillèrent d’un bonheur intense.

  • Qui est Valentina ?
  • C’est mon amoureuse, maman !

Elise dut se pincer violemment les lèvres pour ne pas hurler à son fils qu’à sept ans, il était bien trop tôt d’avoir une chérie, de surcroît une qui attisait ses pulsions suicidaires. Elle ne voulait pas qu’il se mette sur la défensive. Comme à chaque fois que quelque chose n’allait pas dans la vie de son fils, la jeune mère ne pouvait s’empêcher de se sentir coupable que son fils ait grandi sans père, décédé dans un accident de voiture quelques semaines avant son accouchement.

Elle devait naviguer avec tact afin de tirer cette affaire au clair.

  • Ah mais tu ne m’avais jamais parlé d’elle, mon amour, dit-elle d’une voix qu’elle voulait la plus douce possible.
  • C’est parce qu’elle m’avait demandé de garder le secret mais maintenant, elle me dit que j’ai le droit de t’en parler !

Décidément, cette peste était vicieuse.

  • Et qu’est-ce qu’elle t’a demandé d’autre, Valentina ?

Le visage du petit garçon, tout sourire, s’éclaira encore plus.

  • Si tu savais maman ! Pendant la récré, je fais plein de choses pour elle pour lui prouver que je l’aime.
  • Comme quoi ? demande Elise, la gorge serrée.
  • Pour elle, j’ai déjà mangé des marguerites, des escargots avec leur coquille, des graines de tournesol avec leur enveloppe, des cerises avec leur noyau, des timbres-poste, des feuilles de mon cahier de français, j’ai marché sur le rebord du toit de l’école, je me suis…

Elise n’entendit pas le reste, ou plutôt elle se refusa de l’entendre. Son corps était traversé de tremblements à peine perceptibles. C’en était trop pour elle. Son fils, son fils unique, son oxygène risquait sa vie pour… pour qui ? Pour rien ! Il lui fallait passer à l’action.

  • Et quel est le nom de famille de Valentina, mon amour ?
  • Robinson ! s’écria le petit garçon tout content de tout partager sans se faire réprimander par sa maman.

Elise prit son après-midi pour rester auprès de son fils. Elle appela aussitôt le directeur de l’école pour l’informer de la gravité de la situation et lui demander une réunion d’urgence avec les parents Robinson et leur enfant.

        Le lendemain matin, à huit heures tapantes, tout ce petit monde était réuni dans le bureau du directeur.

  • Madame Mellier ici présente, dont le fils Laurent est hospitalisé depuis hier pour une fracture de la cheville, reproche à votre fille de l’inciter à des actes dangereux.

En face, les parents et leur petite fille affichaient un air d’incompréhension totale. Elise bouillonnait de l’intérieur. Elle regarda la petite fille et se demanda comment son fils avait pu s’en amouracher : des cheveux filasse, un front trop haut, un regard vide, un menton fuyant.

  • Ma chérie, s’enquit la mère, tu veux bien nous expliquer ?

La petite fille affichait un air contrit et confus. Elle cherchait ses mots mais, face à ce comité intimidant d’adultes, n’en trouvait aucun.

  • Je…je…je…

Tout le monde était suspendu à ses lèvres.

  • Je n’ai rien fait, finit-elle par dire.

C’en était trop pour Elise qui explosa.

  • Ah ça c’est la meilleure ! Tu mets la vie de mon fils en danger, tu lui demandes de garder le secret et maintenant que tu te fais coincer, tu nies tout ?!
  • Madame Mellier, allons, calmez-vous, dit le directeur dans une tentative vaine d’apaisement.

Les parents et leur petite fille semblaient tétanisés par la rage d’Elise qui supportait de plus en plus mal toute cette passivité. Personne ne fera plus jamais de mal à son fils et elle se devait de régler le problème une bonne fois pour toute.

  • Je vous préviens, si Valentina cause le moindre tort à mon fils à l’avenir, j’irai porter plainte directement à la police et ça sera à la justice de s’occuper du cas de votre fille !

Les parents, les yeux écarquillés, blêmirent comme s’ils venaient de voir un fantôme. Elise ne put s’empêcher de trouver leur numéro d’hypocrisie impressionnant. A leurs côtés, leur petite fille, dont le menton fuyant commençait à trembler, était sur le point de pleurer.

Quelle famille ! Qui se ressemble s’assemble !

  • Madame Mellier, notre fille ici présente s’appelle Nathalie, articula le père avec difficulté.

Elise fronça les sourcils, méfiante.

  • Mais alors qui est Valentina ?
  • C’est aussi notre fille, mais elle est morte il y a maintenant trois ans.
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Bruns
Posté le 12/06/2024
Bonjour,
j'avoue que le début m'a fait un peu peur. Classique, une maman inquiete, un petit bobo. J'ai été prévenu par la présentation, mais la fin m'a vraiment surpris.
Finalement, j'adore !!

Bravo
Anna369
Posté le 12/06/2024
Haha le début m'aurait fait peur aussi ! Je ne suis pas fan des histoires planplan du quotidien, j'ai besoin que quelque chose d'extraordinaire se passe quand j'écris ou quand je lis une histoire :-) Je suis contente que tu aies aimé la fin ! Merci !
ABChristLéandre
Posté le 11/06/2024
Alors, là, je ne pourrais pas nier que je m'attendais à une telle chute. En fait, tout portait à croire qu'on plongeait dans du paranormal : l'incompréhension des personnages ; la procession fastidieuse des scènes ; le manque de cohérence de certains passage et la spontanéité aberrante du déroulement...
Néanmoins, on ne peut nier que la lecture d'un tel texte fait beaucoup de bien de par son intrigue et le potentiel du genre visé.
Vivement la suite !
Anna369
Posté le 12/06/2024
Merci beaucoup pour ton commentaire détaillé ! Je n'ai pas prévu de suite car c'est une nouvelle que j'avais écrite sous l'inspiration mais je vais garder l'idée en tête pour un éventuel futur développement.
ABChristLéandre
Posté le 12/06/2024
Ok ! Du courage, alors... ;⁠)
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