– Sérieux, tu pourrais pas me lâcher avec ça ?
– Je te dis que y'en a un en moins, c'est tout...
– Et moi, je te dis que y'en a un en plus.
– En moins !
– En plus...
– Non, en moins. Je peux te lire le thème du concours, si tu ne me crois pas ?
– Du concours ?
– Oui, la dame dit que y'a un jour qui disparait quand...
– Ah ! Tais-toi, tu me saoules. T'as pas idée.
– Mais, la dame...?
– Ben, la dame, elle devrait regarder Wikipédia.
– Heu... Tu sais, internet, c'est pas toujours la vérité.
– C'est pas faux. Mais, là, sur le coup, y'a pas photo. C'est un jour en plus, rapport au temps que met la Terre pour faire un tour complet du soleil, pour tomber pile sur les saisons.
– Ah ! D'accord, t'en es encore là ? Va falloir que je te parle des théories de la Terre Plate.
– De la Terre Plate ? Merde, Denis, tu chies dans la colle. Désolé d'être vulgaire. Mais on dirait que plus je te demande de gentiment la fermer, plus tu débites des conneries. Tu te foutrais pas un peu de ma gueule, par hasard ?
– Hé ! Éric, on est pote ou on est pas potes ?
– Mmmm... On est potes.
– Bon, voilà qui me rassure. Donc, on papote. C'est tout.
– "On est potes, on papote" ? Rappelle-moi ce qu'on avait dit sur les jeux de mots ?
– C'est pourri ?
– Voilà ! ...Bon allez, un petit, de temps en temps, j'avoue que ça peut passer crème.
– Yes !
– Mais t'en abuse pas, hein ?
– Tu me connais. De la mesure en toutes choses, telle est ma devise.
– C'est cela, oui... Donc, tes théories à deux balles sur l'astrologie, c'est fini-fini, hein ?
– Pfff... Oui... Mais sinon, rien à voir, mais y'a un truc qui me tracasse pas mal aujourd'hui, rapport au nom de cette année.
– Le nom ? 2020, ça te gêne en quoi, c'est qu'un chiffre ?
– Nan, c'est pas ça. C'est quand on dit qu'elle est bissextile.
– Ok... J'ai un peu peur de poser la question mais au point où nous en sommes, qu'est-ce que j'aurais bien à perdre ? Alors, dis-moi qu'est-ce qui te chiffonne donc avec les années bissextiles ?
– J'y ai été, tu sais, sur ton wikimachin. Je suis pas complètement débile.
– C'est une question ?
– Quoi ?
– Sorry. Vas-y, accouche. Je sens qu'on va avoir droit à du lourd, là.
– Ben, je vois pas pourquoi, si Jules César dit "six", nous on dirait "sex" ?
– Attatattends... Quoi ????
– Je dis juste que "sex" c'est "sex" ; et que de changer le i en e, c'est louche. C'est tout ce que je dis.
– Ah ! Quand même... Je... Whaaa punaise ! Écoute, malgré tous mes voyants qui se mettent au rouge, je vais quand même te demander de développer cette superbe théorie. Moi, dès que ça cause de sexe, je deviens vite con. Je me demande d'ailleurs si je ne devrais pas aller vite "voir quelqu'un" à ce propos ? Mais basta ! En attendant, fais-la moi péter, ta jolie théorie, avant que je ne me refroidisse.
– En fait, c'est très simple. Il suffit de corréler quelques-uns des faits qui me semblent les plus marquants de cette année, c'est-à-dire une excitation particulièrement aiguë, associée à une année particulièrement fournie en jours, pour ne plus avoir aucun doute : 2020, personne n'en parle, mais c'est l'année de la baise !
– Ça me fait mal, tu sais, de te stopper ainsi, surtout que pour une fois tu utilises un vocabulaire conceptuel apte à décortiquer les paradigmes les plus obtus. Mais, en tant qu'ami, je me dois de te le dire franchement : mon cher Denis, tu dérailles complètement du bulbe !
– Écoutez ! Je ne vous ai pas interrompu alors j'aimerais bien pouvoir finir mon argumentaire jusqu'au bout, merci !
– Et voilà qu'il me vouvoie… Toi, t'as encore bien gobé devant la chaine parlementaire, avoue ?
– Vi ! J'aime bien quand ils se fâchent. On dirait des gamins avec la puissance cognitivo-expérimentale d'un adulte.
– Paaaardon ? Bref, passons... Tu sais, parfois, on est obligé de se fâcher. Ça fait pas plaisir mais on peut voir ça comme un outil dialectique plutôt qu'un pétage de plomb en règle ?
– Hum... J'ai comme l'impression que tu cherches à t'en convaincre toi-même ?
– Hé ! J'aime pas trop quand t'es plus malin que moi... Bref, de quoi parlions-nous avant cet écart impolitique ?
– Mais comment as-tu pu oublier ma théorie sur les années bissextiles ?
– J'ai rien oublié. Mais je sens bien que tu adores l'écrire, le mot "bissextil" !
– Hi hi !
– Hin hin hin ! On est vraiment trop débiles !
– Whaa ! Flippant, ton rire ! Ah ah ah !
– C'est clair. Mais tu sais, c'est un rire qui vient de très profond. Une sorte de rire primal pour tenter de garder la tête hors de l'eau. Entre tous les drames qui se déversent par les médias, toutes ces théories de complots qui semblent être sans fin ni logique, quoi d'autre qu'un grand éclat de rire ?
– Ou une bonne session de cul ?
– Rhooo ! L'autre ! Après, c'est vrai que c'est bizarre, la fascination qu'exerce cette activité.
– Ben, c'est pas cher et ça fait du bien ?
– Ok ! Essayons d'affiner ta théorie. Parce que là, pour l'instant, désolé de te le mentionner froidement mais nous sommes quand même très très proches d'être lourdement potaches.
– Mais, c'est quand même important de rester proches.
– Oui mais pas trop non plus. Sinon, y'a moyen qu'on se tape une bonne vieille censure de plein fouet...
– Ah oui, comme la fois où on s'est fait virer d'un Discord pour emploi de l'expression "un peu con".
– Ouais, glauque. Surtout qu'on se l'était auto-décernée...
– L'étymologie, ça fait pas tout. Y'a surtout l'usage qui décide du sens d'un mot. Les gros lourds qui utilisent encore con pour dire vagin, s'il en reste, même dans le bordelais, y'a moyen qu'ils aient déjà un pied et demi dans la tombe ?
– Après, me fais pas dire ce que je n'ai pas dit : la connaissance, c'est fon-da-men-tal. Le problème, c'est quand des personnes trop insécures s'en servent comme arme de coercition pour assoir leur pouvoir sur d'autres.
– Hé ! Ça ressemble pas mal à un début de théorie. T'as des sources fiables pour la valider ?
– Hum... Aucune... T'as raison, vaut mieux s'en tenir au projet initial.
– Ouais !!! Bissextil Power !!!
– Ben, c'est le moment où je vais vraiment te décevoir mais ça veut simplement dire "deux fois six"...
– Oh... Lourd... Donc, pas de sexe ?
– Nope.
– Pas de Terre Plate ?
– Non plus.
– Pas de jours en moins ?
– Nan. Plutôt un jour en double.
– T'es trop triste !
– Je sais. Et ça t'embête beaucoup, de finir sur une note triste ?
– Ben oui. Moi, je voudrais bien laisser une bonne impression, en partant.
– T'as vu l'heure ? On va commencer à lasser, à parler entre nous. Faut bien rentrer chez soi, à un moment donné.
– Oui mais vas-y, tu peux être drôle, quand tu veux !
– Ouais mais là, j'ai faim !
– Pizza ?
– Je sais pas... On s'en tape quand même un peu tous les jours, de la pidzze ?
– Hé ! Tu crois que c'est à force d'en manger, que des gens ont pensé à la terre plate ?
– Sûrement, Denis, sûrement !
Forcément, c'est le genre de texte que j'aime, plein d'humour, de jeux de mots, de calembours, d'absurde... c'est tout à fait dans mon style d'univers, ça parait logique que j'apprécie !
Ca me déstabilise peut-être un peu de n'avoir pas de narration du tout dans une Nouvelle; mais d'un autre côté c'est le genre propre aux innovations et aux hybridations.
Bref : beaucoup ri, beaucoup aimé !
"It doesn't matter
What you create
If you have no fun "
https://www.youtube.com/watch?v=ANmL7LvNzdw
Ils pourraient être un peu plus différents dans leur manière de parler, j’ai eu un doute sur qui était le plus futé à un moment; ^^
Un compliment + une critique constructive => ça fonctionne nickel.
Autant, quand y'en a trop d'un côté ou de l'autre, j'arrive pas à imprimer.
Autant là, c'est l'équilibre parfait, bravo !
D'autant que, faire attention à la manière qu'à chacun de parler, ça me semble tellement évident maintenant que je ne comprends pas comment j'y ai pas pensé avant !
Merci pour ça. Si j'arrive à l'appliquer, j'aurais fait un grand pas en avant.
J'ai trop tendance à mettre tous mes efforts sur les idées et à faire le minimum syndical sur la forme. Juste assez pour être compris et ne pas trop hérisser les vecteurs de normes.
Mais c'est vrai que, un peu avant le final, j'ai bien failli partir en freestyle !
Le truc, c'est d'arriver à dissocier deux parties tout en signifiant bien qu'elles n'ont qu'une envie de fusionner. Je crois aussi que la proximité avec quelqu'un peut nous faire prendre son élocution. J'ai même vu des vieux couples qui se ressemblaient physiquement.
En tout cas, je garde l'idée de faire attention à utiliser des façons de parler différentes pour chaque personnages, très bon ça, merci !
J'irais pas jusqu'à dire que ces personnages n'ont rien à voir avec moi. Ah ! Non. Voire même, si je voulais être parfaitement honnête, mais je nierais tout en public, c'est effectivement que des trucs persos ! Chuuut !
1969 était l’année érotique, comme le susurrait Jane Birkin, et 2020, c'est l'année de la baise : on dirait qu’on devient plus vulgaire avec le temps… (Comment ça, je suis vieille ?) ;-)
Autrefois, j’écrivais principalement des dialogues, mais j’ajoutais toujours quelques indications sur les intonations, les expressions des visages et les mouvements des personnages. Je n’ai jamais écrit entièrement en dialogue, mais ça ne doit pas toujours être facile. Tu t’en sors très bien et tu nous offres une scène très drôle, remplie des élucubrations de ces deux rigolos. Chouette nouvelle !
Coquilles et remarques :
– Sérieux, tu pourrais pas me lâcher avec ça ? [Virgule avant « avec ça ».]
– Heu... Tu sais, internet, c'est pas toujours la vérité. [On écrit « Internet » avec une majuscule, sauf quand on ajoute un déterminant : « l’internet ».]
– Va falloir que je te parle des théories de la Terre Plate. / De la Terre Plate ? / Pas de Terre Plate ? [la Terre plate]
– Hé ! Éric, on est pote ou on est pas potes ? [on est potes]
– Voilà ! ...Bon allez, un petit, de temps en temps, j'avoue que ça peut passer crème. [Je serais tentée d’enlever la virgule après « un petit ».]
– Je me demande d'ailleurs si je ne devrais pas aller vite "voir quelqu'un" à ce propos ? [C’est une question indirecte : pas de point d’interrogation.]
– Ça fait pas plaisir mais on peut voir ça comme un outil dialectique plutôt qu'un pétage de plomb en règle ? [Virgule avant « mais » / de plombs]
– Hum... J'ai comme l'impression que tu cherches à t'en convaincre toi-même ? [Pas de point d’interrogation : ce n’est pas une question, même si on attend une réponse.]
– J'ai rien oublié. Mais je sens bien que tu adores l'écrire, le mot "bissextil" ! [Le personnage l’écrit sans le « e » final?]
– Mais, c'est quand même important de rester proches. [La virgule après « Mais » n’a pas vraiment de sens ; si le personnage marque une pause, tu peux mettre des points de suspension.]
– s'il en reste, même dans le bordelais [le Bordelais]
– Le problème, c'est quand des personnes trop insécures s'en servent [incertaines, peu sûres d’elles ; mais bon, c’est un dialogue]
– Hé ! Tu crois que c'est à force d'en manger, que des gens ont pensé à la terre plate ? [Pas de virgule après « manger ».]
.
Il n’y a pas d’apostrophe dans les expressions « y a », « y en a ».
L’apostrophe indique une élision (« t’ » pour « te », « l’ » pour « le » ou « la », « d’ » pour « de », etc.). Dans ces expressions, on fait simplement l’ellipse de « il » : (il) y a, (il) y en a.
Voici la liste des apostrophes à supprimer : (C'est moins méchant que supprimer des personnages, non ?)
– Je te dis que y'en a un en moins, c'est tout...
– Et moi, je te dis que y'en a un en plus.
– Oui, la dame dit que y'a
– C'est pas faux. Mais, là, sur le coup, y'a pas photo.
– Mais sinon, rien à voir, mais y'a un truc qui me tracasse
– Sinon, y'a moyen qu'on se tape une bonne vieille censure de plein fouet…
– L'étymologie, ça fait pas tout. Y'a surtout l'usage qui décide du sens d'un mot.
– y'a moyen qu'ils aient déjà un pied et demi dans la tombe ?
.
Tu appliques les rectifications orthographiques ici :
– un jour qui disparait quand... [disparait]
– Toi, t'as encore bien gobé devant la chaine parlementaire, avoue ? [chaine]
– comme arme de coercition pour assoir leur pouvoir sur d'autres. [assoir]
Mais pas là :
– Ah ! Tais-toi, tu me saoules. T'as pas idée. [saoules]
– Sûrement, Denis, sûrement ! [sûrement]
Par souci de cohérence, il vaudrait mieux uniformiser tout ça.
C'est très très drôle !!
J'ai adoré le "Merde, Denis, tu chies dans la colle. Désolé d'être vulgaire. Mais on dirait que plus je te demande de gentiment la fermer, plus tu débites des conneries." c'est vraiment magistral! Et puis c'est rythmé, ça se lit tout seul. Une lecture très appréciée ;D
Et les dialogues transmettent bien la complicité de ces deux énergumènes.
Franchement, chapeau :) en plus tu as du bien rire à l'écrire!
Je suis très fier d'arriver à faire rire.
Un peu moins quand, oui j'avoue, je me fais rire tout seul. J'ai beau me dire que c'est un bon signe, ça fait un peu plaisir solitaire autocentré quand même ! Du coup, après, je m'engueule.
Non, vraiment, j'ai aucun mérite à faire des dialogues !
En tout cas, je trouve ça important de savoir lire un texte en visualisant le lien avec la personne qui l'a écrit, les mouvements de sa pensée et les émotions qui l'habitent.
Sinon, tu sais, je ne suis pas magistrat, du tout, du tout.
Engendrer du rire et du merveilleux, what else ?
Je suis ra-vi !
"enduire personne en erreur" c'est volontaire ? XD
Sinon, pourquoi les deux "un" sont en gras au tout début ?
Voilà ce sera tout pour, bravo à toi c'était succulent !
Alors, pour te répondre, je crois qu'en sortant de ce dialogue épique, j'étais un peu brûlé et j'ai vu l'erreur comme une piscine dans laquelle patauge un peu tout le monde, à plus ou moins grand bain.
Et puis, parler d'erreur en faisant une erreur, je trouvais ça cocasse ?
Quand au "un" gras, punaise, j'avoue, drôle d'idée ? Faut que je fasse un point avec l'équipe...
Alors, certain prétendent que le début d'un texte est hyper important pour motiver à rentrer dans la lecture. Donc, en utilisant le gras sur le "un", j'ai voulu signifier une diction appuyée sur le seul mot sur lequel ils sont d'accord. Le mot qu'ils essayent de s'approprier pour en faire après ce qu'ils veulent.
Mais, ça aurait été mieux que je mette aussi "plus" et "moins" en gras, c'est clair. J'avoue que j'ai flippé. Je me suis vu glisser dans une phase maniaque à boldifier tous les mots du dialogue qu'ils auraient pu appuyer.
Je me suis dit non. Un micro-passage en gras au début, pour lancer la virulence de leur accord/desaccord et basta !
Voilà !
Même si je ne pense pas que l'humour puisse emporter quelques victoires, j'en avais trop besoin !
Cool que ce partage ait été aussi bien reçu
[smiley tout rouge] :-)
Ravi de ton retour, même s'il sent le départ ;-)
Donc, j'ai bien reçu le "C'était...c'était génial" avec la voix de Brick !
Merci bcp !
"2020, personne n'en parle, mais c'est l'année de la baise !" Cette phrase mythique XD.
C'est sympa le tout dialogue, tu t'en sors drôlement bien parce que ce n'est pas évident ! En tout cas, tu as bien réussi à m'embarquer avec tes deux compères, ce fut un plaisir à lire !
Bref, je suis content comme tout !
Merci bcp !
[Le "ban" est très romancé et issu d'un autre serveur.]
Ah ah j'adore que ça soit un full dialogue, exercice périlleux mais que tu relèves brillamment
Et comment desacraliser 2 prix Nobel :) alors cette année bisextil.... L'année du sexe ? XD
Yeah ! J'ai déjà la pipe !
(oops !)