Iel est assis.e sur le sable. Iel observe devant lui.elle. Iel ne voit que du sable à perte de vue. Partout et nulle part à la fois. Il n’y a rien ici à part du sable. Du sable et iel. Depuis combien de temps est-iel là ? Iel ne sait pas, mais à-t-iel vraiment besoin de le savoir ? Non, pas vraiment.
Iel se sent un peu seul.e, parfois. Même souvent. Iel aimerait bien avoir un ou une ami.e. Mais personne ne viendra, il n’y a que du sable ici.
Iel s’ennuie. Il n’y a rien à faire ici. C’est vide. Et malheureusement, iel ne peut pas créer quelque chose à partir de rien.
Iel se sent aussi vide que ce désert. Vide à l’intérieur. Iel ne sait pas qui iel est. Mais est-ce que ça a une importance ? Oui. Ça en a une, à ses yeux. Iel aimerait bien savoir qui iel est. Mais comment le découvrir ?
Il n’y a pas de temps, dans ce désert. Jamais de nuit, de crépuscule ou d’aube. C’est toujours le jour. Le soleil ne cesse jamais de briller, blafard dans le ciel pâle et sans couleur. Iel aimerait bien qu’il y ait plus de couleur. Du bleu pour le ciel, du doré pour le ciel.
Il pleut. C’est la première fois. Pourquoi ? Iel ne sait pas, il n’a jamais plu avant. Iel n’aime pas la pluie. Iel a mal, mal à l’intérieur. Le mal qu’iel ressent à remplacer le vide d’avant. Iel ressent enfin quelque chose, mais ça lui fait mal.
Iel à l’impression de lentement sombrer dans un gouffre sans retour. La pluie qui coule lourdement sur son visage n’arrange rien. Iel s'assoit sur le sable mouillé, qui lui colle aux pieds. Iel sent qu'il glisse, pris.e au piège par les sables mouvants.
Depuis qu'il a commencé à pleuvoir, ça ne s'arrête plus. Iel préférait le soleil. Au moins, quand il était là, iel ne souffrait pas comme ça.
Iel a mal. Très mal.
Et s'iel meurt, que se passera-t-il ? Mais iel n'a aucun moyen de mourir.
Iel n'en peut plus. Iel ferme lentement les yeux, recroquevillé.e sur le sol, au milieu des sables mouvants, tremblant.e de douleur. Iel espère que ça s'arrêtera bientôt.
Mais la douleur est toujours là. Cependant, elle semble s'apaiser un peu. Iel sent que la pluie se calme. Un répit ? Pourquoi ? Comment ?
Iel ouvre les yeux, étonné.e et curieux.se, et remarque le ciel toujours gris. Le soleil n'est pas revenu, et iel est toujours là, piégé.e au milieu des sables mouvants.
Rien n'a changé. En fait, si. Au bord des sables mouvants, une tâche rouge attire son regard. Une tâche de couleur.
Une fleur.
D'où vient-elle ? Comment a-t-elle pu pousser ici, dans ce désert. Honnêtement, iel s'en fiche un peu. Ce n'est pas une petite fleur rouge qui le.a fera aller mieux.
Bientôt, la pluie revient. Iel se dit qu'au moins, la fleur aura de l'eau et grandira, même s'iel se sent toujours aussi mal.
Iel glisse toujours plus dans les sables mouvants. Iel n'essaie même plus d'en sortir. De toute façon, a-t-iel déjà essayé ?
La fleur dépérit à vue d'œil. Elle s'affaisse, se flétrit, se fane, malgré la pluie qui coule sur ses pétales.
Iel veut l'aider, mais les sables mouvants le retiennent. Iel ne peut pas en sortir.
Non. Iel peut y arriver. Iel peut aider la fleur. Iel se relève, tremblant.e et avance prudemment, pas après pas, jusqu'à la limite des sables mouvants. Iel le sait, cependant. C'est trop tard. Iel avait quelque chose, enfin, et iel l'a laissé partir. Ce n'était qu'une fleur, mais iel ne sait pas s'il y en aura une autre.
Iel s'agenouille devant la fleur et touche ses pétales du bout des doigts. Iel est désolé.e. Iel retire la fleur du sable, creuse un petit trou et la dépose délicatement dedans. Puis iel la recouvre de sable. Comme une tombe.
Une larme, puis deux, puis trois coulent sur ses joues et disparaissent, se mêlant à la pluie.
Iel se demande si une autre fleur poussera. S'iel attend, peut-être. Iel promet d'en prendre soin. De la protéger.
Iel promet d'attendre pour une nouvelle fleur. Attendre, c'est tout ce qu'iel peut faire.
Iel s'assoit devant les sables mouvants. Iel ne se fera pas avoir par la douleur et par la pluie. Iel attendra.
La pluie semble se calmer, être plus douce, presque agréable. Mais iel préfère quand même le soleil pâle.
Iel ferme les yeux. La douleur s'en va peu à peu, même si elle reste toujours présente. Iel s'y habituera, sans doute.
En fait, iel s'y est déjà habitué.e.
Iel rouvre mes yeux et découvre, à côté du tas de sable où est enterrée la première, une deuxième fleur. Une fleur blanche aux longs pétales doux au toucher.
Un sourire illumine son visage. Une fleur ! Iel a attendu, et une autre fleur est apparue.
Iel veut en prendre soin, mais iel ne sait pas comment. En revanche, iel sait qu'il ne veut pas retourner dans les sables mouvants. Iel veut rester avec la fleur blanche. Iel ne veut pas qu'elle meure.
La pluie, même fine, semble alourdir la fleur : elle penche vers le sable comme si elle voulait s'y coucher. Iel met sa main au-dessus de la fleur pour la protéger. Aussitôt, comme pour le.a remercier, elle se redresse et lui caresse la paume de ses pétales.
Iel sourit, ravi.e.
Iel s'est fait.e une amie.
Le soleil pâle revient, la pluie s'arrête. Il reste quand même quelques nuages gris menaçants là-haut dans le ciel, mais iel s'en moque. Iel a sa fleur.
Iel se sent moins vide qu'avant. La fleur a comblé un des trous de son cœur.
Mais il en reste quand même.
Parfois, il se remet à pleuvoir. Alors la douleur revient, iel glisse à nouveau dans les sables mouvants. Mais iel en sort toujours, pour protéger la fleur. Pour oublier ses questions. Qui est-il ? Iel ne sait pas. Iel ne sait pas, mais iel s'en fiche, maintenant.
Une autre fleur apparaît. Elle est dorée, dorée comme le sable terne du désert devrait l'être. Iel a une nouvelle amie. Iel la protégera, elle aussi.
Un nuage dans le ciel a disparu quand la fleur dorée est arrivée. Le soleil brille un peu plus. La pluie, quand elle arrive, dure moins longtemps. Iel prend soin des fleurs. Elles lui font oublier sa solitude, sa douleur.
Deux nouvelles fleurs sont arrivées. Une rose et une violette. Une grande à épines et une toute petite courbée.
Souvent, iel leur parle. Iel leur dit, à toutes, que les sables mouvants sont dangereux. Iel leur parle de la fleur rouge sous le tas de sable et iel s'excuse de ne pas avoir pu la sauver.
Iel sourit beaucoup, avec les fleurs. Elles sont belles quand elles dansent dans le vent. Ça fait disparaître les nuages gris.
Mais, au fond, iel sait que quelque chose manque. Que quelqu'un manque.
Encore une nouvelle fleur, une rouge, comme celle sur le tas de sable. Mais cette fois, elle ne chasse pas les nuages. Elle ne le.a fait pas sourire. Elle ne remplit pas le vide en lui.elle. Iel en prendra soin malgré tout.
Cependant, iel a du mal à les protéger. Iel n'a que deux mains. La pluie continue de tomber, mais iel attendra, même si les fleurs meurent.
Iel attendra ce qu'il lui manque.
Après tout, l'espoir fait vivre.
Une mélodie douce, claire et apaisante parvient à ses oreilles. La pluie s'arrête, même si le ciel reste couvert de gris. La mélodie l'intrigue. Ça l'intrigue tellement qu'iel en oublie la douleur. Iel se lève, caresse les fleurs du bout du doigt et iel leur dit qu'iel revient bientôt. Puis iel tend l'oreille pour chercher la mélodie. Mais iel a peur de s'éloigner des fleurs et de ne pas pouvoir les protéger, alors il reste là, debout, prêt.e à revenir vers les fleurs en cas de problème.
Iel l'aperçoit, au loin. Iel ne sait que si c'est un garçon ou une fille, mais iel le.a voit.
Iel jette un coup d'œil vers les fleurs, hésitant.e. La silhouette se rapproche pas par pas. Iel sait que cette silhouette est la personne qui lui manque.
Iel attend qu'elle vienne, mais lorsqu'il s'arrête, la silhouette aussi.
Alors, iel fait un pas. Et elle aussi. Iel en fait un deuxième, un troisième, et le schéma se répète de nombreuses fois avant qu'ils soient enfin face à face.
Iel cligne des yeux plusieurs fois pour être sûr.e de ne pas rêver.
Iel admire la personne devant iel. Elle a de longs cheveux châtains, ondulés, et des yeux clairs comme le ciel. Car oui, le soleil brille à nouveau dans le ciel depuis qu'elle est là.
Elle sourit.
Iel la prend dans ses bras, ravi.e. Iel enfouit son visage dans son cou. Elle a la même odeur que les fleurs. Iel ferme doucement les yeux, apaisé.e, et quand iel les rouvre, des milliers de fleurs multicolores, rouges, jaunes, violettes, orange, bleues, rose blanches, ont poussé partout dans les dunes.
Le désert est maintenant plein de couleurs.
Iel la relâche. Iel la prend par la main et la mène aux fleurs, aux cinq premières fleurs, la blanche, la dorée, la rose, la violette et la rouge. Iel lui montre le tas de sable et s'excuse pour la fleur rouge morte en dessus, mais elle lui dit que ce n'est pas grave. Il y en a des milliers d'autres désormais.
Iels discutent beaucoup, tous les deux. Elle aimerait bien lui faire découvrir le monde derrière le désert. Iel accepte avec joie.
Elle l'emmène dans une grande forêt aux arbres immenses, cachées derrière les plus hautes dunes du désert. Elle lui dit que c'est de là qu'elle vient. Elle lui montre une rivière, qui s'arrête non loin de la frontière entre le désert et la forêt.
Avec tout ça, iels pourraient construire quelque chose. Iel propose de créer un abri, à distance égale des sables mouvants, là où sont ses fleurs, et du rocher mousseux, où sont ses fleurs à elle. Iels s'installent près de la rivière.
Iels construisent leur abri. Grâce au bois, iels font des feuilles, des pages sur lesquelles iels écrivent, puis ensuite, iels les relisent.
Iels prennent soin des fleurs. Parfois la pluie revient, mais elle ne dure jamais longtemps, car iels sont tous les deux. Iels sont tous les deux sont heureux.se.s.