24 juin 2018, 15h30
« I STOLE YOUR LOOOOOVE ! I STOOOLE YOUR LOOOOOOOOVE !!! »
Cela devait bien faire 3 heures qu’il chantait ce même refrain tel un mantra, même s’il reprenait ça du jour où Phil Anselmo, de Pantera & Down, s’était déguisé en Paul Stanley, de KISS. Et ce refrain se mêlait aux doux sons de placards, de tiroirs et du frigo de la maison commune, qui s’ouvraient et se refermaient. Sons rapidement combinés à ceux des verres qui se cassaient occasionnellement et ceux des bouteilles et des paquets qu’il tenait dans ses bras. Pendant trente minutes, les sons pouvaient faire rire mais au bout de trois putain d’heures, ça provoquait au mieux l’interrogation, au pire l’énervement. Et ce fut dans une réaction d’agacement que plusieurs des habitants de cette grande maison située dans les hauteurs de Nice vinrent l’interroger.
« PUTAIN, JEREMIAH, TU FOUS QUOI ? »
Jeremiah Griffith, homme-poulpe à la peau violette et à la formidable iroquoise rouge, se retourna, un grand sourire aux lèvres, pour faire face à la personne ayant hurlé, à savoir Mina Lennon, punk électrique (dans tous les sens du terme) et grande défenseuse des chemises à carreaux.
« Bah… vous voyez pas ? Je prépare à manger et à boire. C’est la fête, aujourd’hui, les gens ! »
Quelques oreilles se tendirent, animées par une surprise légitime. Jeremiah était probablement la plus grosse feignasse de toute cette maison et il fallait souvent lui répéter deux ou trois fois quel était le truc qu’il devait faire avant qu’il ne le fasse, donc le voir si énergique, prenant une initiative de lui-même, était probablement l’une des choses les plus surprenantes qui pouvaient arriver.
« Et en l’honneur de quoi ?, demanda Ariane Neüthers, révolutionnaire en retraite anticipée (et forcée) et amatrice de parkour à ses heures perdues.
« De la Coupe du Monde. Parce que y’a des matchs, ce soir. »
Une dizaine de paires d’yeux incrédules se levèrent.
« Alors… déjà, je crois que ça a commencé depuis une ou deux semaines. Et ensuite, putain, mais d’où tu t’es mis à aimer le foot, mec ?, reprit Mina, qui jouait avec une mèche de ses cheveux noirs.
« Je déteste toujours ça, croyez pas. »
« Bah, alors, quoi ? J’veux dire, la cohérence, ça a jamais été quelque chose qu’on a su maîtriser, mais là, quand même, je pense que même Matlock, il saurait qu’on peut pas faire une fête parce qu’il y a du foot alors que t’aimes pas le foot. C’est un peu un prétexte merdique. »
« T’as deviné, meuf. C’est juste un simple prétexte, ouaip. »
Un grand silence s’ensuivit avant que Jeremiah, qui avait bien capté que ses potes ne savaient pas où il voulait en venir.
« Bon, généralement, vous savez que quand les gens de votre espèce aiment le foot et décident de regarder un match, ils font des soirées dans leurs maisons, ils invitent leurs potes, ça bouffe, ça boit, ça braille et ça fout le bordel. »
« Hm hm. »
« Et que la majeure partie de nos voisins, ceux qui perdent leur temps à faire 5-10 minutes de marche ou de route à la voiture pour taper à la porte et nous dire leurs phrases de boomers dignes des détracteurs d’Elvis – c’est bien lui, le mec à la coupe moche qui chantait A Hard Day’s Night ? – vont être les premiers à se caler devant leur télévision pour regarder tous ces p’tits mecs pleins aux as courir et taper dans une baballe. »
« Ouais. »
« Ben là, comme ils vont être devant leur télé, il n’y aura quasiment personne pour venir nous emmerder. Vous voyez maintenant pourquoi je sors les bouteilles ? »
En un instant, la lumière sembla se faire dans les têtes des gens. Ce que Jeremiah vit, provoquant l’augmentation de son sourire.
« Ouais, les gars. J’avais envie de faire ça depuis longtemps. Une soirée où on mange et boit tout ce que les humains ont de plus basique et, donc, délicieux à nous offrir et où j’allume… »
Sur ce, l’homme-poulpe présenta à ses amis un ordinateur portable rutilant et des manettes tout aussi rutilantes.
« …les consoles. »
« En fait… tu veux faire une soirée jeux vidéo tout ce qu’il y a de plus basique ?, interrogea Mina.
« Exactly. J’allais pas proposer un truc dégueu, sinon vous auriez tous refusé. Enfin, plus de la moitié auraient refusé, plus exactement. »
« Je préviens que s’il y a Call of Duty, ça ne vaudra rien comme soirée, avertit Brian Grym, crossdresser nihiliste et sosie de Marilyn Manson ne s’assumant qu’à moitié. Sinon, on pourra jouer à Devil May Cry ? »
« Non. Parce que sinon, tu vas encore nous prendre la manette, jouer sans interruption pendant 2 heures et on devra te tabasser pour que tu nous la passes. »
« En quoi c’est forcément quelque chose de mal ? »
Personne n’eut envie de répondre à ce sujet (parce que personne ne voulait savoir ce qu’il sous-entendait) et, ainsi, la conversation reprit sur le sujet originel.
« Donc, tu veux dire que tu as aussi tout préparé en termes de nourriture et de boissons pour plusieurs heures et pour une bande d’affamés et d‘assoiffés ? »
« Yep. »
« Et que tu as téléchargé un paquet de jeux ? »
« Yep. »
« Et qu’il ne manque plus que les gens sans qui cette soirée n’existe pas, c’est-à-dire nous ? »
« Yep. »
Tous regardèrent leurs montres. Il était 17:51. Hm… le temps de réunir tout le monde et ça pourrait être marrant.
18:00
« Ça existe réellement, ce genre de choses ? »
« Sadie, c’est un jeu qui combine le football et le saut à la perche, on a quand même vu des trucs plus nawak que ça ! »
« Tout me surprend, les gars. Tout. »
« Et je t’ai encore mis un but, au passage. »
« Ouais mais c’est qu’il est difficile, ce jeu ! »
Et en effet, Super Pole Riders n’était pas des plus faciles. Surtout par le fait qu’en effet, on y incarnait des mecs qui jouaient au foot avec des perches (l’objet des Jeux Olympiques, pas une métaphore sur le zizi). Et autant d’un côté, Maxim Howlett (homme timide et voyageur de mondes) semblait étonnamment bien s’adapter aux contrôles d’un jeu qu’il n’avait pourtant jamais testé, autant de l’autre, Sadie Mathers (ado rebelle edgy sur les bords et démone ayant tout contrôle sur les cendres) avait l’air tellement surprise par ce à quoi elle jouait que ça l’amenait à souvent perdre la balle quand elle l’avait, voire à se tromper de sens quand elle dirigeait son personnage (il faut dire que les jeux vidéo, plus particulièrement sur console, elle ne s’y était mise qu’il y a 1 mois, après que les autres soient venus la récupérer à son orphelinat). Le fait que le match se conclut sur un magnifique 7-0 en faveur de Maxim n’étonna donc personne.
« Franchement, les mecs, je vous assure que ce jeu, je pourrais ne plus jouer qu’à ça jusqu’à la fin de ma vie !, lâcha le gagnant, un grand sourire aux lèvres.
« C’est un avis que tu n’es pas le seul à partager. Et on y jouerait toute la nuit s’il n’y avait pas trois autres jeux à tester, souligna doctement Mina, qui jouait avec les étincelles crépitant de ses doigts.
Tous se regardèrent. Ils avaient oublié ça, tiens.
« C’est pas grave, les voisins n’en seront qu’à la deuxième mi-temps, conclut Jeremiah, qui s’était déjà enfilé une bouteille de whisky, avec flegme. En plus, les trois autres sont bien, aussi, y’en a un où il faut secouer les Playstation Move de ses adversaires et maintenir le sien immobile ! »
« Les Playstation quoi ?, s’exclama d’une seule voix tout le groupe.
18:35
« Dégagez vos persos, je crois que j’y suis. Je vais faire une de ces attaques… »
Il dut au moins faire reculer de 5-10 mm son personnage, histoire de se préparer. Puis, après 5 secondes, il appuya sur le bouton de saut puis sur celui d’attaque. Le personnage, muni d’une immense épée, sauta et fit une espèce de charge, se jetant avec fougue sur les guérilleros à l’origine indéterminée se trouvant sur la plateforme plus bas, prêt à faire couler le sang au nom de la liberté, de la justice, des hamburgers et de George W. Bush… mais, au lieu de ce qui était prévu, Bronan le Barbare se manqua et tomba très rapidement dans un trou avant d’éclater en un reste de sang et de bouts de corps en pixel art. Et pour toute réponse, une manette vola très rapidement dans la maison, à l’autre bout. Le tout suivi par des ronchonnements rauques venant de la bouche d’une jeune fille à la peau grise, aux yeux blancs et aux dents aiguisées.
« Est-ce que la manette devait forcément subir les conséquences du fait que tu es un peu une rageuse, Sophia ? »
« Ta gueule, Sadie, répondit la susnommée en mettant autant de consternation dans son injonction que la démone avait mise de moquerie dans sa phrase. Ce perso est juste nul et c’est tout. »
« C’est pas ce que t’avais dit au moment où tu l’as pris et où t’as dit que t’allais tout ratiboiser. »
« Oui, bon, toi, t’as eu MacGyver et personne ne veut jouer ce perso parce que personne ne veut jouer un personnage qui lâche des dindes explosives, parce que c’est ridicule et débile et pas pratique comme attaque. »
« Au moins, MacGyver est resté vivant durant toute la partie, répliqua Sadie avec un sourire plus que narquois. Les persos n’attirant personne seront les survivants de demain, quand la fiction mourra ! »
« Sinon, au lieu de dire des conneries, regardez ce que je viens de faire !, lança avec joie Mike Pulply (guitariste-hurleur adepte du violet et ancien super-héros), assis sur le canapé. Terminator vient de faire péter la moitié du décor et tous les démons en costard sont tombés dans le vide. »
« Tiens, d’ailleurs, en parlant de Terminator, reprit Sophia en espérant ainsi pouvoir avoir une chance d’ignorer Sadie, vous saviez que techniquement, depuis le deuxième volet de la série, on a eu trois versions de John Connor ? »
« T’es sûre qu’il y en a pas plus ? »
« Nan, nan, c’est trois. Celui dans la série de 2009, qui est adulte et musclé, celui dans Genisys, qui est au service de Skynet et… celui dans le dernier film, qui se fait tuer alors qu’il est ado. »
« Et Terminator 3 ? »
« Ca n’existe pas. »
« Un peu comme ta capacité à bien jouer avec Conan… attends, nan, c’est Bronan, dans ce jeu. Mais quoi qu’il en s- »
Sadie fut coupée net par une manette qu’elle se prit dans la gueule, faisant se disperser un peu des cendres constituant son visage sur le sol de la maison et la faisant tomber par terre à cause de la surprise due au choc. Se retournant, la troupe put voir leur plus jeune « membre », Adeline Bonham, gamine colérique et au sale caractère de son état, la main gauche sur son front rouge, les yeux lançant des éclairs en direction du démon de cendres.
« Sale caca-boudin qui pue. »
Elle s’enfuit juste après avoir lâché cette phrase tout à fait fulgurante, alors que Sadie reprenait ses esprits. 5 secondes plus tard, elle se leva et se lança à la poursuite de la gamine en hurlant qu’elle allait lui mettre une bonne raclée, suivie de près par Brian et Maxim, qui voulaient l’en empêcher. Sophia, elle, eut un petit sourire satisfait face à la tournure prise par les événements. Pendant ce temps, Mike, qui décida de faire comme s’il n’avait rien entendu et priant pour que Adeline ne se prenne pas la raclée promise, refixa l’écran et retourna à sa partie de Broforce.
18:50
« Bon, le mod avec les ennemis de Bomberman World, il est bien installé, il bug pas ? »
A la question de Frank Jacket, scientifique et « chef » officieux de la bande, les trois gugusses à côté de lui eurent unanimement des réactions négatives : Paula Warner (emo gothique mi-fantôme, mi-humain) hocha la tête à la négative, Rakmou (extraterrestre humanoïde experte en conversations random) resta focalisée sur l’écran, l’air émerveillé, et Matlock McCartney (insupportable crétin masqué constamment ivre) lâcha un rot sonore avant de prendre la manette. Bon, en y réfléchissant, ça ne ressemblait pas vraiment à des réactions négatives, mais qui ne dit mot consent, comme disait Gandhi juste avant de foutre un high kick dans la gueule de Nicolas Sarkozy parce que ce dernier l’avait traité de gauchiste chauve, un geste qui resta dans tous les livres d’histoire. Mais revenons à nos moutons.
La partie de Bomberman Ultra, tout d’abord, se passa bien, sans vrai désagrément (si on ne comptait pas Paula qui foutait des petits coups de coude à Frank et Rakmou pour les déconcentrer). Brian et Maxim avaient fait ingérer des somnifères à Sadie et elle pieutait dans sa chambre, les pizzas arrivaient tour à tour, doucement mais sûrement (ils commandaient dans différentes pizzerias et, à cause de la réputation que la bande s’était taillée à Nice, il fallait toujours jouer à la courte paille pour déterminer qui se présenterait devant leur maison. Et revêtir une armure de chevalier, également)… non, définitivement, tout semblait bien aller. Puis les quatre joueurs perdirent chacun leur tour, Frank se faisant tuer par la grosse boule en métal vivante qu’il tentait d’exploser, Paula parce qu’un cultiste vaudou roux à poil avait foncé sur son personnage tout en se cachant les parties génitales et Matlock et Rakmou parce qu’ils s’étaient tués avec leurs propres bombes. A la fin de la partie, tout le monde posa sa manette respective et Frank prit la parole.
« Bon. Alors, vous le voyez, on est à égalité, là. »
« Hm hm, répondirent les trois à l’unisson.
« Et y’en a au moins deux qui se sont tués tout seuls, comme des cons. »
« Hm hm. »
« Donc, moi, ce que je propose, vu la situation, c’est que- »
« Le premier qui se tue tout seul va racheter des Curly ! »
Les quatre se rendirent compte, une demi-seconde après avoir terminé la phrase, qu’ils l’avaient prononcée tous les quatre en même temps. Détournant lentement leurs visages respectifs vers l’écran et leurs manettes, qu’ils reprirent. Et ils firent craquer les muscles de leurs cous, prêts à en découdre.
Finalement, ce fut Matlock qui se tua tout seul en premier. Et, était-ce par pure envie de faire chier ou parce qu’il s’était avalé quatre bouteilles de tequila y’avait une heure de cela, toujours est-il qu’il prit 40 minutes pour revenir alors qu’acheter des Curly se faisait en 3 minutes et que la supérette la plus proche était à dix bornes de la maison.
19:10
Les odeurs de fromage fondu, de chorizo et de saumon avaient envahi toute la pièce, voire même toute la maison. Et comme nos amis étaient des voisins sympathiques, ils avaient ouvert toutes les fenêtres en grand pour que tout le voisinage proche puisse profiter de ces fortes odeurs (enfin, officiellement, c’était parce que selon Mina, « il fait chaud sa mère, putain, moi, j’ouvre ! »). Sympa. Et pendant que les dernières pizzas étaient proches d’être livrées, que tout le monde mangeait et que Matlock se faisait toujours attendre avec les Curly, quatre nouveaux challengers avaient pris place sur le large canapé de la maison : Ariane Crow (concierge et experte du balai aux cheveux arc-en-ciel), Ralph Cuckie (hippie adepte de la foi rastafari), Francine Luzier (femme politique avec un long passif d’histoires salaces) et Melanie Kondraki (probablement ce que l’Angleterre a de plus flegmatique parmi ses ressortissants).
Le jeu face à eux était Scott Pilgrim VS The World, un jeu choisi sur des critères parfaitement objectifs (parce qu’Ariane était une fangirl de Michael Cera) et qui consistait à se castagner contre plein d’ennemis, vu que c’était un beat’em all. Et nos quatre amis étaient présentement occupés à tabasser des ninjas, alors que Ralph en avait profité pour piquer le dernier bout de pizza au reblochon en douce pendant que Jeremiah – qui en avait pourtant fait sa possession exclusive – était occupé à faire des canulars téléphoniques à des employés de la Caisse d’Epargne. Pour le bonheur de leurs voisins, le seul bruit qu’on pouvait entendre était celui des quatre joueurs lâchant des exclamations de joie à chaque ennemi vaincu, le tout entrecoupé par Ralph criant directement à son Dieu, Rasta, le remerciant de le laisser gagner chacun de ses combats contre chaque ennemi se pointant en direction de son personnage. Et Francine qui faisait des commentaires sur les fesses pixélisées du sien, tandis que Ariane et Melanie faisaient semblant de ne rien entendre.
Puis, sans faire exprès, le personnage de Ralph mit une droite à celui d’Ariane. Ce à quoi elle répondit en lui foutant un uppercut en retour. 2 minutes plus tard, les quatre personnages se tapaient sur la gueule et ne prêtaient attention aux ennemis que quand l’un d’entre eux en empêchait un de ne pas pouvoir taper un autre, le tout sous les regards mi-goguenards, mi-amusés des autres (et celui, grognon, de Jeremiah, qui râlait parce qu’il n’avait pas pu manger la dernière part de sa pizza au reblochon mais aussi parce que « mais putain, qu’est-ce qu’il fout à pas revenir avec les putain de Curly, l’ivrogne ? »).
19:35
« Je crois que le personnage d’alien que je joue devait être dans un autre jeu. »
« C’est pas impossible que ce soit un jeu des mêmes développeurs, mais je m’en rappelle plus vraiment… »
« Boarf, on n’aura qu’à regarder sur Wikipédia. »
« Ouaip. Sinon, vous aviez pas vu sur la carte, y’avait le Monstre du Loch Ness ? »
« Non, pas vu ! »
« Same. »
« Mais sinon, il n’y a pas d’autres monstres sur la carte, voire des… cryptoïdes, c’est bien comme ça que ça s’appelle ? »
« Je crois que c’est plutôt des cryptides, le nom. »
« On regardera ça aussi sur Wikipédia. »
« Vous savez, je crois que j’aime bien ce jeu. »
« C’est vrai qu’il est bien. »
« Je pourrais y jouer toute ma vie avec vous. »
« Moi aussi. »
« Vous pensez que ça pourrait être bien pour se réconcilier avec certains de nos voisins ? »
« Qui s’en fout d’eux ? On est bien, là, à pas se bagarrer et à jouer ensemble. »
« En plus, tout est trop mignon. Je pourrais passer mon temps à les câliner, ces chevaliers. »
« Avec leur consentement, bien évidemment. »
« Bien évidemment. »
Ce dialogue, c’était toute la magie de Castle Crashers représentée en quelques phrases. Et la bonne humeur émanant des joueurs ne put être réduite à néant. Même pas quand Frank botta le cul de Matlock parce qu’il n’était pas revenu avec les Curly demandés, mais avec du whisky (qu’il s’était à moitié sifflé, au passage), le forçant à repartir les chercher. Même pas alors que Mina et Jeremiah, dont l’ivresse commençait à se voir, beuglaient (mal) des chansons de Thomas Rhett. Non, définitivement rien.
20:35
Habituellement, Chandra de Rosnay était une agente. Traductrice de textes dans des langues que quasiment personne n’arrive à comprendre. Spécialiste du déguisement ayant accompli de nombreuses missions d’espionnage et qui pouvait prendre l’apparence de votre sœur ou de votre frère et l’imiter à la perfection sans que vous ne vous en rendiez compte. Mais là, à cet instant précis, Chandra de Rosnay était une parfaite idiote qui était en train d’observer du sang lentement couler de son doigt, un couteau de cuisine posé sur le plan de travail et des morceaux de pain, de jambon et de fromage répartis un peu partout sur ce même plan de travail. Et ce, alors que Sadie était à l’entrée de la cuisine et se frottait allègrement les yeux. Chandra se tourna vers elle, quelque peu agacée de la voir plantée là.
« Mlle Mathers, est-ce que vous pourriez cesser de jouer la plante verte et venir m’aider avec les ingrédients ? Il ne manque plus que la moitié des tranches de jambon et le fromage à couper en lamelles, vous savez faire ça, je crois. »
La démone arrêta de se frotter les yeux et lui lança en retour un regard à la fois fatigué et montrant sa semi-incompréhension face à ce que Chandra lui demandait.
« Un, ça fait à peine 20 minutes que je viens de me réveiller, merci à ce putain de somnifère. Deux, ça aurait pu être pire, j’aurais pu te regarder te vider de ton sang. Et trois, pourquoi tu veux que je fasse la cuisine à ta place ? J’essaie juste d’arrêter d’être dans les vapes. »
« Parce que vous êtes à l’entrée de cette cuisine et que vous êtes faite de cendres, continua Chandra sans perdre de son sérieux, ni de son inhabituelle douceur dans la voix. Et que je me refuse à croire que vous ne savez pas faire ne serait-ce qu’un geste aussi simple que couper des trucs en lamelles. »
« Le sang, c’est plus facile à nettoyer que les cendres et ça salit moins. Et pour être honnête, j’ai pas envie de faire la cuisine. Mais genre, vraiment pas. »
« Je ne vous demande pas de faire toute la cuisine à ma place. J’ai quand même fait le plus gros : prendre les ingrédients dans le frigo, étaler les tranches de pain au rouleau à pâtisserie, les couper en lamelles et faire pareil avec au moins les trois quarts des tranches de jambon avant de me couper le doigt. Je demande juste un peu d’assistance pour terminer la recette et qu’on la serve rapidement aux autres, vu que le stock de pizzas commence à être vraiment vide. »
« Je m’en fiche. Je n’ai toujours pas envie. »
« C’est pour les autres, histoire qu’on continue à passer la soirée avec des trucs à manger. »
« C’est bien parce que c’est pour les autres que je n’ai pas envie. Tu la termines si tu veux, ta recette, mais c’est sans moi. »
« Sérieusement, vous devriez arrêter d’être si rancunière juste pour un petit somnifère. »
« Non, mais, c’est même pas juste ça. J’ai juste pas envie de faire un truc pour eux, en général. »
Chandra lâcha un profond soupir de lassitude face à l’air inflexible de Sadie. Elle avait oublié que la démone était une personne profondément butée et qui ne s’amusait pas toujours avec les autres, la faute à son caractère de merde. Sérieusement, pensa-elle, pourquoi fallait-elle qu’elle soit loin d’être conne mais aussi butée ?
« Je vous ai vu jouer à Super Pole Riders avec les autres. Ne me dites pas que vous ne vous amusez pas avec nous, c’est un mensonge. »
« C’était juste pour leur faire plaisir et qu’ils me lâchent la grappe. »
« Ils ne vous ont rien demandé et vous avez été la première à demander à jouer. »
« Parce que je savais que sinon, ils me lâcheraient pas la grappe à ce sujet. »
« Tout le monde, pour ce que j’en ai vu, était surpris que vous demandiez ! »
« C’est parce que je sais surprendre les gens, mais pour le reste, y’avait de l’acting. Je suis une bonne actrice. »
« Vous aviez un grand sourire en jouant, bien que vous étiez aussi surprise par le concept du jeu et même en ayant perdu, vous avez gardé votre sourire et félicité Maxim pour sa victoire. »
« Encore une fois, de l’acting. »
« Sadie, reprit De Rosnay avec un ton définitif. Vous faites des concours de blagues avec Matlock et Euronymous quand vous êtes trop bourrés, vous êtes trop protectrice envers Iris et personne n’est dupe sur le fait que quand vous rejoignez Francine dans sa chambre, c’est pas pour jouer au poker. »
A ces mots, l’expression faciale de Mathers arrêta d’être juste fatiguée et ses yeux s’écarquillèrent, malgré le fait qu’aucun mot ne sortit de sa bouche. Et Chandra en profita pour enfoncer quelque peu le clou.
« Admettez-le. Je veux bien comprendre qu’Adeline est insupportable, que se faire jeter à la gueule une manette, c’est pas cool et que Sophia aurait peut-être dû se dénoncer et s’excuser, mais c’est pas une raison pour encore plus vous enfermer dans votre personnage edgy qui ne parle jamais à personne. Parce que ce n’est qu’un personnage. Donc, est-ce que vous voulez bien, au moins pour ce soir, arrêter d’être une connasse bornée, m’aider à terminer les roulés que je suis en train de préparer et juste, je sais pas… ressentir le plaisir d’aider à faire quelque chose et de satisfaire au moins ceux et celles que vous aimez le plus ici ? »
La démone resta interdite pendant au moins dix secondes. Là, l’agente lui avait définitivement cloué le bec, alors que d’habitude, elle avait toujours une petite provocation en poche dans ce genre de cas. Et dans ce genre de cas, elle se contenta juste de légèrement ronchonner.
« Alors, déjà, moi et Francine, on fait pas ce que tu crois qu’on fait, c’est juste que j’aime pas dormir toute seule. Et ensuite… vendu, De Rosnay. T’es une sacrée connasse, mais vendu. Passe-moi ce couteau. »
« A d’autres. Et un jour, tu sauras qu’être une connasse, ce n’est pas te rappeler ce que tu peux faire de bien dans la vie. »
Quinze minutes plus tard, Chandra et Sadie débarquèrent dans le salon avec deux grands bols remplis de petits roulés jambon-fromage fondu à peine sortis du grill, alors que quasiment tous les autres étaient occupés à leurs parties de Tetris. Une venue qui fut accompagnée, comme le prévoyait l’agente, de grands sourires (la plupart venant de personnes à moitié alcoolisées et/ou tentant déjà de cuver leur vin) et de « Aaaaaaaaaaaah ! » de satisfaction. Quand la bande de goinfres commença à se servir, De Rosnay put voir, en tournant discrètement la tête, un sourire que Mathers essayait tant bien que mal de cacher. Elle avait presque envie de rire. Décidément, la troupe était incurable…
21:35
Ça ne pouvait pas durer tout le temps. Au moins, pour tout le monde. Et là, on parle de ceux qui avaient déjà réussi à cuver et/ou étaient encore conscients de leurs actions, pas les quelques gugusses de la bande (enfin… tout le monde dans cette troupe était des gugusses, mais vous voyez ce que je veux dire) qui étaient actuellement perchés sur les fenêtres et pratiquaient le battage de couilles littéral sous le vent frais en diffusant dans la sono du Death Grips à fond les ballons.
En effet, 10 minutes avant, Che Guevara (le surnom donné à Ariane Neüthers) proposa, en bonne fan de grosses cylindrées qu’elle était (même si ce n’était pas le côté de sa personnalité le plus visible), de lancer une partie de Trials Evolution. Ce que tout le monde accepta, l’euphorie de cette dernière heure ayant déteint sur tout le groupe. Très rapidement, trois autres lascars se proposèrent pour jouer : Yelena Trimble, sorcière experte en métamorphose, Simon Pietrykau, citoyen américano-hongrois spécialisé dans la gestion de bars et Gidget Ayers, femme d’affaires devenue cyborg voyageuse. Cyborg qui faisait d’ailleurs partie des « motards » de la troupe et qui était d’ailleurs très sûre d’elle, alors que tout le monde choisissait ses persos et ses véhicules, vantant son expérience aux commandes de motos de marques diverses et variées (notamment les Harley-Davidson et les Triumph, ses préférées) et disant que bon, un jeu vidéo de moto doit être assez raccord avec la façon dont une moto se pilotait dans la réalité.
Toutefois, après 30 minutes et l’attention de tout le monde qui se portait sur l’écran, où quatre motards accomplissaient dans un décor de film d’horreur des cascades que même la bande à Johnny Knoxville n’aurait jamais tenté, sauf pour de l’argent, il sembla que la victoire était très largement en faveur d’Ariane alors que Gidget, elle, n’arrêtait pas de voir son personnage bouffer de la poussière à cause d’une vitesse trop haute, de cascades mal maîtrisées ou, parfois, d’un mélange des deux (c’était un peu pareil pour Yelena et Simon, mais bon, ils s’en sortaient mieux). Oh, et il est aussi bon de préciser que le barman, la sorcière et l’ex-révolutionnaire se retenaient très fortement d’étrangler la femme d’affaires, qui passait en plus son temps à parler de la trajectoire et de beaucoup de détails très techniques qui nécessitaient d’utiliser du jargon auquel personne ici ne comprenait rien, sauf peut-être Ariane. Et puis, de toute façon, dans la tête de cette dernière, c’était une façon pour Gidget de pas assumer qu’elle était juste pas bonne au jeu, vu que la trajectoire dans la réalité et dans les jeux vidéo, quoi qu’il en soit, il restera toujours des différences entre les deux.
Finalement, Gidget, lasse, se leva en lâchant que « en vrai, je vous aurais au moins tous laissés sur le carreau dix fois, sérieux ! ». Et tout le monde (enfin, tout le monde qui n’était pas en train d’exposer ses organes génitaux depuis les fenêtres avec la sono qui continuait à balancer du Death Grips) ne se priva pas de lui répondre que puisqu’elle s’était levée et qu’elle voulait apparemment faire autre chose, pourquoi n’irait-elle pas ravitailler la table basse, tant qu’elle y était ? Et c’est ce qui fut fait, après force ronchonnements. Ce qui refroidit quand même l’ambiance, qui avait jusque-là réussi à être bien plus cool. Heureusement, cela ne dura pas.
22:15
Les châteaux. Les arcs. La magie. Les héros s’élevant à la seule force de leur détermination et de leur courage. Les combats contre des entités maléfiques, qu’elles soient possédées ou non. Les trésors divers et variés. Et bien sûr, le fait de réussir à grandir, à trouver son vrai potentiel et à s’accomplir en tant qu’héros/héroïne. Ça, c’était le genre d’histoires que tout le monde pouvait apprécier. Des histoires de passion, d’aventures, de trahisons, de rencontres, d’amitiés, de missions, de combats, d’introspection, bref, des trucs qu’il est assez simple de détester mais encore plus d’aimer. Sauf que là, actuellement, pour Mina, ce genre d’histoires était en train de se résumer à un GIF animé passant en boucle sur l’écran de télé et la montrant en train de se faire tuer par sa propre flèche et les rires avinés de ses abrutis de copains, moquant sa piètre utilisation de tous les objets. Ouais, pour les passions, l’action et le dépassement intérieur, elle pouvait repasser. Surtout qu’en plus, tous nos bons amis jouaient à Towerfall Ascension ou regardaient la partie ou s’amusaient à déclencher des feux d’artifice low-cost depuis les fenêtres, faisant ainsi un boucan pas possible. Et ça, c’était quand certains n’avaient pas la tête dans des seaux remplis d’eau glacée pour tenter de calmer leurs maux de tête et leur envie de vomir.
Quoi qu’il en soit, Lennon (qui avait décuvé une partie de son propre vin) s’était retrouvée à être connement tuée par sa propre flèche alors qu’elle s’était jetée un peu trop vite sur le perso de Ralph pour le tuer. Et tout le monde ayant à peu près les yeux en face des trous se mit à rigoler comme pas possible (en plus, certains rigolaient très près de son visage et comme ils puaient l’alcool, ça donnait envie à la jeune femme d’aller vomir, elle aussi) parce qu’il fallait pas se mentir, c’était quand même une vraie mort de merde. Le pompon fut atteint quand certains et certaines commencèrent à faire des jeux de mots pourris incluant le mot « flèche » dedans (comme le fait que décidément, Mina n’était pas une flèche sur ce coup-là). Et non seulement ils étaient si pourris que même Gad Elmaleh n’aurait pas osé les voler pour un de ses spectacles, mais de plus, le fait que la femme électrique avait encore de l’alcool dans le sang faisait que dans sa tête, c’était comme si quelqu’un avait pris une télécommande qui marchait uniquement sur les cerveaux et les oreilles des êtres humains et avait mis le son à fond. Ce qui n’était pas franchement une expérience très agréable, vous en conviendrez.
Alors, bien sûr, dans ce genre de cas, elle fit ce qui était la meilleure chose à faire : elle sortit dehors en prétextant une envie pressante (ce qui était ridicule, vu qu’il y avait des toilettes, mais quand ils étaient bourrés, ils pouvaient croire beaucoup de choses) et finit à quelques pas de l’entrée de la maison, à inspirer et expirer de grosses goulées d’air tandis qu’à côté d’elle, Euronymous Borland, voyageur spatial et fantôme insaisissable parmi la troupe, vomissait ses tripes (ou ce qu’il en restait) dans un buisson, que Jeremiah faisait péter ses derniers feux d’artifice et que les rires des autres se faisaient entendre, mais moins fort (en plus, ils venaient tout juste de lancer une nouvelle partie, donc au moins, Mina put s’assurer que ce n’était plus d’elle dont on se foutait). Elle pensa en son for intérieur que cette fois, putain, c’était pas passé loin et ce alors que d’habitude, toute la troupe avait en commun ce superpouvoir de décuver super vite, chose normalement impossible pour le commun des mortels.
Ça, et en plus, c’était humiliant d’être victime d’une mort si conne. Et de se payer les moqueries de ses potes. Enfin, après, ça avait arrêté d’être quelque chose d’énervant depuis un sacré bout de temps, vu qu’elle non plus n’était pas mieux dans ce domaine et que toute la troupe passait généralement son temps à se moquer plus ou moins gentiment les uns des autres. Ouais, clairement, c’était le contexte qui rendait ça bien moins supportable et le fait qu’elle n’était pas encore sobre. Et c’est pour ça que l’air frais était toujours pour elle la meilleure solution : aller dehors, inspirer, expirer, se gorger d’air, accorder une pause aux poumons et au foie et revenir une fois que tout semblait bon à nouveau.
Cinq minutes plus tard, elle revint dans le salon, la mine fière et avec l’envie de prendre sa revanche, le tout sous les yeux mi-conscients, mi-ahuris de ses camarades. Et après qu’elle ait pris à Maxim son sachet de chips barbecue et avalé la moitié de ce qui restait d’un trait (ne laissant que des miettes au roux), elle se posa sur le canapé, prit une manette et un match fut relancé.
22:55
Y avait-il des moments où la bande ne faisait pas de bruit et ne provoquait pas la colère de ses voisins (colère étant parfois accompagnée de plaintes) ? Oui. Ils n’étaient pas des plus communs, mais existaient. Mais pour cela, il fallait qu’il y ait une vraie raison valable pour eux d’arrêter de faire du bruit, genre un truc qui en valait réellement la peine. Et cette soirée fut pour eux l’occasion d’ajouter une raison de plus de se taire, raison portant le nom d’Hidden In Plain Sight. Un jeu très moche où tous les personnages doivent se zigouiller les uns les autres. Rien de plus simple. Et accessoirement, vecteur de stress.
Et oui, ce stress fut suffisant pour que tout le monde se mette à la fermer. Le silence devint soudainement tellement assourdissant que le bruit des moustiques entrant et sortant par les fenêtres passait pour le bruit d’une marche militaire prussienne. Il y avait huit joueurs et ce n’était pas peu dire qu’ils suaient tous comme des porcs, tellement ils stressaient. Au moins trois avaient planqué leurs manettes respectives sous leurs t-shirts (et un autre, à moitié dans les vapes à cause de ce qu’il s’était enfilé, sous son froc, mais tout le monde était trop concentré sur le jeu pour se préoccuper de sa position ridicule) pour ne pas que leurs persos se fassent repérer. Tout le monde s’observait du coin de l’œil. Chandra et Paula avaient un défibrillateur pas loin si quelqu’un faisait une attaque cardiaque à cause d’une trop forte frayeur. C’était définitivement la mort du bruit qui régnait dans la maison. Et les quelques voisins qui n’étaient pas encore allés dormir et profitaient de derniers instants de fête (ou de tentative de noyer leur chagrin dans l’alcool parce que leurs favoris ont été éliminés) avec leurs copains purent, pendant l’un de ces trop rares instants, profiter du silence et du fait que la bande d’excités avait enfin arrêté les conneries.
Oh, bien sûr, ils savaient que ce n’était que temporaire et qu’ils recommenceraient le lendemain, mais c’était tellement pas commun que profiter était la meilleure chose à faire.
23:25
La bambouseraie était particulièrement touffue. Bon, ils avaient vu des documentaires qui en parlaient, qui montraient des forêts de bambou et qui montraient en même temps des pandas (les réactions de la bande à leur vue oscillaient entre « putain, c’est trop mignon », « hey, vous pensez que ça pourrait faire de bons oreillers ? » et « non mais, vous avez vu ces grosses pattes ? Sérieux, c’est la race qui va prendre le contrôle de la Terre, les chats et les chiens sont juste des leurres ! ») mais le fait que même dans les jeux vidéo, elles étaient tout aussi touffues, arrivait toujours à surprendre le groupe. Et oui, comme il était possible de le deviner, ils étaient facilement surpris par beaucoup de choses, pour des raisons qui mériteront d’être expliquées plus tard.
Quoi qu’il en soit, les quatre joueurs qui étaient en plein dans une partie de Samurai Gunn (là où il y avait la bambouseraie, donc) étaient les suivants : Sadie, qui avait décidé de retenter sa chance à un jeu, Iris Jacket, l’autre gamine du groupe (reconnaissable par ses tentacules jaune soleil dans le dos), Aldwin Alcarin, guerrier moyenâgeux ayant la phobie des loups-garous et Sasha Stiller, voyageuse et spécialiste des endroits et choses qui effraieraient n’importe quel catholique. Cette même Sasha qui était d’ailleurs actuellement en train d’essayer désespérément de tirer sur le personnage de Sadie (leur forte amitié faisait que la première pouvait faire ce genre de choses sans que la seconde n’en prenne ombrage), les mouvements rapides et saccadés de son personnage illustrant d’ailleurs sa difficulté à essayer de tuer sa cible.
Oh, et il est aussi bon de préciser que le perso de Sasha avait également trempé dans une mare pendant le combat. Et bien sûr, elle pensa que ça ne causerait rien et que ce n’était pas grave. Alors, elle continua à faire bouger son perso vers celui de Sadie. Et elle eut une ouverture. Cela provoqua chez elle la naissance d’un grand sourire, tandis que son amie faite de cendres prit une tête surprise.
« J’vais t’avoir. »
Elle appuya sur le bouton de tir. Et à la grande surprise des deux, le flingue du perso de Sasha se contenta de cracher un inoffensif jet d’eau. Sasha lâcha un « Et m… » étouffé. Sadie tourna la tête vers elle avec un grand sourire.
« Non, c’est moi qui t’ai eu. »
Et en 5 secondes, la démone réussit à la fois à appuyer sur le bouton permettant à son perso d’embrocher celui de sa pote et à s’emparer d’une brochette et d’y embrocher une mini-saucisse (le bol de mini-saucisses était là depuis 2 heures et avait eu bien le temps de refroidir, mais c’tait pas grave). Ce moment était pour elle l’équivalent de sa revanche sur cette journée. Et c’était aussi son moment, bien sûr. Certes, Sadie savait que Chandra lui rappellerait ce moment la prochaine fois qu’elle ferait la gueule, mais même si elle savait qu’elle préférerait crever plutôt qu’assumer qu’elle aimait les autres membres du groupe, eh bien, sur le moment, elle s’en foutait, elle s’amusait beaucoup trop. Bref, une vraie victoire.
Finalement, c’est à 0:30 que cette gigantesque soirée se termina. Et en fait, aucun des membres de la bande ne partit se coucher comme d’habitude. Ils avaient chacun leurs chambres, individuelles ou en duo, mais ce soir, aucun ne s’y rendit. Et ça mérite d’être souligné, vu qu’encore, c’était aussi quelque chose qui ne se passait pas souvent.
Cette nuit, la petite quarantaine de locataires de la grande maison dormit dans le salon. Ensemble. Dans un grand câlin collectif. Sur les deux grands canapés qui ont été rapprochés pour créer un lit de fortune. Et tout le monde ronflait plus ou moins fort. Probablement qu’ils allaient tous un peu puer de la bouche et du reste le lendemain à cause de tout ce qu’ils s’étaient avalés dans les gosiers et du fait qu’ils n’avaient pas pris de douche. Probablement que demain, ça allait redevenir une journée parfaitement normale, où ils allaient trouver des trucs pour tromper l’ennui, se mettre des claques dans le cou et se balancer des insultes débiles ou n’importe quoi d’autre.
Mais cette nuit, tout le monde dormit du sommeil au juste. Parce que pour une fois, la bande avait vraiment, réellement pu ressentir la joie de juste passer une soirée où tout le monde s’éclatait et où personne ne venait faire chier. Et ça, rien ne pourrait le leur enlever, oh non.
Alors, on va commencer par les points positifs du texte :
Premièrement, tu as une très belle plume, très familière, sans être forcée. Les mots coulent tout seuls à la lecture, et c'est vraiment très sympa.
Deuxièmement, l'histoire, les personnages, les références, l'ambiance en général est vraiment très très cool. C'est quelque chose que j'ai beaucoup apprecié, et les relations entre les personnages sont également assez bien montrées.
Troisièmement, j'aime bien la division du texte en plusieurs moments de la soirée, les ellipses ne coupent pas trop le récit et ça permet d'avoir une image assez réaliste (ou crédible) de la soirée tout en faisant intervenir plusieurs personnages différents.
Bon, maintenant, on va passer aux points négatifs.
Il y en a un principal, les personnages. Alors j'ai déjà dis que les personnages étaient un très bon point, juste au-dessus, mais je veux plutôt parler du nombre de personnages ici. Il y en a beaucoup trop pour que le lecteur s'y retrouve. Personnellement, je n'ai retenu que Jeremiah, Sadie, Chandra et le gars qui va chercher des Curlys sur une bonne vingtaine de personnages cités (à vue de nez). Tes personnages ont l'air très attachants, et "particuliers" (dans le sens où ils ont chacun une personnalité bien distincte), mais ils sont trop nombreux à être présentés pour un texte aussi court. Je ne sais pas vraiment si "perdre" le lecteur ainsi est volontaire ou non, mais j'ai en tout cas très hâte de voir d'autres textes avec ces personnages pour comprendre un peu mieux les relations entre ces derniers.
Je dois t'avouer qu'au tout début, quand tu as présenté Mina et Arianne, j'ai été immédiatement charmé par la courte présentation que tu donnes à chaque personnage, mais il y a trop d'informations à enregistrer en trop peu de temps pour retenir vraiment ces personnages. En tout cas, ta façon de présenter m'a fait penser au livre Le Club des punks contre l'apocalypse zombie de Karim Berrouka (ancien chanteur de Ludwig Von 88) et c'est un super bon point pour le coup x)
Enfin bref, gros gros coup de coeur sur les personnages, mais malheureusement, on ne les retient que difficilement à la lecture, et c'est la plus grande faiblesse de ton texte à mon avis.
Autre petit défaut, si les petites phrases concises et volontairement "absurdes" servant à présenter les personnages sont en général très percutantes et bien écrites, parfois elles rallongent inutilement des incises ou des phrases déjà trop longues, et ça rend assez mal (je trouve). J'ai aussi l'impression que tu essayes de rendre tes personnages trop "remarquables", ou différent des autres, jusqu'à leur donner des caractéristiques vraiment incongrues ou "ridicules" (je ne sais pas si c'est un bon ou un mauvais point, je tenais juste à te le faire remarquer).
Et pour finir, on comprends assez vite que la plupart des personnages ne sont pas humains, on ne comprend pas vraiment s'il y a des humains dans la maison d'ailleurs. Mais je trouve ça un peu dommage de ne rien expliquer à ce sujet. Est-ce que tous les habitants de la maison ne sont pas humains ? Y a-t-il des humains dans ton monde ? Qu'est-ce que ça change, concrètement, que les personnages soient des "monstres" ? J'ai trouvé ça très cool, ça caractérise encore plus les personnages, mais j'ai un peu de mal à comprendre tout ce qui se passe à cause de ça justement (pareil pour le match de foot, pourquoi leurs voisins viennent les voir quand il n'y a pas match ? J'ai pas trop compris cette partie là, et c'est dommage vu que toute la soirée, donc le texte, repose là-dessus :P)
Enfin bref, j'ai beau avoir écrit énormément sur les "défauts" du texte, j'ai quand même beaucoup apprecié, et j'ai hâte de lire d'autres textes pour découvrir plus en détail les personnages !
Déjà, le nombre de persos. Oui, il y en a beaucoup (et encore, j'ai pas mis tout le monde, j'ai un Google Docs avec tout le monde et... y'en a plus de 40). La raison est toute simple : c'tout simplement un truc un peu, bah, comme la fête qu'ils organisent, un truc bordélique et où on se perd un peu. J'avais pas forcément prévu que ça soit comme ça, mais le produit fini, c'est l'esprit (et puis, les trucs un peu punk et bordéliques, j'adore ça).
Pour leur présentation, elle est très courte parce que les origines des persos. Chacun d'entre eux vient d'un RP Discord différent, donc contenant son lot de trucs à leur sujet avec lequel on peut ne pas être familiers et je voulais réduire les présentations au strict minimum pour ne pas perdre les gens. Pour mes futurs écrits impliquant ces personnages, je prévois de m'étendre un peu plus sur eux, de prendre un peu plus mon temps (surtout avec "A Bunch Of Misfits") et même, peut-être, faire des OS chacun centrés sur un perso.
Et oui, j'essaie de différencier le plus possible mes persos, histoire que le moins d'entre eux soient des coquilles vides, j'veux vraiment qu'on sente qu'ils sont des vrais persos. Et donc, ouais, y'en a qui ont des caractéristiques ridicules et c'est voulu et j'suis contente que tu le remarques !
Et pour finir... oui, il y a des humains dans cette maison. Tout comme il y a des monstres et au moins un, deux cyborgs. Mon monde étant une version alternative et très "trafiquée" du monde réel (et que je développerai dans de futurs écrits, probablement), il y a des humains, bien sûr. Et enfin, le fait que leurs voisins les voient souvent, c'est tout simplement que beaucoup de ces gars ont le point commun d'être considérés comme des fouteurs de merde professionnels. C'pas leur but, mais disons qu'ils vivent leur vie comme ils l'entendent et que, pour eux, beaucoup de conventions sociales sonnent surtout comme du gros bullshit. Du coup, ça en énerve beaucoup. Et ils sont les cauchemars des voisins, qui vont donc beaucoup les voir pour leur dire d'arrêter leurs conneries (très souvent sans grand succès). Sauf que là, ils regardaient tous et toutes leur fouteballe, donc...
Et c'est touuuuuuut ! J'espère que ma réponse aura éclairci pas mal de trucs et te remercie de ton commentaire !
(en tout cas j'ai vraiment très très hâte de lire plus de textes dans cet univers après ton explication ahah)
(et merci, je sais pas quand les autres sortiront, mais j'essaierai de pas prendre 3 ans, tu réentendras parler d'eux assez vite, si j'me botte bien le cul...)