Partie Deux — XV. Le Maître

« Maître !

— Oui ?

— Pourrons-nous nous voir demain ? »

Pas de réponse.

 « Vous êtes mon maître, et je…

— Non. »

Pierrot était triste. Le maître n’avait jamais accepté de le voir.

« Suis-je le problème, Maître ? »

Les harmoniques vibrantes de la voix immatérielle résonnèrent en un rire attendri.

« Non, mon Pierrot. Tu n’es pas le problème.

— Alors, pourquoi ? »

Pas de réponse.

« Les choses magnifiques, reprit Pierrot, je veux pouvoir les admirer avec vous ; les choses horribles, je veux pouvoir les affronter avec vous, et que vous m’en protégiez.

— Je le fais déjà, mon Pierrot : ce que je te montre de beau, je l’ai déjà contemplé ; et, de ce qui est laid, je ne te montre pas le pire.

— Mais ce n’est pas pareil » dit Pierrot avec déception. « Je vous ai imaginé grand et terrifiant ; petit et avenant… Mais peu importe ce que vous êtes. Je veux vous connaître, vous. Je veux être avec vous.

— Je suis là.

— Mais non ! » La réponse du maître énervait Pierrot. Il faisait exprès de ne pas comprendre, pensait-il.

Mais comme s’il avait effectivement été là un instant plus tôt, la solitude emplit soudain la petite cellule où demeurait Pierrot. Dans l’obscurité, une larme coula sur sa joue.

« Je t’apprendrai ce que je ne sais pas, te montrerai même ce que je n’ai jamais voulu voir. Je te servirai le monde, mon Pierrot ; mais tu ne me verras jamais. »

Alors, Pierrot eut une idée. Il prit son courage à deux mains et dit :

« Si je ne peux pas vous voir, voir qui vous êtes, voir que vous êtes réel, alors je ne peux continuer à être vôtre. » Fier de sa ruse, Pierrot croisa les bras sur son cœur qui battait à tout rompre.

« Tu as raison » dit le maître. « Pierrot » ponctua-t-il. C’était la première fois qu’il l’appelait ainsi.

Alors, la porte en pierre de la cellule se leva, révélant un paysage d’ambre et de rose.

Une larme coula sur l’autre joue de Pierrot. Une larme de joie.

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