Le soleil finissait de se lever dans un ciel clair et baignait la ville, qui commençait à s’agiter, de sa douce lumière. Le facteur faisait sa tournée dans un sens, le laitier dans un autre, de rares automobiles déambulaient dans les rues, et le café du coin commençait à se remplir.
— Bien le bonjour André ! Comme d’habitude s’il te plait !
— Installe toi, je t’apporte ton café serré tout de suite !
L’homme s’assit au comptoir. La petite quarantaine, il affichait une barbe de trois jours, un nez rouge et des yeux gris qui jetait des regards inquisiteurs autour de lui. Trois vieilles dames discutaient autour d’une table un peu plus loin, un jeune homme lisait son journal sur la terrasse et un groupe d’ouvrier parlaient bruyamment en buvant leur café avant de partir travailler.
— Quoi de neuf Robert ? demanda le tenancier du café, replet et jovial, en s’affairant derrière le bar.
— Pas grand chose. J’ai quelques courses prévues aujourd’hui pour la société de taxis, mais rien de mirobolant. Tu n’as toujours pas entendu parler de contrat de chauffeur dans le coin ?
— Non toujours pas. Par contre, je vais avoir une nouveauté très prochainement, dont tu me dira des nouvelles !
André eut juste le temps de déposer sa tasse devant l’homme qu’une camionnette s’arrêta devant l’établissement.
— André Dupont ? appela l’un des deux livreurs en descendant du véhicule. Un colis pour vous. On doit vous installer l’appareil. Signez ici je vous prie.
— Bien sûr, installez la contre ce mur, merci, répondit le tenancier du café en signant le reçu.
Les livreurs sortirent un grand carton de l’arrière de la camionnette, qu’ils déballèrent à côté du bar. Les clients regardaient avec curiosité la manoeuvre, et une radio flambant neuve d’un mètre de haut, avec revêtement en bois verni, se dévoila sous leurs yeux. Encore quelques branchements, et les livreurs repartirent après une poignée de mains. André resta quelques minutes à tourner les boutons, jusqu’à ce qu’une mélodie se fit entendre dans tout le café.
— Un concert ! s'exclama-t-il, ravi, avant de retourner derrière le bar sous les applaudissements des clients.
— Eh bien tu t’es fait plaisir, lança Robert en souriant. Un beau bébé que tu as là.
— C’est peu de le dire. Depuis le temps que je voulais ma propre radio. Je vais la laisser tourner toute la journée ! Tu sais à quelle heure sont les émissions ?
— Aucune idée.
Les ouvriers quittèrent l’établissement en saluant chaleureusement André, et partirent en direction de l’usine dans la fraîcheur matinale. Le jeune homme au journal se leva aussi, et partit dans une autre direction en laissant un pourboire à côté de sa tasse vide. Les vieilles dames quant à elles, continuaient de discuter discrètement, se penchant les unes vers les autres, affichant tour à tour une mine concernée ou amusée. Robert, qui les écoutait distraitement, entendait parler de leurs petits-enfants et des dernières rumeurs sur la ville.
Quelques instants passèrent avant qu’un homme âgé d’une soixantaine d’années, la stature haute et portant une imposante moustache franchit le seuil du café. Il salua poliment les vieilles femmes, puis son regard s’attarda un instant sur la nouvelle radio, et enfin son attention se porta sur André et son compère Robert. Il était vêtu d’un costume avec veston duquel dépassait une montre à gousset, et portait un noeud papillon bleu foncé. Déposant son chapeau rond sur le comptoir, il s’adressa au tenancier :
— Bonjour vous deux. Une bien belle journée qui commence, n’est-ce pas ? Je vous prendrait un café André.
— Bonjour Monsieur le Maire, répondit l’intéressé, suivi de Robert.
— Comment se passent les préparatifs de la Saint-Jean ? enchaîna le tenancier en servant un café supplémentaire sur le bar.
— Fort bien, affirma le Maire après avoir pris une gorgée de café. Pour tout vous dire, nous venons hier de finaliser la commande de bois pour les feux. Se seront de beaux bûchers que nous aurons là ! Je venais justement vous voir à propos de la fête, André.
— Je vous écoute Monsieur.
— Comme l’année dernière, nous souhaitons que vous teniez un stand de rafraîchissements le soir des festivités. Vous aviez eu beaucoup de succès. Cela vous convient-il ?
— Absolument Monsieur le Maire, avec plaisir.
— Parfait ! La municipalité vous prêtera à nouveau le stand en lui-même, ainsi que les décorations.
— En parlant des décorations, ce seront les mêmes que l’année dernière ? demanda Robert.
— Non, tout sera nouveau cette année ! Gardez le pour vous, mais nous sommes partis sur un thème rouge et jaune du plus bel effet. Même la mairie sera décoré aux couleurs de la fête.
Il termina son café d’une traite, et enchaîna :
— Si vous n’avez pas d’autres questions, je vais aller de ce pas rendre visite au père Lacroix afin de voir comment organiser la procession le jour J. Bonne journée !
Sur ce, il quitta le café d’un pas vif et pris la direction de l’église.
— Eh bien ils commencent les préparatifs bien tôt cette année ! remarqua Robert. D’un autre côté, je n’avais pas réalisé que la Saint-Jean n’était que dans un mois.
— Moi non plus, approuva André en débarrassant le comptoir. Monsieur le Maire était bien pressé ce matin.
— C’est vrai.
— Aucun rapport, mais le facteur ne devrait pas tarder à passer. Il est presque 8h, il doit avoir fini sa tournée. Il faut qu’il voit ma nouvelle radio !
Une dizaine de minutes passa avant que celui-ci n’arrive. Les trois mamies eurent le temps de quitter les lieux, et quelques autres clients d’entrer. Le facteur, un homme roux d’une trentaine d’années, entra comme une fusée et déposa son képi et sa besace sur un tabouret de bar à côté de lui.
— Bonjour, bonjour ! Comme d’habitude André.
— Salut ! Tu as vu ma radio ?
Après un sifflement d’admiration, le facteur le félicita et dégusta son café au lait.
— Vous ne savez pas quoi ? reprit-il au bout d’un moment. Je suis passé chez les Leroy déposer un gros colis, des livres je pense vu le poids. Ce n’est pas souvent qu’ils ont du courrier, mais quand c’est le cas, je déteste y aller.
— Pourquoi dont ? demanda André. Ils sont un peu étranges, mais tout de même…
— Tu veux savoir pourquoi ? A cause des CHIENS. Ils en ont deux, des bergers allemands croisés avec je ne sais quoi, et ils ne sont jamais attachés.
— C’est vrai, repris Robert, que je vois parfois leur gamin les promener vers la forêt. Ce sont de beaux bestiaux, mais ils n’ont pas l’air agressifs.
— Détrompe-toi ! s’écria le facteur. Ils se mettent à aboyer dès que j’approche ! Et ils m’entendent de loin. Le moulin des Leroy est assez loin de tout, et ils me sentent dès le bout de la route. Et ces cris si vous les entendiez !
— Bon, ce sont de gros chiens de garde quoi, minimisa Robert.
— C’est pas tout ! Ils ont des dents immenses ! Et leurs yeux sont si noirs… Ils me filent la chair de poule rien que d’y penser.
— Tu n’en fais pas un peu trop ? se moqua André.
— Je vous le promets, ils ont vraiment quelque chose de bizarre ! Depuis la dernière fois que je les ai vu, je jurerais qu’ils n’avaient pas exactement la même apparence… La forme de la tête n’était pas pareille, ni la forme de leurs pattes… Traitez-moi de fou si vous voulez, je suis sûr de ce que je dis !
Il but rageusement son café, et un ange passa.
— Ca me fait penser à un événement dont m’avait parlé Madame Blanc, dit André au bout d’un moment. Elle regardait passer le petit, Emile, un soir. Il rentrait d’une promenade en forêt, et elle m’avait juré qu’elle avait vu une cinquième patte à l’un des chiens. Elle est un peu sénile mais elle aussi était sûre d’elle.
Je mets dans ma pal !
J'ai envie de savoir ce que cachent ces chiens !
J'aime beaucoup aussi le parler simple des habitants et des "fonctionnaires", l'esprit fête aussi.
Le récit est vivant, bien mené.
Je vais aller lire la suite pour me faire une meilleure idée de l'intrigue.
Je te souhaite bonne lecture du coup !
Merci pour ton texte :-)
Le concept est original je trouve n'ayant absolument pas l'habitude de lire des romans qui se jouent comme dans une pièce de théâtre (je me suis laissée porter comme dans un huit clos). ça m'a fait étrange au début, chapitre 1, il m'a fallu un temps d'adaptation, j'ai eu du mal à me laisser porter du fait du trop plein de dialogues et d'une certaine lenteur (propre à l'environnement que tu dépeins) mais tu as réussi à m'intriguer, le suspense est bien tenu, les histoires de chiens (et autres canidés) me font frissonner et tu as réussi à produire une petite angoisse dès le premier chapitre . Je suis bien curieuse de lire la suite, on sent que l'étrange va arriver, tu as installé ton cadre...vraiment chapeau, ce ne doit pas être évident d'écrire ainsi via le biai des dialogues! J'attends la suite avec beaucoup de curiosité!
Cet écrit se découpe en trois parties, et la première partie (chapitres 1 à 10) se joue en effet comme un pièce de théatre, toujours dans le même lieu avec des personnages redondants. C'est un peu un défi, vu que j'ai un peu de mal avec les dialogues ! ^^
Et je te concéde qu'il y a des longueurs dans le chapitre 1 ; j'essayais absolument de faire un certain nombre de mots, mais je ne savais pas quoi raconter. Je le retravaillerai.
Je suis contente d'avoir réussi à mettre en place une petite angoisse ! :)
Une petite précision, car je viens d'un tout petit village et on a gardé un rythme trèèès campagnard. Le bois pour les feu de fêtes on va le récupérer en forêt, des arbres morts tombés de l'hiver. On s'y met à plusieurs, tous ceux qui veulent/peuvent. La taille du feu dépend de la contribution de chacun ! Tu n'as pas nécessairement besoin de passer commande, je pense, et ça rajoutera une couche de chronique villageoise :)