Précipitation
Je lève la tête et je jette un coup d’œil aux alentours. C'est peine perdue : aucune horloge n'orne ces parois. Je le sais bien mais je ne peux plus m'empêcher de répéter ce geste devenu machinal. Il arrive pourtant que l'on ressente réellement le besoin de savoir l'heure qu'il est. Combien de temps reste-t-il avant que je ne puisse m'échapper de ces murs ? L'enseignant qui gesticule devant moi mérite-t-il que je fasse semblant d'accorder de l'attention à ses propos un peu plus longtemps ? Tant de questions qui paraissent si importantes sur le moment. Mais, l'incertitude demeurant, je fais l'effort de me reconnecter à l'instant présent, même si cela ne suppose qu'une écoute passive.
Et puis, l'atmosphère se met à changer, mais de manière presque imperceptible : un raclement de chaise, des stylos qui tombent dans la trousse, un tas de feuilles que l'on rassemble... La délivrance est proche. Nul besoin de montre pour le savoir. L'intérêt général se relâche petit à petit jusqu'à ce que les discussions personnelles ne commencent à prendre le dessus sur le cours. La lutte s'engage entre devoir et liberté mais, pour le professeur, c'est un combat perdu d'avance. Tôt ou tard, les élèves seront sauvés par le gong.
Quelques minutes après la sonnerie émancipatrice, pour ceux qui sont parvenus dehors c'est l'euphorie : la tension se relâche, les langues se délient, on profite de l'air frais et des rayons de soleil. Sur la route, la tendance est à commenter la journée qui vient de s'écouler (à grands renforts de critiques incendiaires ou d'éloges enthousiastes suivant la leçon). Mais, arrivés à l'arrêt de bus, c'est l'attente qui commence. Finis l'insouciance et la rigolade, place aux soupirs de fatigue et aux regards anxieux sur les tocantes. Le temps, toujours ce temps qui nous obsède.
Avec soulagement, j'aperçois bientôt le véhicule qui me rapprochera un peu plus de mon but final : la maison. Je grimpe les quelques marches et vais m'asseoir, de préférence pas trop loin des portes de sortie. Durant le trajet, je vais obligatoirement prendre mon téléphone portable en main afin de vérifier les chiffres de l'horloge digitale qui s'affichent sur l'écran d'accueil. Un rituel quasi-inconscient que j'accomplirai trois ou quatre fois, toujours accompagné du même sentiment d'impuissance face à cette dimension temporelle incontrôlable.
Enfin, les battants s'ouvrent. A partir de cet instant, c'est chacun pour soi : on se lance des salutations sans même se regarder avant d'être happés par la foule. Mes pas se font plus pressants tandis que je m'efforce de remonter le flot humain à contre-courant. Je me dépêche. J'ignore combien de temps il me reste. Chaque seconde devient précieuse. Avancer, se frayer un chemin tant bien que mal, avancer encore, gravir un escalier...
Quand je parviens en haut des marches, essoufflée, je reconnais la robe rouge et blanche du train qui va m'emmener à destination. Par mesure de précaution, je vérifie le numéro inscrit sur le panneau au-dessus de ma tête : 8. C'est bien ma voie.
Je suis absolument navrée de ma réponse si tardive !
Je suis contente de savoir que ce petit texte t'a plu, merci pour cet adorable commentaire !
<br />
J'adore la façon dont tu nous raconte cette tranche de vie, si fine qu'on finit par oublier que le temps existe et qu'il est si riche. <br />
<br />
Bravo Slyth.
Un grand merci pour ce commentaire aussi sympathique que poétique !
Tu viens de me rappeler mes trajets en RER pour aller au boulot, pour revenir du boulot. Arg.
Et le temps est une belle obsession, à y regarder de plus près, avec ces fichues journées où chaque minute est une denrée rare.
Beau texte, cela dit. Mais il fiche bien le cafard :'(
M'étant inspirée de ma propre expérience, je m'étonne presque de ne pas être touchée de la même manière que toi. A croire que j'ai fini par m'habituer à ces trajets. Malgré tout, je comprends tout à fait que ce ne soit pas forcément un souvenir des plus réjouissants : mine de rien, ces trajets peuvent prendre un sacré bout de temps et c'est plutôt épuisant. Et forcément, dans ces cas-là, le temps peut prendre une importance assez capitale, ce qui a de quoi agacer.
Merci d'avoir pris le temps de lire et de commenter en tout cas ! J'espère que ton cafard passera vite !
Un chemin tout tracé, oui... sur des rails.
C'est tout simple, peu surprenant, mais agréable. Rassurant, on va dire. Ton texte est bien écrit et il m'évoque beaucoup de souvenir comme tu le vois.
A bientôt pour le prochain drabble !
Biz Vef'
Le train est une expérience assez nouvelle pour moi en fait. J'ai commencé à le prendre quotidiennement il y a une année puisque j'ai entrepris des études dans une autre ville. D'ailleurs, j'ai l'impression d'être encore plus obsédée par le temps depuis que j'utilise ce moyen de transport ! ^^''
Effectivement, je suis partie sur une idée extrêmement simple et qui me parlait. Tu évoques le mot "rassurant" et je crois que c'est aussi pour cela que je me suis dirigée vers cette idée : je voulais me rassurer en écrivant à propos de quelque chose que je connaissais et qu'il ne me serait pas trop difficile de relater. On va dire que j'ai l'excuse du premier concours pour ressentir ce besoin de sécurité ! xD
A voir si je serai capable de me jeter un peu plus à l'eau pour un prochain drabble. En tout cas, c'est une expérience vraiment sympathique donc je pense la réitérer ! =)
Merci d'avoir pris le temps de lire !
Mine de rien, on voit bien que c'est le temps qui fait vraiment la loi. Ca donne envie de se rebeller et de rester dormir toute la journée :P
Plus j'avançais dans l'écriture, plus je me disais que la notion du temps était en train de prendre le pas sur le véritable thème de ce concours, "ma voie" ! ^^''
Enfin, le plus important pour moi est que tu aies pu passer un moment agréable devant ton écran. Merci d'avoir lu !
Je trouve juste la fin une peu "déconnectée" de ce qui précède : le train constituait le facteur déterminant de toute cette avancée chronologique parce qu'il ne fallait pas le louper ?
En tout cas, très sympa de te voir participer ! :)
Effectivement, le train constituait le facteur déterminant de ce petit texte. Pour ce qui est de ton impression de "déconnexion", j'avoue que je ne sais pas trop à quoi l'attribuer. J'ai dû restreindre mon texte plusieurs fois car je dépassais la limite de mots et il est possible que ça ait joué un rôle (si ça n'avait tenu qu'à moi, j'aurais beaucoup plus décrit cette avancée ! ^^'').
Après, je dois dire que je n'ai pas l'habitude d'écrire des textes aussi courts, c'est même assez difficile pour une "pondeuse de tartines" comme moi ! xD C'est peut-être une autre explication possible à ta confusion, je ne serais pas parvenue à faire apparaître correctement mon raisonnement dans ces quelques lignes.
Quoi qu'il en soit, je te remercie d'avoir lu !
Après pour le bus, je connais le stress de louper son train.
Tu retranscris bien cette tranche de vie et j'aime le jeu de mots sur la voie.
Nascana
Bien que ce soit impardonnable, je vais tenter de me rattraper comme je peux.
Plusieurs personnes m'ont dit que ce texte leur rappelait des souvenirs et j'en suis très heureuse. Ca montre qu'un sujet simple peut toucher pas mal de personnes mine de rien. Et ça me fait très plaisir de partager ça.
Ah ah, j'aime bien le point de vue des profs ! C'est vrai qu'on a tendance à l'oublier.
Je m'excuse pour ce monstrueux retard, merci beaucoup d'avoir pris le temps de lire et de me commenter !