Eh bien, voilà. Presque 18 ans au compteur !
Ça commence ici. Dans quelques jours, c’est mon anniversaire. Et franchement, qui aurait parié sur moi au départ ?
Sérieusement… Être trouvée bébé dans une décharge, les doigts accrochés à un sac-poubelle éventré, la peau recouverte de crasse, et l’odeur de plastique brûlé autour… On dirait le début d’un mauvais film. Mais contre toute attente, j’ai eu droit à une meilleure suite.
Mon parcours ?
Rien d’une ligne droite. Plutôt un grand huit rouillé, avec des loopings serrés et des arrêts brutaux en plein vol. Mais bon, qui voudrait d’une vie plate, hein ?
À 14 ans, c’était le chaos total : squats humides, nuits volées sous des arrêts de bus, les côtes qui saillent sous un T-shirt trop grand… Puis Fabienne est arrivée. Elle ne m’a pas juste tendu la main, elle m’a forcée à l’attraper. M’a recollée morceau par morceau, avec de la patience et des regards qui ne jugent pas et elle est devenue ma maman. Et voilà le résultat : moi, une future grande de 19 ans, avec du caractère et un style qui claque.
Aujourd’hui, je regarde mon passé et je me dis : Bravo, Lola, t’as survécu à toi-même.
Alors cette année, je ne vais pas juste fêter un anniversaire. Je vais célébrer toutes les vies que j’ai vécues depuis. Chaque chute. Chaque reprise. Chaque seconde arrachée au néant. Et franchement ? Je mérite bien un gâteau géant pour ça.
Tu veux du style ? Regarde-moi.
Grande, rousse flamboyante, les cheveux mi-longs éclaboussés de mèches bleues et roses. Parce que la vie, c’est pas une foutue palette de gris. Cuir noir sur les épaules, jeans troué et bottes qui claquent sur le bitume. Parce qu’être invisible, très peu pour moi.
Et mes tatouages ? Bien visibles. Des cicatrices encrées, des souvenirs que je n’ai pas choisis. Chaque trait raconte une chute, chaque ombre un combat. Certains disent que ça fait trop. Moi, je dis que c’est juste assez.
Tu crois que c’est une carapace ? Peut-être. Mais c’est moi qui décide maintenant. Avant, ils me définissaient. Aujourd’hui, je leur donne un sens.
Et crois-moi, le monde n’a qu’à bien se tenir. Tiens, en parlant de ça… Attends. Je sors mon téléphone.
L’auteur de cette histoire, là, celui qui me balade comme bon lui semble ? Je vais lui passer un coup de fil. Histoire de voir ce qu’il a prévu pour moi.
Bip… Bip… Bip… Messagerie. Évidemment.
Tu vois ça ? Il m’invente une vie, il me fout dans des galères et il répond même pas à mes appels. Franchement, c’est quoi ce service après-vente ?
Bon… Tant pis. Je vais devoir me débrouiller toute seule. Comme d’hab.
Et toi, lecteur, t’es toujours là ? Tant mieux. Accroche-toi, parce que je sens que ça va secouer.
Bon, j’avoue… Sur les cinq dernières années, y’en a trois qui sont passées à rattraper mon retard scolaire.
Une vraie galère. Des nuits blanches, la tête dans des bouquins qui semblaient parler une langue extraterrestre, des profs sceptiques, des contrôles ratés, des autres réussis de justesse. Mais à force d’acharnement, j’ai fini par y arriver. Et franchement, je peux le dire : j’en suis fière.
Mais si j’ai tenu, c’est pas juste grâce aux cours. Entre deux sessions de révisions, j’ai découvert un truc qui m’a littéralement sauvée : les romans de fantasy. Les dragons, les royaumes oubliés, les batailles épiques… J’ai plongé dedans comme une naufragée qui trouve une île. Un monde où tout était possible, où la survie dépendait de la ruse et du courage, où les héros étaient cabossés mais jamais brisés.
Ça m’a donné envie de rêver plus grand. De croire que, moi aussi, je pouvais écrire une histoire qui en valait la peine.
Et maintenant, c’est le grand saut. Ma formation de coiffeuse commence. Et vu ma propre coupe – un savant mélange de mèches colorées et de chaos maîtrisé – ça promet d’être… intéressant.
Mais hé, si j’ai réussi à dompter ma crinière, je peux gérer n’importe quelle tête.
Et ma famille, alors ?
Mon "père" et ma "mère"… Franchement, j’y arrive toujours pas. Ces mots restent bloqués, comme s’ils ne m’appartenaient pas. Préfère maman et papa.
Mais eux, c’est le couple parfait, avec un grand A et tout. Genre, ils s’aiment comme dans les romans que je lis, avec des regards qui en disent long et des petits gestes du quotidien qui ne trompent pas. Sauf que chez eux, c’est du vrai, pas une histoire inventée. Enfin… pas totalement.
Parce que leur histoire, c’est l’auteur qui l’a écrite. Il leur a donné leur rencontre parfaite, leurs instants magiques, leurs batailles et leurs retrouvailles. Il a tout ficelé pour que ça tienne debout. Et moi, là-dedans ?
Je suis comme un second rôle coincé dans une romance où je joue pas la protagoniste. Un personnage ajouté après coup, un peu comme si l’auteur s’était dit : Tiens, et si on compliquait un peu les choses ?
Mais malgré tout, ça me fait sourire, même si je leur dis pas. Parce qu’au fond, ça me rassure. Ça prouve que ça existe.
Et puis, il y a Jonas. Mon petit frère. Mon étincelle de vie.
Dix ans et toujours aussi passionné par les dinosaures. Sérieux, il pourrait te réciter la liste complète des espèces disparues, avec les dates exactes et tout. Il a ce truc, cette façon de parler avec une passion débordante, comme s’il allait révolutionner le monde avec un fossile.
Oh, et devine quoi ?
Il m’a confié un secret…
Mais non, je vais pas le répéter. Bon, d’accord. Oups.
Une fille l’a embrassé. Désolée, Jonas, mais c’était trop drôle pour que je garde ça pour moi !
Voilà. Maintenant, tu sais tout.
Du chaos de mes débuts à aujourd’hui, où j’ai enfin trouvé une sorte de stabilité…
Enfin, presque. Parce que soyons honnêtes, c’est moi. Faut pas trop en demander non plus. Le calme plat, très peu pour moi.
Et maintenant ?
Une nouvelle page. Un nouveau chapitre. Pas écrit d’avance, pas tout lisse et bien rangé. Non. Un truc brut, vivant, imprévisible.
Et tu sais quoi ?
Je suis prête. Enfin… prête à ma façon. Accrochez-vous. Ça risque d’être rock’n’roll.