Préparatifs aux combats

Il y eut les Âges Sombres, un temps de rage et de fureur, où l'avenir des races aujourd'hui civilisées était précaire. En ces temps-là, les humanoïdes luttaient contre un monde hostile, emplie de créatures magiques, et lorsqu'ils arrivaient à survivre et prospérer, ils s'empêtraient dans des luttes intestines sans fin. C'était le temps des mages guerriers. Véritables champions des peuples intelligents, ils luttèrent pour la survie, pour la gloire, pour le pouvoir.

Puis vinrent les Âges Eclairés, la guerre s'éloigna pour faire place au commerce et aux alliances, le monde se pacifia, au point que même les dragons apprirent à craindre ceux qui parcouraient le monde sur deux pattes. Ce fut dès lors une ère de progrès, et les mages combattants se firent ingénieurs pour à nouveau accompagner leurs peuples dans les défis à venir.

Mais ce nouveau Monde, aux nouvelles normes, ne se fit pas du jour au lendemain sans conséquences...

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Le Soleil peinait à transpercer la brume matinale en ce début de printemps, comme si la ville, après une nuit agitée, avait toutes les difficultés à sortir du lit, retenue par ces millions de petites gouttelettes en suspension qui agissaient comme une couette beaucoup trop douillette pour se réveiller du bon pied.

De fait la nuit avait été agitée. Le volcan sur les flancs desquels elle s'étalait avait tremblé, par trois fois.

Noura, dont les yeux étaient eux aussi embrumés, regardait la ville de Pas-de-Vigne en contrebas, ou du moins ses contours, du haut des grandes fenêtres de la guilde des Mages qui la dominait. Elle pouvait le sentir d'ici, les gens étaient agités, énervés, inquiets, ce qui n'arrangerait sûrement pas son travail.

Elle porta une chope de taille déraisonnable, que seuls les Nains pouvaient concevoir et consommer, à sa bouche pour absorber une tisane chargée d'épices et de miel avant de fermer les yeux. Elle n'ignorait pas sa mission, elle avait été choisie et formée pour ça, telle était la Voie et elle la suivrait jusqu'au bout.

Les fenêtres de la guilde furent bâties par et pour des humains, alors pour jouir de la vue, elle s'était aménagé un petit escalier, constitué de piles de dossiers. Elle descendit de son promontoire, les boites en cuir protestèrent sous le poids de la naine mais celle-ci continua sans pitié. Quiconque se permettrait de traiter les archives de la guilde de cette façon aurait bien du souci à se faire de la part du maitre, mais pas Noura, car personne ne voulait se fâcher avec Noura. Elle avait le caractère aussi solide que le roc, image d'Epinal du peuple nain, et parfois aussi explosif que le volcan des pierres d'avec lesquelles on avait construit la bâtisse.

Et puis personne ne voulait prendre la place de Noura non plus. Elle était en première ligne, c'était contre elle que se brisaient les hordes des mécontents au service de réclamations de la Guilde et elles étaient innombrables.

Noura rejoignit son bureau en slalomant entre les ziggourats de dossiers empilés posés ça et là, véritable nécropole de réclamations dont Noura connaissait chaque détail.

Noura se percha sur son siège et laissa sa chope gargantuesque retomber sur le bureau dans un bruit sourd. A ce signal, un jeune page se risqua à entrer : « Vous êtes prête Madame ? »

« Oui Arsène, que le premier de la journée s'avance, je suis prête. »

Alors qu'Arsène, fébrile, acquiesçait et s'éclipsait prestement, Noura préparait ses armes. Elle récupéra le premier dossier de la pile, une plume aiguisée qu'elle plongea dans une encre carmine et tint fermement devant elle à s'en faire blanchir les phalanges. Stable sur son siège, les muscles relâchés, la mine résolue, elle attendit.