Sept ans avant la fin de chaque trêve séculaire le grand collège électoral du peuple dryade votent pour choisir le grand potentat qui guidera la nation de Génoas-Khal pour la prochaine guerre. Parmi les représentants des peuples de la mer, les voix sont réparties de la manière suivante.
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7 voix pour les princes électeurs, soit une voix par prince
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4 voix pour l’ensemble des ducs, soit une voix pour onze ducs
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3 voix pour les marquis, soit une voix pour cent onze marquis
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2 voix pour les comtes, soit une voix pour deux mille quatre cents ducs
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1 voix pour les bourgmestres, soit une voix pour dix-sept mille bourgmestres.
Une fois élu, le grand potentat récupère 15 voix. Le régime trouve ainsi un certain équilibre. Bien que majoritaire, le grand potentat ne peut pas décider seul. Bien qu’importants, les grands électeurs restant, avec leurs six voix, ne peuvent pratiquer une minorité de blocage. Par contre, avec la seule voix des bourgmestres, les plus proches du peuple, le grand potentat ne parviendrait pas à imposer ses vues.
Le système politique dryade
extrait du Traité sur les sociétés de l’échiquier monde
du maître architecte Vinci
Voilà une année qu’Epiphone parcourait les sept royaumes dryades. En campagne électorale, elle chassait la moindre voix. Elle recherchait le moindre soutien politique. Les six autres grands électeurs, forts de leur poids électoral, se gaussaient de voir la vierge déchue se débattre et virevolter en tout sens comme un papillon de nuit autour du feu de la bougie. Ils la méprisaient, elle et sa volonté de remobiliser les peuples de la mer dans les guerres lemniscates. Mais ils ne faisaient rien d’autre et là se trouvait la chance de la princesse d’Anulune la meurtrie.
Surtout qu’elle n’était pas seule ! Depuis l’annonce de la nouvelle élection faite lors de la réunion du grand collège, les shardanes en permissions et les marlins étaient retournés dans leurs villages pour prêcher la cause d’Epiphone. Chaque jour, plus de monde rejoignait son camp, le camp de la guerre. Désormais, une majorité de dryades refusaient de se soumettre comme depuis trop longtemps aux bannières elfes, orcs ou naine. Le temps du pacifisme et de la résilience était révolu. Les membres de la plèbe ne voulaient plus céder ! Pour cette nouvelle guerre, ils feraient front et prendraient les armes. L’opinion publique était toute entière acquise à la princesse. Encore fallait-il que les élus retranscrivent la volonté du peuple !
Les trente mille marlins, partisans zélés de la candidate novatrice recouvraient l’ensemble des couches de la société. Certaines étaient même des élus. Les dix mille guerriers pasteurs jouissaient de l’immense prestige d’être shardanes. Epiphone disposait d’une armée de fidèles pour assurer sa propagande. Ses alliés de la confrérie des élémentaires assuraient également un lobbying forcené. En tant que maître négociant de la vallée de Pyrbe, le vénérable Bivot jouait de toute son importance commerciale pour son amie dryade. Chose exceptionnelle pour un gnome, il pratiquait des prix spéciaux pour les partisans de la résistance à l’oppression elfe. Les satyres, guidés par Diodore, multipliaient les marques de reconnaissance au prince Hector. Les fées proposaient un plan de repli dans leurs marais pour tous les peuples élémentaires.
Epiphone trouvait même un soutien inattendu dans la personne des derniers nés de Nunn. Ces réfugiés racontaient aux dryades les mille maux dont ils avaient souffert. Ils racontaient le cynisme les elfes qui les exploitaient tout en les mettant au ban de leur société. Ils racontaient la sauvagerie des orcs qui les enlevaient lors de leurs raids pour les sacrifier à Abath-Khal, les asservir ou les vendre. Ils racontaient le froid pragmatisme des nains obsédés par la constitution de toujours plus de richesse qui les tuaient à la tâche dans leurs mines. Chaque jour ces derniers arrivaient plus nombreux et disaient leur volonté de mettre leurs bras et leurs cœurs aux services de la seule prête s’opposer à toute cette barbarie. Ils reconnaissaient dans la personne du prince Hector le chef de guerre providentiel à leur image bien qu’étant un hybride satyre et dryade.
Forte de tous ces soutiens, Epiphone parcourait les sept royaumes, faisant à chaque fois une entrée plus spectaculaire dans chaque nouvelle ville. Elle chevauchait Jason, l’hippogriffe représentant de ce puissant peuple allié et entièrement acquis à sa cause. A sa droite, sur pareil monture, allait son fils, le prince Hector qu’elle érigeait en chef de guerre. A sa gauche, trottait Antigone la nouvelle capitaine des shardanes. A leur suite, les guerriers pasteurs, en formation militaire défilaient en rangs serrés et ordonnés. Iphigénie menait ensuite les bataillons de marlins. Tous portaient de manière ostensible les armes exceptionnelles confectionnées par les Marteaux d’Airain. Epiphone trouvait enfin un avantage aux multiples exercices de marche au pas imposés par Morrin, le sergent instructeur nain. Des conques et des pututus imprimaient la cadence. La foule se pressait et acclamait. A la suite des troupes, de nouveaux partisans se pressaient et demandaient à s’enrôler, les derniers nés de Nunn en tête. L’opération de séduction fonctionna partout jusque dans les capitales des royaumes de Corona et Nepturus dans l’Est à Aquira et Littoril au Nord jusqu’à Hippodore dans les îles du Ponant.
Avant de retourner à Abynéas pour l’élection, comme un symbole, la vierge déchue visita Neptnas. Tel un phénix, le village s’était relevé du sac orc qui avait conduit à l’enlèvement d’Epiphone. Et la princesse en avait fait la capitale du royaume d’Anulune suite au saccage de sa cité chérie par la colonisation elfe de la baie. Elle organisa une grande cérémonie mémorielle en l’honneur des pêcheurs tombés sous les massues des pillards quatre-vingt-quatre ans plus tôt. Au centre de la place du port, la candidate déclama un discours qui marqua les esprits. A la fin de celui-ci, elle déclama sa devise, devenue le cri de ralliement à sa cause « Le feu ne brûlera jamais l’eau ! ». Juste avant l’élection, sa côte se trouvait au plus haut.
Tous les soutiens emmagasinés en chemin pesaient sur l’opinion publique. Ils étaient parvenus à suffisamment influencer les bourgmestres, les comtes et les marquis pour obtenir avec certitude l’ensemble de leurs six voix. Avec la sienne, la princesse d’Anulune la meurtrie disposait donc de sept voix, soit une de plus que les six autres grands princes électeurs. Les ducs joueraient donc un rôle prépondérant. Avec la moitié d’entre eux, elle dépasserait Minos et deviendrait le nouveau grand potentat. Le deuxième rang des élus qui semblait tout entier acquis aux six réactionnaires, vacillait sur son socle suite à l’intense propagande d’Epiphone. Était-ce suffisant pour prendre le pouvoir ? Il n’y avait aucune certitude. Heureusement, sur les conseils de Bivot, la candidate avait un plan.
Un an jour pour jour après le début de la campagne, le grand collège électoral se réunissait au Thalassodéon pour l’élection du grand potentat. Daphné, la grande prêtresse de Génoas-Khal ouvrit la séance en respectant le protocole à la lettre avant de se retirer avec sa suite. Boursoufflé de toute sa suffisance et de toutes ses certitudes, Minos, le chef du gouvernement sortant candidat à sa propre succession s’avança au centre de l’hémicycle. Les pouces dans sa ceinture, il officialisa le début des débats parlementaires.
« Dryades ! Nous voici réunis ce jour par la volonté du peuple ! Afin que le monde extérieur n’influe pas sur notre décision, les shardanes nous protégerons de leur dôme protecteur jusqu’au terme de l’élection ! Que la déesse guide notre choix ! »
Les mille shardanes les plus puissants encerclèrent le Thalassodéon. Sans aucun effort apparent et dans une coordination parfaite, ils commandèrent à l’eau de la mer. Le liquide monta progressivement dans les airs pour former une bulle protectrice infranchissable. Dans une nouvelle interprétation symbolique, les guerriers pasteurs guidaient et défendaient leur peuple. Tout sourire, Minos invita son adversaire politique à prendre place à ses côtés. Dans un mouvement lent et théâtral, Epiphone s’exécuta. Juste avant que le vieux prince électeur ne parle, Eaque, un marquis du duché de Neptnas se leva et prit à partie l’assemblée.
« Grand collège ! Je profite de notre réunion pour demander un vote de confiance pour le représentant du duché de Neptnas ! J’ai peur qu’il ne représente pas la réelle volonté du peuple ! »
« Mille anguilles ! Voici une requête fort étrange ! Et contraire au fonctionnement du collège électoral! Nous sommes ici pour l’élection du grand potentat. Nous verrons ce vote de confiance par la suite, Eaque ! »
La proposition de Minos semblait raisonnable, mais Eaque campa sur sa position.
« Il en est hors de question ! Le vote de confiance doit se dérouler avant ! Sinon, les voix des ducs ne seraient pas représentatives de la volonté du peuple ! »
« Il suffit ! Mille anguilles ! Comment le vote d’un duc pourrait-il chambouler l’élection ? Nous ferons comme j’ai dit ! »
Antigone, dans les hauteurs du Thalassodéon prit à partie le vieux Minos. Elle utilisa son pouvoir sur l’eau pour transmettre le son de sa voix à travers la paroi du dôme éphémère. La vindicte qu’elle proféra n’en parut que plus menaçante.
« Les shardanes partagent l’avis du marquis Eaque ! Minos ! Grand potentat depuis huit cent mille cycles et candidat à votre propre succession, bafoueriez-vous les principes de la démocratie dans un simple souci de calendrier ? »
Les guerriers-pasteurs des peuples de la mer, élite de la nation étaient censés protéger le collège électoral durant ses délibérations. L’intervention de la capitaine des shardanes résonnait pourtant comme une menace. Les puissants soldats pouvaient immerger le Thalassodéon en un claquement de doigt. Après un long moment d’hésitations, Minos se rendit à l’évidence. Cela ne servait à rien de protester pour un simple vote de confiance.
« Mille anguilles ! Soit ! Soit ! Nous passerons par le vote de confiance du duc de Neptnas en premier lieu ! »
Un second marquis se leva.
« Je dépose la même requête que Eaque pour le duché de Merrius ! »
Un troisième suivi le mouvement.
« Les marquis du duché d’Osiléan exigent également un vote de confiance ! »
Et tous les marquis se levèrent les uns après les autres, entraînés dans le sillage des élus soutenant Epiphone. Grâce à la propagande, un marquis sur deux était un marlin. A chaque demande, le sourire de façade de Minos s’affaissait un peu plus. La princesse guerrière les avait pris au piège. Les grands électeurs ne pouvaient aller contre la volonté du peuple ! Encore moins devant les menaçants et péremptoires shardanes. On amena les urnes. Les votes de confiance s’enchaînèrent. Bien entendu, l’ensemble des ducs furent destitués et remplacés par des marlins, partisans de la guerre de la première heure. La constitution dryade interdisant à un nouvel élu de demander un vote de confiance durant les dix premières années de son mandat, les princes électeurs disposaient donc d’un peu de répit. Pris au dépourvu par cette levée de boucliers, Minos paniquait. En levant les bras, il s’adressa à l’assemblée.
« Chers élus du peuple de la mer ! Les évènements exceptionnels rencontrés ce jour demandent réflexion. Je propose d’ajourner la séance et de réunir dans un mois ! »
Sa déclaration provoqua un tollé général. On le huait de toutes parts. Les cinq autres grands princes électeurs rentrèrent la tête dans les épaules. S’ils avaient pu disparaître, ils l’auraient sans doute fait. Epiphone ne prononçait pas un mot. Ses partisans les plus virulents s’en chargeaient parfaitement bien. Minos fut pressé par la foule de lancer l’élection au titre de grand potentat. Antigone intervint de nouveau.
On distribua à chaque membre du collège un galet blanc pour Minos et un noir pour Epiphone. Après le vote vint le dépouillement. Parmi les princes, on décompta six galets blancs pour un noir. L’urne des ducs royaume de Littoril révéla une majorité de pierres sombres. L’ambitieuse candidate gagnait le premier vote des ducs. Le résultat se reproduisit pour chaque amphore, des ducs aux bourgmestres. La princesse d’Anulune la meurtrie venait de réussir une révolution par les urnes, à onze voix contre six. Les vieux édiles conservateurs et rétrogrades devraient se plier à la volonté de la vierge vengeresse.
> Il insulte publiquement sa mère et c'est ok ? Je serais elle, je réagirais immédiatement. Tu la fais passer pour une gonzesse à piétiner, genre servante de maison, non une cheffe de clan
"pratique est honnie dans tout le reste de l’infra-monde."
> Pas chez les orcs
Je ne comprends pas pourquoi ce n'est pas un clan. Qu'ont-ils besoin pour devenir officiel ? Ça me paraît une fort longue loop narrative. En quoi est-ce utile qu'ils soient reconnus comme tel ?
Chapitre suivant Octavia
"Elle se tenait le ventre, pliée en deux de douleur"
> Octavia est une amirale. Pourquoi se laisse-t-elle faire de la sorte ? Je ne l'imagine ni chétive ni soumise. Je lui aurais mis une baffe en retour non ?
Dans le dernier paragraphe, tu réexpliquer tout ce qui vient de se passer. Je ne pense pas que ce soit utile du coup.
Le clan des Marteaux d’Airain
Finalement ! Le clan est enfin officiel !
Je décrirais un peu plus la différence entre les clans et les familles. C'est comme noble vs bourgeois ?
J'ai bien aimé ces derniers chapitres. Je veillerais toutefois à virer les sur-explications qui sont inutiles (on a compris) et attention, il y a quelques coquilles.
Entre deux feux
Tu vas un peu vite en besogne sur ce chapitre. Tu gagnerais à décrire un peu plus.
Idem qu'avant pour le dernier paragraphe. On dirait une conclusion d'une dissert. Y a pas besoin de résumer le chapitre de la sorte à mon avis. Je trouve ça bizarre.
Prise de pouvoir
"un lobbying forcené"
> Ce terme sonne trop moderne
Tu gagnerais à décrire plus ici aussi. Je peine à me souvenir de tous les noms des dryades, d'autant que cette histoire d'élections a été amenée il y a peu.
Les choses commencent à se mettre en place. Les lignes bougent. Les perso placent leurs pions.
Je me demande si tout ça ne devrait pas arriver plus tôt ? Après tout, tu as une très longue introduction.