Le soleil brillait, haut dans le ciel. Le vent jouait paresseusement avec les longues herbes de la prairie, faisant voltiger quelques pétales de fleurs multicolores. Un papillon aux grandes ailes bleues voletait maladroitement, semblant chercher un endroit pour se poser. Il finit par trouver son bonheur sur un petit nez rond. Mais le propriétaire dudit nez ne fut pas de cet avis.
Katy secoua la tête, obligeant ce locataire indésirable à s’envoler. Un sourire illumina son visage lorsqu’elle découvrit la splendeur de ses ailes irisées.
— Attends petit papillon ! Vas-y, repose toi sur mon nez ! S’il te plaît !
Mais le lépidoptère ne l’écoutait pas et s’en alla d’un air indigné. La fillette tendit les bras, bien décidée à l’attraper. Alors qu’elle courait après le petit insecte, elle trébucha et atterrit la tête la première dans un trou, sans doute creusé par un lapin ou une taupe. Une voix inquiète s’éleva :
— Ma chérie, tu vas bien ?
Katy releva sa tête pleine de terre et se tourna vers sa mère, assise sur une couverture de jardin.
— Oui oui, ça va, grommela-t-elle.
Elle s’essuya, puis chercha le papillon des yeux. Mais il avait disparu.
— Reviens ! l’appela Anodetta.
La jeune femme lui fit un signe de sa main gracile. Elle secoua la tête quand sa fille revint vers elle le visage barbouillé de brun, faisant voler ses boucles blondes.
— Là, là, tu es toute sale, dit-elle en la nettoyant.
Elle avait délaissé sa blouse blanche le temps de ce pic-nique en plein air, mais son travail ne restait jamais loin, incarné par un module de transmission sans fil qui pendait à sa ceinture. L’appareil crachota soudain, et les yeux d’Anodetta furent attirés vers lui, quittant ceux de sa fille.
— On a un problème, fit un de ses collègues depuis son laboratoire.
— Qu’y a-t-il ?
— Le canon rotuliet a lâché, il nous en faut un nouveau.
— Eh bien commandez-le.
Ses lèvres avaient frémi, l’espace d’un instant son visage avait repris le voile de l’inquiétude. Malgré ses inventions incessantes, le front reculait en faveur de leurs ennemis.
Katy n’aimait pas quand sa mère faisait cette tête-là, elle poussa son petit frère Timmy de ses genoux pour prendre sa place.
Timmy était un vrai pleurnichard, il avait peur de tout et passait le plus clair de son temps dans les bras de ses nounous. Il jeta à sa sœur un regard ahuri, accentué par ses cheveux bruns hirsutes.
— Voyons, ne pousse pas ton frère comme ça ! Regarde tu lui as fait mal ! Il n’a que deux ans je te signale !
Timmy se mit à pleurer, ce n’était pas étonnant, mais cela énervait la fillette.
— Oh ça va ! De toute façon tout lui fait mal !
— Si vous voulez, vous pouvez vous mettre sur mes genoux, Mademoiselle, proposa Onetto.
Katy regarda celui qui était comme un grand frère pour elle, le valet de sa mère.
— D’accord, dit la fillette en prenant place sur son nouveau trône.
La famille s’était rassemblée dans le parc près du manoir dans l’attente du retour du front de George Pumbleton, nommé colonel depuis peu. Cela faisait trois mois qu’il n’était pas revenu, aussi était-il attendu avec impatience.
Lorsque sa silhouette se profila au loin, Katy poussa un cri de joie et sauta des genoux d’Onetto pour se précipiter dans les bras de son père. Celui-ci l’accueillit en riant et la fit tourner dans les airs. Comme une réponse, le rire clair de la fillette de cinq ans s’éleva au-dessus de la prairie. George était un homme grand et imposant, à la mâchoire carrée, émanait de lui un charisme puissant qui en faisait un chef respecté.
— Comment va mon petit chaton aujourd’hui ? s’écria-t-il ravi, ressemblant plus à cet instant à un papa gâteau qu’à un féroce soldat.
Sa fille lui répondit en rigolant.
Anodetta les avait rejoints, Katy fut posée à terre malgré ses protestations, alors que ses parents s’enlaçaient tendrement.
— Ça va, le front ? demanda sa mère discrètement.
D’un coup, le visage de son mari s’obscurcit. Le colonel retira son chapeau haut de forme d’un geste pesant.
— Pas vraiment, souffla-t-il après un temps.
Histoire prenante où l’insouciance enfantine se perd dans les méandres d’une guerre qui se dessine pas à pas. La perspective de temps plus sombres qui se profile apporte un poids plus tragique que j’aime beaucoup, et cela nous pousse à nous attendrir davantage sur l’insouciance de la jeune Katy
Jolie découverte ! J'aime beaucoup comme l'enfance insouciante se fait ressentir à travers les yeux de la petite Katy (et l'agacement qu'elle éprouve vis-à-vis de son petit frère est très drôle et réaliste !) en même temps, on comprend que l'ombre de la guerre vient noircir cette gaité, et c'est ce qui nous donne envie de lire la suite. Bravo !
Bonne soirée à toi !
Bonne soirée à toi aussi !
- Une tête ourlée de grande(s) oreilles apparue.
- Mais le lépidoptère ne l’écoutait pas (j’aurais dit “écouta”)
- lle avait délaissé sa blouse blanche le temps de ce pic-nique (pique-nique)
- George était un homme grand et imposant, à la mâchoire carrée, (il ?) émanait de lui un charisme
Je n'ai que trois remarques à faire, ce qui est étonnamment peu sachant que je suis un vrai ~~emmerdeur~~ maniaque tatillon O:)
- « Pic-nique » pique-nique
- « Il n’a que deux ans je te signale ! » bon y’a rien de choquant dans cette phrase mais ça sent un peu l’info dump je trouve x)
- « à la mâchoire carrée, émanait de lui » il émanait de lui ?
J'ai beaucoup aimé ton prologue. Nous faisons connaissance avec les personnages en douceur dans un cadre bucolique et en famille, pourtant on sent la menace poindre et l'inquiétude se rapprocher par touches. Bravo !!!