Prologue :
Paris — 1900
La nuit n'était tombée que depuis une heure seulement et pourtant le ciel était aussi sombre qu'à minuit. La fumée dansait au gré du vent, s'illuminant au-dessus des bûchers, grossissant à mesure qu'elle avançait, sans jamais monter plus haut. La voute nocturne semblait s'être affaissée, formant un plafond noir et oppressant au dessus de la ville.
J'aurais aimé qu'il n'y ai plus que le silence, que la pluie se mette à tomber pour alléger l'air, que plus personne n'ait peur. Pourtant tout autour de moi, il n'y avait que le chaos.
Paris avait sombré pour de bon, en quelques heures, le peuple était descendu dans la rue, fou de rage, de peur, de rancune. Impossible de leur en vouloir, j'en aurais sûrement fait de même à leur place.
Tapi dans l'ombre d'une ruelle, j'observais le macabre spectacle qui s'offrait à tous. Les hurlements de terreur et de douleur résonnaient sur les façades des maisons. La place était bondée, grouillante. Les pieds dans les flaques de boue, d'urine, de crottins, ils ne faisaient pas attention au sang qui ruisselait entre les pavés. La foule scandait, transcendée, transportant les malheureux jusqu'à leur funeste destin. Ils n'avaient rien de coupables. Le plus éloigné était un homme politique, menteur. Le second, une femme accusée de sorcellerie, car elle avait survécue à son mari infidèle et violent, trouvant le bonheur.
Les deux suivants, eux, en étaient.
Je ne pouvais rien faire, ils étaient trop nombreux. Même en groupe, nous ne pouvions rien faire. Je ne pouvais plus qu'assister à tout ça, impuissant. On avait ligoté mes semblables d'épaisses chaînes en fer, les menaçait de torches, de tisons écarlates, de pistolets. Leurs bourreaux tiraient de façon régulière pour les maintenir faibles, les blessant aux jambes, aux épaules. Couverts de sang, de brûlures, les yeux exorbités, ils ne comprenaient qu'à peine ce qui était en train de se passer.
Les dents serrées, je ne détournais pas les yeux quand les bûchers furent allumés. Au bord de la nausée, j'entendais leurs hurlements de douleur résonner dans ma tête. Je pouvais sentir leur terreur et surtout la chaleur cuisante du brasier infernal qui léchait leur peau. Mes mains tremblaient, mes pieds me portaient à peine. En deux ou trois minutes à peine, leur supplice avait prit fin. Mais la foule ne semblait jamais satisfaite, toujours aussi assoiffée de vengeance et de colère. Il leur fallait retourner vider les maisons, fouiller chaque cave, chaque grenier, inciter à la délation, défoncer les portes des mairies, des tribunaux, abattre de sang froid les (rares) opposants, vider les prisons, les asiles...
Quelqu'un me bouscula, et je sortis de ma sidération. Six cent ans, il avait fallu six cent ans pour que j'assiste à ça. Paris s'effondrait de l'intérieur, en proie aux pogroms, la révolution ne faisait plus que gronder dans les rues, elle l'avait submergée. Il y avait même des enfants dehors, brandissant des fourches, des épées de bois, tous animés par le sentiment d'avoir été manipulés, tous en proie à une terreur indicible qu'ils n'avaient jamais osé imaginer.
Paris avait découvert son invasion secrète : dans leurs maisons dormaient des monstres de livres fantastiques. Et ces monstres s'en prenaient à eux. Nous avions tué, nous avions attirés l'attention sur nous, mettant en péril le précaire équilibre que j'avais tenté de maintenir. La foule voulait nous éradiquer, comme des nuisibles. Je ne pouvais leur en vouloir, je comprenais. J'avais seulement espéré que tout ceci n'arrive que plus tard... ou jamais.
Un homme avait grimpé sur un lampadaire et se mit à scander, avant d'être reprit par la foule.
« Attrapez les vampires ! Brûlez-les tous ! Justice pour nos frères et sœurs morts ! »
C'était ma faute, ce fut ma faute à l'instant même où elle avait croisé ma route...
A suivre...
Oh wow, ce prologue nous plonge directement dans l'ambiance, j'étais même déçue d'arriver si vite à la fin de la page XD
ça fait toujours son petit effet quand un personnage annonce directement que "tout est de sa faute" huhuhu...
Merci pour ce prologue !
Jolie plume =) La scène est immersive, tout comme les tripes nouées de la malheureuse spectatrice de cette exécution. J'aime bien le fait que l'élément fantastique - et raison véritable de la mise au bûcher - n'arrive qu'à la fin du prologue. Tout du long, on est surtout pris par la force de la scène de foule. Histoire prometteuse, avec cet encrage historique. J'étais d'ailleurs étonnée de lire une scène de bûcher en 1900, mais avec l'info finale on comprend mieux ^^
Très bon premier chapitre, on est directement plongé dans l'ambiance, l'action ne perd pas de temps. Le mélange entre roman historique et fantastique avec les vampires est très intéressant.
Le style est maîtrisé et agréable à suivre. On a envie d'en avoir plus.
Mes remarques :
"qu'il n'y ai plus que le silence," -> ait ?
"que plus personne n'ait peur." -> aie ?
"leur supplice avait prit fin" -> pris
Je continue ma lecture.
J’aime beaucoup ce mélange de révolution qu’on pourrait connaître comme historique, et le côté fantastique qu’on sent derrière avec les vampires, la magie, qui semble plus réelle qu’on ne le croit. C’est typiquement ma came de lecture alors je vais aller poursuivre tout ça !
Ce que je recherche surtout dans une histoire c'est d'arriver à me projeter et, si possible, ressentir ce qu'on peut ressentir (par les personnages principaux ou autre).
Cela fait le job nickel pour moi. J'arrive à me représenter dans ma tête l'image de ton prologue. Il installe bien l'histoire pour la suite. J'ai pas lu la suite mais vu que je m'imagine déjà des hypothèses, j'ai plus qu'à !
Bien que la lecture soit très agréable, juste attention aux petites fautes d'orthographe. C'est pas du tout méchant, loin de là !
Au plaisir !
KP
C’est un texte très réussi : il ouvre de belles perspectives, tu nous permets de faire connaissance avec ton narrateur tout en ne dévoilant pas trop de choses, juste assez pour nous donner envie de lire la suite.
Par contre j’ai eu du mal à comprendre dans quel lieu et à quelle époque cela se passe : on dirait l’époque moderne mais cela aussi fait penser à la Révolution. Mais j'aime beaucoup ce mélange d'époque.
Ton style est riche et fluide en même temps. Grâce à tes mots, j’arrive à visualiser la chaos, les cris, l’odeur des flammes.
J’ai vu quelques maladresses d’expression : « je ne détournait » --> détournais
« Au bord de la nausée, les hurlements de douleur résonnaient dans ma tête" --> La tournure ma parait maladroite car "au bord de la nausée" devrait s'appliquer au narrateur. Tu peux peut-être tourner ta phrase ainsi par exemple : « au bord de la nausée, j’entendais les hurlements qui résonnaient dans ma tête ».
Bravo ! Je vais continuer à lire avec intérêt.
hé bien punaise, merci beaucoup pour ce commentaire hyper encourageant et pour les remarques! C'est toujours très bon à prendre! Effectivement, je ne m'étais pas posée la question du ressenti pour l'époque. Vu que c'est une réécriture du roman que j'ai déjà terminé (et pour lequel il manque des choses) j'avoue que j'ai sûrement zappé des détails comme ... préciser le lieu et l'endroit ^^'
je vais corriger tout ça et encore merci pour ton commentaire, j'espère que la suite te plaira!