Une goutte de sang quitta la lèvre fendue du jeune homme et alla s'écraser sur la table luisante dans un clapotis insonore et invisible.
— Et qu'est ce qui vous fait croire que je sais quelque chose là-dessus?
Marcus n'eut pour toute réponse qu'un autre crochet dans la mâchoire. La douleur irradia son os comme un frisson dévorant et se propagea dans son crâne.
Cet interrogatoire commençait à traîner, et les deux agents qui lui faisaient face depuis maintenant de nombreuses heures, commençaient à montrer leur perte de patience. Plusieurs heures, que Marcus avait passé menotté à cette chaise en acier. La sueur s'accumulait sur son front, même si la pression avait fait peu à peu place à l'abattement et à la provocation, tout comme le goût métallique caractéristique envahissait maintenant sa bouche.
Le jeune homme était confiné dans une salle lugubre, sans vie, mais ce n'était de tout façon pas son utilité première. Faiblement éclairée, la pièce avait la particularité d'être composée uniquement de surfaces réfléchissantes. Une table métallique, des murs luisants de carreaux clairs, des chaises d'acier presque chromé, et une immense vitre noire et teintée. Tout cet agencement reflétait tant ce qui lui faisait face, que la salle semblait parfois rétrécir à vue d'œil autour du prisonnier, dissimulant les deux tortionnaires dans l'ombre. Seuls demeuraient dans l'immense paroi de verre les images de la lumière ténue, de la table marquée de la tache écarlate qui désormais existait au milieu de tout ce métal si parfait, et le reflet aux yeux verts de Marcus.
Piètre reflet.
L'on devinait à peine un homme émacié, n'atteignant même pas la trentaine, au visage passablement abimé, et arborant des cheveux châtain clair, couverts de pellicules tombantes. Une "malédiction" dont Marcus n'était jamais arrivé à se débarrasser.
Celle-là et une autre.
Il fut tiré de ses reposantes rêveries par un dossier claquant sur la table. Les fédéraux fulminaient, avaient passé en revue toutes les possibilités pour le faire parler. Il ne leur restait plus que la violence, si ce n'est des poings, celle des mots.
Ils lui montrèrent à nouveau des fichiers classés top secret – auxquels son échec à les dérober lui avait valu cette détention – lui firent défiler des images, des photos, parmi lesquelles il s'en trouvait que Marcus aurait souhaité ne plus jamais revoir.
Les mots "Agent 01" accompagnaient un cliché en nuances de gris dépeignant un homme d'à peu près l'âge qu'il avait aujourd'hui, les cheveux plus longs et mal peignés, et pourvu d'une barbe naissante à peine discernable. Son visage était comme son regard d'un air sévère, et affichait des traits prononcés.
— Tu le connais? demanda sèchement un des deux agents.
Bien sûr. Après de longues heures de martelage physique et mental, il ne pouvait plus le cacher aussi efficacement. Sa tête fit non même si ses yeux, eux, répondaient par l'affirmative.
Le second tortionnaire, aussitôt dénommé Jonas par son équipier, lui asséna un énième direct, décidément sa seule méthode d'expression. Marcus avait déjà compris au bout d'une heure d'interrogatoire musclé, les deux hommes ne le lâcheraient pas. Son aptitude à demeurer discret avait sans doute été mise en évidence par ses bourreaux, et ceux-ci ne laisseraient pas à leur victime la moindre opportunité de s'en tirer.
— J'ai percuté, reprit l'agent fédéral qui maniait les mots, rien de tout cela n'est du hasard. Tu cherches cet homme, cet "Agent 01" et à mon avis ce n'est pas juste pour son cadeau d'anniversaire. Si tu te mets à parler, nous arrêterons immédiatement ce mauvais traitement, que Jonas peut continuer à exercer pour encore très, très longtemps. Cela ne dépend que de toi. Que t'a-t-il fait, Marcus? Il n'a pas voulu partager son dessert? Il s'est tiré avec ta copine?
À ces mots, la douleur de Marcus s'évanouit pour laisser place à une rage bouillonnante. Il baissa les yeux et serra les dents. Le jeune homme ne voulait plus qu'une chose, que son interlocuteur arrogant la ferme une bonne fois pour toute. Il ne savait rien de ce qui s'était passé.
Le fédéral se pencha en avant, croisant les bras sur la table dans un cliquetis métallique, alors qu'il dévoila à la lumière le sourire goguenard de celui qui a touché un nerf sensible.
Evidemment. Marcus le savait, il serait perdu, tôt ou tard, mais ce moment approchait à grands pas. Plus question de jouer à ce petit jeu éternellement. Il lui restait une carte dans sa manche, mais il allait lui falloir gagner du temps.
— OK, très bien, vous voulez une histoire? Vous allez l'avoir.
Oui, il est là pour ça, c'est le côté "agréable" de l'histoire! Tout gentil! ;)
Le agréable entre parenthèse me fait un peu peur mais soit !
C'est très prenant. C'est difficile d'écrire ce genre de scènes sans tomber dans un classicisme absolu. Un bougre torturé par deux bourreaux, des affaires secrètes. C'est vraiment courant et pourtant, je trouve que tu t'en sors très bien. Le point de vue de Marcus livre juste assez d'infos et donne envie d'en savoir plus sur lui.
À côté de ça, ton vocabulaire est riche et bien employé, le récit est, en lui-même, vraiment agréable à lire. J'apprécie aussi que Marcus ne soit pas nécessairement *ce* gars musclé avec une belle gueule qu'on fracasse sans l'amocher. Non, il est abîmé, très maigre, et a même des pellicules. Tout ça le rend humain et attachant.
Je me demande ce que réserve la suite, si on va sortir du cadre que tu poses ou si cette atmosphère va s'affirmer. Je suis curieuse, hâte d'en voir un peu plus avec les prochains chaps/épisodes. :)
En tout cas merci pour ton commentaire, ça fait super plaisir de le lire!
À bientôt!^^
Je partage l'avis de Saltimbanque sur le côté intrigant.
On ne sait pas pourquoi le mec s'est retrouvé là, en mauvaise posture. C'est assez chouette d'ouvrir l'histoire sur une scène telle que celle ci. Ça ouvre plein de possibilité et d'interrogation.
J'ai pas spécialement relevé de fautes d'orthographes, même si bon, pour être honnête ce n'est pas ma spécialité ! rien qui pique les yeux en tout cas
Pour les dialogues, on pourrait rentrer dans un argumentaire sur les méthode d'interrogatoire. Bon flic, méchant flic etc.
Moi - mais ce n'est que mon avis, bien sûr - je les ai trouvé marrantes les interventions des agents. On peut te taper dessus et avoir de l'humour ! on voit bien le gros dur américain de la CIA ou autre faire des remarques hors de propos.
Ce que j'ai pas compris, c'est qu'ils ont un dossier - qu'il voulait leur piquer c'est ca ? - parlant d'un Agent 01 et qu'ils l'appellent "Cet agent 01". Ils ne savent pas non plus qui c'est ? enfin il faut laisser le temps au temps, on le saura j'imagine :-)
A bientôt !
Oui, c'est effectivement ce que j'avais souhaité faire, à la base, pour les dialogues, créer un décalage, et effectivement cela pourrait se défendre comme ça. Mais je vais plutôt me ranger à l'avis de Saltimbanque et considérer que j'en ai peut-être trop fait... Pour le coup, cela ne me paraît pas naturel.
Pour tes questions , oui, en effet, on le saura plus tard, puisque c'est un "angle" que je vais développer en parallèle à l'histoire qui va suivre. disons qu'ils s'amusent un peu avec lui^^.
Merci de ton avis, à bientôt! :)
J'ai bien aimé. De nombreux détails percutants (les surfaces réfléchissantes, la description physique du héros, les sons...) rendent le texte très vivant, agréable à lire.
Je note aussi de moments très bien écrits. Par exemple au tout début lorsque le héros reçoit un crochet à la mâchoire : on ressent vraiment bien la sensation du coup et de douleur, c'est très immersif, bravo.
J'ai surtout aimé les nombreuses interrogations qui parsèment le texte (la raison de sa présence, pk les surfaces réfléchissantes, son "plan" de dernière minute...). C'est bien dosé, ça donne envie de connaitre la suite.
Mon malus serait plutôt les dialogues. C'est rare, mais ça manque parfois de naturel. Par exemple, alors que les deux agents sont direct définis comme assez impitoyables et violents (ou plutôt très froids et professionnels on va dire, ils prennent l'interrogatoire trèèèèès au sérieux) j'ai trouvé certains de leurs remarques un peu... ridicules. "Que t'a-t-il fait Marcus ? Il n'a pas voulu partagé son dessert ?" ou alors "tu le recherches, à mon avis, par pour un cadeau d'anniversaire" : pour moi ce n'est pas très crédible. Les agents devraient être plus violents, plus méchants, plus retors : là on dirait un peu des attaques de collégiens pour moi.
Voilà. J'ai très envie de connaitre la suite. Continue !
Effectivement, je suis assez d'accord avec toi, plus je lisais ces dialogues et moins ça me semblait cohérent. Ton avis achève de me convaincre, je vais voir pour changer cela !
Merci en tout cas beaucoup de ton commentaire si rapide. Au plaisir de te relire !
Effectivement, je suis assez d'accord avec toi, plus je lisais ces dialogues et moins ça me semblait cohérent. Ton avis achève de me convaincre, je vais voir pour changer cela !
Merci en tout cas beaucoup de ton commentaire si rapide. Au plaisir de te relire !