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Le clocher du village voisin sonnait la sixième heure du jour dans le calme ambiant, tandis que le soleil levant baignait les blés d'un orange flamboyant. Les champs en face de moi étaient presque incandescents, les pâtures s'éveillaient lentement çà et là, de même que la ville qui me faisait face, à quelques kilomètres de là.
Aereth abritait environ trente mille âmes, dont les plus précieuses de notre Royaume ; notre roi Aindreas, le prince héritier Ailex ainsi que ses deux frères cadets, le prince Jemes et le prince Griffith.
Aereth était aussi réputée pour ses inventeur·ices, ses ingénieur·es, son avancée technologique par rapport à ses voisins – et cela se ressentait à chaque coin de rue. Pour autant, les vieilles pierres de la cité étaient toujours égales à elle-même, et ce depuis des siècles...
Pour ma part, je trouvais la cité fascinante, avec ses petites rues typiques, animées par les commerçants, les saltimbanques ; où résonnait le dynamisme de la vie, les jeux des enfants et les négoces diverses... Ah, le nombre d'heures que j'avais pu perdre à flâner par-ci par-là, explorant les endroits cachés, jusqu'à en connaître les moindres recoins ! C'était sans doute ce que je préférais faire quand j'étais plus jeune.
Aujourd'hui, mes balades avaient perdu un peu de leur saveur ; je connaissais les entrailles d'Aereth par cœur et mes déplacements me faisaient toujours souffrir atrocement.
Ceci expliquait sans doute pourquoi je m'étais réinstallé sur les terres familiales, à quelques kilomètres de là. Loin de l'agitation, des tentations, quelles qu'elles soient... Je possédais une ferme, quelques terres cultivables par les paysans du coin, des parcelles de forêt à proximité, en plus d'un patrimoine familial conséquent. Ce qui était amplement suffisant pour vivre.
J'aimais les plaisirs simples comme contempler l'immensité du Royaume, la caresse de la brise fraîche du matin et du soleil levant, partager un bon repas avec mes ami·es, parcourir la forêt ou les environs à dos de cheval, à défaut de pouvoir le faire à pied.
Cependant, mon moment préféré était sans doute celui-ci, où j'admirais la vue avec les mêmes yeux émerveillés que l'enfant que j'avais été... Je le gardais jalousement pour moi seul, ne désirant le partager avec personne sur cette terre – du moins, personne de vivant.
Je frissonnai soudainement.
Les températures se rafraîchissaient sérieusement ces derniers jours ; peu à peu la saison du soleil laissait place à la saison des neiges. Même si les courants d'air de ma vieille ferme allaient sans doute réveiller une douleur particulièrement sensible dans ma jambe, j'appréciais la saison froide.
Surtout depuis que je n'étais plus Dragonnier, que je n'avais plus à parcourir les cieux ou monter la garde par ce froid glacial ! La retraite avait ses bons côtés – parfois.
Je soupirai.
Si je devais être totalement honnête, je devrais avouer que je m'ennuyais à mourir. J'étais jeune – vingt-cinq ans à peine – j'imaginais que c'était normal...
En moi brûlait l'envie de relever des défis, de trouver quelque chose pour canaliser cette énergie vigoureuse – mais elle était aussitôt refroidie par la dure réalité ; physiquement, je ne suivais plus.
Puis j'estimais amplement mériter cette prison physique.
Ma carrière de Dragonnier avait pris fin quatre ans auparavant, brutalement, sans que je ne sois préparé à cela... Ni aux circonstances dans lesquelles cela s'était passé.
Penser à cela me peinait, me faisait me sentir coupable. Naïvement, je pensais qu'avec le temps, le poids serait moins lourd à porter, que ça passerait... Mais ce genre de blessure ne guérit jamais vraiment, peu importe que l'on lutte contre.
Alors, doucement, mais sûrement, Elioth Le Rouge s'était laissé embourbé dans la routine déprimante, sans même s'en rendre compte...
Tout le monde voyait en moi le fils de Dragonnier·es de Légende, décoré·es pour avoir sauvé le Royaume lors de la dernière bataille en date – en réalité, j'étais juste un fantôme mélancolique inutile qui essayait de garder la tête hors de l'eau, de vivre avec son passé, sans y parvenir...
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Je suis très contente de voir une histoire LGBTQ+ sur plume d'argent, c'est assez rare. Tu as une très belle écriture, et on sent directement la profondeur du personnage à travers ton récit.
Eos.
Bonjour ! Alors, je démarre la lecture de "Dragonniers", et je pense que "perdre", dans le passage ci-dessus, n'est pas le terme le plus adéquat. En effet, il s'utiliserai selon moi, plutôt si flâner dans les rues de la ville était une activité barbante pour le personnage, au sens stricte du terme "une perte de temps". Or ici c'est tout à fait le contraire donc je me serai contenté de "passer".
Sinon, tout comme SybelRFox, c'est le tercet : couverture, synopsis, romance MxM qui m'a amené ici (plus un bonus dragonnoïde 8D).
Ce prologue a le mérite de planter le décor et d'introduire le héros, qui semble bien mélancolique!
Sur le style n'hésite pas à nous plonger à fond dans le ressenti de ton personnage, la manière dont tu racontes les choses peut parfois sembler détachée. Par exemple sur "Tout le monde voyait en moi le fils de Dragonnier·es de Légende", pourquoi ne pas insérer un dialogue direct avec un habitant de la ville pour nous montrer la manière dont on s'adresse à ton personnage ?
"mes déplacements me faisaient toujours souffrir atrocement" : c'est une douleur physique ? J'ai eu un moment de doute, il pourrait être intéressant de détailler davantage ce qu'il ressent.
"C'était sans doute ce que je préférai faire quand j'étais plus jeune." : juste une petite coquille ici, "préférais" avec un s puisqu'il s'agit plutôt d'un imparfait.
En tout cas, vivement les dragons :D
Merci pour ton retour, je vais corriger la faute x)
Ces éléments viennent dans l'histoire à proprement parler et pas forcément dans le prologue x)
Tu me diras si tu continue de lire en tout cas :)
Haydn