L’histoire héritée par la transmission orale est incomplète. Quantité d’informations sont perdues ou reformulées de bouche-à-oreille. Il est difficile d’établir des certitudes quand les évènements ne sont pas retranscrits par écrit et authentifiés.
Les anciens prennent à cœur leur rôle de passeur de mémoire. Ils racontent l’histoire du pays aux jeunes autour du feu des veillées. Ils commencent leurs récits par des formules mystérieuses : « La légende raconte que… » ; « Il y a bien longtemps… », les flammes se reflètent dans leurs yeux savants, cela émerveille les enfants, qui s’endorment ensuite la tête pleine d’images fabuleuses.
Il y a toujours un fond de vérité dans ces légendes, mais l’essentiel en a été oublié. Elles servent de morale pour apprendre à bien se comporter, ou pour prévenir des dangers. Ceux qui n’ont pas accès aux livres et à l’apprentissage de la lecture ne possèdent que des fragments de leurs propres racines. Ils sont privés de sources fiables et peuvent douter de la neutralité ou de l'interprétation de l'orateur.
Ainsi est transmis qu’avant les hommes, les magiciens régnaient sur le pays de Méromaï. Ces personnages doués de dons se fondaient dans la nature sauvage. Ils ne craignaient ni les bêtes féroces, ni les dangereux marécages apportant les moustiques et la maladie, ni la nuit noire qui empêche l’homme prudent de poursuivre son chemin une fois le soleil couché.
Les premiers rois auraient apporté la paix à cette terre hostile, la rendant agréable à parcourir, la débarrassant des créatures qui jadis la peuplaient. Ils permirent ainsi aux jeunes générations de s’épanouir dans le confort d’un foyer, sous la protection d’hommes vaillants, nourris par de courageux travailleurs de la terre. Ces premiers habitants de Méromaï œuvraient pour le bien commun, sous l’égide de monarques aimant profondément leurs sujets.
Il n’en est rien. Nul ogre ni chimère n’a jamais foulé ce pays. La magie est pourtant intrinsèquement liée à ce territoire, née quand il était vierge de toute invasion. Les dons se sont développés chez les hommes arrivés de la mer par la consommation de l’eau, des fruits, des plantes, des animaux… Cette magie vit en chaque être de Méromaï. Elle coordonne ce monde et y crée l’harmonie. L’homme n’est ni végétal, ni totalement animal, il est un réceptacle, une coupe vide que la magie peut remplir.
Ce don diffère en fonction des régions du pays, il s'adapte à son environnement. Le milieu forestier a fait naître la magie verte, les hautes montagnes la magie rouge. Ces magies primaires ont évoluées au contact des hommes . Ainsi la magie bleue permet de guérir, quand la magie jaune sert à réinventer la matière, pour imaginer et construire de grandes cités protectrices. Les derniers dons ont répondu à ce besoin de l’homme d’élever son esprit : la magie orange pour la spiritualité et la violette pour la compréhension des autres et de soi-même.
Jamais les couleurs ne se sont mélangées naturellement. Chacun garde sa propre habileté et est apte à la transmettre par l’hérédité. Certains talents se montrent ténus, d’autres grandioses. La magie est imprévisible et façonne le destin des hommes.
Les plus grands parmi les magiciens vivent encore dans la mémoire commune. Tant que leur souvenir reste vivace, ils n’ont pas totalement quitté ce monde. Leurs noms deviennent des symboles et sont encore donnés aux nouveau-nés, dans l’espoir qu’ils insufflent leur sagacité aux enfants. Mais un nom de magie est unique et ne doit pas être transmis.
Il existe un moyen plus pérenne de s’accrocher à cette terre. Un pont entre ici et là-bas. Il fut trouvé par les Illustres, ceux qui restent dans cet entre-deux, et avec qui nous pouvons communiquer.
Peu importe la grandeur des rois, ils passeront rapidement dans le ciel de Méromaï, tels des nuages poussés par le vent, mais nous, magiciens, nous pouvons, j’en suis sûr, trouver la voie de l’immortalité. Ainsi, nous maîtriserons l’ambition des simples hommes et leur prétendue domination sur notre peuple. Car ils ne connaissent pas la voix des arbres, ne savent pas guérir les maux qui les touchent, ni parler avec leurs ancêtres. En ça, ils nous sont inférieurs. Ils sont imparfaits et ne peuvent vivre en communion avec ce monde comme nous le faisons.
Le plus grand des magiciens sera celui qui de toutes les couleurs ne fera qu’une. Je serai cet homme-là. Ce nouveau pouvoir sera un phare qui éclairera notre navigation vers la perfection. Je serai un guide, comme le premier Illustre, un marqueur du temps. On se souviendra de mon passage sur cette terre. Ces pérégrinations me mèneront sur la voie d’une vie éternelle plus tangible que celle des arbres de couleurs. Je serai un inspirateur. Tous chercheront mes conseils et mon héritage.
Parchemin de la bibliothèque de Frior : Premières recherches sur la magie blanche.
J'ai découvert ton prologue avec beaucoup de curiosité et de plaisir. Avoir choisi le contenu d'un parchemin est une bonne idée!
La magie et ses couleurs... Les couleurs ne sont-elles pas magiques déjà en soit? ;-)
C'est original ! On se demande déjà qu'elle serait notre couleur, notre don.
Avec mes encouragements,
Ella Palace
J'ai lu ton prologue, et... je suis simplement émerveillée. Je trouve que ta plume est fluide, harmonieuse, riche en vocabulaire et qu'elle sait nous emporter dans ce monde magique. Je compte bien lire la suite de cette histoire, qui m'a l'air vraiment bien !