Extrait télévisé – ABC News
27 mars 2030 :
« — Voilà des mois que vous nous alarmez sur la possible disparition des abeilles, monsieur Lancy. Où en sommes-nous à ce jour ?
— La situation est plus qu’alarmante. Ce n’est désormais plus qu’une question de semaines avant leur extinction, et ce malgré mes précédents avertissements. À présent, avec leur disparition, c’est toute la chaîne alimentaire qui risque de s’effondrer également. »
Bâillement faiblement dissimulé par une main de la journaliste. Un sourire en coin est échangé avec le caméraman.
« — Avez-vous trouvé un moyen de pouvoir les remplacer ?
— Non, pas pour le moment. Polliniser nous-mêmes les végétaux serait un travail laborieux pour pouvoir subvenir aux besoins de la planète et de ses 8,5 milliards d’habitants. »
Silence. Zoom sur le visage fatigué et cerné de l’entomologiste.
« Et combien de temps croyez-vous que l’homme puisse survivre dans ces conditions ?
— Il ne s’agit pas que de l’homme. Mais de toutes les espèces qui vivent sur cette planète. À compter du moment où les abeilles auront toutes disparu, si nous ne faisons rien pour préserver notre futur, la Terre subira des changements irréversibles dans les cinq à dix prochaines années… Et tout le monde n’y survivra pas. »
Extrait de messages privés – WhatsApp
28 mars 2030 :
Jennie : « Les filles, vous avez vu le reportage d’Ethan Lancy à la télé ? »
Lucy : « Ouais, mes parents n’en croient pas un mot. »
Jennie : « Ma mère aussi, mais ce n’est pas la première fois que je le vois. Et s’il disait vrai ? Je devrais peut-être faire un stock de provisions au cas où. »
Sarah : « Tu crois qu’on devrait s’inquiéter à ce point ? Ce n’est pas exagéré ? »
Jennie : « Je n’en sais rien… Ce scientifique me paraissait vraiment sincère. »
Lucy : « Qué mierda… »
Sarah : « Au fait Jennie, tu as raté un magnifique baiser entre Marco et Lucy ce matin ! Que Dieu la pardonne pour cet échange à en faire rougir des nonnes, c’était vraiment torride ! »
Lucy : « Sarah, je vais te tuer ! »
Extrait télévisé – NBC News
16 mai 2030 :
Journaliste qui se rue auprès d’un homme blond. Caméra légèrement secouée par la course.
« — Monsieur Lancy, un mot pour NBC News s’il vous plaît ! D’après vos dires, les abeilles nous ont toutes quitté. Est-ce bien vrai ? »
Yeux rouges du scientifique qui se relèvent doucement.
« — Je vous serai reconnaissant de me laisser en paix. Je suis un homme en deuil. Nous devrions tous l’être. »
Extrait de messages privés – WhatsApp
19 mai 2030 :
Sarah : « Comment ça, tu ne viendras pas ce soir ?? Mais on devait se marrer devant la télé et s’échanger les derniers potins ! »
Jennie : « Ne m’en voulez pas les filles, mais je n’ai pas l’impression que vous preniez réellement conscience de ce qui se passe autour de nous. Désolée si je n’ai pas la tête à des soirées pyjamas, je pense qu’il y a plus important. »
Lucy : « Jennie, est-ce que tu vas bien ? »
Sarah : « J’ai dit quelque chose de mal ? »
N°7 des tendances YouTube – Honey, I need you ; Brook Daniels
21 mai 2030 :
Commentaire de @jennibee : « Heureuse de constater que je ne suis pas l’unique personne affectée par l’actualité. »
Extrait télévisé – Fox News
15 août 2030 :
« C’est l’actualité du jour : les prix de plusieurs produits alimentaires grimpent, et ce n’est pas près de s’arrêter. Voilà le message que nous font passer les enseignes de supermarchés depuis quelques semaines, et cette tendance est générale : l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture déclare elle-même que les tarifs alimentaires mondiaux ont atteint des records que nous n’avions pas vus depuis des années. En cause, de mauvaises récoltes pour les agriculteurs, l’augmentation des engrais, des pesticides ou des transports. Enquête auprès d’un fermier dans l’état d’Oklahoma. »
Extrait de messages privés – WhatsApp
7 octobre 2030 :
Sarah : « Jennie, on vient d’apprendre pour ta mère… Réponds-nous s’il te plait, ça fait une semaine qu’on ne t’a pas vu, on s’inquiète vraiment pour toi. Lucy est passée à ton appartement, sans succès. Rappelle-nous, tu n’as pas à supporter ce poids toute seule. »
Extrait d’un appel téléphonique
12 octobre 2030 :
Bip. Bip. Clic.
« — Allô ?
— Oui, Sarah, c’est J…
— Jennie ? Oh mon Dieu, Jennie c’est toi ? Où es-tu ? Est-ce que tu vas bien ? On s’est fait un sang d’encre pour toi ! On a appris ce qu’il s’est passé dans le Baltimore Sun…
— Je vais bien, Sarah. J’ai dû changer de téléphone, l’autre s’est cassé dans l’accident. Je suis en Islande actuellement et…
— En Islande ?! Mais qu’est-ce que tu fiches là-bas ? Tu entends ça Lucy, elle est en Islande ! »
Cris et questions de Lucy en fond.
« — Mais comment veux-tu que je le sache, je viens de décrocher, je te signale ! Jennie… et les cours, alors ? Et ta vie à Baltimore ?
— Je suis désolée les filles, mais j’avais besoin de tout quitter. Cela faisait un moment que j’y pensais, avec tout ce qu’il s’est passé dernièrement. Mais la mort de maman… »
Déglutition difficile.
« C’était la goutte d’eau de trop. Je devais partir et changer d’air. »
Respiration haletante au bout du fil.
« — Mais quand rentres-tu ?
— Je ne sais pas. J’ai suffisamment d’argent pour voyager durant des mois autour du monde. Je reviendrai quand j’aurai vu ce que j’ai à voir, je suppose. »
Voix de Jennie tremblante.
« — Jennie…
— Vous me manquez tellement. Je sais que les prochaines semaines sans vous seront difficiles…
— Jennie…
— Quoi ?
— Sèche tes larmes. »
Reniflements au bout de l’appareil. Bruit de manche qu’on frotte sur le visage.
« — Profite de ton voyage à fond. Prends des photos avec les yeux et le cœur. Et appelle-nous souvent !
— Promis. Je vous aime les filles.
— On t’aime aussi. »
Bip. Bip.
Carte postale en provenance des Météores – Grèce :
22 novembre 2030 :
« Le temps est doux ici. Je vous écris face aux monastères des Météores ; la vue est incroyable et le coucher de soleil inoubliable. Je ne peux pas en dire autant de la nourriture, ici aussi ils ont l’air de rencontrer des difficultés d’approvisionnement.
Je pense bien à vous, vous me manquez. Bisous.
Jennie. »
Extrait télévisé – MSNBC
12 janvier 2031 :
Fondu sur une foule en colère. Des voix étrangères hurlent d’indignation. La caméra zoome sur des visages inquiets et furieux.
« La situation s’est dégradée à New Delhi ces derniers jours. Des milliers de personnes se rassemblent dans les rues et certaines images témoignent d’une violence grandissante. »
Enchaînement de photos et de fragments de vidéos à l’écran. Coups de poing échangés dans la cohue. Poubelles enflammées. Échanges verbaux entre policiers et citoyens. Fondu sur une demoiselle aux cheveux de jais. Zoom sur son sac à dos. Glissement de la caméra vers son visage effrayé.
« En effet, Tom, ces manifestations ne sont parties de rien et gagnent pourtant le pays entier désormais. Face à la crise alimentaire mondiale, des gens meurent de faim chaque jour et le gouvernement indien ne semble pas réagir. Nous en reparlerons en détail, juste après cette courte pause de publicité. »
Extrait des haut-parleurs de Wellington, Nouvelle-Zélande
15 février 2031 :
« — Il est 7:00 pm. Il est recommandé à tous de rentrer chez soi dès maintenant avant que la nuit ne tombe. En raison du couvre-feu, nous vous rappelons que pour la sécurité de tous, chaque personne interceptée se verra immédiatement amenée au poste de police le plus proche. »
Extrait de messages privés – WhatsApp
10 mars 2031 :
Jennie : « La situation dégénère vraiment ici, à Lima. Je n’ose plus sortir dans la rue, les gens sont fous. J’ai lu dans un article que les autorités locales me conseillent de retourner aux États-Unis. Je vais prendre un avion pour Baltimore, dès que possible. J’en ai vu suffisamment, il est temps de rentrer à la maison. »
La forme ajoute encore à l'angoisse qui monte peu à peu, j'aime beaucoup cette façon de nous immerger dans l'événement.
En conclusion, un bon début et une entrée en matière qui promet pour la suite. Je ne manquerai pas d'y revenir.
Hâte d'obtenir tes prochains retours !
Bonne journée à toi !
La suite sera postée ce soir ou demain ^^ J'espère que les prochains chapitres plairont autant !
Ton récit me fait penser à "Tous à Zanzibar" de John Brunner : même procédé narratif à base d'extraits de journaux télévisés, de dépêches etc. autour d'une trame classique. Et comme toi, Brunner alertait dès 1968 du danger qui menacait le monde... mais en 2010 ! Finalement ça montre bien que les écrivains sont des Cassandre destinés à ne jamais être pris au sérieux.
Continue ainsi, ton texte est très intéressant.
Attention à ton accroche avec les deux "font" : "ils font tous deux font le choix".
Merci pour ton commentaire (et pour la coquille qui était passée à la trappe ; c'est modifié !)