Blotti contre sa mère dans la station de métro de Piccadilly Circus, Julian Marlowe entendit un murmure s'élever alors que des bombes allemandes tombaient juste au-dessus de sa tête. Aucun autre londonien réfugié dans l'abri antiaérien ne réagit à ce chuchotement, harassé par la peur constante des alertes et du black-out. Cela faisait trois mois que les bombardements se succédaient et le petit garçon lui-même continuait de trembler comme s'il s'agissait du premier.
« Dors, mon chéri, dors, » ne cessait de le bercer sa mère. Ses paroles sonnaient comme un sortilège, une incantation pour chasser l'ombre des avions ennemis. Julian ferma les yeux, mais les rouvrit aussitôt quand les murs se mirent brusquement à trembler. Ses mains s'agrippèrent plus fortement au manteau de sa parente, son souffle s'accéléra et des larmes perlèrent sur ses joues.
Et si tout s'écroulait ?
Le vacillement des lumières lui fit peu à peu comprendre que l'ennemi se rapprochait. Il voulait fuir, fuir le plus loin possible de toute cette horreur, de toute cette souffrance. Mais en plein cœur de la capitale bombardée, le petit garçon était fait comme un rat, comme tous les autres londoniens présents dans ce souterrain.
Les paupières se fermèrent malgré le tumulte des explosions. La mère de Julian elle-même tomba progressivement dans les bras de Morphée. Bientôt, il resta seul éveillé, incapable de lâcher prise face à l'effroi qui lui lacérait la poitrine.
Quoi de plus normal pour un enfant en temps de guerre.
Alors que tout le monde dormait, Julian entendit le murmure pour la seconde fois. Un murmure aussi léger qu'un courant d'air, mais aussi chaleureux que pouvait l'être une berceuse.
Au début, il préféra l'ignorer, ne sachant si cela le rassurait ou l'effrayait. Puis le courant d'air prononça son nom. Intrigué, le petit garçon se leva sans faire de bruit et tendit l'oreille. Le murmure s'était éloigné comme pour l'inciter à le suivre. Ses petits pas résonnèrent jusqu'au bord du quai, jusqu'à ce qu'il sautât sur les rails. Il jeta un regard à sa mère au sommeil agité, comme il le faisait parfois quand elle le laissait à l'entrée de l'école, puis il s'engagea dans le tunnel où les ténèbres l'engloutirent.
Il remarqua plusieurs fissures dans le mur de pierre. Celles-ci dégageaient une faible lueur qui s'intensifiait à mesure qu'elles se creusaient. Il les caressa du bout des doigts, puis le chuchotement s'intensifia pour devenir un air poétique étrange et enchanteur.
Les prunelles du petit garçon, qui jusque-là n'avaient connu que les bombes, s'éveillèrent brusquement d'une étincelle nouvelle : celle de la curiosité.
Il suivit les fissures jusqu'à ce que ses mains touchassent le bois millénaire d'une lourde porte. Julian n'en était pas certain, mais il pensait avoir marché assez longtemps pour parvenir à égale distance entre la station de Piccadilly et la suivante. N'importe qui aurait compris qu'il ne s'agissait pas d'une sortie de secours, ni même d'une porte ordinaire.
Les fissures animées de lumière plongeaient derrière la porte et produisaient une chaleur qui contrastait avec l'humidité du tunnel. Cela incita le petit garçon à caresser la porte jusqu'à ce que ses doigts rencontrassent le lourd loquet en fer forgé qui la maintenait fermée.
Il n'était pas sûr de vouloir savoir ce qui se trouvait de l'autre côté. Peut-être vaudrait-il mieux faire demi-tour, se blottir de nouveau auprès de maman en attendant que l'orage passe et prier pour être encore vivant le lendemain. Après tout, Julian n'avait rien d'un aventurier. S'engouffrer seul dans un tunnel obscur se révélait déjà un exploit suffisant.
Pourtant, un désir nouveau d'exploration l'habitait, comme si le murmure qui l'appelait l'avait ensorcelé.
Alors le petit garçon tira sur la chevillette et la bobinette chut.
Il franchit le seuil et fut plongé dans un bain de lumière qui l'aveugla. Quand enfin il parvient à voir ce qui se trouvait de l'autre côté, une étincelle nouvelle raviva ses prunelles. Pour la première fois depuis ce qui lui semblait une éternité, Julian ressentit l'émerveillement que tous les enfants connaissaient face à une découverte extraordinaire.
Car si d'un côté de la porte se trouvait un monde de bombes et de morts, de l'autre se trouvait la vie.
Chouette contraste entre cette réalité de pays en guerre, et la volonté de plonger dans un monde parallèle ! Ça rappelle un peu Narnia ou Peter Pan.
Après un prélude tout en poésie, un prologue tout en nuances.
Loin sous le blitz de la Bataille d'Angleterre, un petit garçon rêve tout éveillé d'un monde enchanteur qui aura peut-être tout pour nous enchanter ?
Comme les autres lecteurs avant moi, je m'imagine déjà portée vers Narnia.
Hâte de lire la suite !
Un début très sympathique, qui fait un peu penser au monde de Narnia. C'est agréablement écrit, j'ai hâte de lire la suite des aventures de Julian !
A bientôt
Encore une très chouette chute, pour l'instant tu maîtrises l'art du vas-y tourne la page (que je viens d'inventer^^). Dans ce début de chapitre, tu m'as ramené en enfance, avec le visionnage de Narnia, un des films les plus marquants que j'aie vu (tellement émerveillé la première fois), surtout que tu avais déjà fait une référence dans le prélude. J'ai noté quelques autres références dans ce prologue, notamment aux contes de fée.
Mes remarques :
"Ses mains s'agrippèrent plus fortement au manteau de sa parente," je ne sais pas si parente est le meilleur mot ici
"Puis le courant d'air prononça son nom." joli !
"Alors le petit garçon tira sur la chevillette et la bobinette chut." j'adore les petites refs que tu glisses ça et là
Je continue !!
Au départ, j'étais parti pour ne laisser un commentaire qu'à la toute fin de ma session de lecture mais... impossible de m'arrêter ici sans en laisser une trace.
Ce prologue était vraiment saisissant. Tu m'as transporté dans ton univers en deux secondes. On sent de suite l'horreur de la guerre, la terreur et les émotions fortes de Julian. J'ai réussi à avoir peur pour lui alors que... hé ! nous ne sommes qu'au prologue.
Et bien évidemment, la fin... Elle pousse hyper fort à la curiosité. Cette porte a l'air fantastique (dans tous les sens du terme). Une porte magique vers un monde meilleur ? Un monde en apparence meilleur mais qui ne le sera pas ? Un voyage dans le temps ? Passé ? Futur ? Monde parallèle ?
Mon degré de curiosité est au maximum !
A très vite pour la suite !
un début avec une intrigue qui pointe le bout de son nez, qui me laisse un peu sur la faim, mais facile à lire.
Cependant, sur le fond, j'ai eu un peu du mal à situé la corpulence, et la témérité, de l'enfant. Comme si c'était un alien qui évoluait à la seconde. Il est petit mais grand, il est peureux mais téméraire, il aime sa mère mais la laisse derrière, comme ensorcelé.
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Déroulé de mon imagination lors de la lecture:
1. Il est bercé par sa mère et décrit comme petit.
Donc je l'imagine petit et tenant dans les bras de sa mère, qui est débout ? assise ?
2. Il tremble sous les bombardements, pleure et agrippe le manteau de sa mère.
Donc je l'imagine peureux et de faible corpulence, comme sa mère semble le maitriser sans problème.
3. Tout le monde dort malgré les tumultes mais il reste éveillé et ne tremble plus. Et quand je lis, "Quoi de plus normal pour un enfant en temps de guerre.", je comprends que l'auteur me dit "crois-y!".
Donc j'imagine que l'enfant est sous le coup de l'adrénaline, et je suppose que la mère, et tous les autres adultes, sont exténués au maximum du possible.
4. L'enfant suit le murmure, saute du quai pour se retrouver sur le rails, PUIS jette un regard à sa mère, en référence au moment où il allait à l'école.
Donc j'imagine que l'enfant a subitement grandi, à la hauteur du quai. Aussi, Il est allé à l'école, donc sait s'exprimer, mais choisi de rester silencieux.
5. L'enfant prend la porte, après un petit paragraphe de remords et questionnements.
Donc j'imagine qu'il est simplement ensorcelé, ne contrôle pas ses actes et visions.
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Mon avis, purement subjectif et donc à prendre avec des pincettes, serait de tuer tout le monde sur un écroulement, plutôt que les faire dormir. Cela permettra de palier au fait que l'enfant ne parle pas, et que tous les adultes soient passifs, sans autres enfants. Par contre, cela changera la motivation de Julian à prendre la porte, de la curiosité à l'espoir, ou l'effroi.
En fait je ne sais pas trop jusqu'où je dois aller dans les précisions et les informations sur ce premier chapitre. Il en manque, c'est certains, mais comme je n'ai pas écrit la suite, je ne voulais pas trop en dire pour le moment et réajuster à la réécriture.
Tes doutes sur le faits qu'il soit oui ou non ensorcelé me font plaisir, parce que c'est un effet et un thème central dans le roman et je ne pensais pas qu'un lecteur pouvait ressentir ça dès le premier. À bientôt !
Pour le fond, je m'interroge sur la guerre, car c'est un sujet fort, et il n'était pas vraiment annoncé dans la présentation. Chez narnia, il y a ce même début, mais la guerre est un thème sous jacent à toute l'histoire.
Sinon oui bien sûr, les armoires magiques sont intriguantes, donc on veut savoir la suite ;)
Merci d'être passé me lire, ça me fait plaisir. :)
Comme je l'ai dit dans mon commentaire pour Gobbolino, ce chapitre I pourrait être considéré comme un prologue, donc le contexte de guerre n'est pas un thème sous-jacent à toute l'histoire. Elle joue cependant un rôle pour comprendre qui est Julian Marlowe. Mais pour cela, il faudra lire la suite ;) À bientôt.
Sur la forme, donc : on a un texte globalement fluide, mais quelques petites anicroches m'ont gênées à la lecture.
"Blotti contre sa mère dans la station de métro de Piccadilly," Alors au risque d'être reloue, la station de métro, dans notre monde, c'est Picadilly Circus.
Au passage, Julian Marlowe <3 excellent choix de nom. En référence au dramaturge ?
"mais les rouvrit aussitôt quand les murs se mirent brusquement à trembler. " Ici, tu peux faire l'économie de "brusquement", car c'est sous-entendu dans "se mirent".
"Ses mains s'agrippèrent plus fortement au manteau de sa parente, son souffle s'accéléra et des larmes perlèrent sur ses joues." Je suis gênée par le terme "parente" car techniquement, cela désigne une personne un peu plus éloignée dans la famille. Génitrice ?
"Les paupières se fermèrent malgré le tumulte des explosions.". Les possesseurs de ces paupières sont peu clairs, j'ai cru que c'était Julian.
Comme mots de liaison, tu utilises beaucoup "puis" et "jusqu'à ce que", il faudrait peut-être trouver des synonymes ?
"une étincelle nouvelle raviva ses prunelles." déjà utilisé pour la curiosité.
Sur le fond : encore une fois, un peu tôt pour se faire une idée, mais c'est intriguant. On commence dans un contexte sombre, on a une porte mystérieuse, un murmure entêtant et hypnotisant... Et une fin qui nous laisse en plan. Je me demande, cela dit : j'ai cru voir que le personnage principal était une femme. Du coup, est-ce que ceci est un prologue à la suite du premier prologue ?
Merci pour tes remarques de forme: il s'agit du tout tout premier jet et je n'ai pas encore vraiment décidé quel style j'allais donné au roman, ce qui amène à pas mal d'erreur. En termes de temps du récit, je suis à l'exact opposé de ce que j'avais fait pour mon autre roman, d'où je pense les formulation un lourde et les répétitions.
Tout à fait, ce chapitre pourrait être considéré comme un prologue, mais comme j'ai du mal avec le concept, pour l'instant c'est un chapitre 1. Merci pour ton retour et à bientôt !
Et aucun souci, c'était une question pour le prologue, mais effectivement, faut bien que tu vois où tu bas pour décider in fine, c'est normal. C'est aussi pour ça que pour le moment, j'évite de donner mon avis sur le fond, car je pense que lui aussi sera possiblement amené à changer au fur et à mesure que ta vision s'affinera.
Faut pas faire attention XD)