L’aéroport de Los Angeles est un tourbillon de bruits, de mouvements et de regards qui se croisent sans jamais se voir. Les valises roulent dans un bourdonnement incessant, les annonces résonnent dans les haut-parleurs, et les pas pressés des voyageurs résonnent comme une symphonie chaotique. Au milieu de cette agitation, je reste immobile, serrant mon sac contre moi comme une ancre. Mon regard est perdu, flottant dans le vide.
Je devrais être excitée, prête à embarquer pour un nouveau chapitre. Pourtant, tout au fond de moi, c’est tout sauf le cas. Une tempête silencieuse gronde, étouffant le moindre élan d’enthousiasme.
Je tourne les yeux vers Marina, ma mère adoptive. Elle se tient juste à côté, calme, comme enveloppée d’une sérénité presque surnaturelle. Ses yeux brillent d’une lueur douce, remplie d’espoir et de promesses silencieuses. Elle dit que ce déménagement à Newport Beach nous permettra de nous reconstruire, que l’océan, le soleil, et l’air marin apaiseront nos blessures. Mais comment les vagues pourraient-elles effacer cette douleur qui m’étouffe depuis la mort de mon père ? Comment l’horizon infini de Newport pourrait-il dissiper cette ombre qui m’accompagne à chaque instant ?
Je ferme les yeux, tentant de repousser les souvenirs qui s’invitent sans relâche : la maison vide, les rires qui ne résonneront plus jamais dans ses murs, le fauteuil de mon père, abandonné comme un écho silencieux de sa présence. Il ne reste plus rien. Seulement le vide, immense, insupportable.
— Tu es prête ? demande Marina, sa voix douce me tirant de mes pensées.
Sa question est simple, mais je perçois l’inquiétude qu’elle tente de dissimuler. Derrière ces mots se cache une question plus profonde — suis-je capable de recommencer ?
Je hoche la tête, mais en mon for intérieur, l’incertitude m’étreint. Mes yeux se posent sur l’écran des départs. Notre vol est annoncé. Le ciel de Newport nous attend, tout comme cette vie que l’on m’impose. Une vie sans lui. Une vie sans mon père, qui était ma boussole, mon point d’ancrage.
— Je ne sais pas si je peux le faire, Marina, murmurai-je, mes mots s’échappant avant que je ne puisse les retenir.
Ce départ, je l’ai voulu, en partie. Mais une part de moi savait dès le début qu’il ne suffirait pas à apaiser ma peine. Marina tourne la tête vers moi. Ses yeux, emplis de douceur et d’une compréhension incomplète, m’observent. Elle ne sait pas tout, ne peut pas tout comprendre. Mais elle essaie. Elle veut croire que ce changement nous sauvera.
Un dernier regard à cet aéroport, à cette ville qui a été à la fois refuge et fardeau, et les souvenirs affluent : les instants heureux, les éclats de rire, les dernières paroles de mon père. Tout se brouille. Et soudain, une question me hante : ce déménagement peut-il vraiment être un nouveau départ ? Ou va-t-il me forcer à regarder en face une réalité que je n’ai pas la force d’affronter ?
Je prends une grande inspiration. Le son d’une valise que l’on traîne à côté me ramène à la réalité. Marina pose une main légère sur mon bras, un geste empreint d’une tendresse silencieuse. Je la laisse me guider vers la porte d’embarquement.
— Tout ira bien, murmure-t-elle, mais ses mots ne résonnent pas en moi.
Nous montons à bord. Je serre un peu plus fort mon sac contre moi, comme si je pouvais y enfermer tous mes doutes, mes peurs et mes souvenirs. Le vol est court, mais chaque instant me semble suspendu entre deux mondes — celui que je quitte et celui qui m’attend. Newport Beach. Une ville inconnue, une nouvelle vie, des promesses encore vides de sens. Pourtant, quelque part en moi, une intuition m’habite : ce ne seront pas les vagues ou le soleil qui me guériront. Mais peut-être, juste peut-être, ce que je vais y découvrir sur moi-même.
Je n’ai aucune idée de ce qui m’attend. Mais, d’une manière ou d’une autre, je suis prête à le découvrir.