Prologue

Par Azurys
Notes de l’auteur : Bienvenue sur les hauteurs venteuses de Windrose.

Il marchait seul le long du promenoir de l’Aquilon, que le soleil aurait inondé de lumière si un essaim de grisaille ne l’avait pas retenu captif. C’était là une journée habituelle, que rien ni personne ne pouvait perturber.
  Les vagues frappaient la falaise en contrebas avec un acharnement sauvage. L’eau avait été remuée quelque part, là-bas en mer ; c’était ici qu’elle venait déverser sa fureur. Le plafond nuageux défilait à une vitesse affolante, à peu près dans tous les sens si tant est qu’on arrivait à en observer un point fixe. Et malgré tout ce mouvement, la grisaille était éternelle, et espérer une parcelle de bleu relevait de la démence.
  Des larmes lui échappèrent. Le vent le frappait de face, car il se tenait accoudé contre la balustrade, et ses rétines teintées de crème s’étaient protégées en conséquence. Un goût salé lui envahit la bouche, ses larmes précipitées par l’air cinglant directement entre ses lèvres descellées par le vent. Simple d’esprit, il ne se posait pas pléthore de questions comme ces illuminés de la capitale, postés sur les terrasses de leur académie, un livre noir d’annotations entre les mains. Il se contentait de regarder l’horizon : au loin, l’eau était si plate, si stable, alors que quinze mètres sous ses pieds un gouffre vers l’enfer se creusait puis se comblait, encore et encore.
  Ce qu’il prit comme un rayon de soleil l’éblouit le temps d’une seconde, peut-être moins. Ses muscles se raidirent, presque prêt à sauter par dessus la balustrade pour courir vers l’astre mais il se souvint : tant que l’atmosphère le permettait, le phare posté plus loin sur la côte faisait parvenir sa lumière jusqu’au manoir. Alors, déçu, il se détendait à nouveau, jusqu’à la prochaine instance de cette cérémonie.
  De sonore, il ne lui parvenait que l’acharnement des vagues, parfois les cris désespérés d’un oiseau emporté par la tempête perpétuelle. Il savait, en les entendant appeler à l’aide, qu’il les retrouverait une heure plus tard écrasés contre les pignons de sa demeure. Et quand bien même il souhait leur faire parvenir son aide, aussi sincère fut-elle, émettre un son relevait de l’impossible : à peine ouvrait-il la bouche que le vent gagnait sa gorge, retenant captive sa parole.
  A tout cela, il s’était habitué ; entre l’heure du thé et celle du déjeuner, il savait qu’il serait muet le temps d’une heure, et que cela se répéterait après le déjeuner, avant de dîner, et le lendemain au réveil. Il attendait, penché sur la balustrade, le son de la cloche que le majordome lui sonnait à chaque événement, comme il le fit à l’instant. Le bois coulissant s’écarta juste assez pour le laisser passer, il s’engouffra alors dans sa chambre et un ruissellement de pluie se déversa sur le sol.

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Rose de Givre
Posté le 19/10/2024
La présentation de votre texte m'a donné envie de la lire, elle semble faire état de tout ce que j'apprécie lire. Ce premier chapitre me paraît être de bon augure pour la suite, merci pour votre publication.
Azurys
Posté le 23/10/2024
Je suis ravi que ce prologue vous ait plu. L'histoire paraitra au rythme de un/deux chapitre par semaine, j'espère qu'ils seront à votre goût (: Merci pour ce commentaire !
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