On me dit toujours que l'herbe est plus verte ailleurs. Je n'en crois pas un traître mot.
Les gens souffrent, le monde souffre, mais la plus plupart d'entre nous vivions avec. En tout cas, moi, j'essaie.
Je me contente de ce que j'ai, des quelques roses de mon jardin qui, un jour, deviendra un champ rempli de couleurs.
Je m'en fait la promesse chaque matin, et chaque soir je me bats pour la respecter.
***
La nuit est tombée sur Toulouse. Il est vingt heures passées, la plupart des étudiants sont partis, se sont regroupés hors du campus, entre ami.e.s.
Moi je suis cachée dans le parking, mon couteau sur la peau, à graver et graver et graver encore. Graver quoi ? Ma souffrance. La psychologie ce n'est vraiment pas pour moi. Trop de sujets sensibles, trop tôt encore, je ne suis pas remise.
Je m'apprête à aller un peu trop loin quand j'entends soudain un bruit de pas. Je me relève brusquement et abaisse mon short en jean quand quelqu'un passe devant moi.
— Bordel, mais t'es qui toi ? Demande l'inconnu, surpris de ne pas être seul.
Je baisse les yeux sur mon couteau et aperçoit un peu de sang qui coule sur mes cuisses. Je réajuste mon short et lève ma tête.
— Juste un cauchemar, dis-je en serrant mon arme.
— Un cauchemar ? Il me sonde de ses yeux sombres et s'avance vers moi. Tu ne ressembles pas vraiment à un cauchemar, dit-il en faisant un pas de plus dans ma direction, ni à une étudiante assez stupide pour se balader seule la nuit.
— À oui ? Et que pourrais-tu bien me faire ?
Il fait un pas de plus dans ma direction, maintenant à quelques centimètres. Il est bien plus grand et imposant que moi.
— Je pourrais tout faire de toi, mortelle.
Je pars d'un rire éclatant, mais sans aucune once de joie.
— Eh bien fais-le, idiot. Je brandis ma lame sombre. C'est tout ce que je souhaite, ajoutais-je d'un air de défi.
L'inconnu fronce les sourcils et hausse la tête:
— C'est moi qui ai le contrôle, gamine.
— En es-tu sûr ?
Je comble les quelques centimètres de distance et vais pour placer mon couteau sur sa gorge, juste à côté de sa carotide. Sauf... qu'il se déplace bien plus rapidement que moi et me désarme avant que je ne puisse faire quoi que ce soit contre lui. Je suis si proche qu'il peut sentir le sang de mes jambes sur son pantalon.
— Sûr, il reprend. C'est la mort que tu recherches ? Demande-t-il en regardant ma lame ensanglantée, un sourcil haussé. Sauf que je ne te laisserai pas mourir avant de m'amuser un peu.
— De... t'amuser ? Un éclat du passé traversant mes yeux.
— Oui. Vois-tu, tu es bien jolie, et ça fait longtemps que je n'ai pas eu de petit animal pour jouer.
J'éclate de rire à ses mots, à la fois soulagée et intriguée.
— Je croyais que tu me parlais de sexe non-consenti. Bien que ça ne me fasse ni chaud ni froid, en réalité.
Il fronce les sourcils puis rit également tandis que j'en profite pour me dégager de sa poigne et ramasser mon arme.
— Tu n'as vraiment aucun instinct de préservation, petit animal. D'ailleurs, quel est ton nom ? Ou bien tu préfères « petit animal »?
— Ana, idiot.
Son regard se fait à la fois plus sombre et joueur.
— Qui traites-tu d'idiot, chou ? Je pourrais briser ta jolie petite nuque aussi facilement que je peux voler ton « arme ».
— Fais le, idiot, le défiais-je.
Un grognement animal retentit et, d'un coup, je me retrouve plaquée contre un arbre, ma bras armé collé entre ce dernier et le corps de cet inconnu.
— Tu as bien une attitude de gamine, ce qui n'est pas étonnant vu ta taille, chou...
— Ma... ? Je ne suis pas si petite, je m'énerve. Et puis, c'est moi qui ai le contrôle, je rajoute en empoignant son érection, un sourire en coin. D'ailleurs, quel est ton nom ?
Il déglutit, surpris par mon acte.
— Fais attention... tu joues avec le feu.
— Le feu, ça brûle. Et j'adore voir le feu brûler.
Je l'embrasse subitement, il semble tout d'abord quelque peu surpris, puis me plaque plus violemment contre ce foutu arbre et répond à mon baiser. Ash. Il s'appelle Ash. Tout du moins c'est ce que je crois comprendre entre deux morsures. Il essaie de se frayer un chemin entre mes lèvres, mais c'en est trop. Je le repousse tout aussi violemment qu'il l'a fait plus tôt, avec toute ma force. Je tente de reprendre mon souffle, les yeux dans le vide, tandis qu'il semble perdu.
— Ça sera tout pour cette fois, tranchais-je. À la revoyure, Ash.
Je ramasse mes affaires sur le sol et m'en vais avant qu'il n'essaie de me rattraper.